Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
1) M. C... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 12 septembre 2023 de la préfète du Rhône portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays à destination duquel il pourra être reconduit d'office et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" ou "salarié" ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
2) Mme B... D... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon, d'une part, d'annuler les décisions du 12 septembre 2023 de la préfète du Rhône portant refus de titre de séjour, obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et fixation du pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office et, d'autre part, d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" ou "salarié" ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de sa situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification du jugement à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2308156-2308159 du 1er février 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 19 février 2024, M. C... A... et Mme B... A..., représentés par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats Associés, demandent à la cour :
1°) d'enjoindre au préfet, avant dire droit, de communiquer le rapport médical sur la base duquel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu son avis du 7 août 2023 ;
2°) d'annuler le jugement n° 2308156-2308159 du 1er février 2024 du tribunal administratif de Lyon ;
3°) d'annuler les décisions du 12 septembre 2023 par lesquelles la préfète du Rhône leur a refusé la délivrance d'un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays à destination duquel ils pourront être reconduits d'office ;
4°) d'enjoindre à la préfète du Rhône, de leur délivrer un certificat de résidence portant la mention "vie privée et familiale" ou "salarié" ou, à titre subsidiaire, de procéder au réexamen de leur situation, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- le jugement du tribunal administratif de Lyon est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas répondu à leurs conclusions avant dire droit tendant à ce que le préfet communique le rapport médical sur la base duquel le collège des médecins de l'OFII a rendu son avis du 7 août 2023 ;
- il est entaché d'irrégularité dès lors qu'il n'a pas été répondu au moyen tiré de la méconnaissance de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- les arrêtés du 12 septembre 2023 sont insuffisamment motivés dès lors notamment qu'il n'est pas établi que la préfète aurait examiné leur situation au regard de l'intérêt supérieur de leurs enfants mineurs ;
Sur les décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
- ces décisions sont entachées d'un défaut d'examen complet et sérieux de leur situation ;
- elles méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien, ainsi que celles de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
- elles sont entachées d'erreur manifeste d'appréciation au regard de leurs conséquences sur leur situation familiale ;
Sur les décisions portant obligation de quitter le territoire français :
- ces décisions sont dépourvues de base légale à raison de l'illégalité des décisions leur refusant la délivrance de titres de séjour ;
- elles sont contraires aux stipulations des articles 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
Sur les décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :
- ces décisions sont dépourvues de base légale à raison de l'illégalité des décisions leur refusant la délivrance de titres de séjour et portant obligation de quitter le territoire français.
Par une décision du 20 mars 2024, M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales
- la convention internationale relative aux droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 et le décret n° 2020-1717 du 28 décembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme A..., ressortissants algériens nés respectivement les 23 février 1980 et 30 novembre 1985, sont entrés en France les 20 janvier 2019 et 3 mars 2019 sous couvert de leurs passeports revêtus de visas court séjour, accompagnés chacun d'un de leurs deux enfants mineurs. Ils ont bénéficié de certificats de résidence, valables du 15 juillet 2020 au 14 juillet 2021 en ce qui concerne M. A... et du 2 juillet 2020 au 1er juillet 2021 en ce qui concerne Mme A..., en application du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien à raison de l'état de santé de leur fille ainée. Ils en ont sollicité le renouvellement le 18 mai 2021. Par deux arrêtés du 12 septembre 2023, la préfète du Rhône leur a refusé la délivrance des titres de séjour sollicités, assortissant ces refus d'obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et de décisions fixant le pays à destination duquel ils sont susceptibles d'être reconduits. Par un jugement n° 2308156-2308159 du 1er février 2024, dont M. et Mme A... interjettent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces décisions du 12 septembre 2023.
Sur la régularité du jugement :
2. En premier lieu, si M. et Mme A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de solliciter du préfet la communication du rapport médical du 20 juillet 2023 sur la base duquel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu son avis du 7 août 2023, le tribunal qui est maître de l'instruction, n'était pas tenu de faire droit à leur demande ni tenu de motiver sa décision sur ce point.
3. En second lieu, le point 8 du jugement contesté mentionne, d'une part, qu'aucun élément du dossier ne permet d'établir que la surveillance et la rééducation requises par l'état de santé de la fille ainée de M. et Mme A... ne pourraient se poursuivre en Algérie et, d'autre part, que leurs trois enfants, âgés de 11, 9 et 2 ans à la date des arrêtés attaqués, pourront poursuivre leur scolarité dans ce pays avant d'écarter expressément le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
4. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'omission à statuer dont serait entaché le jugement du 1er février 2024 du tribunal administratif de Lyon doit être écarté dans toute ses branches.
Sur les conclusions aux fins d'annulation :
S'agissant du moyen commun à l'ensemble des décisions contestées :
5. En premier lieu, les arrêtés litigieux du 12 septembre 2023 visent l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant, la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, l'accord franco-algérien et les dispositions applicables du code de l'entrée et du séjour et du droit d'asile. Ils indiquent par ailleurs les éléments de la situation personnelle et familiale de M. et Mme A... qui constituent le fondement des décisions qu'ils comportent. Si M. et Mme A... soutiennent que la préfète du Rhône n'aurait pas examiné les conséquences de ces décisions au regard de l'intérêt supérieur de leurs enfants, un tel moyen se rattache au bien-fondé de ces décisions et non à leur motivation formelle Par suite, le moyen tiré d'un défaut de motivation des arrêtés contestés doit être écarté.
S'agissant de la légalité des décisions portant refus de délivrance d'un titre de séjour :
6. En premier lieu, il ne ressort ni des pièces du dossier ni des termes des décisions litigieuses que la préfète du Rhône n'aurait pas procédé à un examen complet et attentif de la situation familiale de M. et Mme A... ou de leurs situations personnelles.
7. Aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / (...) / 5) au ressortissant algérien (...) dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus ; / (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale. 2. Il ne peut y avoir d'ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Enfin, aux termes de l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant : " Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait d'institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale ".
8. M et Mme A... se prévalent d'un séjour régulier sur le territoire français de près de quatre ans à la date des décisions contestées, de la présence en France de leurs trois enfants mineurs nés respectivement les 4 août 2012, 12 décembre 2013 en Algérie et le 2 août 2021 en France, de l'état de santé de leur fille ainée, de la scolarisation des deux ainés en France depuis 2018 et de l'insertion professionnelle de M. A... en France. Cependant, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'avis du collège des médecins de l'OFII du 7 août 2023, que si l'état de santé de la fille ainée des requérants nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, cette enfant peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Algérie, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. S'il résulte des pièces produites par les requérants que cette enfant souffre d'un ostéosarcome d'Ewing du tibia proximal droit qui a justifié une chirurgie d'amputation du tibia droit le 10 avril 2019 puis un traitement par chimiothérapie et qu'elle porte une prothèse, il en ressort également qu'elle est en rémission complète avec une surveillance oncologique trimestrielle, un suivi orthopédique semestriel et une rééducation. Les certificats médicaux produits, s'ils mentionnent la nécessité de la présence de son père à ses côtés, ne sont pas de nature à démontrer que la surveillance et la rééducation que son état de santé requiert ne pourraient se poursuivre en Algérie. Par ailleurs, si M. A... exerce en France la profession d'infirmier depuis juillet 2022, il est constant qu'il est titulaire d'un diplôme algérien de médecin et n'établit pas qu'il ne pourrait reprendre l'exercice de cette profession en Algérie. Il est également constant que Mme A... détient un diplôme algérien de chirurgien-dentiste et il n'est pas établi que leurs enfants ne pourraient reprendre et poursuivre leur scolarité en Algérie. Dès lors, il n'existe aucun obstacle à la reconstitution de la cellule familiale en Algérie. Au regard de la situation personnelle et familiale de M. et Mme A... sur le territoire français, la préfète du Rhône n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a refusé de leur délivrer un titre de séjour. Par suite les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations du 5° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doivent être écartés.
9. Au regard de ce qui vient d'être exposé, notamment de la possibilité pour leur fille ainée de bénéficier du suivi et de la prise en charge nécessaire à son état de santé en Algérie et de la possibilité pour leurs trois enfants de poursuivre leur scolarité dans ce pays, le moyen tiré de la méconnaissance de l'intérêt supérieur de leurs enfants, garanti par l'article 3-1 de la convention internationale des droits de l'enfant, doit également être écarté.
10. Pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 9 du présent arrêt, la préfète du Rhône n'a pas davantage commis d'erreur manifeste d'appréciation regard des conséquences de des décisions critiquées sur la situation personnelle et familiale des requérants.
S'agissant de la légalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français :
11. Au regard de ce qui a été exposé aux points 5 à 10 du présent arrêt, le moyen tiré, par la voie de l'exception, de l'illégalité des décisions portant refus de délivrance de titres de séjour soulevé à l'appui des conclusions dirigées à l'encontre des décisions portant obligation de quitter le territoire français doit être écarté.
12. Par ailleurs, pour les mêmes motifs que ceux exposés aux points 8 et 9, les moyens tirés de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doivent être écartés.
S'agissant de la légalité des décisions fixant le délai de départ volontaire et le pays de destination :
13. Compte tenu de ce qui a précédemment été exposé, les requérants ne sont pas fondés à exciper de l'illégalité des décisions leur refusant la délivrance d'un titre de séjour et leur faisant obligation de quitter le territoire français à l'appui de leurs conclusions dirigées contre les décisions leur refusant un délai de départ volontaire et fixant le pays de destination.
14. Il résulte de tout ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'enjoindre à la préfète du Rhône de communiquer le rapport médical du 20 juillet 2023 sur la base duquel le collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) a rendu son avis du 7 août 2023, que M. et Mme A... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs demandes. Par voie de conséquence, leurs conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... A..., à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 27 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY00427