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20/02/2025 | FRANCE | N°23LY02445

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 20 février 2025, 23LY02445


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. et Mme A... et B... Comte ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis, ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants, au titre des années 2014, 2015 et 2016 d'une part et des années 2017 et 2018 d'autre part.



Par un jugement n°s 2107110-2109269 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Lyon a join

t leurs demandes et les a rejetées.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistr...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. et Mme A... et B... Comte ont demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis, ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants, au titre des années 2014, 2015 et 2016 d'une part et des années 2017 et 2018 d'autre part.

Par un jugement n°s 2107110-2109269 du 6 juin 2023, le tribunal administratif de Lyon a joint leurs demandes et les a rejetées.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 juillet 2023, M. et Mme Comte, représentés par Me Fanget, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 6 juin 2023 ;

2°) de prononcer la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquelles ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2018 ainsi que des intérêts de retard et pénalités correspondants ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- la demande de renseignements a été de fait engagée sur le fondement de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales et ils ont été privés des garanties prévues par cet article ;

- les propositions de rectification, qui omettent d'indiquer que la maison est située dans un espace protégé classé dans le périmètre d'un monument historique et ne précisent pas en quoi les travaux effectués devaient être regardés comme une reconstruction du bien immobilier, sont insuffisamment motivées ;

- les travaux qui n'ont pas affecté le gros œuvre et n'ont pas augmenté la surface habitable ne peuvent être qualifiés de travaux de reconstruction ;

- les critères de la majoration pour manquement délibéré ne sont pas réunis.

Par un mémoire en défense, enregistré le 22 décembre 2023, le ministre des finances, de l'économie et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par les appelants ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Soubié, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. Dans le cadre d'un partage anticipé, M. Comte a reçu en donation par acte notarié du 13 juin 2013 un bien immobilier situé à Conzieu (Ain) qui a fait l'objet de travaux au cours des années 2014 à 2016 en vue de sa location. A l'issue d'un contrôle sur pièces, le service vérificateur a remis en cause le caractère déductible des charges de la propriété déclarées par M. Comte et son épouse, rehaussé en conséquence le bénéfice foncier qui avait été déterminé pour 2014, établi le nouveau résultat foncier, bénéficiaire, des années 2015 et 2016, annulant le déficit foncier qui avait été déterminé par les contribuables et mis à leur charge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux. A l'issue d'un second contrôle, relatif aux années 2017 et 2018, l'administration a remis en cause le déficit foncier qui avait été imputé par M. et Mme Comte sur leur résultat foncier et assorti les cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux en résultant de la majoration de 40 % prévue par l'article 1729 du code général des impôts. M. et Mme Comte relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à la décharge des cotisations supplémentaires d'impôt sur le revenu et de prélèvements sociaux auxquels ils ont été assujettis au titre des années 2014 à 2018, ainsi que des majorations correspondantes.

Sur la régularité de la procédure d'imposition :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales : " L'administration des impôts contrôle les déclarations ainsi que les actes utilisés pour l'établissement des impôts, droits, taxes et redevances. / Elle contrôle, également les documents déposés en vue d'obtenir des déductions, restitutions ou remboursements, ou d'acquitter tout ou partie d'une imposition au moyen d'une créance sur l'Etat. / A cette fin, elle peut demander aux contribuables tous renseignements, justifications ou éclaircissements relatifs aux déclarations souscrites ou aux actes déposés. / (...). ". Aux termes de l'article L. 16 du même livre : " En vue de l'établissement de l'impôt sur le revenu, l'administration peut demander au contribuable des éclaircissements. Elle peut, en outre, lui demander des justifications au sujet de sa situation et de ses charges de famille, des charges retranchées du revenu net global ou ouvrant droit à une réduction d'impôt sur le revenu en application des articles 156 et 199 septies du code général des impôts, ainsi que des avoirs ou revenus d'avoirs à l'étranger. / L'administration peut demander au contribuable des justifications sur tous les éléments servant de base à la détermination du revenu foncier tels qu'ils sont définis aux articles 28 à 33 quinquies du code général des impôts (...). / Les demandes visées aux alinéas précédents doivent indiquer explicitement les points sur lesquels elles portent et mentionner à l'intéressé le délai de réponse dont il dispose en fonction des textes en vigueur.".

3. Il résulte de l'instruction que l'administration a adressé à M. et Mme Comte, par lettre du 6 juillet 2017, une demande de renseignements tendant à ce que lui soient communiquées les factures des entrepreneurs ayant réalisé les travaux sur l'immeuble qu'ils donnent en location ainsi que les tableaux d'amortissements justifiant les intérêts d'emprunts déduits pour les années 2014 à 2016. Cette lettre indiquait expressément que la demande qu'elle contenait était établie conformément aux dispositions de l'article L. 10 du livre des procédures fiscales, qu'elle était dépourvue de tout caractère contraignant et qu'une réponse des intéressés était attendue " si possible avant le 16 août 2017 ". Eu égard aux termes dans lesquels elle était rédigée, le vérificateur ne s'est pas implicitement fondé sur les dispositions de l'article L. 16 du livre des procédures fiscales, qui ne lui imposaient pas d'engager la procédure sur ce fondement, pour adresser sa demande aux contribuables. M. et Mme Comte ne peuvent, dès lors, utilement soutenir qu'ils auraient été privés des garanties issues de cet article.

4. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 57 du livre des procédures fiscales : " L'administration adresse au contribuable une proposition de rectification qui doit être motivée de manière à lui permettre de formuler ses observations ou de faire connaître son acceptation. /(...) ". Aux termes de l'article R. 57-1 du même livre : " La proposition de rectification prévue par l'article L. 57 fait connaître au contribuable la nature et les motifs de la rectification envisagée. (...). ". Il résulte de ces dispositions que l'administration doit indiquer au contribuable, dans la proposition de rectification, les motifs et le montant des rehaussements envisagés, leur fondement légal et la catégorie de revenus dans laquelle ils sont opérés, ainsi que les années d'imposition concernées.

5. Les propositions de rectifications des 11 septembre 2017 et 8 novembre 2019 adressées à M. et Mme Comte comportaient la désignation des impôts concernés, la mention des années et des bases d'imposition et énonçaient les motifs sur lesquels l'administration entendait se fonder pour justifier les rectifications envisagées, en indiquant notamment de manière suffisamment précise les raisons pour lesquelles elle avait remis en cause la déductibilité des dépenses de travaux déclarées par les contribuables. Au surplus, le vérificateur n'était pas tenu de mentionner que le bien immobilier était situé dans le périmètre d'un immeuble protégé au titre des monuments historiques, cette circonstance étant sans incidence sur la déductibilité des charges en cause. Dès lors, le moyen tiré de la motivation insuffisante des propositions de rectification doit être écarté.

Sur le bien-fondé des impositions :

6. En vertu de l'article 28 du code général des impôts, le revenu net foncier est égal à la différence entre le montant du revenu brut et le total des charges de la propriété. Aux termes de l'article 31 du même code : " I. Les charges de la propriété déductibles pour la détermination du revenu net comprennent : / 1° Pour les propriétés urbaines : / a. Les dépenses de réparation et d'entretien effectivement supportées par le propriétaire ; / (...) / b. Les dépenses d'amélioration afférentes aux locaux d'habitation, à l'exclusion des frais correspondant à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement, ainsi que des dépenses au titre desquelles le propriétaire bénéficie du crédit d'impôt sur le revenu prévu à l'article 200 quater ou de celui prévu à l'article 200 quater A ; / (...). / 2° Pour les propriétés rurales : a) Les dépenses énumérées aux a à e du 1° ; / (...). ". Il résulte de ces dispositions que les dépenses effectuées par un propriétaire et correspondant à des travaux entrepris dans son immeuble sont déductibles de son revenu, sauf si elles correspondent à des travaux de construction, de reconstruction ou d'agrandissement. Doivent être regardés comme des travaux de construction ou de reconstruction, au sens des dispositions précitées, les travaux comportant la création de nouveaux locaux d'habitation, notamment dans des locaux auparavant affectés à un autre usage, ainsi que les travaux ayant pour effet d'apporter une modification importante au gros œuvre de locaux d'habitation existants ou les travaux d'aménagement interne qui, par leur importance, équivalent à une reconstruction. Doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement, au sens des mêmes dispositions, les travaux ayant pour effet d'accroître le volume ou la surface habitable des locaux existants.

7. Il résulte de l'instruction, et notamment des plans joints à la demande de permis de construire, que le bâtiment reçu en partage par M. Comte comportait, avant la réalisation des travaux litigieux, une partie à usage de grange et une autre partie jadis occupée à l'étage à usage d'habitation. L'aménagement d'un appartement de type 3 sur deux niveaux dans l'ancienne grange et d'un appartement de type 4 également sur deux niveaux dans l'autre moitié du bâtiment a nécessité d'importants travaux, dont le remplacement de l'escalier d'origine par deux nouveaux escaliers et le percement d'une ouverture au rez-de-chaussée et au premier étage entre la partie jadis à usage d'habitation et l'ancienne grange qui ne communiquaient pas, ainsi que des travaux de réfection de la toiture et de la totalité des huisseries extérieures et des volets, d'isolement de l'ensemble du bâti, de percement d'ouvertures supplémentaires dans les murs extérieurs et des murs de refend et de mise en place d'un système de chauffage et de dalles de béton armé en lieu et place de planchers. Ces travaux, qui ont affecté significativement le gros œuvre et entraîné une redistribution de l'aménagement intérieur du bâtiment, doivent être regardés comme des travaux de reconstruction. En outre, les travaux de réaménagement de la partie du bâtiment jadis occupée à usage d'habitation ont conduit à l'augmentation de sa surface habitable et doivent être regardés comme des travaux d'agrandissement. C'est dès lors à bon droit que l'administration a considéré que les dépenses correspondant à ces travaux de reconstruction et d'agrandissement ne constituaient pas des charges déductibles pour l'établissement de l'impôt au sens du 1° du I de l'article 31 du code général des impôts.

Sur la pénalité pour manquement délibéré :

8. Aux termes de l'article 1729 du code général des impôts : " Les inexactitudes ou les omissions relevées dans une déclaration ou un acte comportant l'indication d'éléments à retenir pour l'assiette ou la liquidation de l'impôt ainsi que la restitution d'une créance de nature fiscale dont le versement a été indûment obtenu de l'Etat entraînent l'application d'une majoration de : / a. 40 % en cas de manquement délibéré ; / (...). ".

9. L'administration, qui établit que M. et Mme Comte, qui avaient été destinataires de la proposition de rectification du 11 septembre 2017 et de la réponse à leurs observations, n'ignoraient pas, lorsqu'ils ont déposé, aux printemps 2018 et 2019, leurs déclarations relatives à l'impôt sur le revenu perçu en 2017 et 2018, qu'elle considérait comme non déductible les travaux réalisés sur la maison située à Conzieu. Elle a donc pu à bon droit assortir les rehaussements d'impôt au titre des années 2017 et 2018 de la pénalité pour manquement délibéré prévue au a de l'article 1729 du code général des impôts.

10. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme Comte ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.

Sur les frais du litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à ce titre à la charge de l'Etat qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme Comte est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et B... Comte et à la ministre chargée des comptes publics.

Délibéré après l'audience du 30 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

Mme Soubié, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 20 février 2025.

La rapporteure,

A.-S. Soubié La présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne à la ministre chargée des comptes publics en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02445

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02445
Date de la décision : 20/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

19-04-02-02 Contributions et taxes. - Impôts sur les revenus et bénéfices. - Revenus et bénéfices imposables - règles particulières. - Revenus fonciers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Anne-Sylvie SOUBIE
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : SELARL FANGET - AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-20;23ly02445 ?
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