Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme A... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 20 décembre 2023 par lequel le préfet de Saône-et-Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par jugement n° 2400130 du 12 mars 2024, le tribunal a annulé cet arrêté en tant qu'il portait interdiction de retour (article 2), mis à la charge de l'Etat la somme de 1 000 euros à verser au conseil de la requérante (article 3) et rejeté le surplus de la demande (article 4).
Procédure devant la cour
Par requête enregistrée le 22 mars 2024, le préfet de Saône-et-Loire demande à la cour d'annuler les articles 2 et 3 du jugement et de rejeter le surplus de la demande ;
Il soutient que l'arrêté ne méconnait pas l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de M. Bertrand Savouré ;
Considérant ce qui suit :
1. Par arrêté du 20 décembre 2023, le préfet de Saône-et-Loire a fait obligation à Mme B..., ressortissante géorgienne, de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire pendant une durée d'un an. Par jugement du 12 mars 2024, le tribunal administratif de Dijon a annulé cet arrêté en tant qu'il portait interdiction de retour. Le préfet de Saône-et-Loire interjette appel de ce jugement.
2. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
3. Le préfet de Saône-et-Loire, qui a pris en considération l'entrée récente sur le territoire français de Mme B..., un an avant l'arrêté litigieux, alors que l'intéressée est célibataire et sans enfant et l'existence d'attaches privées et familiales en Géorgie où elle a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans, n'a pas inexactement appliqué les dispositions citées au point 7 en prenant à son encontre une mesure d'interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée d'un an nonobstant son absence de menace pour l'ordre public et l'absence de précédente mesure d'éloignement. L'arrêté n'est pas davantage entaché d'erreur d'appréciation.
4. Il résulte de ce qui précède le préfet de Saône-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision litigieuse. Il y a lieu pour la cour, saisie par l'effet dévolutif de l'appel, d'examiner l'autre moyen soulevé devant le premier juge contre cette décision.
5. Aux termes de l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " 1. Toute personne a le droit de voir ses affaires traitées impartialement, équitablement et dans un délai raisonnable par les institutions et organes de l'Union. 2. Ce droit comporte notamment : - le droit de toute personne d'être entendue avant qu'une mesure individuelle qui l'affecterait défavorablement ne soit prise à son encontre (...) ".
6. Lorsqu'il présente une demande d'asile, l'étranger, dont la démarche tend à son maintien régulier sur le territoire français, ne saurait ignorer qu'il pourra le cas échéant faire l'objet d'un refus d'admission au séjour en cas de rejet de sa demande et, lorsque la reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire lui a été définitivement refusé, d'une mesure d'éloignement du territoire français. Il lui appartient, lors du dépôt de sa demande d'asile d'apporter à l'administration toutes les précisions qu'il juge utiles, notamment celles de nature à permettre à l'administration d'apprécier son droit au séjour au regard d'autres fondements que celui de l'asile. Il lui est loisible, au cours de l'instruction de sa demande, de faire valoir auprès de l'administration toutes observations complémentaires utiles, au besoin en faisant état d'éléments nouveaux. Le droit de l'intéressé d'être entendu n'impose pas à l'autorité administrative de mettre l'intéressé à même de réitérer ses observations ou de présenter de nouvelles observations, de façon spécifique, sur l'obligation de quitter le territoire français qui est prise à la suite du refus définitif de sa demande d'asile.
7. Il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme B... ait sollicité en vain un entretien avec les services de la préfecture ni qu'elle ait été empêchée de présenter spontanément des observations avant que ne soit prise la décision litigieuse. Il ne ressort pas davantage des pièces du dossier qu'elle disposait d'éléments pertinents tenant à sa situation personnelle susceptible d'influer sur le sens de cette décision. En conséquence, le moyen tiré de la méconnaissance du droit d'être entendu ne peut qu'être écarté.
8. Il résulte de ce qui précède que le préfet de Saône-et-Loire est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a annulé la décision portant interdiction de retour prononcée à l'encontre de Mme B... et l'a condamné à verser à son avocate la somme de 1 000 euros au titre des frais de procès.
DÉCIDE :
Article 1er : Les articles 2 et 3 du jugement du tribunal administratif de Dijon du 12 mars 2024 sont annulés et les conclusions de Mme B... s'y rapportant sont rejetées.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur et à Mme A... B.... Copie en sera adressée au préfet de Saône-et-Loire.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
M. Bertrand Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
Le rapporteur,
B. SavouréLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N°24LY00780