Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme F... D..., M. B... D..., Mme I... D..., Mme A... D... et M. H... D... ont demandé au tribunal administratif de Lyon, à titre principal, d'ordonner une nouvelle expertise médicale et de leur allouer une provision d'un montant de 50 000 euros et, à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à leur verser une indemnité en réparation des préjudices subis du fait de la prise en charge fautive de Mme F... D... à partir du 14 janvier 2011.
La caisse primaire d'assurance maladie du Rhône a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à lui verser une indemnité de 35 678,61 euros, à parfaire, avec intérêts de droit au jour du jugement, au titre des prestations versées pour le compte de son assurée et une somme de 1 114 euros au titre de l'indemnité prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Par un jugement n° 2202083 du 12 septembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser à Mme F... D... une somme de 77 851,94 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022 et des rentes viagères d'un montant annuel de 1 661,39 euros et de 1 682,50 euros, à verser respectivement à M. B... D... et Mme I... D... une somme de 2 500 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022, à verser à Mme A... D... et M. H... D... une somme de 1 250 euros chacun avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022 et à verser une somme de 8 943,09 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, a mis les frais d'expertise à la charge définitive centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône et a mis à la charge de cet établissement une somme de 1 400 euros à verser à Mme F... D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Procédure devant la cour :
Par une requête et des mémoires, enregistrés les 2 octobre 2023, 16 novembre 2023 et 29 novembre 2024, Mme F... D..., M. B... D..., Mme I... D..., Mme A... D... et M. H... D..., représentés par Me André, demandent à la cour, dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2202083 du 12 septembre 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) à titre principal, d'ordonner une expertise médicale et d'allouer à Mme F... D... une provision de 100 000 euros ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser à Mme F... D... une somme de 876 284,82 euros, une rente annuelle d'un montant de 20 455,20 euros au titre des pertes de gains professionnels futurs et une rente annuelle d'un montant de 10 632,20 euros au titre de l'assistance par une tierce personne à compter du 1er janvier 2024, à verser à M. B... D... et Mme I... D... une somme de 34 000 euros chacun et à verser à Mme A... D... et M. H... D... une somme de 10 000 euros chacun ;
4°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône une somme de 4 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et les dépens de l'instance.
Ils soutiennent que :
- contrairement à ce qui est mentionné dans le dossier médical, les premiers symptômes de l'accident vasculaire cérébral de Mme F... D... sont apparus le 14 janvier 2011, jour de la 1ère consultation aux urgences du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône ;
- au regard des signes cliniques présentés, le placement en unité de soins neuro-vasculaires ou la prescription d'aspirine étaient recommandés pour éviter le risque d'AVC qui s'est réalisé ;
- l'expert désigné par le tribunal administratif de Lyon a minimisé le taux de perte de chance résultant des manquements dans sa prise en charge ; par conséquent, une nouvelle expertise, confiée à un spécialiste en neurologie, devra être ordonnée ;
- le taux de perte de chance résultant des manquements dans sa prise en charge devra être évalué à 80 % ;
- Mme F... D... est fondée à solliciter :
*une somme de 910 euros au titre des frais de santé restés à sa charge ;
* une somme de 4 190 euros au titre des honoraires des médecins l'ayant assisté au cours de la procédure ;
* au titre des frais d'assistance par une tierce personne, une indemnisation de 45 179,15 euros jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, une somme de 126 400,37 euros pour la période échue au 30 novembre 2024 et une rente annuelle de 10 632,90 euros à compter du 1er décembre 2024 ;
* au titre des pertes de gains professionnels futurs, 192 839,30 euros au titre de la période échue au 30 novembre 2024 et une rente annuelle de 20 455,20 euros à compter du 1er décembre 2024 ;
* une somme de 12 000 euros au titre de son préjudice scolaire et universitaire et une somme de 40 000 euros au titre de l'incidence professionnelle ;
* une somme de 89 928 euros au titre des frais pour l'acquisition et le renouvellement d'un véhicule adapté ;
* une somme de 9 800 euros au titre de son déficit fonctionnel temporaire et une somme de 256 020 euros au titre de son déficit fonctionnel permanent, qui ne saurait être inférieur à un taux de 55 % ;
* une somme de 8 000 euros au titre des souffrances endurées, une somme de 3 200 euros au titre de son préjudice esthétique temporaire et une somme de 4 000 euros au titre de son préjudice esthétique permanent qui est réel et démontré ;
* une somme de 24 000 euros au titre de son préjudice d'agrément, une somme de 32 000 euros au titre de son préjudice sexuel, ainsi qu'une somme de 28 000 euros au titre de son préjudice d'établissement ;
- les préjudices d'affection et résultant des troubles dans les conditions d'existence de ses parents devront être réparés par le versement d'une indemnité totale de 34 000 euros pour chacun d'entre eux et les préjudices de son frère et de sa sœur, par le versement d'une somme de 10 000 euros chacun.
Par un mémoire enregistré le 12 juillet 2024, la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, représentée par la SELARL BdL Avocats agissant par Me Philip de Laborie demande à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 2202083 du 12 septembre 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à lui verser une somme de 35 678,61 euros au titre de ses débours et une somme de 1 191 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale ;
3°) de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle n'est pas opposée à une nouvelle expertise médicale ;
- le jugement attaqué doit être confirmé en tant qu'il a retenu la responsabilité du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône ;
- le montant de ses débours s'élève à 35 678,61 euros.
Par un mémoire enregistré le 8 octobre 2024 et un mémoire enregistré le 11 décembre 2024 qui n'a pas été communiqué, le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, représenté par la SELARL Fabre et Associées agissant par Me Cantaloube, demande à la cour :
1°) à titre principal et par la voie de l'appel incident, d'annuler le jugement n° 2202083 du 12 septembre 2023 du tribunal administratif de Lyon et de rejeter les demandes d'indemnisation présentées à son encontre ;
2°) à titre subsidiaire, d'ordonner une nouvelle expertise ;
3°) à titre infiniment subsidiaire, de réformer le jugement n° 2202083 du 12 septembre 2023 du tribunal administratif de Lyon en tant, notamment, qu'il a retenu un taux de perte de chance de 25 %.
Il soutient que :
- aucun manquement imputable aux services hospitaliers n'est démontré étant donné l'impossibilité de déterminer la date précise d'apparition des premiers symptômes de Mme D... ; des paresthésies du bras évoluant depuis une semaine ne constituent pas une urgence médicale de sorte qu'aucun manquement dans la prise en charge aux urgences le 14 janvier 2011 ne saurait être retenu ; par ailleurs, l'examen neurologique complet de la patiente les 15 et 16 janvier n'a pas révélé d'urgence médicale ;
- en tout état de cause le lien de causalité entre les dommages actuels et les prétendus manquements dans la prise en charge n'est pas établi, dès lors qu'aucune donnée ne permet d'affirmer que la mise en œuvre d'une anti agrégation précoce aurait permis de réduire la sévérité des conséquences de l'AVC ; aucune perte de chance ne saurait par conséquent être retenue ;
- au regard des critiques formulées à l'encontre de l'expertise judiciaire, une seconde expertise confiée à un collège de neurologues et urgentistes, pourra être ordonnée ;
- dans l'hypothèse contraire, la perte de chance ne saurait être évaluée à un taux supérieur à 10 %
- en toute hypothèse, les besoins en termes d'assistance permanente par une tierce personne sont surestimés ;
- la réalité du préjudice de perte de gains professionnels n'est pas établi ;
- le préjudice scolaire et de formation a été surévalué ;
- le préjudice résultant de l'aménagement du véhicule n'est pas établi ;
- aucun préjudice esthétique permanent et aucun préjudice sexuel ne sauraient être retenus ;
- aucun préjudice d'établissement ne peut être retenu en l'espèce ;
- la demande indemnitaire présentée par les parents de Mme D... au titre des troubles dans leurs conditions d'existence sera rejetée.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de la santé publique ;
- le code de la sécurité sociale ;
- l'arrêté du 23 décembre 2024 fixant les montants minimal et maximal de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue aux articles L. 376-1 et L. 454-1 du code de la sécurité sociale pour l'année 2025 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Depauli, représentant les consorts D... et celles de Me Perret, substituant Me Cantaloube, représentant le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.
Considérant ce qui suit :
1. Mme F... D..., née 21 mai 1993, s'est présentée le 14 janvier 2011 au service des urgences du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à raison de paresthésies du membre supérieur droit. Elle s'y est de nouveau présentée le 15 janvier, puis le 16 janvier 2011 à raison de la persistance des paresthésies, avec apparition de nausées, de céphalées et de troubles du langage. Une IRM a été programmée pour le 17 janvier 2011 mais la patiente a été renvoyée à son domicile sous la surveillance de ses parents, qui ont été informés, le 17 janvier 2011, que cette IRM était reportée de plusieurs jours. Le 18 janvier 2011, Mme D... s'est présentée avec ses parents à l'hôpital Femme-Mère-Enfant E... à raison de l'aggravation de ses symptômes. Une IRM réalisée le jour même en urgence a révélé un accident vasculaire cérébral (AVC) ischémique sylvien gauche étendu sur thrombose de l'artère carotide gauche. Elle a été hospitalisée jusqu'au 27 janvier 2011 en neuropédiatrie, date à laquelle elle a été transférée dans un centre de rééducation fonctionnel jusqu'au 10 mai 2011. Par une ordonnance du 11 janvier 2021, la présidente du tribunal administratif de Lyon a désigné un expert qui a déposé son rapport le 16 août 2021. Estimant que sa prise en charge au service des urgences les 14, 15 et 16 janvier 2011 n'avait pas été conforme aux bonnes pratiques, Mme F... D... et ses proches ont présentées une demande d'indemnisation préalable au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône par un courrier du 23 février 2022. Le centre hospitalier a rejeté cette réclamation par une décision du 2 mars 2022. Par le jugement attaqué du 12 septembre 2023, dont Mme F... D..., M. B... D..., Mme I... D..., Mme A... D... et M. H... D... interjettent appel, le tribunal administratif de Lyon a condamné le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à verser à Mme F... D... une somme de 77 851,94 euros avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022 et des rentes viagères d'un montant annuel de 1 661,39 euros et de 1 682,50 euros, à verser à M. B... D... et Mme I... D... une somme de 2 500 euros chacun, avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022, à verser à Mme A... D... et M. H... D... une somme de 1 250 euros chacun, avec intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022 et à verser une somme de 8 943,09 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône, a mis les frais d'expertise à la charge définitive du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône et a mis à la charge de cet établissement une somme de 1 400 euros à verser à Mme F... D... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. Par la voie de l'appel incident, le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône demande l'annulation de ce jugement.
Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :
En ce qui concerne la faute :
2. Aux termes de l'article L. 1142-1 du Code de la santé publique : " I - Hors le cas où leur responsabilité est encourue en raison d'un défaut d'un produit de santé, les professionnels de santé mentionnés à la quatrième partie du présent code, ainsi que tout établissement, service ou organisme dans lesquels sont réalisés des actes individuels de prévention, de diagnostic ou de soins ne sont responsables des conséquences dommageables d'actes de prévention, de diagnostic ou de soins qu'en cas de faute. (...) ".
3. Il est constant que Mme F... D... s'est rendue au service des urgences du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône le 14 janvier 2011 sur les conseils de l'infirmière de son établissement scolaire alors qu'elle se plaignait de troubles de la concentration et de la mobilisation de son bras droit. Il résulte de l'instruction et notamment des comptes-rendus de consultation du service des urgences que, le 14 janvier 2011, elle a été vue par une infirmière du service des urgences puis a quitté ce service après 20 minutes pour consulter son médecin traitant. Il en résulte également qu'elle est retournée au service des urgences le 15 janvier 2011 à 11h16 à raison de la persistance de ses paresthésies du membre supérieur droit et de l'apparition de nausées et de céphalées intermittentes, qu'elle a été vue par un interne qui a consulté un neurologue par téléphone et qu'une IRM a été programmée pour le 17 janvier suivant. Mme F... D... a de nouveau été conduite aux urgences par son père le 16 janvier 2011 à raison de l'aggravation de ses symptômes avec apparition de troubles du langage, notamment à la lecture, qu'elle a été vue par une neurologue qui a constaté des difficultés de lecture, une dysarthrie et la persistance de la paresthésie de l'hémicorps droit, avant de la renvoyer à son domicile dans l'attente de l'IRM programmée pour le lendemain. Il résulte également de l'instruction que l'IRM initialement programmée pour le 17 janvier a été reporté unilatéralement de plusieurs jours par le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, qui n'en a informé la famille D... que le jour même, et que devant l'aggravation des symptômes présentés par Mme F... D..., ses parents l'ont conduite à l'Hôpital Femme-Mère-Enfant E..., le 18 janvier 2011 au matin, où une IRM cérébrale et médullaire pratiquée en urgence le même jour a révélé un AVC ischémique sylvien gauche étendu sur thrombose de l'artère carotide gauche. Mme F... D... a été transférée en neuropédiatrie, placée sous traitement par antiagrégant plaquettaire et anticoagulant et est restée hospitalisée jusqu'au 27 janvier 2011 avant d'être transférée dans un centre de rééducation fonctionnel. Si l'état de santé de Mme F... D... a pu être stabilisé rapidement suite au traitement qui lui a été administré, elle a conservé des séquelles importantes, notamment une fatigabilité conséquente, un déficit sensitif et moteur de la main droite, des troubles cognitifs et de la mémoire ainsi que des difficultés de lecture et des problèmes de fluence verbale.
4. Si le rapport d'expertise relève qu'il est difficile de dater le début des troubles vasculaires présentés par Mme D..., puisque le dossier médical laisse apparaitre que des paresthésies et des céphalées seraient apparues plusieurs jours avant la date de la première consultation au service des urgences du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, le 14 janvier 2011, il est affirmatif sur le fait que Mme D... n'a pas fait l'objet d'une prise en charge conforme aux données de la science dès lors qu'elle n'a pas été vue par un médecin le 14 janvier 2011 et que, devant les signes cliniques s'aggravant lors des consultations des 15 et 16 janvier 2011, une IRM aurait dû être programmée en urgence et qu'en tout état de cause, les signes cliniques d'un accident vasculaire évolutif auraient dû conduire à la prescription immédiate d'un traitement par anti agrégant plaquettaire de type aspirine et à son transfert vers une unité de soins neuro-vasculaires.
5. Il résulte de ce qui précède, que l'absence de prise en charge adaptée à la symptomatologie présentée par Mme F... D... et le fait de l'avoir laissé regagner à trois reprises son domicile suite aux consultations des 14, 15 et 16 janvier 2011, ainsi que le fait d'avoir reporté l'IRM prévue pour le 17 janvier de plusieurs jours, caractérisent en l'espèce des manquements fautifs dans la prise en charge médicale de nature à engager la responsabilité du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.
6. Il résulte de l'instruction que l'hospitalisation de Mme F... D... au service de neuro pédiatrie de l'hôpital Femme-Mère-Enfant E... et le traitement qui lui a été administré a permis une stabilisation rapide de son état de santé, dès lors le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône ne saurait sérieusement soutenir que les manquements dans la prise en charge médicale au service des urgences les 14, 15 et 16 janvier 2011 et le report de l'IRM initialement prévue le 17 janvier seraient sans lien de causalité avec les dommages.
En ce qui concerne la perte de chance :
7. Dans le cas où la faute commise lors de la prise en charge ou le traitement d'un patient dans un établissement public hospitalier a compromis ses chances d'obtenir une amélioration de son état de santé ou d'échapper à son aggravation, le préjudice résultant directement de la faute commise par l'établissement, et qui doit être intégralement réparé, n'est pas le dommage corporel constaté, mais la perte de chance d'éviter que ce dommage soit advenu. La réparation qui incombe à l'hôpital doit alors être évaluée à une fraction du dommage corporel, déterminée en fonction de l'ampleur de la chance perdue.
8. En l'espèce, le rapport d'expertise du 16 août 2021 indique que, compte tenu de l'incertitude concernant la date du début des troubles vasculaires présentés par Mme F... D..., l'absence d'administration d'un traitement plus précoce par anti agrégant plaquettaire de type aspirine et de transfert vers une unité de soins neuro-vasculaires ont seulement constitué pour elle une perte de chance de conserver des séquelles neurologiques de moindre importance. Il a évalué cette perte de chance à 30 % au regard des éléments de bibliographie qu'il a mentionné dans son rapport.
9. Cependant, il résulte des rapports d'analyse médicale privés produits par les requérants et qui ont été soumis au contradictoire dans le cadre de la présente instance, notamment du rapport du Dr C... du 13 août 2023 et du Dr G... du 9 novembre 2023 qui sont concordants, que l'état clinique de Mme F... D... les 15 et 16 janvier 2011, à savoir des paresthésies du bras droit s'étendant à l'hémicorps, des troubles de la parole avec dysarthrie et alexie et des troubles de la concentration, étaient clairement évocateurs d'accidents ischémiques transitoires répétitifs s'aggravant depuis plusieurs jours et que dans ces circonstances, l'absence d'IRM, de mise en place d'un traitement par anti agrégant plaquettaire de type aspirine et de transfert vers une unité de soins neuro-vasculaires ont conduit à l'évolution vers un accident vasculaire cérébral important. Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône n'apporte aucun élément sérieux de nature à remettre en cause ces analyses médicales. Dans ces conditions et eu égard aux études médicales citées par ces rapports d'analyse, notamment l'étude publiée par la revue médicale " The Lancet " relative aux effets de l'administration précoce d'un traitement par anti agrégant plaquettaire de type aspirine sur les patients présentant des accidents ischémiques transitoires ou un accident cérébral mineur, le taux de perte de chance résultant des manquements fautifs du centre hospitalier doit être fixé à 60 %, sans qu'il soit besoin d'ordonner une nouvelle expertise.
Sur les préjudices de la victime directe :
En ce qui concerne la date de consolidation :
10. Il résulte des termes de l'expertise que l'état de santé de Mme F... D... résultant de l'accident vasculaire cérébral qu'elle a subi doit être regardé comme consolidé à la date du 14 janvier 2013, ce qui n'est pas contesté par les parties.
En ce qui concerne les préjudices patrimoniaux :
S'agissant des dépenses de santé :
Quant aux dépenses de santé actuelles :
11. La CPAM justifie de frais d'hospitalisation pour la période du 21 janvier 2011 au 10 mai 2011 à l'hôpital Femme-Mère-Enfant E... puis au centre de rééducation des Massues par la production d'un état de ses débours et d'une attestation d'imputabilité, pour un montant total de 30 424 euros, de la prise en charge de soins post consolidation pour un montant de 3 682,43 euros entre le 29 janvier 2013 et le 11 février 2021 et de la prise en charge d'une consultation en neurologie pour un montant de 30 euros par an à compter de cette date soit une somme totale de 120 euros à la date du présent arrêt. Le montant total des débours de la CPAM du Rhône à la date du présent arrêt s'élève donc à une somme totale de 34 226,43 euros.
12. Mme F... D... justifie avoir exposé des frais de santé, correspondant à des consultations de suivi psychologique en lien avec les séquelles de l'accident vasculaire cérébral dont elle a été victime, par la production d'une attestation de versement d'honoraires établie par sa psychologue pour la période d'octobre 2020 à octobre 2021 pour un montant total de 910 euros dont il ne résulte pas de l'instruction qu'il aurait été pris en charge par un tiers payeur.
13. Au regard de ce qui a été exposé aux points 11 et 12 du présent arrêt, les dépenses de santé en lien avec les séquelles de l'accident vasculaire cérébrale de Mme F... D... s'établissent à un montant total de 35 136,43 euros. Compte tenu du taux de perte de chance tel que fixé au point 9 du présent arrêt, une somme totale de 21 081,85 euros doit donc être mise à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône au titre de ce chef de préjudice.
14. Compte tenu du droit de préférence accordé à la victime, une somme de 910 euros sera versée à Mme F... D... au titre des dépenses de santé restées à sa charge et une somme de 20 171,85 euros sera versée à la CPAM du Rhône.
Quant aux dépenses de santé futures :
15. La CPAM sollicite en outre le remboursement de frais de santé futurs correspondant à une consultation annuelle en neurologie d'un montant de 30 euros. Compte tenu du taux de conversion rente-capital de 42,305 pour une femme de 32 ans figurant à la table de capitalisation publiée par l'Oniam en 2023 et au regard du taux de perte de chance de 60 %, le Centre-hospitalier de Villefranche-sur-Saône versera la CPAM du Rhône une indemnisation de 761,49 euros, Mme F... D... ne faisant valoir aucune dépense de santé future qui resterait à sa charge.
S'agissant des frais divers :
16. Mme F... D... justifie avoir exposé des frais pour être assistée par un médecin conseil dans le cadre des opérations d'expertise par la production d'une note d'honoraire du 2 juin 2021 pour un montant de 1 500 euros. Il y a lieu de mettre l'intégralité de cette somme à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.
17. Elle demande également le remboursement des frais d'honoraires versés à deux neurologues pour l'analyse sur pièces de son dossier, une étude bibliographique et la rédaction d'une note de synthèse en novembre 2022 puis en novembre 2023 pour un montant total de 2 690 euros. Ces rapports d'analyse ayant été utiles pour la solution du litige, il sera intégralement fait droit à la demande présentée à ce titre.
S'agissant des frais d'acquisition d'un véhicule adapté :
18. Le rapport d'expertise mentionne que Mme F... D..., qui est parvenue à passer avec succès l'examen du permis de conduire adapté en 2018, a dû faire l'acquisition d'une voiture avec une boîte de vitesse automatique. Au regard des séquelles résultant de son AVC, notamment de son déficit sensitif et moteur de la main droite, elle doit être indemnisée du préjudice résultant du surcoût d'un tel équipement, qui doit être regardé comme s'établissant à 2 000 euros en moyenne, pour l'acquisition de son premier véhicule ainsi que pour le renouvellement de ce dernier tous les six ans. Compte tenu du taux de conversion rente-capital de 42,305 pour une femme de 32 ans figurant à la table de capitalisation publiée par l'Oniam en 2023 et au regard du taux de perte de chance de 60 %, le Centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône devra lui verser au titre de ce chef de préjudice une somme totale de 9 660,99 euros.
S'agissant des frais d'assistance par une tierce personne :
19. Lorsque le juge administratif indemnise dans le chef de la victime d'un dommage corporel la nécessité de recourir à l'aide d'une tierce personne, il détermine le montant de l'indemnité réparant ce préjudice en fonction des besoins de la victime et des dépenses nécessaires pour y pourvoir. Il doit à cette fin se fonder sur un taux horaire déterminé, au vu des pièces du dossier, par référence, soit au montant des salaires des personnes à employer augmentés des cotisations sociales dues par l'employeur, soit aux tarifs des organismes offrant de telles prestations, en permettant le recours à l'aide professionnelle d'une tierce personne d'un niveau de qualification adéquat et sans être lié par les débours effectifs dont la victime peut justifier. Il n'appartient notamment pas au juge, pour déterminer cette indemnisation, de tenir compte de la circonstance que l'aide a été ou pourrait être apportée par un membre de la famille ou un proche de la victime.
20. Mme F... D... sollicite une indemnisation au titre de ses besoins d'assistance par une tierce personne qu'elle estime à trois heures par jour du 27 janvier 2011 au 31 mai 2012 puis à 2 heures par jour à compter du 1er juin 2012 et jusqu'au 14 janvier 2013, date de consolidation de son état de santé. S'il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise, que l'état de santé de Mme D... justifie une assistance par une tierce personne, il en résulte également que pour la période du 27 janvier au 10 mai 2011, elle a été accueillie au sein de l'hôpital de jour des Massues, où elle a bénéficié d'une assistance partielle mais pas de prise en charge de ses temps de déplacements, puis qu'elle a repris une scolarité normale pour l'année scolaire 2011-2012, assistée d'une assistance de vie scolaire à hauteur de vingt-huit heures par semaine. La réalité du préjudice patrimonial lié à la nécessité d'une assistance par une tierce personne doit donc être regardée comme établie pour la période du 27 janvier2011 au 30 juin 2012 uniquement pour ce qui concerne le temps extra-hospitalier et extra-scolaire qui pourra être évaluée à hauteur d'une heure par jour pour l'ensemble de cette période. Elle n'a pu reprendre sa scolarité à la rentrée scolaire 2012-2013, par suite son besoin d'assistance sera évalué à 2 h par jour du 1er juillet 2012 au 14 janvier 2013, date de consolidation de son état de santé. L'aide nécessaire n'exigeant pas une technicité particulière, il sera fait application d'un taux horaire moyen de 13 euros pour toute la période, correspondant à la moyenne du salaire minimum de croissance pour la même période, augmenté des cotisations sociales patronales, en calculant l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des dimanches, jours fériés et congés payés. Ainsi, le besoin total d'assistance par une tierce personne pour la période considérée doit être évalué à 13 402,89 euros pour 914 heures indemnisables.
21. Il résulte de l'instruction que, postérieurement à la date de consolidation, le besoin d'assistance par une tierce personne de Mme D... a été évalué par l'expert à six heures par semaine du fait de ses difficultés de déplacement et de réalisation des actes de la vie courante. Si Mme D... estime son besoin d'assistance à 2 h par jour, elle ne produit aucune pièce de nature à remettre en cause l'évaluation de ce besoin telle que faite par l'expert. Dans ces conditions, il sera fait application d'un taux horaire moyen de 15 euros pour la période allant du 14 janvier 2013 à la date du présent arrêt, correspondant à la moyenne du salaire minimum de croissance pour la même période, augmenté des cotisations sociales patronales, en calculant l'indemnisation sur la base d'une année de 412 jours pour tenir compte des dimanches, jours fériés et congés payés. Ainsi, le besoin total d'assistance par une tierce personne pour la période considérée doit être évalué à 68 762,88 euros pour 4 064 heures indemnisables.
22. Au regard de ce qui précède et compte tenu du taux de perte de chance, une somme de 49 299,46 euros doit être mise à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône au titre du préjudice actuel résultant des besoins d'assistance par une tierce personne de Mme D....
23. S'agissant par ailleurs du préjudice futur, si le juge n'est pas en mesure de déterminer, lorsqu'il se prononce, si la victime résidera à son domicile ou sera hébergée dans une institution spécialisée, il lui appartient de lui accorder une rente trimestrielle couvrant les frais de son maintien à domicile, en précisant le mode de calcul de cette rente, dont le montant doit dépendre du temps passé à son domicile au cours du trimestre, ainsi qu'une rente distincte, dont les modalités de calcul sont définies selon les mêmes modalités, ayant pour objet de l'indemniser des frais liés à son hébergement dans une institution spécialisée. Il y a également lieu de prévoir l'actualisation régulière des montants respectifs des deux rentes, sous le contrôle du juge de l'exécution, au vu des justificatifs produits par la victime se rapportant au nombre de jours du trimestre au cours desquels celle-ci est prise en charge en institution spécialisée, de l'évolution du coût de cette prise en charge et également, le cas échéant, des prestations versées à ce titre ainsi qu'au titre de l'assistance par une tierce personne. Cette actualisation du montant des rentes ne peut cependant avoir pour effet ni de différer leur versement ni de conduire la victime à avancer les frais correspondants à l'indemnisation qui lui est due.
24. Pour la période future, le besoin d'assistance dans les actes de vie courante s'établissant, ainsi qu'il a été dit, à 6 heures par semaine, il sera alloué à Mme D... une rente trimestrielle, calculée sur la base d'un volume horaire de 72 heures par trimestre et d'un taux horaire de 18 euros, avec un calcul sur une année de 412 jours pour tenir compte des dimanches, jours fériés et congés payés. Compte tenu du taux de perte de chance de 60 %, cette rente doit être fixée à un montant trimestriel de 877,13 euros qui sera revalorisé par application du coefficient mentionné à l'article L. 161-25 du code de la sécurité sociale. Devront être déduits de ce montant, au prorata journalier, d'une part, les périodes éventuelles d'hospitalisation et, d'autre part, les périodes éventuelles de prise en charge dans une institution spécialisée. Il appartiendra à Mme D..., pour les besoins de la liquidation et du versement de la rente trimestrielle qui vient d'être définie, de fournir tous éléments permettant d'identifier les jours d'hospitalisation ou de prise en charge par une institution. En l'absence de toute hospitalisation et de toute prise en charge, il lui appartiendra d'en attester sur l'honneur, cette attestation devant être regardée comme suffisante en l'absence d'éléments en sens contraire, et au surplus de fournir tout élément justificatif dont elle pourrait le cas échéant disposer. Les montants futurs seront versés en début de trimestre, à hauteur de la somme totale, la déduction des jours éventuels d'hospitalisation ou de prise en charge pouvant s'effectuer ultérieurement et au plus tard au titre d'un des deux trimestres suivants. Par ailleurs, la prise en charge par une institution spécialisée étant, à la date du présent arrêt, purement éventuelle, la cour ne dispose d'aucun élément lui permettant de calculer un éventuel montant resté à charge. Il appartiendra à Mme D..., si cette hypothèse se réalisait et si elle avait à supporter une fraction du coût de sa prise en charge dans une telle institution, de demander une indemnisation complémentaire à ce titre.
S'agissant des préjudices d'incidences scolaire et professionnelle :
25. Mme D... estime avoir subi un préjudice scolaire et professionnel du fait de la survenue de l'accident vasculaire cérébral, en ce qu'elle a été privée de la possibilité de poursuivre ses études et d'exercer une activité professionnelle correspondant à ses souhaits. Même si Mme D... était en retard scolaire avant son AVC, puisqu'elle était scolarisée en 2010-2011, à l'âge de 17 ans, en classe de seconde, les bulletins scolaires de cette même année décrivent une élève sérieuse et méritante. Il est par ailleurs constant, qu'elle a poursuivi sa scolarité en classe de 1ère au cours de l'année scolaire 2011-2012 avec l'appui d'une assistante de vie scolaire à raison de 8 h par semaine. Cependant, à raison de ses difficultés de concentration, de sa grande fatigabilité, de sa lenteur à l'oral et à l'écrit, elle n'a pu poursuivre sa scolarité en terminale et obtenir son baccalauréat, n'obtenant un CAP qu'au terme d'une formation adaptée. Dans les circonstances de l'espèce, il sera fait une juste évaluation son préjudice de scolarisation et de formation en l'évaluant à 30 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, une indemnisation de 18 000 euros sera mise à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à ce titre.
26. Ainsi qu'il a été dit Mme D... n'exerçait aucune activité professionnelle à la date de son accident vasculaire cérébral et son projet professionnel n'était pas défini. Il résulte de l'instruction que l'expert a retenu une incidence professionnelle " avérée ", du fait de la grande fatigabilité, du déficit fonctionnel et moteur de la main droite et des troubles cognitifs résultant de l'accident vasculaire cérébral subi par Mme D.... Si au terme d'un long parcours, elle a réussi à obtenir un CAP d'auxiliaire de vie, elle n'a pu obtenir aucun poste en crèche ou en milieu scolaire comme elle le souhaitait à raison de ses difficultés physiques. Il résulte de l'instruction que depuis février 2022, elle garde des enfants à domicile à raison de 6 à 20 heures par semaine pour des revenus de 6 000 euros annuels environ en 2022. Il résulte également de l'instruction qu'elle perçoit l'allocation adulte handicapé depuis juin 2013, pour un montant de 800 euros par mois en moyenne. Compte tenu de l'ensemble de ces éléments et de l'âge de Mme F... D... à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste évaluation de son préjudice professionnel, dont l'incidence professionnelle, à la somme de 200 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, une indemnisation de 120 000 euros sera mise à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône à ce titre.
En ce qui concerne les préjudices extra patrimoniaux :
S'agissant du déficit fonctionnel temporaire :
27. Il résulte de l'instruction que Mme D... a subi un déficit fonctionnel temporaire total du 18 au 27 janvier 2011, période de son hospitalisation au sein de l'hôpital Femme-Mère-Enfant E..., période de laquelle il convient de retrancher les trois jours d'hospitalisation qui auraient été nécessaires à la surveillance de son état de santé en l'absence de dysfonctionnements du service des urgences du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône. Si l'expert relève un déficit fonctionnel temporaire total également du 14 au 18 janvier 2011, il résulte de l'instruction que Mme D... est revenue au domicile de ses parents et qu'elle n'était pas privée de toutes ses capacités durant ces journées, même si elle présentait des signes de troubles vasculaires. Pour cette période, le déficit fonctionnel peut être évalué à 75 %. Pour la période du 27 janvier 2011 au 10 mai 2011, période d'hospitalisation en centre de rééducation, le déficit fonctionnel temporaire pourra être évalué à 80 %. Pour la période du 11 mai 2011 au 14 janvier 2013, date de la consolidation de son état de santé, le déficit fonctionnel temporaire a été évalué à 55 % par l'expert, ce qui n'est pas contesté. Dans ces conditions, il sera fait une juste appréciation du préjudice résultant du déficit fonctionnel temporaire subi par Mme D... en l'évaluant la somme totale de 7 000 euros. Au regard du taux de perte de chance, une indemnisation de 4 200 euros sera mise à la charge du centre hospitalier de Ville franche-sur-Saône à ce titre.
S'agissant du déficit fonctionnel permanent :
28. L'expert a fixé le taux de déficit fonctionnel permanent de Mme D... à 45 % à compter de la date de consolidation de son état de santé. Dans les circonstances de l'espèce et compte tenu de l'âge de Mme D... à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en le fixant à une somme de 150 000 euros. Au regard du taux de perte de chance, une somme de 90 000 euros sera mise à la charge du centre hospitalier.
S'agissant des souffrances endurées :
29. Les souffrances endurées par Mme F... D... ont été évaluées par l'expert à 3 sur une échelle comportant 7 niveaux. Compte tenu des souffrances subies par l'intéressée tant sur le plan physique que psychologique jusqu'à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste évaluation de ce chef de préjudice en le fixant à 4 500 euros, soit 2 700 euros après application du taux de perte de chance.
S'agissant du préjudice esthétique :
30. L'expert a évalué le préjudice esthétique temporaire de Mme F... D... à 2 sur une échelle comportant 7 niveaux. Par ailleurs, compte tenu de l'âge de l'intéressée et des séquelles permanentes résultant de son AVC, notamment la persistance de tremblements de la main droite et du syndrome de la main en pince, ainsi que la réduction de sa fluence verbale, il y a lieu de retenir l'existence d'un préjudice esthétique permanent. Il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation due au titre de ces préjudices en la fixant à une somme totale de 3 500 euros, soit 2 100 euros après application du taux de perte de chance.
S'agissant du préjudice d'agrément :
31. Il résulte de l'instruction que Mme F... D... ne peut plus pratiquer les activités de loisir, notamment le dessin, l'écriture et les activités sportives, qu'elle pratiquait régulièrement avant la survenance de son AVC. Dans ces circonstances, il sera fait une juste appréciation de l'indemnisation due au titre de ce chef de préjudice en la fixant à une somme de 7 500 euros, soit 4 500 après application du taux de perte de chance.
S'agissant du préjudice sexuel :
32. Il résulte de l'instruction que Mme D... subi une perte d'estime de soi du fait des séquelles résultant de son AVC et que ses troubles du comportement entrainent une difficulté à entretenir des relations. Dans ces conditions, et compte tenu de son âge à la date de la consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation de son préjudice sexuel en l'évaluant à la somme de 5 000 euros, soit 3 000 euros après application du taux de perte de chance.
S'agissant du préjudice d'établissement :
33. Il résulte de l'instruction que les séquelles présentées par Mme F... D... impliquent une difficulté à entretenir des relations sentimentales par ailleurs, sa grande fatigabilité et ses troubles cognitifs et comportementaux induisent une perte des capacités nécessaires pour assumer une charge familiale et éducative. Dans ces conditions et compte tenu de son âge à la date de consolidation de son état de santé, il sera fait une juste appréciation de son préjudice d'établissement en l'évaluant à la somme de 40 000 euros, soit 24 000 euros après application du taux de perte de chance.
34. Au regard de tout ce qui précède le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône doit être condamné à verser à Mme F... D..., une somme totale de 332 560,45 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022, date de réception de sa demande indemnitaire préalable ainsi qu'une rente trimestrielle de 877,13 euros versée selon les modalités et dans les conditions prévues au point 24 du présent arrêt.
Sur les préjudices des victimes indirectes :
35. Il résulte de l'instruction que M. B... D... et Mme I... D..., père et mère de Mme F... D..., ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence et une souffrance morale du fait des préjudices subis par leur fille aînée, à qui ils ont rendu visite très régulièrement durant son hospitalisation, dont ils se sont occupés à compter de son retour à leur domicile, auquel il résulte de l'instruction qu'elle réside toujours, et qu'ils accompagnent au quotidien. Il sera fait une juste appréciation des préjudices subis par chacun d'entre eux en l'évaluant à la somme de 10 000 euros. Compte tenu du taux de perte de chance, il leur sera alloué une somme de 6 000 euros chacun qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022.
36. Il résulte de l'instruction que Mme A... D... et M. H... D..., sœur et frère de Mme F... D..., âgés respectivement de 14 et 11 ans à la date de la survenance de l'AVC de cette dernière, ont subi des troubles dans leurs conditions d'existence et une souffrance morale du fait notamment de la moindre disponibilité de leurs parents et des troubles du comportements et de l'humeur présentés par leur sœur ainée dans les suites de son AVC. Il sera fait une juste évaluation des préjudices subis par chacun d'entre eux en l'évaluant à la somme de 8 000 euros. Dans ces conditions et compte tenu du taux de perte de chance il leur sera alloué une somme de 4 800 euros chacun qui sera assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022.
Sur les droits de la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône :
37. Compte tenu de ce qui a été exposé aux points 11 à 15, le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône versera à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône une somme de 20 933,34 euros au titre de ses débours. La Caisse primaire a par ailleurs droit au versement d'une somme de 1 212 euros au titre de l'indemnité forfaitaire de gestion prévue par les dispositions de l'article L. 376-1 du code de la sécurité sociale.
Sur les frais liés au litige :
38. Il y a lieu de maintenir à la charge définitive du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, les frais et honoraires de l'expertise taxés et liquidés à la somme de 3 120 euros par ordonnance du 10 novembre 2021.
39. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône, partie tenue aux dépens, une somme de 2 000 euros à verser aux requérants et une somme de 1 500 euros à verser à la CPAM du Rhône en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône est condamné à verser une somme de 332 560,45 euros à Mme F... D..., assortie des intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022, ainsi qu'une rente trimestrielle d'un montant de 877,13 euros versée selon les modalités et dans les conditions prévues au point 24 du présent arrêt.
Article 2 : Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône est condamné à verser une somme de 6 000 euros chacun à M. B... D... et Mme I... D... et une somme de 4 800 euros chacun à Mme A... D... et M. H... D..., sommes qui porteront intérêts au taux légal à compter du 24 février 2022.
Article 3 : Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône est condamné à verser une somme de 20 933,34 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône au titre de ces débours, ainsi qu'une somme de 1 212 euros au titre de l'indemnité prévue par les dispositions de l'article L. 371-1 du code de la sécurité sociale.
Article 4 : Les frais de l'expertise ordonnée par le tribunal administratif de Lyon, taxés et liquidés à la somme de 3 120 euros par ordonnance du 10 novembre 2021, sont laissés à la charge du centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône.
Article 5 : Le centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône versera, en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme globale de 2 000 euros aux requérants et une somme de 1 500 euros à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Article 6 : Le jugement n° 2202083 du 12 septembre 2022 du tribunal administratif de Lyon est réformé en ce qu'il a de contraire au présent arrêt.
Article 7 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 8 : Le présent arrêt sera notifié à Mme F... D..., M. B... D..., Mme I... D..., Mme A... D... et M. H... D... au centre hospitalier de Villefranche-sur-Saône et à la caisse primaire d'assurance maladie du Rhône.
Délibéré après l'audience du 10 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de la santé et de l'accès aux soins, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY03108