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13/02/2025 | FRANCE | N°23LY03784

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 13 février 2025, 23LY03784


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 8 juin 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi et lui a interdit tout retour pendant une durée de six mois.



Par un jugement n° 2304960 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette deman

de.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, M. B....

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon l'annulation des décisions du 8 juin 2023 par lesquelles la préfète de l'Ain a refusé de lui délivrer un certificat de résidence, lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi et lui a interdit tout retour pendant une durée de six mois.

Par un jugement n° 2304960 du 7 novembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 7 décembre 2023, M. B... A..., représenté par Me Ilic, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2304960 du 7 novembre 2023 du tribunal administratif de Lyon et les décisions préfectorales du 8 juin 2023 ;

2°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain, à titre principal, de lui délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale ", dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir et, dans l'attente, de lui délivrer un récépissé avec droit au travail, dans un délai de 5 jours suivant cette notification, l'ensemble sous astreinte de 100 euros par jour de retard, à titre subsidiaire, de lui délivrer, dans l'attente du réexamen de son droit au séjour, une autorisation provisoire de séjour, dans un délai de 8 jours suivant cette même notification, sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et des articles 35 et 75 de la loi du 10 juillet 1991.

M. A... soutient que :

- la décision portant refus de séjour est insuffisamment motivée, est entachée d'une erreur de droit car la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation, méconnaît les stipulations de l'article 6 de l'accord franco-algérien et celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant obligation de quitter le territoire français, illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour, a également été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et se trouve entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

- la décision portant interdiction de retour est insuffisamment motivée et n'a pas été précédée d'un examen approfondi de sa situation.

Par un mémoire en défense enregistré le 9 septembre 2024, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.

La préfète fait valoir que :

- elle a procédé à un examen préalable de la situation du requérant avant de prendre les décisions attaquées, lesquelles sont motivées ;

- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 6-4 de l'accord franco-algérien est inopérant ;

- le refus de séjour ne méconnaît pas les stipulations de l'article 6-5 de l'accord franco-algérien ; subsidiairement, cette décision pouvait exclusivement être fondée sur la réserve d'ordre public prévue par les dispositions de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- elle n'a pas davantage méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ni commis d'erreur manifeste d'appréciation ;

- les exceptions d'illégalité doivent être écartées ;

- l'interdiction de retour est motivée et le requérant ne fait état d'aucune circonstance humanitaire pouvant faire obstacle à la prise d'une telle décision.

La demande d'aide juridictionnelle formulée par M. A... a été rejetée par une décision du bureau d'aide juridictionnelle du 4 décembre 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs famille ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;

* le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 27 janvier 2025.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., ressortissant algérien né en 1992, est entré en France en août 2006, âgé de 14 ans, dans le cadre d'une procédure de regroupement familial. Il y a séjourné sous couvert de certificats de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " délivrés pour la période du 24 septembre 2009 au 22 septembre 2018. Incarcéré du 30 novembre 2017 au 6 juillet 2021, il a sollicité le renouvellement de son titre de séjour le 25 août 2021. La préfète de l'Ain, le 8 juin 2023, après avoir recueilli l'avis, défavorable de la commission du titre de séjour réunie le 5 mai 2023, lui a opposé un refus, a assorti cette décision d'une mesure d'éloignement, sans accorder à M. A... de délai de départ volontaire, a désigné le pays de renvoi de cet étranger et lui a interdit de revenir sur le territoire français pendant une durée de six mois. M. A... relève appel du jugement du 7 novembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions préfectorales du 8 juin 2023.

Sur le refus de séjour :

2. En premier lieu, l'arrêté en litige du 8 juin 2023 contient les éléments de droit et de fait qui fondent la décision de refus de séjour qu'il contient, par suite suffisamment motivée. Il ne ressort pas de cette motivation ni des pièces du dossier que la préfète aurait manqué de procéder, avant de prendre cette décision, à un examen particulier de la situation du requérant. L'erreur de droit invoquée à ce titre doit par suite être écartée.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence d'un an portant la mention " vie privée et familiale " est délivré de plein droit : / 1 ) Au ressortissant algérien, qui justifie par tout moyen résider en France habituellement depuis plus de dix ans ou plus de quinze ans si, au cours de cette période, il a séjourné en qualité d'étudiant " / (...) / 4 ) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français mineur résidant en France, à la condition qu'il exerce même partiellement l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins. (...) / 5 ) au ressortissant algérien, qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial, dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de son refus (...) ".

4. Aux termes de l'article L. 412-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " La circonstance que la présence d'un étranger en France constitue une menace pour l'ordre public fait obstacle à la délivrance et au renouvellement de la carte de séjour temporaire, de la carte de séjour pluriannuelle et de l'autorisation provisoire de séjour prévue aux articles L. 425-4 ou L. 425-10 ainsi qu'à la délivrance de la carte de résident et de la carte de résident portant la mention " résident de longue durée-UE ". " Aux termes de l'article L. 432-1 du même code : " La délivrance d'une carte de séjour temporaire ou pluriannuelle ou d'une carte de résident peut, par une décision motivée, être refusée à tout étranger dont la présence en France constitue une menace pour l'ordre public. "

5. Les stipulations de l'accord franco-algérien visées au point 3 ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qu'elle tient des articles L. 412-5 et L. 432-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile de refuser à un ressortissant algérien la délivrance du certificat de résidence d'un an lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public.

6. Il ressort des pièces du dossier que M. A... a été interpellé pour des faits, en avril 2010, d'usage de stupéfiants, en mars 2012, de communication de correspondance, somme d'argent ou objet avec un détenu, en septembre 2013, de recel de bien, en janvier 2015, d'injure publique envers un particulier et de violence avec usage ou menace d'une arme, en juin 2015, d'outrage à une personne dépositaire de l'autorité publique, en février 2016, de vol en bande organisée avec arme, en avril 2018 et juillet 2018, de recel de bien et de détention non autorisée de stupéfiants, en septembre 2019, de recel de bien, en décembre 2019, de détention, offre ou cession non autorisée de stupéfiants et de recel de bien, en décembre 2022, de conduite d'un véhicule sans permis et en mai 2023, d'usage illicite de stupéfiants. Les faits de recel et de détention de stupéfiants lui ont valu une peine d'emprisonnement de 2 mois, les faits d'offre ou de cession de stupéfiants, une peine d'emprisonnement de 3 mois et les très graves faits de vol en bande organisée avec arme, une peine d'emprisonnement de 7 ans. Au regard de la persistance et de la gravité de son comportement délictueux, la présence en France de M. A... constituait une menace pour l'ordre public, comme l'a d'ailleurs estimé la commission du titre de séjour. Par suite, la préfète de l'Ain, qui a fondé le refus de séjour en litige sur ce motif, n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation quant à cette menace, même si le titre de séjour de M. A... avait été renouvelé jusqu'en septembre 2018.

7. En troisième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1° Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...). / 2° Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

8. A son arrivée en France, M. A... a été scolarisé en collège et il aurait ensuite obtenu un certificat d'aptitude professionnelle (CAP) paysagiste. Entre juin 2009 et mars 2013 il a effectué des missions d'intérim en qualité d'agent d'entretien polyvalent ou de manutentionnaire, puis, de septembre à novembre 2013, en qualité de trieur. A sa levée d'écrou, il a effectué un stage de trois mois, du 26 juillet au 25 octobre 2021, auprès du service de la propreté urbaine de la commune de Bourg-en-Bresse. Toutefois, cet ensemble ne permet pas de qualifier une particulière insertion professionnelle de M. A..., dont le séjour en France, d'une durée atteignant presque 17 années, est marqué par une période de détention de trois ans et sept mois. Il n'a reconnu l'enfant Kais Meunier, né le 25 mars 2018, de nationalité française, que le 19 juin 2023, postérieurement à l'arrêté préfectoral du 8 juin 2023. Par ailleurs, il ne démontre pas entretenir de liens avec cet enfant ni même avec la mère de ce dernier. Enfin, si la mère du requérant ainsi qu'une sœur, née en 2002 et un frère, qui y est né en 2011, résident en France, M. A... ne justifie pas être isolé en Algérie où il a passé les 14 premières années de sa vie. Dans ces conditions, en refusant de lui délivrer un titre de séjour, la préfète de l'Ain n'a pas porté d'atteinte excessive au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale et n'a ainsi pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Elle n'a pas davantage entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation.

Sur les autres décisions :

9. Il résulte de ce qui précède que l'exception d'illégalité du refus de séjour, articulée à l'encontre de la mesure d'éloignement, doit être écartée.

10. En l'absence d'autre argumentation, les moyens tirés de ce que cette mesure méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et serait entachée d'une erreur manifeste d'appréciation doivent être écartés pour les motifs exposés au point 8.

11. Aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose, en son premier alinéa, que " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. ".

12. Pour prononcer l'interdiction de retour de six mois en litige, la préfète de l'Ain, après avoir visé les articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a rappelé la date d'entrée en France du requérant, la durée de son séjour et celle de sa détention, indiqué qu'il était célibataire et sans enfants, dépourvu d'emploi, que ses parents et sa fratrie résidaient régulièrement en France où sa présence toutefois constituait une menace pour la sécurité publique. La décision d'interdiction de retour est ainsi suffisamment motivée et témoigne d'un examen effectif de la situation du requérant.

13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant au versement de frais de procès doivent en conséquence être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.

Délibéré après l'audience du 27 janvier 2025, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY03784


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03784
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ILIC

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23ly03784 ?
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