Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 21 juillet 2021 par laquelle le directeur du centre pénitentiaire de Villefranche-sur-Saône a refusé de lui accorder un permis de visite au profit de M. A... E..., incarcéré au sein de cet établissement.
Par jugement n° 2107594 du 24 janvier 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 18 avril 2023, Mme B..., représentée par Me Lantheaume, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision litigieuse ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- l'autorité administrative s'est estimée, à tort, liée par l'avis du 16 juillet 2021 émanant du sous-préfet de Villefranche-sur-Saône sur rapport des services de police du 1er juillet ;
- sa demande n'a, à tort, pas été examinée en tant que concubine de la personne incarcérée intéressée ;
- cette décision a méconnu les dispositions de l'article 35 de la loi du 24 novembre 2009 ;
- elle a méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par mémoire enregistré le 10 septembre 2021, le garde des sceaux, ministre de la justice conclut au rejet de la requête.
Il expose que les moyens ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Par décision du 29 mars 2023, le bureau d'aide juridictionnel a accordé l'aide juridictionnelle totale à Mme B....
Vu :
- la loi n° 2009-1436 du 24 novembre 2009 ;
- le code de procédure pénale ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Bertrand Savouré,
- et les conclusions de Mme D....
Considérant ce qui suit :
1. Mme C... B... a demandé la délivrance d'un permis de visite au centre pénitentiaire de Villefranche-sur-Saône au profit de M. A... E... écroué dans cet établissement et qu'elle présente comme étant son compagnon. Après un avis défavorable du sous-préfet de Villefranche-sur-Saône, un refus lui a été opposé par une décision du directeur du centre pénitentiaire du 21 juillet 2021. Par décision du 1er octobre 2021, le directeur interrégional adjoint des services pénitentiaires de Lyon, saisi d'un recours hiérarchique, a confirmé cette décision. Par requête enregistrée le 18 avril 2023, Mme B... interjette appel du jugement du 24 janvier 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation du refus du centre pénitentiaire de Villefranche-sur-Saône.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
2. Aux termes de l'article 35 de la loi pénitentiaire du 24 novembre 2009 alors en vigueur : " Le droit des personnes détenues au maintien des relations avec les membres de leur famille s'exerce (...) par les visites que ceux-ci leur rendent (...) Les prévenus peuvent être visités par les membres de leur famille ou d'autres personnes, au moins trois fois par semaine, et les condamnés au moins une fois par semaine. / L'autorité administrative ne peut refuser de délivrer un permis de visite aux membres de la famille d'un condamné, suspendre ou retirer ce permis que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. / L'autorité administrative peut également, pour les mêmes motifs ou s'il apparaît que les visites font obstacle à la réinsertion du condamné, refuser de délivrer un permis de visite à d'autres personnes que les membres de la famille, suspendre ce permis ou le retirer. / Les décisions de refus de délivrer un permis de visite sont motivées ".
3. Il résulte des dispositions citées au point précédent que les décisions tendant à restreindre, supprimer ou retirer les permis de visite relèvent du pouvoir de police des chefs d'établissements pénitentiaires. Ces décisions affectant directement le maintien des liens des détenus avec leurs proches, elles sont susceptibles de porter atteinte à leur droit au respect de leur vie privée et familiale protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il appartient en conséquence à l'autorité compétente de prendre les mesures nécessaires, adaptées et proportionnées, pour assurer le maintien du bon ordre et de la sécurité de l'établissement pénitentiaire ou, le cas échéant, la prévention des infractions sans porter d'atteinte excessive au droit des détenus
4. En premier lieu, par la décision du 21 juillet 2021 refusant à Mme B... un permis de visite, le directeur du service pénitentiaire vise expressément les dispositions sur lesquelles il se fonde, notamment l'article 35 de la loi du 24 novembre 2009 et mentionne les faits qui l'ont conduit à considérer qu'octroyer un droit de visite ne contribuerait pas à favoriser la réinsertion sociale ou professionnelle de M. E.... Par suite, la requérante n'est pas fondée à soutenir que la décision serait insuffisamment motivée.
5. En deuxième lieu, alors même qu'il s'est fondé sur les multiples faits délictueux mis en avant par le sous-préfet de Villefranche-sur-Saône pour donner un avis défavorable au droit de visite, il ne ressort pas des pièces du dossier que le directeur du centre pénitentiaire se serait cru lié par cet avis pour prendre sa décision.
6. En troisième lieu, si Mme B... se présente comme la compagne de M. E..., elle ne l'établit pas en se bornant à produire des relevés de compte mentionnant des virements bancaires au profit de ce dernier, des attestations établies par eux-mêmes et deux attestations d'amis. Elle n'établit pas davantage prendre en charge le demi-frère malade de M. E... en se bornant à produire des décisions d'hospitalisation sans consentement de ce dernier. Si elle fait valoir être mère d'une fille née en 2012, le livret de famille produit ne mentionne pas de reconnaissance par un autre parent. Dans ces conditions, et alors qu'aucun texte législatif ou réglementaire n'imposait au directeur du centre pénitentiaire d'inviter la requérante à compléter sa demande par d'autres documents que ceux qu'elle avait déjà fournis, elle n'est pas fondée à se prévaloir de la qualité de membre de la famille du détenu et ne peut ainsi se prévaloir de ce que les dispositions précitées ne permettent à l'autorité pénitentiaire de s'opposer aux visites de personnes ayant cette qualité que pour des motifs liés au maintien du bon ordre et de la sécurité ou à la prévention des infractions. Pour les mêmes motifs, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits et libertés fondamentaux doit être écarté.
7. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier, notamment de l'enquête de police du 16 juillet 2021 que le sous-préfet de Villefranche-sur-Saône a fait réaliser, que l'intéressée a fait l'objet de citations pour vol et vol à l'étalage en 2019, violence avec usage ou menace d'une arme en 2012, menace de mort réitérée en 2012 et outrage à un agent d'un exploitant de réseau de transport public de personnes en 2011. Alors même que les faits les plus graves sont anciens, le directeur du centre pénitentiaire a pu, eu égard au caractère récurent de son mauvais comportement, estimer que ces antécédents pourraient faire obstacle à la réinsertion de M. E... sans méconnaître les dispositions précitées ni commettre d'erreur d'appréciation.
8. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande d'annulation de l'arrêté du 6 décembre 2022.
Sur les frais du litige :
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que Mme B... demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.
DECIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... et au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice.
Délibéré après l'audience du 23 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Arbarétaz, président de chambre,
Mme Evrard, présidente assesseure,
M. Savouré, premier conseiller,
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 13 février 2025.
Le rapporteur,
B. Savouré
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, garde des sceaux, ministre de la justice, en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY01322