Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La société coopérative agricole Ynovae a demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, d'annuler la décision du 23 septembre 2021 par laquelle le directeur départemental des finances publiques de l'Yonne a rejeté sa demande de remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques acquittée au titre de l'année 2020 et, d'autre part, de prononcer le remboursement de la taxe intérieure de consommation de gaz naturel acquittée pour un montant de 38 134, 91 euros au titre de l'année 2020.
Par une ordonnance n° 2301050 du 15 juin 2023, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Dijon rejeté sa demande comme portée devant un ordre de juridiction incompétent pour en connaître.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 25 juillet 2023, la société coopérative agricole Ynovae, représentée par la SELARL Onelaw - Leyton Legal, demande à la cour :
1°) d'annuler cette ordonnance du tribunal administratif de Dijon du 15 juin 2023 ;
2°) de renvoyer l'affaire au tribunal administratif afin qu'il statue à nouveau sur sa demande.
Elle soutient que :
- la juridiction administrative est compétente pour statuer sur les litiges tendant au remboursement de la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques ;
- en l'absence de règles spéciales visant la compétence du tribunal judiciaire dans le cadre du dispositif de remboursement de l'article 32 de la loi n° 2013-1278 de finances pour 2014, le régime de droit commun tend à s'appliquer, donnant ainsi compétence au tribunal administratif ;
- l'instruction technique SG/SAFSL/SDABC/2019-455 du 13 juin 2019 énonce que la décision de rejet pour inéligibilité d'une demande de remboursement est portée devant le tribunal administratif.
La procédure a été communiquée au ministre de l'économie, des finances et de la relance qui n'a pas présenté de conclusions.
Par une ordonnance du 2 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée le 27 septembre 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;
- le code des douanes ;
- le code de l'organisation judiciaire ;
- le code rural ;
- le code des impositions sur les biens et services ;
- la loi n° 2013-1278 du 29 décembre 2013 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Haïli, président-assesseur,
- les conclusions de M. Laval, rapporteur public,
- et les observations de Me Malric, représentant la société requérante ;
Considérant ce qui suit :
1. La société coopérative agricole Ynovae a sollicité, le 2 août 2021, auprès de l'administration fiscale, sur le fondement du II de l'article 32 de la loi du 29 décembre 2013, le remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel acquittée au titre de l'année 2020 pour un montant total de 38 134,91 euros. Elle relève appel de l'ordonnance susvisée par laquelle le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Dijon a rejeté pour incompétence de la juridiction administrative sa demande tendant, d'une part, à l'annulation de la décision en date du 23 septembre 2021 par laquelle le directeur départemental des territoires de l'Yonne a rejeté sa demande et, d'autre part, au remboursement de cette taxe.
2. D'une part, aux termes de l'article II de l'article 32 de la loi du 29 décembre 2013, alors en vigueur : " ' A. ' Les chefs d'exploitation ou d'entreprise agricole participant à la mise en valeur d'une exploitation ou d'une entreprise agricole à titre individuel ou dans un cadre sociétaire, affiliés à l'assurance maladie, invalidité et maternité des personnes non salariées des professions agricoles en application de l'article L. 722-10 du code rural et de la pêche maritime ou affiliés au régime social des marins au titre de la conchyliculture, les personnes morales ayant une activité agricole au sens des articles L. 722-1 à L. 722-3 du même code et les coopératives d'utilisation en commun de matériel agricole dont le matériel est utilisé dans les exploitations agricoles en vue de la réalisation de travaux définis aux articles L. 722-2 et L. 722-3 dudit code, ainsi que les personnes redevables de la cotisation de solidarité mentionnées à l'article L. 731-23 du même code, bénéficient d'un remboursement partiel de la taxe intérieure de consommation applicable au gazole et au fioul lourd repris, respectivement, aux indices d'identification 20 et 24 du tableau B du 1 de l'article 265 du code des douanes et de la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel prévue à l'article 266 quinquies du même code. (...). Les demandes de remboursement établies par les personnes mentionnées au A du présent II sont adressées aux services des impôts territorialement compétents sur un modèle de formulaire fourni par l'administration. ". D'autre part, aux termes de l'article 352 du code des douanes : " 1. Les demandes en restitution de droits et taxes perçus par l'administration des douanes (...) sont présentées à l'administration dans les délais et conditions fixées par décret en Conseil d'Etat. / L'autorité administrative compétente statue sur ces demandes dans un délai de quatre mois à compter de leur réception. / L'action contre la décision de l'administration, prise à la suite de cette réclamation, doit être introduite devant le tribunal désigné à l'article 358 du présent code, dans les trois mois à compter de la notification de la décision de l'administration ou, à défaut de réponse, à l'expiration du délai de quatre mois prévu à l'alinéa précédent. / 2. L'action contre une décision de l'administration, prise à la suite d'une demande de remise ou de remboursement fondée sur les articles 236 à 239 du code des douanes communautaire, doit être présentée devant le tribunal désigné à l'article 358 du présent code dans les trois mois à compter de la notification de la décision de l'administration ou, à défaut de réponse, à l'expiration du délai de quatre mois prévu par le décret n° 2001-908 du 3 octobre 2001 pris pour l'application du deuxième alinéa du 2 de l'article 6 du règlement (CEE) n° 2913/92 du Conseil du 12 octobre 1992 établissant le code des douanes communautaire ou du délai supplémentaire fixé par l'administration conformément au 2 de l'article 6 du même règlement. " . Aux termes de l'article 357 bis du code des douanes : " Les tribunaux de grande instance connaissent des contestations concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toute nature recouvrées par l'administration des douanes et des autres affaires de douane n'entrant pas dans la compétence des juridictions répressives. ". Aux termes de l'article 358 du même code : " 1. Les instances résultant d'infractions douanières constatées par procès-verbal de saisie sont portées devant le tribunal dans le ressort duquel est situé le bureau de douane le plus proche du lieu de constatation de l'infraction. / 2. Les litiges relatifs à la créance, aux demandes formulées en application de l'article 352 et ceux relatifs aux décisions en matière de garantie sont portés devant le tribunal de grande instance dans le ressort duquel est situé le bureau de douane, le service spécialisé ou la direction régionale des douanes où la créance a été constatée. / 3. Les règles ordinaires de compétence en vigueur sur le territoire sont applicables aux autres instances. ". Enfin, aux termes de l'article R. 211-3-26 du code de l'organisation judiciaire : " Le tribunal judiciaire a compétence exclusive dans les matières déterminées par les lois et règlements, au nombre desquelles figurent les matières suivantes : (...) / 14° Contestations concernant le paiement, la garantie ou le remboursement des créances de toute nature recouvrées par l'administration des douanes et les autres affaires de douanes, dans les cas et conditions prévus au code des douanes. ".
3. Selon les articles 265 et 266 quinquies du code des douanes en vigueur jusqu'au 31 décembre 2021, date d'entrée en vigueur du code des impositions sur les biens et services issu de l'ordonnance n° 2021-1843 du 22 décembre 2021, la taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques, anciennement dénommée taxe intérieure de consommation sur les produits pétroliers et sur le gaz naturel, relève des taxes intérieures recouvrées par l'administration des douanes.
4. Il résulte des règles rappelées aux points 2 et 3 que le tribunal judiciaire est seul compétent pour connaître des contestations engagées par les redevables relatives au paiement, à la garantie et au remboursement des créances de toute nature recouvrées par l'administration des douanes, notamment en matière de taxe intérieure de consommation sur les produits énergétiques et de taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel.
5. En l'espèce, la société coopérative agricole Ynovae soutient que c'est à tort que la présidente de la 2ème chambre du tribunal administratif de Châlons-en-Champagne a écarté la compétence du juge administratif de l'impôt pour connaître de sa demande alors qu'aucun texte spécifique ne vise la compétence de l'un ou l'autre des ordres de juridiction au titre du dispositif de l'article 32 de la loi n° 2013-1278 de finances pour 2014. Toutefois, la taxe intérieure de consommation sur le gaz naturel dont la société appelante sollicite le remboursement au titre de l'année 2020, laquelle est une taxe indirecte recouvrée par l'administration des douanes. Une telle demande est donc au nombre des contestations douanières relevant de la compétence du juge judiciaire. La seule circonstance que le II de l'article 32 de la loi de finances pour 2014 ait prévu que les demandes de remboursement de cette taxe formées sur le fondement de cet article seraient adressées'au service des impôts territorialement compétent relève d'une simple modalité de gestion de la réception des demandes, mais ne saurait déroger, en l'absence de disposition spécifique sur l'autorité compétente pour statuer sur les demandes de remboursement, aux règles de compétence résultant des dispositions précitées du code des douanes. De même, la circonstance que le bénéficiaire du remboursement ne soit pas le redevable mais l'utilisateur final ne fait pas obstacle à l'application du l'article 352 de ce même code. Le litige ainsi soulevé par la société coopérative agricole appelante, ainsi que l'a jugé à bon droit le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Dijon, ne ressortit pas à la compétence de la juridiction administrative.
6. Par ailleurs, la société appelante ne saurait utilement invoquer les énonciations d'instructions administratives, notamment l'instruction du ministre de l'agriculture du 13 juin 2019, sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales dès lors qu'elles se rapportent à la procédure contentieuse et qu'en tout état de cause, ces instructions ne peuvent déroger légalement aux règles de compétence résultant des textes précités.
7. Il résulte de ce qui précède que la société requérante n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par l'ordonnance attaquée, le président de la 2ème chambre du tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande comme étant portée devant une juridiction incompétente pour en connaître.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la société coopérative agricole Ynovae est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à la société coopérative agricole Ynovae et à la ministre chargée des comptes publics.
Délibéré après l'audience du 6 février 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pruvost, président de chambre,
M. Haïli, président-assesseur,
M. Porée, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 27 février 2025.
Le rapporteur,
X. Haïli
Le président,
D. Pruvost
La greffière,
G. Tarlet
La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY02459