Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre des années 2013 à 2015.
Par un jugement n° 2103560 du 14 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 12 avril 2023 et 16 novembre 2023, M. B..., représenté par Me Ben Salem, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de prononcer la décharge de ces impositions supplémentaires, ainsi que des intérêts de retards et de la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue à l'article 1729 du code général des impôts ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- l'administration, qui n'a pas exercé son droit de communication auprès des fournisseurs de son entreprise, n'apporte pas la preuve que les dépenses d'achats de métaux ne constituent pas des charges déductibles ; son entreprise a effectué des achats auprès de particuliers ; l'administration ne justifie pas l'avoir mis en demeure de déclarer l'identité et l'adresse des vendeurs de métaux et le total annuel des achats effectués auprès de chacun d'entre eux ;
- elle n'était pas fondée à écarter les justificatifs d'achat de carburant produits ;
- ces frais de carburant, qui correspondent à la consommation réelle de carburant, sont déductibles ;
- la charge comptabilisée en facture non parvenue correspond à une prestation de retraitement de déchets effectuée par la société Véolia ;
- l'administration n'était pas fondée à mettre à sa charge des pénalités pour manquement délibéré.
Par des mémoires en défense, enregistrés les 17 octobre 2023 et 14 mars 2024, le ministre de l'économie, des finances et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Moya, premier conseiller,
- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'entreprise individuelle de recyclage de déchets, métaux ferreux et non ferreux et câbles exploitée par M. B... a fait l'objet d'une vérification de comptabilité qui a porté sur la période du 1er janvier 2013 au 31 décembre 2015, à l'issue de laquelle l'administration lui a notifié des rappels de taxe sur la valeur ajoutée et a rehaussé les bénéfices industriels et commerciaux tirés de cette activité. M. B... a été assujetti en conséquence à des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu au titre des années 2013, 2014 et 2015, auxquelles ont été appliqués notamment les intérêts de retard et la majoration de 40 % pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts. M. B... relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 14 février 2023 qui a rejeté sa demande tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti et demande en outre à être déchargé des intérêts de retard et de la majoration de 40 %.
Sur le bien-fondé de l'imposition :
2. Aux termes de l'article 39 du code général des impôts : " Le bénéfice net est établi sous déduction de toutes charges, celles-ci comprenant (...) notamment : / 1° Les frais généraux de toute nature (...) / (...). ". Si, en vertu des règles gouvernant l'attribution de la charge de la preuve devant le juge administratif, applicables sauf loi contraire, il incombe, en principe, à chaque partie d'établir les faits qu'elle invoque au soutien de ses prétentions, les éléments de preuve qu'une partie est seule en mesure de détenir ne sauraient être réclamés qu'à celle-ci. Il appartient dès lors, au contribuable, pour l'application des dispositions du 1 de l'article 39 du code général des impôts, de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice net défini à l'article 38 du code général des impôts que de la correction de leur inscription en comptabilité, c'est-à-dire du principe même de leur déductibilité. Le contribuable apporte cette justification par la production de tous éléments suffisamment précis portant sur la nature de la charge en cause, ainsi que sur l'existence et la valeur de la contrepartie qu'il en a retirée. Dans l'hypothèse où le contribuable s'acquitte de cette obligation, il incombe ensuite au service, s'il s'y croit fondé, d'apporter la preuve de ce que la charge en cause n'est pas déductible par nature, qu'elle est dépourvue de contrepartie, qu'elle a une contrepartie dépourvue d'intérêt pour le contribuable ou que la rémunération de cette contrepartie est excessive.
3. Contrairement à ce que soutient M. B..., c'est à lui qu'il incombe de justifier tant du montant des charges qu'il entend déduire du bénéfice que du principe même de leur déductibilité, l'administration n'étant pas tenue de mettre en œuvre son droit de communication auprès de ses fournisseurs.
En ce qui concerne les achats de métaux :
4. Le service vérificateur, qui a constaté lors des opérations de contrôle que certains achats de métaux auprès de fournisseurs professionnels n'étaient pas justifiés, en l'absence de production de factures, que l'entreprise de M. B... se fournissait en métaux auprès de particuliers également et que les pièces justificatives produites à l'appui de ces achats étaient des documents établis par le contribuable, qui consistaient soit en des pages numérotées provenant d'un carnet, soit en des bons de livraisons, soit en des bons de commande, a remis en cause la déductibilité de ces charges.
5. En premier lieu, l'administration ayant, à la suite du recours hiérarchique, pris en compte les justificatifs produits établissant que le vérificateur s'était mépris et qu'en raison d'homonymies, certains vendeurs identifiés comme des professionnels étaient en réalité des particuliers, a en conséquence abandonné une partie des rectifications litigieuses. M. B... n'apporte pas d'éléments de nature à remettre en cause les impositions maintenues à sa charge.
6. En second lieu, le rejet de la déduction des achats auprès des fournisseurs particuliers n'étant pas fondé sur l'absence de souscription de la déclaration prévue par l'article 1649 bis du code général des impôts, M. B... ne peut utilement soutenir que l'administration ne l'a pas mis en demeure de souscrire cette déclaration. En tout état de cause, l'absence de mise en demeure de souscrire cette déclaration ne constitue pas une irrégularité de la procédure d'imposition susceptible de remettre en cause les rectifications litigieuses.
En ce qui concerne les frais de carburant :
7. En vertu des dispositions de l'article 38 du code général des impôts, le bénéfice imposable est celui qui provient des opérations de toute nature faites par l'entreprise, à l'exception de celles qui, en raison de leur objet ou de leurs modalités, sont étrangères à une gestion normale. Constitue un acte anormal de gestion l'acte par lequel une entreprise décide de s'appauvrir à des fins étrangères à son intérêt.
8. Le service a reconstitué la consommation de gasoil routier et les frais correspondants à partir des relevés kilométriques des véhicules utilisés par l'entreprise, ce qui l'a conduit à remettre en cause la déduction d'une partie de ces frais, qu'il a estimé non justifiés, à hauteur respectivement de 60 232 euros, 170 337 euros et 51 598 euros aux titres des exercices clos en 2013, 2014 et 2015.
9. En premier lieu, M. B... ne peut utilement soutenir que les tickets de carburant produits permettent d'identifier le fournisseur et l'acheteur dès lors que l'administration s'est fondée sur l'absence des mentions obligatoires sur ces tickets uniquement pour remettre en cause la déductibilité de la taxe sur la valeur ajoutée déductible, ce motif ne concernant pas les rehaussements effectués en matière de bénéfices industriels et commerciaux, ici en litige. Par ailleurs, la circonstance que l'administration n'a pas remis en cause les déclarations de taxe sur la valeur ajoutée souscrites par son entreprise ne permet pas de considérer qu'elle aurait admis que ces tickets comportent l'ensemble des mentions prescrites à l'article 242 nonies A de l'annexe II au code général des impôts.
10. En second lieu, il résulte de l'instruction que l'entreprise a acheté, outre du gasoil routier, du fioul domestique et du gasoil non routier. Ainsi que l'a relevé le vérificateur, ces deux carburants, qui présentent une couleur rouge, sont impropres à une utilisation routière, de sorte que les professionnels n'utilisent pas de gasoil routier pour les engins de chantier. Le constat d'huissier du 26 octobre 2017 produit par M. B..., réalisé postérieurement aux rectifications litigieuses, se borne à constater la consommation horaire de carburant, sans autre précision, d'une pelle mécanique utilisée quotidiennement par son entreprise. La consommation de gasoil routier par un groupe électrogène, qui n'était pas présent sur le site lors des opérations de contrôle, ne peut davantage être retenue, faute d'éléments permettant de déterminer le type de carburant utilisé, d'autant plus qu'aucun matériel fonctionnant grâce à ce dispositif ne figurait dans les comptes d'immobilisations de l'entreprise. Compte tenu de ces éléments relevés par l'administration, elle doit être regardée comme apportant la preuve qui lui incombe de l'absence d'intérêt pour l'activité de l'entreprise de la prise en charge des achats de gasoil routier excédant le kilométrage effectivement parcouru par ses véhicules. Par suite, c'est à bon droit que ces dépenses ont été réintégrées dans les résultats imposables des exercices vérifiés au motif qu'en les prenant en charge, l'entreprise avait commis un acte anormal de gestion.
En ce qui concerne la facture non parvenue d'un montant de 150 000 euros
11. Aux termes du 2 de l'article 38 du code général des impôts : " Le bénéfice net est constitué par la différence entre les valeurs de l'actif net à la clôture et à l'ouverture de la période dont les résultats doivent servir de base à l'impôt diminuée des suppléments d'apport et augmentée des prélèvements effectués au cours de cette période par l'exploitant ou par les associés. L'actif net s'entend de l'excédent des valeurs d'actif sur le total formé au passif par les créances des tiers, les amortissements et les provisions justifiés. " Il appartient au contribuable, pour l'application de ces dispositions, de justifier, par la production de tous éléments suffisamment précis, l'inscription d'une dette au passif du bilan de son entreprise.
12. Il résulte de l'instruction que le service a rehaussé le résultat imposable de l'entreprise individuelle de M. B... à hauteur de 150 000 euros au titre de l'année 2013, après avoir estimé que cette somme, qui se rapporte à un ensemble de déchets à retraiter, ne pouvait être comptabilisée dans un compte de factures non parvenues. M. B... qui a d'abord indiqué, lors des opérations de contrôle, qu'elle correspondait à une commande de retraitement de déchets auprès de la société Véolia, soutient en appel qu'il s'agirait d'une dette pour des prestations effectivement réalisées. Toutefois, faute d'établir l'existence de cette dette, il n'est pas fondé à contester la réintégration de la somme en cause dans le résultat imposable de son entreprise au titre de l'année 2013.
Sur les pénalités :
13. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...). ".
14. Pour assortir les impositions en litige de la majoration prévue par les dispositions précitées, l'administration s'est fondée sur les irrégularités entachant la comptabilité de l'entreprise de M. B..., en particulier, au titre des trois exercices vérifiés, sur l'absence de facture d'achat de métaux, pour des montants significatifs, ou d'autres pièces justificatives probantes et sur le caractère exagéré des frais de carburant et, au titre de l'exercice clos en 2013, sur l'enregistrement à tort de la facture évoquée au point 13. Par ces éléments, l'administration apporte la preuve de l'intention délibérée d'éluder l'impôt. M. B... n'est dès lors pas fondé à demander la décharge des pénalités appliquées sur le fondement de l'article 1729 du code général des impôts, sans qu'il soit besoin d'examiner la recevabilité en appel de ces conclusions.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande et que sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 13 février 2025, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 mars 2025.
Le rapporteur,
P. MoyaLa présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY01267
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