La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

18/02/2025 | FRANCE | N°23LY01141

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 18 février 2025, 23LY01141


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite, née le 1er avril 2021, par laquelle le maire de la commune de Reignier-Ésery a refusé de convoquer le conseil municipal pour procéder à l'abrogation du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, tel qu'approuvé par la délibération du 3 décembre 2019, en ce qu'il classe en zone agricole la parcelle cadastrée section E n° 945 située au lieudit Magny Nord.



Par

un jugement n° 2103190 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.





...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision implicite, née le 1er avril 2021, par laquelle le maire de la commune de Reignier-Ésery a refusé de convoquer le conseil municipal pour procéder à l'abrogation du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune, tel qu'approuvé par la délibération du 3 décembre 2019, en ce qu'il classe en zone agricole la parcelle cadastrée section E n° 945 située au lieudit Magny Nord.

Par un jugement n° 2103190 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire enregistrés le 30 mars 2023 et le 1er février 2024, M. B..., représenté par Me Oster (SELARL Gaillard Oster Avocats), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 2 février 2023 ;

2°) d'annuler la décision implicite de rejet du maire née le 1er avril 2021 ;

3°) d'enjoindre au maire de la commune de convoquer le conseil municipal afin de procéder à l'abrogation du PLU tel qu'approuvé par délibération du 3 décembre 2019, en ce qu'elle classe en zone agricole la parcelle cadastrée section E n° 945, et à la modification de ce classement, dans un délai de trois mois à compter de la notification du présent arrêt ;

4°) de mettre à la charge de la commune de Reignier-Ésery le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la délibération du 3 décembre 2019, en ce qu'elle classe en zone agricole la partie est (827 m² environ) de la parcelle cadastrée section E n° 945, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ; la partie est de cette parcelle s'inscrit dans l'enveloppe urbaine du hameau de Magny et est en continuité avec des constructions existantes, elle est desservie par les réseaux d'eau potable, d'assainissement et d'électricité, elle dispose d'un accès à la rue des Rocailles via une voie dont il est propriétaire indivisaire adaptée aux véhicules mais pas aux engins agricoles, elle ne présente aucun intérêt, ni potentiel, agricole ou naturel, et elle ne fait pas l'objet d'une exploitation agricole ; les objectifs du PADD ne sont pas susceptibles de justifier le classement en zone A de la partie Est de la parcelle E n° 945, qui est identifiée dans le rapport de présentation comme intégrée dans l'enveloppe urbaine et dans le secteur " centre ", alors que le PADD permet le développement urbain de " dents creuses insérées dans le tissu urbain et dans la mesure où cela n'a pas d'incidence sur l'exploitation agricole ou les espaces naturels " ;

- le classement contesté est incompatible avec les objectifs et principes du rapport de présentation et du PADD du PLU, qui identifient la parcelle comme intégrée dans l'enveloppe urbaine du secteur " centre ", secteur privilégié pour le développement de l'urbanisation, dès lors que des équipements sont présents, et alors que le PADD permet le développement urbain de " dents creuses insérées dans le tissu urbain et dans la mesure où cela n'a pas d'incidence sur l'exploitation agricole ou les espaces naturels ", ce qui est le cas en l'espèce ;

- la délibération du 3 décembre 2019 étant entachée d'illégalité, le maire est tenu de convoquer le conseil municipal et d'inscrire à l'ordre du jour la question de l'abrogation du PLU afin que le conseil municipal, seul compétent, puisse prononcer l'abrogation de cette délibération, en application des dispositions de l'article R. 153-9 du code de l'urbanisme et de l'article L. 2121-10 du code général des collectivités territoriales ; la décision implicite de refus née le 1er avril 2021 est dès lors illégale et devra être annulée.

Par un mémoire enregistré le 8 janvier 2024, la commune de Reignier-Ésery, représentée par Me Duraz, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de M. C... le versement d'une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 13 février 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 28 février 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Maubon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,

- les observations de Me Schmidt, représentant M. B...,

- et les observations de Me Duraz, représentant la commune de Reignier-Ésery.

Considérant ce qui suit :

1. Par une délibération du 3 décembre 2019, le conseil municipal de la commune de Reignier-Ésery (Haute-Savoie) a approuvé la révision du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune. M. B... relève appel du jugement du 2 février 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision implicite, née le 1er avril 2021, par laquelle le maire de la commune a refusé de convoquer le conseil municipal pour procéder à l'abrogation du PLU de la commune, tel qu'approuvé par la délibération du 3 décembre 2019, en ce qu'il classe en zone agricole la partie est de la parcelle cadastrée section E n° 945 située au lieudit Magny Nord, dont il est propriétaire.

2. En vertu de l'article L. 151-5 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la délibération attaquée, le projet d'aménagement et de développement durables du plan local d'urbanisme définit notamment " Les orientations générales des politiques d'aménagement, d'équipement, d'urbanisme, de paysage, de protection des espaces naturels, agricoles et forestiers, et de préservation ou de remise en bon état des continuités écologiques " et " fixe des objectifs chiffrés de modération de la consommation de l'espace et de lutte contre l'étalement urbain ".

3. D'une part, aux termes de l'article L. 151-8 du code de l'urbanisme : " Le règlement fixe, en cohérence avec le projet d'aménagement et de développement durables, les règles générales et les servitudes d'utilisation des sols permettant d'atteindre les objectifs mentionnés aux articles L. 101-1 à L. 101-3. " Pour apprécier la cohérence ainsi exigée au sein du plan local d'urbanisme entre le règlement et le projet d'aménagement et de développement durables, il appartient au juge administratif de rechercher, dans le cadre d'une analyse globale le conduisant à se placer à l'échelle du territoire couvert par le document d'urbanisme, si le règlement ne contrarie pas les orientations générales et objectifs que les auteurs du document ont définis dans le projet d'aménagement et de développement durables, compte tenu de leur degré de précision. Par suite, l'inadéquation d'une disposition du règlement du plan local d'urbanisme à une orientation ou un objectif du projet d'aménagement et de développement durables ne suffit pas nécessairement, compte tenu de l'existence d'autres orientations ou objectifs au sein de ce projet, à caractériser une incohérence entre ce règlement et ce projet.

4. D'autre part, en vertu de l'article L. 151-9 du même code : " Le règlement délimite les zones urbaines ou à urbaniser et les zones naturelles ou agricoles et forestières à protéger. / Il peut préciser l'affectation des sols selon les usages principaux qui peuvent en être faits ou la nature des activités qui peuvent y être exercées et également prévoir l'interdiction de construire. / Il peut définir, en fonction des situations locales, les règles concernant la destination et la nature des constructions autorisées ". Aux termes de l'article R. 151-22 du code de l'urbanisme : " Les zones agricoles sont dites " zones A ". Peuvent être classés en zone agricole les secteurs de la commune, équipés ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles ". Il résulte de ces dispositions qu'une zone agricole, dite " zone A ", du plan local d'urbanisme a vocation à couvrir, en cohérence avec les orientations générales et les objectifs du projet d'aménagement et de développement durables, un secteur, équipé ou non, à protéger en raison du potentiel agronomique, biologique ou économique des terres agricoles.

5. Il appartient aux auteurs d'un PLU de déterminer le parti d'aménagement à retenir pour le territoire concerné par ce plan, en tenant compte de la situation existante et des perspectives d'avenir, et de fixer en conséquence le zonage et les possibilités de construction. Leur appréciation ne peut être censurée par le juge administratif que dans le cas où elle est entachée d'une erreur manifeste ou fondée sur des faits matériellement inexacts.

6. M. B... est propriétaire d'une parcelle d'une superficie de 2 967 m² située au lieu-dit " Magny " sur le territoire de la commune de Reignier-Ésery, composée de deux quadrilatères : l'un à l'est d'environ 820 m², dont il conteste le classement en zone agricole, et l'autre de plus de 2 100 m². La partie de parcelle litigieuse, non bâtie, à l'état de prairie est située dans la partie sud-est du territoire de la commune, au sein du lieu-dit " Magny ", secteur faiblement urbanisé, mêlant des parcelles supportant des maisons d'habitations individuelles, des parcelles non bâties et des exploitations agricoles. Elle jouxte, au nord et à l'est, des parcelles bâties, classées en zone Ud, tandis qu'à l'ouest et au sud elle s'ouvre sur un vaste espace à l'état de prairie dont elle fait partie intégrante, alors même qu'elle n'aurait pas de vocation ou de potentiel agronomique ou de valeur agricole particulière ni n'aurait été identifiée comme telle. Elle ne constitue donc pas une " dent creuse ". Par ailleurs, le requérant ne saurait utilement se prévaloir du classement antérieur de la parcelle en litige. Ni le schéma d'illustration des principes d'urbanisation du PADD ni le schéma d'ensemble du rapport de présentation n'identifient la parcelle litigieuse comme incluse dans la " tâche urbaine " de la commune, et ce conformément à l'état du terrain, dépourvu de toute construction. De plus, le lieu-dit Magny, au sein duquel se situe la parcelle en litige, est un secteur pour lequel les auteurs du document d'urbanisme ont fait le choix d'une restriction de l'urbanisation. En effet, le projet d'aménagement et de développement durables (PADD), sur la base du constat d'une urbanisation récente " dispersée " et de la constitution de plusieurs secteurs d'urbanisation résultant du " mitage historique ", poursuit plusieurs orientations, parmi lesquelles celle de " ne pas consommer d'espaces agricoles pour l'urbanisation en-dehors des espaces nécessaires au sein et en continuité du tissu urbain ", et le document graphique d'illustration des principes d'urbanisation préconise une " hiérarchisation " des secteurs de développement, en trois niveaux : il s'agit d'abord de privilégier le développement urbain du centre-bourg de Reignier, puis celui de deux hameaux principaux (Esery et Eculaz), les hameaux éloignés de ces trois secteurs, comme l'est le lieu-dit Magny, n'ayant enfin vocation qu'à un " développement limité, voire nul ". Enfin, ce classement en zone A est par ailleurs cohérent avec les orientations du PADD qui prévoient, en ce qui concerne la protection des espaces agricoles, de " ne pas consommer d'espaces agricoles pour l'urbanisation en-dehors des espaces nécessaires au sein et en continuité du tissu urbain " et de " maintenir des espaces ouverts qui participent à la qualité environnementale du territoire " et, en ce qui concerne la mise en valeur du paysage, " de préserver les grands équilibres du paysage en inscrivant l'urbanisation à venir dans la continuité du tissu urbanisé ". Compte tenu de ces éléments, en classant la partie est de la parcelle en litige en zone A, alors même qu'elle serait raccordée aux réseaux, les auteurs du PLU n'ont entaché la délibération contestée ni d'erreur manifeste d'appréciation ni d'incohérence avec le PADD.

7. La délibération du 3 décembre 2019 n'étant pas illégale en tant qu'elle prévoit le classement de la totalité de la parcelle E n° 945 en zone A, le maire de la commune de Reignier-Ésery n'était pas tenu de convoquer le conseil municipal pour procéder à son abrogation.

8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, les conclusions à fin d'injonction présentées en appel doivent être rejetées.

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que la somme demandée par M. B... soit mise à la charge de la commune de Reignier-Ésery, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance.

10. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de M. B... une somme de 2 000 euros à verser à la commune de Reignier-Ésery sur le fondement de ces dispositions.

DÉ C I D E :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : M. B... versera une somme de 2 000 euros à la commune de Reignier-Ésery sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à la commune de Reignier-Ésery.

Délibéré après l'audience du 28 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente de la formation de jugement,

Mme Claire Burnichon, première conseillère,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 18 février 2025.

La rapporteure,

G. MaubonLa présidente,

A.-G. Mauclair

Le greffier en chef,

C. Gomez

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

N° 23LY01141 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01141
Date de la décision : 18/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-01-01-01 Urbanisme et aménagement du territoire. - Plans d'aménagement et d'urbanisme. - Plans d`occupation des sols (POS) et plans locaux d’urbanisme (PLU). - Légalité des plans.


Composition du Tribunal
Président : Mme MAUCLAIR
Rapporteur ?: Mme Gabrielle MAUBON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : LIOCHON DURAZ

Origine de la décision
Date de l'import : 02/03/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-18;23ly01141 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award