Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme D... C... épouse B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à 30 jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi.
Par un jugement n° 2303932 du 14 septembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 22 mai 2024, Mme D... C... épouse B..., représentée par Me Vigneron, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2303932 du 14 septembre 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;
2°) d'annuler pour excès de pouvoir les décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à 30 jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour, ou de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, sous couvert d'une autorisation provisoire de séjour et de travail à lui délivrer dans un délai de deux jours et sous la même astreinte ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros à verser à son conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Mme B... soutient que :
- le refus de séjour est entaché de vice de procédure compte tenu de l'ancienneté de l'avis médical du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) et de la dégradation de son état de santé ; il méconnait le 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien compte tenu de son état de santé et dès lors qu'aucun traitement adapté n'est disponible en Algérie ; il est entaché de vice de procédure dans la mesure où il n'est pas établi que l'avis médical a été établi après examen individuel de sa situation ; il méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entaché d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ; il est entaché d'incompétence ; il est entaché de vice de procédure en l'absence de rapport préalable à l'avis du collège de médecins de l'OFII et en l'absence de composition régulière de ce collège ; il est entaché de vice de procédure dès lors que le préfet ne produit pas " les éléments médicaux ayant servi de base à l'avis rendu par l'OFII " ; il est entaché d'erreur de droit dans la mesure où le préfet s'est cru à tort lié par l'avis du collège de médecins de l'OFII ; il n'est pas motivé dès lors que le préfet n'a pas recopié l'avis du collège de médecins de l'OFII ni ne l'a joint à son arrêté ; il est entaché d'erreur de droit dès lors que le préfet a apprécié l'application du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien au seul vu de l'avis du collège de médecins de l'OFII ; il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice du pouvoir de régularisation compte tenu des faiblesses du système de santé algérien ; il méconnait l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- l'obligation de quitter le territoire français doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour ; elle est entachée d'incompétence ; elle méconnait l'article L. 611-3, 9° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la fixation du pays de renvoi doit être annulée par voie de conséquence de l'annulation du refus de séjour et de l'obligation de quitter le territoire français ; elle méconnait les articles 8 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La préfète de l'Isère, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.
Par décision du 18 octobre 2023, la demande d'aide juridictionnelle présentée par Mme B... a été rejetée. Par ordonnance n° 23LY03439 du 25 avril 2024, le recours formé contre la décision précitée du bureau d'aide juridictionnelle a été rejetée.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- l'arrêté du 27 décembre 2016 relatif aux conditions d'établissement et de transmission des certificats médicaux, rapports médicaux et avis mentionnés aux articles R. 313-22, R. 313-23 et R. 511-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, ensemble l'arrêté du 5 janvier 2017 fixant les orientations générales pour l'exercice par les médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, de leurs missions, prévues à l'article L. 313-11 (11°) du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
A été entendu au cours de l'audience publique le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur.
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... épouse B..., ressortissante algérienne née le 2 janvier 1961, a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 19 décembre 2022 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à 30 jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de renvoi. Par le jugement attaqué du 14 septembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la légalité du refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, la décision a été signée par M. A..., directeur de la citoyenneté, de l'immigration et de l'intégration de la préfecture, sur le fondement de la délégation de signature prévue par un arrêté préfectoral du 26 juillet 2022, régulièrement publié. Le moyen tiré de l'incompétence doit en conséquence être écarté.
3. En deuxième lieu, le préfet de l'Isère a régulièrement indiqué les motifs de droit et de fait de sa décision. Il pouvait, sans erreur de droit, se fonder notamment sur l'avis émis par le collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), qu'il n'était pour autant tenu ni de recopier intégralement, ni de joindre à son arrêté. Le moyen tiré du défaut de motivation doit en conséquence être écarté.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 7. Au ressortissant algérien, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve qu'il ne puisse effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays (...) ". Aux termes des dispositions procédurales du deuxième alinéa de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont applicables aux ressortissants algériens : " La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat ". Aux termes du deuxième alinéa de l'article R. 425-11 du même code : " L'avis est émis dans les conditions fixées par arrêté du ministre chargé de l'immigration et du ministre chargé de la santé au vu, d'une part, d'un rapport médical établi par un médecin de l'office et, d'autre part, des informations disponibles sur les possibilités de bénéficier effectivement d'un traitement approprié dans le pays d'origine de l'intéressé ". Enfin, aux termes de l'article R. 425-13 du même code : " Le collège à compétence nationale mentionné à l'article R. 425-12 est composé de trois médecins, il émet un avis dans les conditions de l'arrêté mentionné au premier alinéa du même article. La composition du collège et, le cas échéant, de ses formations est fixée par décision du directeur général de l'Office français de l'immigration et de l'intégration. Le médecin ayant établi le rapport médical ne siège pas au sein du collège. (...) "
5. Tout d'abord, il ressort des pièces du dossier et notamment de l'attestation du directeur de l'OFII produite en défense en première instance que l'avis prévu par les dispositions citées au point précédent a été régulièrement émis par trois médecins, au vu d'un rapport émis par un quatrième médecin qui n'a pas siégé au sein du collège. Il ne ressort pas des pièces du dossier que cet avis n'aurait pas été émis après examen de la situation médicale de Mme B.... Compte tenu du principe du secret médical, le préfet n'a en revanche pas disposé du dossier médical de Mme B... et ne pouvait donc procéder directement à son examen ni le produire, mais il a été informé des éléments médicaux pertinents par l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII, selon les modalités définies par le législateur pour concilier l'examen de la situation des étrangers faisant valoir leur état de santé et le principe du secret médical. Enfin, il ne ressort pas des pièces du dossier que le préfet se serait à tort cru lié par cet avis ni qu'il aurait négligé d'examiner les éléments d'information et d'appréciation dont il pouvait légalement disposer.
6. Ensuite, le préfet a statué le 19 décembre 2022, au vu de l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII le 12 août 2022. L'avis n'était donc pas ancien lorsque le préfet a statué et il ne ressort en tout état de cause pas des pièces du dossier que Mme B... aurait indiqué aux services préfectoraux que son état de santé aurait évolué postérieurement à l'avis dans des conditions nécessitant l'organisation d'une nouvelle consultation du collège. Le moyen tiré du vice de procédure en raison de l'ancienneté de l'avis doit en conséquence être écarté.
7. Enfin, l'avis émis par le collège de médecins, qui l'a été après que le médecin-rapporteur ait spécialement diligenté des examens complémentaires, relève notamment qu'eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé algérien, Mme B... peut bénéficier effectivement en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé et peut voyager pour s'y rendre sans risque médical. D'une part, si Mme B... formule des critiques générales sur certaines difficultés que rencontre le système de santé algérien, il n'en ressort pas qu'aucun traitement approprié à son état de santé ne pourrait lui être prodigué en Algérie. D'autre part, si Mme B... invoque le risque que son état de santé puisse s'aggraver, notamment sous la forme d'un cancer de la moelle épinière, ce risque est faiblement établi et purement éventuel et il ne ressort pas des pièces du dossier que son état de santé, tel qu'il se présentait à la date de la décision, ne pouvait être pris en charge de façon appropriée en Algérie. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations du 7° de l'article 6 de l'accord franco-algérien doit en conséquence être écarté. Compte tenu de la situation qui vient d'être exposée, le préfet de l'Isère n'a pas davantage entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation dans l'exercice de son pouvoir de régularisation.
8. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que Mme B... est née en Algérie le 2 janvier 1961 et qu'elle est de nationalité algérienne. Elle y a épousé un compatriote en 1981 et le couple y a eu six enfants. Elle est entrée en France le 21 février 2020 sous couvert d'un visa de court séjour. Elle a ainsi vécu en Algérie jusqu'à l'âge de 59 ans et demeurait en France depuis moins de trois ans à la date de la décision attaquée. Si elle se prévaut de son état de santé, il vient d'être dit qu'elle peut bénéficier effectivement d'un traitement approprié en Algérie. Son époux réside en France depuis 2009 et le couple était donc séparé depuis 11 ans lors de l'entrée en France de Mme B.... Si elle fait valoir la présence en France de l'une de ses filles, qui s'y serait installée en 2017, elle ne conteste pas que ses cinq autres enfants demeurent en Algérie, ainsi qu'elle l'a elle-même indiqué dans sa demande de titre de séjour. Enfin, elle ne fait pas valoir d'éléments particuliers d'intégration en France. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour, le préfet n'a pas porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts que la décision attaquée poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit en conséquence être écarté. Pour les mêmes motifs, le préfet n'a pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle de Mme B.... Enfin, il ne ressort pas des éléments qui viennent d'être indiqués que la décision attaquée méconnaitrait l'intérêt supérieur de ceux des petits-enfants de Mme B... qui résident en France, au sens du 1° de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant.
Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision portant refus de séjour que Mme B... n'est pas fondée à exciper de son illégalité.
10. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'incompétence doit être écarté pour les motifs exposés au point 2 du présent arrêt.
11. En troisième lieu, il résulte de ce qui a été dit au point 7 du présent arrêt que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que son état de santé ferait obstacle à l'édiction d'une obligation de quitter le territoire français par application des dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa rédaction alors applicable.
12. En quatrième lieu, en l'absence d'autre argument, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs qui ont été exposés au point 8 du présent arrêt.
Sur la légalité de la fixation du pays de renvoi :
13. En premier lieu, il résulte de ce qui a été dit sur la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français et refus de séjour que Mme B... n'est pas fondée à exciper de leur illégalité.
14. En deuxième lieu, eu égard aux éléments qui ont été exposés au point 8 du présent arrêt et alors que le préfet de l'Isère a retenu comme pays de renvoi l'Algérie, dont Mme B... a la nationalité et où elle a vécu la quasi-totalité de son existence, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés.
15. En troisième lieu, ainsi qu'il a été exposé au point 7 du présent arrêt, Mme B... peut effectivement bénéficier en Algérie d'un traitement approprié à son état de santé. Elle n'est dès lors pas fondée à soutenir que le préfet de l'Isère aurait méconnu l'article 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
16. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la fin de non-recevoir opposée en première instance, que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme D... C... épouse B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 10 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY01481