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13/02/2025 | FRANCE | N°24LY00528

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 13 février 2025, 24LY00528


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 janvier 2024 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, ainsi que la décision du même jour par laquelle la même autorité a décidé de l'assi

gner à résidence et d'enjoindre au préfet de supprimer le signalement aux fins de non-admission ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. C... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 16 janvier 2024 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, ainsi que la décision du même jour par laquelle la même autorité a décidé de l'assigner à résidence et d'enjoindre au préfet de supprimer le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Par un jugement n° 2400403 du 16 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 23 février 2024, M. C... B..., représenté par Me Zouaoui, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2400403 du 16 février 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) d'annuler les décisions du 16 janvier 2024 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans, ainsi que la décision du même jour par laquelle la même autorité a décidé de l'assigner à résidence ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Haute-Savoie de supprimer le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen.

Il soutient que :

- les décisions contestées n'ont pas été signées par une autorité justifiant de sa compétence ;

- elles sont entachées d'un défaut de motivation et d'un défaut d'examen de sa situation ;

Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :

- cette décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans :

- cette décision est entachée d'une erreur de droit et d'une erreur manifeste d'appréciation ;

Sur la décision portant assignation à résidence :

- cette décision est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors qu'il ne dispose d'aucun domicile en France et que son éloignement ne constitue pas une perspective raisonnable ;

- elle est entachée d'une erreur d'appréciation dès lors que son lieu de travail se situe à Messery.

Le préfet de la Haute-Savoie, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., ressortissant algérien né le 17 février 1993, est entré en France le 20 octobre 2022, selon ses déclarations. Par un arrêté du 16 janvier 2024, le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans. Par un second arrêté du même jour le préfet de la Haute-Savoie a assigné M. B... à résidence dans le département de la Haute-Savoie pour une durée de trois mois renouvelable. Par le jugement attaqué du 16 février 2024, dont M. B... interjette appel, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation de l'ensemble de ces décisions.

Sur les moyens communs à l'ensemble des décisions contestées :

2. En premier lieu M. A..., directeur de la citoyenneté et de l'immigration de la préfecture de la Haute-Savoie, signataire des arrêtés du 16 janvier 2024, dispose d'une délégation de signature en vertu d'un arrêté du préfet de la Haute-Savoie du 15 décembre 2023, régulièrement publié au recueil des actes administratifs du même jour, à l'effet de signer l'ensembles des décisions contenues dans les arrêtés contestés. Par suite, le moyen tiré de l'incompétence du signataire des décisions attaquées doit être écarté.

3. En deuxième lieu, les arrêtés litigieux mentionnent les dispositions sur lesquelles se fondent chacune des décisions qu'ils comportent ainsi que les éléments de fait propres à la situation personnelle de M. B... justifiant ces décisions. Le moyen tiré de leur insuffisante motivation doit donc être écarté.

4. Enfin, il ne ressort ni des termes des arrêtés attaqués ni d'aucun élément du dossier que le préfet de la Haute-Savoie n'aurait pas procédé à un examen attentif de la situation personnelle de M. B....

Sur la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire :

5. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance ; 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

6. M. B..., célibataire et sans enfant à charge, fait valoir qu'il réside paisiblement en France depuis octobre 2022, qu'il exerçait une activité professionnelle à la date de la décision contestée et qu'il a fixé le centre de ses intérêts personnels et privés en France. Cependant, il est constant que M. B... est entré irrégulièrement en France et n'a pas sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Il ressort par ailleurs des pièces du dossier que s'il dispose d'un contrat à durée indéterminée depuis le 6 janvier 2023, il a obtenu son emploi de cavalier-soigneur en présentant une fausse carte d'identité italienne. En outre, cet emploi, exercé depuis un an à la date de la décision litigieuse n'est pas de nature à démontrer une insertion professionnelle stable et durable en France. M. B... ne justifie par ailleurs d'aucune attache familiale ou personnelle en France et ne conteste pas disposer d'attaches en Algérie, pays où il a résidé jusqu'à l'âge de 29 ans. Dans ces conditions, et eu égard aux conditions de séjour en France de l'intéressé, la décision l'obligeant à quitter le territoire français ne porte pas à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la violation des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, par suite, être écarté.

7. Pour les mêmes motifs qu'exposés au point précédent, le moyen tiré de l'erreur manifeste d'appréciation dont serait entachée la décision en litige doit également être écarté.

Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français d'une durée d'un an :

8. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11 ".

9. Dès lors que M. B..., qui ne fait valoir aucune circonstance humanitaire, a fait l'objet d'une mesure d'éloignement pour laquelle aucun délai de départ volontaire ne lui a été accordé, le préfet de la Haute-Savoie pouvait légalement prendre à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français. Par ailleurs, il résulte de ce qui a été précédemment exposé au point 9 du présent arrêt, que l'intéressé ne justifie ni de l'intensité ou de la stabilité de ses liens personnels et familiaux sur le territoire français, ni d'une insertion professionnelle durable à la date de l'arrêté contesté. Dans ces circonstances, le préfet de la Haute--Savoie pouvait prendre à son encontre une décision lui faisant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de deux ans sans commettre aucune erreur d'appréciation ni sur le principe de la mesure d'interdiction ni sur sa durée.

10. Eu égard à ce qui précède, en se bornant à invoquer les circonstances qu'il est présent en France depuis octobre 2022, qu'il dispose d'un contrat à durée indéterminée et n'aurait jamais constitué une menace à l'ordre public M. B... n'est pas fondé à soutenir que cette décision serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle.

Sur la légalité de la décision portant assignation à résidence :

11. En premier lieu, au regard de ce qui a été exposé aux points 5 à 7 du présent arrêt, si M. B... a entendu soulever un moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français à l'appui de ses conclusions dirigées à l'encontre de la décision portant assignation à résidence, un tel moyen ne peut qu'être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 731-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut assigner à résidence l'étranger qui ne peut quitter immédiatement le territoire français mais dont l'éloignement demeure une perspective raisonnable, dans les cas suivants : / 1° L'étranger fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français, prise moins d'un an auparavant, pour laquelle le délai de départ volontaire est expiré ou n'a pas été accordé (...) ".

13. Si M. B... soutient que l'exécution de la mesure d'éloignement dont il fait l'objet ne constitue pas une perspective raisonnable, il ne présente aucun élément permettant d'apprécier le bien-fondé de cette allégation.

14. En dernier lieu, il ressort des pièces du dossier et notamment du procès-verbal d'audition du 16 janvier 2024 que M. B... a déclaré être hébergé chez son employeur et sur son lieu de travail à Messery en Haute-Savoie et que son employeur a attesté de cet hébergement, dès lors, M. B... n'est pas fondé à soutenir que la décision litigieuse serait entachée d'une erreur d'appréciation au motif qu'il ne disposerait d'aucun logement ou serait contraint de méconnaitre cette décision pour se rendre sur son lieu de travail.

En ce qui concerne les modalités de contrôle de la mesure d'assignation à résidence :

15. Aux termes de l'article R. 733-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative qui a ordonné l'assignation à résidence de l'étranger en application des articles L. 731-1, L. 731-3, L. 731-4 ou L. 731-5 définit les modalités d'application de la mesure : 1° Elle détermine le périmètre dans lequel il est autorisé à circuler muni des documents justifiant de son identité et de sa situation administrative et au sein duquel est fixée sa résidence ; 2° Elle lui désigne le service auquel il doit se présenter, selon une fréquence qu'elle fixe dans la limite d'une présentation par jour, en précisant si l'obligation de présentation s'applique les dimanches et les jours fériés ou chômés ; 3° Elle peut lui désigner une plage horaire pendant laquelle il doit demeurer dans les locaux où il réside. ". Si une décision d'assignation à résidence prise en application de l'article L. 731-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit comporter les modalités de contrôle permettant de s'assurer du respect de cette obligation et notamment préciser le service auquel l'étranger doit se présenter et la fréquence de ces présentations, ces modalités de contrôle sont divisibles de la mesure d'assignation elle-même.

16. L'arrêté du 16 janvier 2024 portant assignation à résidence prévoit, en son article 2, l'obligation pour M. B... de se présenter entre 10 heures et 12 heures tous les lundis, mercredis et vendredis hors jours fériés à la brigade de gendarmerie de Douvaine, située à 6 km de son lieu de résidence. M. B... n'apporte aucun élément de nature à démontrer que les modalités de contrôle auxquelles il est soumis ne sont ni nécessaires, ni adaptées, ni proportionnées. Par suite, le moyen tiré de ce que cette mesure serait entachée d'une erreur d'appréciation, doit être écarté.

17. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté ses conclusions tendant à l'annulation des décisions du 16 janvier 2024 par lesquelles le préfet de la Haute-Savoie l'a obligé à quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de deux ans et l'assigné à résidence. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. C... B... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée au préfet de la Haute-Savoie.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00528


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00528
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-03 Étrangers. - Obligation de quitter le territoire français (OQTF) et reconduite à la frontière.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ZOUAOUI

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;24ly00528 ?
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