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13/02/2025 | FRANCE | N°23LY03577

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 13 février 2025, 23LY03577


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



La commune de Vals les Bains a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum M. E... G..., M. F... D..., M. A... C..., la société Ducks Sceno, la société SNEF et la société Videlio à lui verser la somme de 227 221,18 euros en réparation du désordre affectant le théâtre municipal.



Par jugement n° 2106019 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la commune et a mis à sa charge les entiers dépens.
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Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 21 novembre 2023, la commune de Vals le...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

La commune de Vals les Bains a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner in solidum M. E... G..., M. F... D..., M. A... C..., la société Ducks Sceno, la société SNEF et la société Videlio à lui verser la somme de 227 221,18 euros en réparation du désordre affectant le théâtre municipal.

Par jugement n° 2106019 du 21 septembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté la demande de la commune et a mis à sa charge les entiers dépens.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 21 novembre 2023, la commune de Vals les Bains, représentée par Me Lecat (SCP Beraud Lecat Bonsergent), demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement ;

2°) de condamner in solidum MM. G..., D..., C..., la société Ducks Sceno et la société Videlio IEC à lui verser la somme de 227 221,18 euros ;

3°) de mettre à la charge de MM. G..., D..., C... et des sociétés Ducks Sceno et Videlio IEC la somme de 10 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, ainsi que les entiers dépens.

Elle soutient que :

- les travaux ont été tacitement réceptionnés dès le 27 janvier 2011, par l'expression non équivoque de sa volonté ;

- la responsabilité décennale des constructeurs est dès lors engagée, les désordres acoustiques rendant le théâtre impropre à sa destination ;

- les désordres, dus à la méconnaissance des règles essentielles de compatibilité électromagnétique, sont imputables d'abord au titulaire du lot n° 13, ainsi qu'au titulaire du lot n° 10 en charge de l'électricité, et à un manque de contrôle du chantier par l'architecte et le scénographe ;

- le montant des travaux de reprise s'élève à 227 221,18 euros TTC ;

- subsidiairement, les mêmes constructeurs engagent solidairement leur responsabilité contractuelle, eu égard aux fautes commises.

Par mémoires enregistrés le 23 janvier 2024 et le 23 mai 2024, la société Ducks Sceno, représentée par Me Charvier (SELARL C/M B...), demande à la cour :

1°) de rejeter la requête et toute autre demande présentée à son encontre ;

2°) subsidiairement, de condamner in solidum MM. G..., D..., C..., la société SNEF et la société Videlio IEC, venant aux droits de la société Audio Equipements, à la garantir de toute condamnation ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Vals les Bains, ou de toute autre partie perdante, la somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle expose que :

- la requête d'appel est irrecevable, à défaut pour le maire de justifier avoir été habilité à agir ;

- la demande fondée sur la garantie décennale est tardive, compte tenu de la date de réception des travaux et l'absence de réserves ;

- le bien n'est en outre pas impropre à sa destination ;

- la société SNEF est concernée par les désordres dont se plaint la commune de Vals les Bains, compte tenu de la non-conformité des travaux d'électricité à sa charge ;

- aucune faute contractuelle ne lui est imputable.

La clôture de l'instruction a été fixée au 25 septembre 2024, par ordonnance du même jour.

Par courrier du 19 décembre 2024, les parties ont été informées, en application de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour est susceptible de relever d'office l'irrecevabilité comme nouvelles en appel des conclusions de la commune de Vals les Bains fondées sur la responsabilité contractuelle des locateurs, qui procède d'une cause juridique distincte de la responsabilité décennale et n'est pas d'ordre public.

Un mémoire a été enregistré le 13 janvier 2025 pour la société SNEF, représentée par Me Bado (SELARL Abeille et associés), et n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code civil ;

- le décret n° 76-87 du 21 janvier 1976 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Sophie Corvellec ;

- les conclusions de Mme Christine Psilakis ;

- les observations de Me de Riberolles pour MM. G..., D..., C... et celles de Me Bado pour la société SNEF ;

Considérant ce qui suit :

1. La commune de Vals les Bains a engagé en 2008 la rénovation de son théâtre. La maîtrise d'œuvre a été confiée à un groupement conjoint composé notamment de MM. G..., C..., D..., architectes, et de la société Ducks Sceno, scénographe, par acte d'engagement du 18 janvier 2008. Le lot n° 10 comprenant les travaux d'électricité courants faibles a été confié à la société SNEF et le lot n° 13 portant sur les équipements audiovisuels et l'éclairage scénique à la société Audio Equipement, depuis devenue Videlio IEC. Dès le mois de juin 2011, des désordres sonores, connus sous le nom de " buzz ", ont été constatés dans les différentes enceintes de l'établissement. Par ordonnance du 27 mars 2012, le président du tribunal administratif de Lyon a désigné un expert, qui a déposé son rapport le 30 septembre 2014. La commune de Vals Les Bains a alors saisi le tribunal administratif de Lyon, afin d'obtenir la condamnation in solidum de MM. G..., C..., D... et des sociétés Ducks Sceno, SNEF et Videlio, sur le fondement de la garantie décennale. Le tribunal a rejeté sa demande par jugement du 21 septembre 2023 dont elle relève appel.

Sur le fond du litige :

Sur la responsabilité contractuelle :

2. Il résulte du dossier de première instance que, devant le tribunal administratif, la commune de Vals les Bains s'était uniquement prévalue de la responsabilité décennale des constructeurs. Par suite, les conclusions par lesquelles elle recherche désormais la responsabilité contractuelle de ces derniers, laquelle procède d'une cause juridique distincte et n'est pas d'ordre public, sont nouvelles en appel et, par suite, irrecevables.

Sur la responsabilité décennale :

3. Il résulte des principes qui régissent la responsabilité décennale des constructeurs que des désordres apparus dans le délai d'épreuve de dix ans, de nature à compromettre la solidité de l'ouvrage ou à le rendre impropre à sa destination dans un délai prévisible, engagent leur responsabilité, même s'ils ne se sont pas révélés dans toute leur étendue avant l'expiration du délai de dix ans. Le constructeur dont la responsabilité est recherchée sur ce fondement ne peut en être exonéré, outre les cas de force majeure et de faute du maître d'ouvrage, que lorsque, eu égard aux missions qui lui étaient confiées, il n'apparaît pas que les désordres lui soient en quelque manière imputables.

4. Il résulte de l'instruction, en particulier du rapport d'expertise du 30 septembre 2014, que les désordres constatés sont plus particulièrement dus à une séparation insuffisante des câbles d'éclairage et des câbles audio et à l'absence de blindage métallique continu des liaisons, en méconnaissance des principes de compatibilité électromagnétique. Cette expertise conclut ainsi à la responsabilité, en premier lieu, de la société titulaire du lot n° 13, ainsi qu'à un défaut de surveillance de l'exécution des travaux de ce lot par la maîtrise d'œuvre scénique, voire à une insuffisance des travaux d'électricité réalisés par le titulaire du lot n° 10.

En ce qui concerne les travaux du lot n° 13 :

5. Aux termes de l'article 41.1 du cahier des clauses administratives générales (CCAG) applicables aux marchés publics de travaux, approuvé par le décret du 21 janvier 1976, applicable au marché en litige en vertu de l'article 2 de son cahier des clauses administratives particulières : " L'entrepreneur avise à la fois la personne responsable du marché et le maître d'œuvre, par écrit, de la date à laquelle il estime que les travaux ont été achevés ou le seront. / Le maître d'œuvre procède, l'entrepreneur ayant été convoqué, aux opérations préalables à la réception des ouvrages (...) / En cas d'absence de l'entrepreneur à ces opérations, il en est fait mention audit procès-verbal et ce procès-verbal lui est alors notifié ". Aux termes de l'article 41.2 de ce CCAG : " Les opérations préalables à la réception comportent : / La reconnaissance des ouvrages exécutés ; / Les épreuves éventuellement prévues par le C.C.A.P. ; / La constatation éventuelle de l'inexécution de prestations prévues au marché ; / La constatation éventuelle d'imperfections ou malfaçons ; / Sauf stipulation différente du C.C.A.P. prévue au 11 de l'article 19, la constatation du repliement des installations de chantier et de la remise en état des terrains et des lieux ; / Les constatations relatives à l'achèvement des travaux. / Ces opérations font l'objet d'un procès-verbal dressé sur-le-champ par le maître d'œuvre et signé par lui et par l'entrepreneur ; si ce dernier refuse de le signer, il en est fait mention (...) ". Enfin, aux termes de l'article 41.3 de ce CCAG : " Au vu du procès-verbal des opérations préalables à la réception et des propositions du maître d'œuvre, la personne responsable du marché décide si la réception est ou non prononcée ou si elle est prononcée avec réserves. Si elle prononce la réception, elle fixe la date qu'elle retient pour l'achèvement des travaux. La décision ainsi prise est notifiée à l'entrepreneur dans les quarante-cinq jours suivant la date du procès-verbal. / A défaut de décision de la personne responsable du marché notifiée dans le délai précisé ci-dessus, les propositions du maître d'œuvre sont considérées comme acceptées. / La réception, si elle est prononcée ou réputée comme telle, prend effet à la date fixée pour l'achèvement des travaux ".

6. Il est constant que les travaux du lot n° 13 relatif aux équipements audio et à l'éclairage scénique n'ont pas fait l'objet d'une décision de réception de la personne responsable du marché. Si la commune de Vals les Bains se prévaut d'une réception tacite de ces travaux, elle ne conteste pas que, comme l'ont retenu les premiers juges, la procédure prévue par les stipulations ci-dessus rappelées du CCAG applicable à ce marché n'a pas été respectée, en particulier en l'absence de procès-verbal des opérations préalables à la réception des ouvrages dûment signé par le titulaire du lot et comportant la constatation des travaux exécutés et d'éventuelles inexécutions, et qu'aucune réception tacite n'est dès lors intervenue sur ce fondement. Par ailleurs, et contrairement à ce que la commune de Vals les Bains prétend, le calendrier auquel était subordonnée la perception d'une subvention pour ce projet, de même que la proposition de réception sans réserve qui lui a été faite par le maître d'œuvre le 27 janvier 2011, ne sauraient suffire à démontrer qu'elle entendait réceptionner ces travaux sans réserves à cette date, alors que les travaux n'étaient nullement achevés et que des propositions de réserves ont été formulées ultérieurement par le maître d'œuvre chargé de la scénographie. Par suite, les désordres en litige n'étant pas apparus postérieurement à la réception des travaux, la commune de Vals les Bains n'est pas fondée à rechercher la responsabilité décennale des constructeurs à raison de ces travaux.

En ce qui concerne les travaux du lot n° 10 :

7. Les travaux du lot n° 10 ont été réceptionnés par décision du maître d'ouvrage du 27 janvier 2011, sans réserve et avec effet à cette date. Pour rechercher la responsabilité des membres du groupement de maîtrise d'œuvre, la commune de Vals les Bains se borne à se référer au rapport d'expertise. Toutefois, cette expertise ne permet nullement d'établir que ces désordres seraient imputables, même partiellement, aux problèmes de qualité de la terre auxquels elle se réfère ou aux travaux précédemment exécutés du lot n° 10, ni, dès lors, davantage à un défaut de contrôle et de surveillance des travaux de ce lot par les membres du groupement de maîtrise d'œuvre. Dans ces conditions, la commune de Vals les Bains n'est pas fondée à rechercher leur responsabilité au titre de la garantie décennale à raison des travaux réalisés en exécution du lot n° 10.

8. Il résulte de tout ce qui précède, et sans qu'il soit besoin d'examiner la fin de non-recevoir opposée en défense, que la commune de Vals les Bains n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Sur les frais liés au litige :

9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de MM. G..., D..., C... et des sociétés Ducks Sceno et Videlio IEC, qui ne sont pas les parties perdantes dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par la commune de Vals les Bains. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de cette dernière le versement d'une somme de 1 500 euros à la société Ducks Sceno, en application de ces mêmes dispositions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de la commune de Vals les Bains est rejetée.

Article 2 : La commune de Vals les Bains versera à la société Ducks Sceno une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la commune de Vals les Bains, à la société Videlio IEC, à M. E... G..., à M. A... C..., à M. F... D..., à la société Ducks Sceno et à la société SNEF.

Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, où siégeaient :

M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,

Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,

Mme Sophie Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 13 février 2025.

La rapporteure,

S. CorvellecLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au préfet de l'Ardèche en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

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N° 23LY03577


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03577
Date de la décision : 13/02/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

39-06-01-04 Marchés et contrats administratifs. - Rapports entre l'architecte, l'entrepreneur et le maître de l'ouvrage. - Responsabilité des constructeurs à l'égard du maître de l'ouvrage. - Responsabilité décennale.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Sophie CORVELLEC
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : ABEILLE & ASSOCIES - LYON

Origine de la décision
Date de l'import : 23/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-13;23ly03577 ?
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