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18/02/2025 | FRANCE | N°23LY02214

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 18 février 2025, 23LY02214


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... Comte a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 25 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Thonon agglomération a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du Bas-Chablais, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 3 juin 2020.



Par un jugement n°2004076 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure de

vant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 juillet 2023 et le 26 novembre 2024,...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... Comte a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la délibération du 25 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Thonon agglomération a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du Bas-Chablais, ensemble la décision de rejet de son recours gracieux du 3 juin 2020.

Par un jugement n°2004076 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 3 juillet 2023 et le 26 novembre 2024, M. Comte, représenté par Me Eard-Aminthas, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 11 mai 2023 ;

2°) d'annuler la délibération du 25 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Thonon agglomération a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du Bas-Chablais ;

3°) de mettre à la charge de la communauté d'agglomération Thonon agglomération le versement de la somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le rapport de présentation, qui prévoit une augmentation de la consommation foncière de l'habitat pour 2019-2031 ainsi que la création d'une 2x2 voies sans que la consommation foncière de celle-ci ne soit précisée, est insuffisant et incohérent avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) lequel fixe notamment une réduction de 50% de la consommation foncière ;

- le règlement graphique du PLUi est incohérent avec les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, en méconnaissance des dispositions de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme, en ce que le PADD a identifié, sur les parcelles en litige, un espace périurbain de développement modéré alors que le règlement graphique a classé ces mêmes parcelles en zone A ;

- le classement des parcelles cadastrées section L n°1224, 1226 et 1228 en zone A est entaché d'une erreur manifeste d'appréciation, en ce que les parcelles sont situées à proximité immédiate des constructions, au sein d'un hameau et en continuité du centre-bourg, sont séparées de la zone agricole par la route départementale n°20 qui constitue une rupture nette, n'ont jamais fait l'objet d'une exploitation agricole et ne présentent aucun potentiel agricole, dès lors qu'elles supportent notamment une maison d'habitation et un abri de jardin, étaient auparavant classées en zone constructible, les parcelles adjacentes sont classées en zone Ud, le classement n'est pas justifié au regard du parti pris d'urbanisme des auteurs du PLUi visant à permettre une densification du bâti au sein des Espaces Périurbain de Développement modéré.

Par un mémoire enregistré le 4 novembre 2024 et un mémoire enregistré le 17 décembre 2024 et non communiqué, la communauté d'agglomération Thonon Agglomération, représentée par Me Mollion, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. Comte le versement de la somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir qu'aucun des moyens n'est fondé.

Par ordonnance du 28 novembre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée, en dernier lieu, au 17 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Mauclair, présidente assesseure ;

- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique ;

- les observations de Me Eard-Aminthas, représentant M. Comte et de Me Djeffal, représentant la communauté d'agglomération Thonon Agglomération.

Considérant ce qui suit :

1. M. Comte relève appel du jugement du 11 mai 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la délibération du 25 février 2020 par laquelle le conseil communautaire de la communauté d'agglomération Thonon agglomération a approuvé le plan local d'urbanisme intercommunal (PLUi) du Bas-Chablais.

Sur la légalité de la délibération du 25 février 2020 :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 151-4 du code de l'urbanisme, dans sa version en vigueur à la date de la délibération en litige : " Le rapport de présentation explique les choix retenus pour établir le projet d'aménagement et de développement durables, les orientations d'aménagement et de programmation et le règlement. / Il s'appuie sur un diagnostic établi au regard des prévisions économiques et démographiques et des besoins répertoriés en matière de développement économique, de surfaces et de développement agricoles, de développement forestier, d'aménagement de l'espace, d'environnement, notamment en matière de biodiversité, d'équilibre social de l'habitat, de transports, de commerce, d'équipements et de services. / En zone de montagne, ce diagnostic est établi également au regard des besoins en matière de réhabilitation de l'immobilier de loisir et d'unités touristiques nouvelles. / Il analyse la consommation d'espaces naturels, agricoles et forestiers au cours des dix années précédant l'arrêt du projet de plan ou depuis la dernière révision du document d'urbanisme et la capacité de densification et de mutation de l'ensemble des espaces bâtis, en tenant compte des formes urbaines et architecturales. Il expose les dispositions qui favorisent la densification de ces espaces ainsi que la limitation de la consommation des espaces naturels, agricoles ou forestiers. Il justifie les objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain compris dans le projet d'aménagement et de développement durables au regard des objectifs de consommation de l'espace fixés, le cas échéant, par le schéma de cohérence territoriale et au regard des dynamiques économiques et démographiques. (...). ".

3. En l'espèce, le rapport de présentation, qui est constitué de 510 pages, comporte une quatrième partie dédiée à la justification du projet urbain du PLUi explicitant la méthodologie de travail retenue, fondée sur une approche par le prisme foncier privilégiée à une approche par prospective démographique. Selon cette méthodologie se fondant sur une approche concrète de l'existant, et après avoir caractérisé la morphologie du tissu urbain, une enveloppe urbaine autour du bâti existant a été tracée, à l'intérieur de laquelle le gisement foncier interne, " c'est-à-dire les capacités théoriques en foncier nu de constructions, en dents creuses ou en division parcellaire " a pu être identifié. Un bilan quantitatif a ensuite été réalisé afin de vérifier le potentiel foncier " net ", en retirant les gisements fonciers non exploitables en raison de plusieurs critères d'analyse, la présence de risques, l'accessibilité ou encore la topographie. Le rapport de présentation envisage deux scénarii de développement, l'un basé uniquement sur un principe de développement dans l'enveloppe urbaine, l'autre adapté au territoire et prenant en compte la nouvelle mobilité. Ce second scénario, qui intègre une modération de la croissance démographique d'une manière générale (1,8% de croissance projetée) tout en la répartissant de manière plus cohérente avec l'armature, a été retenu par les auteurs du PLUi, répondant ainsi aux objectifs du PADD, lequel vise un développement urbain équilibré afin de garantir des espaces de respiration au sein du tissu urbain, tout en répondant au contexte professionnel et touristique tiré de la position stratégique du Bas-Chablais qui nécessite notamment la création de logements et le renforcement des axes de mobilité. Le rapport de présentation comporte également une analyse de la consommation foncière sur la période 2004-2015 pour l'habitat et l'équipement aux termes de laquelle il apparait que 218 ha environ de foncier ont été consommés sur cette période, dont 183 ha à l'extérieur de l'enveloppe urbaine et 36 ha à l'intérieur de celle-ci. Par ailleurs, pour justifier de la modération de la consommation foncière pour la période 2019-2031, le rapport de présentation relève que le PLUi " propose un recentrage de l'urbanisation en identifiant 70 % du gisement foncier à l'intérieur de l'enveloppe, et environ 68 ha à l'extérieur de l'enveloppe, à destination principalement de secteurs d'habitat, en zone 1AU, 2AU, ou U. Ainsi, en cohérence avec le PADD, le projet de zonage affiche un objectif de modération de la consommation foncière de l'ordre 65 %, en passant de 183 ha de foncier consommé à l'extérieur de l'enveloppe, à 68 ha de foncier théoriquement consommable à l'extérieur de l'enveloppe. Il est important de souligner qu'environ 3 ha de foncier situé à l'extérieur de l'enveloppe urbaine (sur les 68 ha) sont classés en zone 2AU ". Les auteurs du PLUi expliquent également que les gisements fonciers situés à l'intérieur de l'enveloppe urbaine ne sont pas considérés comme des espaces engendrant de la consommation foncière et que le PLUi identifie pour l'habitat 68 ha à l'extérieur de l'enveloppe urbaine et 182 ha à l'intérieur de l'enveloppe urbaine. Ils concluent en précisant que " la traduction du projet de PLUi répond à l'objectif de modération de la consommation foncière avec un ratio de l'ordre de 65 % ". Il résulte de la méthodologie ainsi adoptée, qui n'est pas contestée par M. Comte, que seule est prise en compte pour le calcul de la consommation foncière, celle réalisée en dehors de l'enveloppe urbaine évaluée à 68 ha pour la période 2019-2031, soit une réduction d'environ 65%. Ainsi, M. Comte, qui se fonde sur l'avis de l'autorité environnementale du 30 octobre 2019 ainsi que sur le rapport de la commission d'enquête, n'est pas fondé à soutenir que le rapport de présentation serait insuffisant et en tout état de cause incohérent en ce qu'il ne permet pas de justifier l'objectif n°23 fixé par le PADD tendant à " limiter la consommation foncière de l'ordre de 50 % à l'échelle du futur PLUi, pour ce qui est des espaces consommés en extension de l'enveloppe urbaine et des tènements importants en superficie au sein de l'enveloppe urbaine ".

4. En second lieu, d'une part, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la délibération en litige : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. ".

5. Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

6. D'autre part, aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles. ". Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

7. Il appartient aux auteurs d'un plan local d'urbanisme de définir des zones urbaines normalement constructibles et des zones dans lesquelles les constructions peuvent être limitées ou interdites. Ils ne sont pas liés par les modalités existantes d'utilisation du sol dont ils peuvent prévoir la modification dans l'intérêt de l'urbanisme ou par la qualification juridique qui a pu être reconnue antérieurement à certaines zones sur le fondement d'une réglementation d'urbanisme différente. L'appréciation à laquelle ils se livrent ne peut être discutée devant le juge de l'excès de pouvoir que si elle repose sur des faits matériellement inexacts, si elle est entachée d'erreur manifeste ou de détournement de pouvoir.

8. En l'espèce, les parcelles cadastrées section L n°s 1224, 1226 et 1228, d'une superficie de plus de 4 000 m², situées sur le territoire de la commune de Bons-en-Chablais à environ deux kilomètres de son centre-bourg, supportent une maison d'habitation et un abri de jardin et ont été classées en zone agricole. Ces parcelles clôturées, comportant un vaste pré arboré, sont séparées de la zone urbanisée située au sud-est par la route de la Tuillière qui rompt toute continuité avec l'urbanisation existante. Ces parcelles, sans potentiel agronomique ou agricole particulier, bien que longées par l'avenue du Mont de Boisy et la route de la Tuilière, s'ouvrent sur les trois autres côtés sur une vaste zone agricole à laquelle elles se rattachent, identifiée comme telle au règlement graphique du PLUi, étant relevé que les parcelles cadastrées section L n° 1199 et 1200 situées au nord ont au demeurant également, alors même qu'elles supportent des constructions, été classées en zone A du PLUi. Par ailleurs, le PADD définit et identifie sur une carte du territoire les différentes composantes de l'armature urbaine secondaire, dont font partie les espaces périurbains de développement modéré. A supposer que les parcelles du requérant se trouvent à la limite d'un tel espace dont les objectifs sont de maintenir l'existant, d'encadrer la densification du tissu bâti et de prévoir une densité modérée, l'insertion dans celui-ci ne fait pas obstacle au classement en zone agricole des parcelles appartenant à M. Comte. Ce classement en zone agricole est au demeurant cohérent avec le PADD, qui tend à développer l'urbanisation de façon cohérente et raisonnée, notamment par l'encadrement des extensions urbaines, à fixer des limites intangibles à l'urbanisation, en s'appuyant notamment sur la présence d'éléments physiques matérialisant ces limites, à maîtriser le développement urbain et à préserver l'activité agricole et modérer la consommation d'espace. Eu égard au parti d'aménagement retenu par les auteurs du PLUi et aux caractéristiques des terrains en cause, M. Comte, qui ne peut utilement se prévaloir du précédent classement de ses parcelles, n'est pas fondé à soutenir que leur classement en zone agricole, alors même que celles-ci sont raccordées aux réseaux, est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ou d'incohérence avec le PADD.

9. Il résulte de ce qui précède que M. Comte n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Sur les frais du litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la communauté d'agglomération Thonon Agglomération, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que M. Comte demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Il y a lieu, en revanche, de faire application de ces dispositions et de mettre à la charge de M. Comte une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par la communauté d'agglomération Thonon Agglomération et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. Comte est rejetée.

Article 2 : M. Comte versera à la communauté d'agglomération Thonon agglomération une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... Comte et à la communauté d'agglomération Thonon Agglomération.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

Mme Claire Burnichon, première conseillère,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025.

La présidente-rapporteure,

A.-G. Mauclair L'assesseure la plus ancienne,

C. Burnichon

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N°23LY02214 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02214
Date de la décision : 18/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : Mme MAUCLAIR
Rapporteur ?: Mme Anne-Gaëlle MAUCLAIR
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : VEDESI - SCP SCHMIDT VERGNON PELISSIER THIERRY EARD-AMINTHAS & TISSOT

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-18;23ly02214 ?
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