Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société Tertu a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Les Belleville à lui verser la somme de 10 200 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2020, en paiement de travaux qu'elle a effectués en qualité de sous-traitante de la société Aménagement, conseil et environnement (ACE), à titre principal, au titre du paiement direct, ou, à titre subsidiaire, au titre du préjudice que les fautes de la commune lui a fait subir.
Par jugement n° 2004088 du 14 mars 2023, le tribunal a rejeté la demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 17 mai 2023 et le 28 janvier 2025, la société Tertu, représentée par Me de Mezerac, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) de condamner la commune de Les Belleville à lui verser la somme de 10 200 euros assortie des intérêts au taux légal à compter du 22 janvier 2020 ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Les Belleville la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est en droit d'obtenir le paiement direct de la facture du 28 septembre 2018 qu'elle a adressée à la société ACE, dès lors qu'elle avait été déclarée en tant que sous-traitante à la commune avant la réalisation des travaux ;
- le paiement effectué par la commune auprès de la société ACE ne l'a pas libérée de son obligation de la payer directement ;
- en signant l'acte de sous-traitance qui précisait que le sous-traitant remplissait les conditions pour avoir droit au paiement direct et en lui laissant penser à tort qu'elle pouvait bénéficier d'un paiement direct, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité ;
- la commune a également engagé sa responsabilité en réglant l'intégralité du marché à la société ACE ;
- elle a subi un préjudice consistant dans l'absence de règlement des prestations effectuées ;
- ce préjudice est en lien direct avec les fautes commises ;
Par mémoire enregistré le 8 octobre 2024, la commune de Les Belleville, représentée par Me Bezard, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de la société Tertu la somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le sous-traitant n'étant pas en droit de prétendre au paiement direct du maître de l'ouvrage des travaux effectués antérieurement à la date à compter de laquelle le contrat de sous-traitance a été agréé par le maître de l'ouvrage, la société Tertu ne peut obtenir le paiement des prestations achevées le 7 septembre 2018, soit antérieurement à la date de l'agrément, le 13 septembre 2018 ;
- elle n'a commis aucune faute ;
- en tout état de cause, la société n'établit pas de lien de causalité entre la prétendue faute de l'administration et le préjudice qu'elle allègue.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la loi n° 75-1334 du 31 décembre 1975 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Evrard,
- les conclusions de Mme A...,
- et les observations de Me Lalubie pour la commune de Les Belleville.
Considérant ce qui suit :
1. Pour la fourniture et la pose de glissières en bois, la commune de Les Belleville a conclu un marché de travaux à bons de commande, d'un montant maximal de 100 000 euros, avec la société Aménagement Conseil et Environnement (ACE) par un acte d'engagement du 24 mars 2015. Dans ce cadre, elle a adressé à la société, le 14 juin 2018 et le 2 juillet 2018, trois bons de commande pour la pose de glissières de sécurité à l'arrêt de bus " les Frênes ". A la demande de la société ACE présentée le 11 septembre 2018, la commune a accepté son sous-traitant, la société Tertu, et a agréé ses conditions de paiement, le 13 septembre 2018. La société Tertu a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner la commune de Les Belleville à assurer le paiement direct de la somme de 10 200 euros au titre de prestations qu'elle aurait effectuées en qualité de sous-traitante de la société ACE ou, à titre subsidiaire, la condamnation de la commune à lui verser cette même somme sur le fondement de sa responsabilité quasi-délictuelle. Elle relève appel du jugement du 14 mars 2023 par lequel le tribunal a rejeté sa demande.
Sur le paiement direct :
2. Aux termes de l'article 3 de la loi du 31 décembre 1975 relative à la sous-traitance alors en vigueur : " L'entrepreneur qui entend exécuter (...) un marché en recourant à un ou plusieurs sous-traitants doit, au moment de la conclusion et pendant toute la durée (...) du marché, faire accepter chaque sous-traitant et agréer les conditions de paiement de contrat de sous-traitance par le maître de l'ouvrage ; l'entrepreneur principal est tenu de communiquer le ou les contrats de sous-traitance au maître de l'ouvrage lorsque celui-ci en fait la demande ". Aux termes de l'article 5 de cette loi : " En cours d'exécution du marché, l'entrepreneur principal peut faire appel à de nouveaux sous-traitants, à la condition de les avoir déclarés préalablement au maître de l'ouvrage ". Aux termes de l'article 6 de cette loi : " Le sous-traitant direct du titulaire du marché qui a été accepté et dont les conditions de paiement ont été agréées par le maître de l'ouvrage, est payé directement par lui pour la part du marché dont il assure l'exécution (...) ". Et aux termes de l'article 8 de cette loi : " L'entrepreneur principal dispose d'un délai de quinze jours, comptés à partir de la réception des pièces justificatives servant de base au paiement direct, pour les revêtir de son acceptation ou pour signifier au sous-traitant son refus motivé d'acceptation. Passé ce délai, l'entrepreneur principal est réputé avoir accepté celles des pièces justificatives ou des parties de pièces justificatives qu'il n'a pas expressément acceptées ou refusées ".
3. Le sous-traitant n'est pas en droit de prétendre au paiement direct par le maître de l'ouvrage, sur le fondement des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1975, des travaux exécutés antérieurement à la date à compter de laquelle le contrat de sous-traitance a été agréé par le maître de l'ouvrage.
4. Il résulte de l'instruction, et, notamment, des mentions portées sur les bons de commande établis par la commune de Les Belleville le 14 juin 2018 et le 2 juillet 2018, que les prestations commandées ont été achevées le 7 septembre 2018, soit antérieurement à date à laquelle la société ACE a demandé à la commune d'accepter son sous-traitant et d'agréer ses conditions de paiement, formée le 11 septembre 2018. La seule circonstance, au demeurant non établie par les pièces du dossier en l'absence de production par la société du contrat de sous-traitance en dépit de la demande de la cour, que ce contrat de sous-traitance aurait été conclu le 11 septembre 2018 n'est pas de nature à ouvrir droit à la société Tertu au paiement direct des prestations qu'elle aurait effectuées, en vertu de ce contrat, antérieurement à son acceptation et à l'agrément de ses conditions de paiement. Il s'ensuit que la société Tertu n'est pas fondée à demander le paiement direct de ces prestations en application des dispositions précitées de la loi du 31 décembre 1975.
Sur la responsabilité quasi-délictuelle de la commune de Les Belleville :
5. En premier lieu, il résulte de l'instruction, et, notamment, des termes mêmes de la déclaration de sous-traitance, que la commune a accepté que des prestations de pose et fourniture de glissières mixtes en métal bois d'un montant de 10 200 euros soient sous-traitées par la société ACE à la société Tertu, et a agréé les conditions de paiement déclarées, la société ACE ayant déclaré que son sous-traitant remplissait les conditions pour pouvoir prétendre au paiement direct. La société Tertu soutient qu'en agréant ses conditions de paiement, sans assurer le paiement direct des prestations effectuées, la commune a commis une faute de nature à engager sa responsabilité. Toutefois, aucun élément ne fait obstacle au paiement direct des prestations effectuées postérieurement à cette déclaration dans le cadre du marché à bons de commande conclu le 24 mars 2015, dans la limite de la somme de 10 200 euros mentionnée. Il s'ensuit que la société Tertu n'est pas fondée à soutenir que la commune de Les Belleville aurait commis une faute en l'acceptant comme sous-traitante et en agréant ses conditions de paiement.
6. En second lieu, la société Tertu n'ayant pas droit au paiement direct des prestations effectuées antérieurement à la déclaration de sous-traitance, elle n'est pas fondée à soutenir qu'en assurant le paiement de ces prestations auprès du titulaire du marché, la société ACE, la commune de Les Belleville aurait commis une faute de nature à engager sa responsabilité.
7. Il résulte de ce qui précède que la société Tertu n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les frais liés à l'instance :
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Les Belleville, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que demande la société Tertu au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de la société Tertu une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la commune de Les Belleville et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société Tertu est rejetée.
Article 2 : La société Tertu versera à la commune de Les Belleville une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la société Tertu et à la commune de Les Belleville.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025 à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 6 mars 2025.
La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au préfet de la Savoie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY01750