Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2023 par lequel la préfète de l'Ain lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de son éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence dans le département de l'Ain pour une durée de qurante-cinq jours renouvelable une fois, d'annuler la décision de remise de son passeport aux autorités et d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour sous astreinte de 100 euros par jour de retard à compter du délai de quinze jours suivant la notification du jugement à intervenir.
Par un jugement n° 2310677 du 15 décembre 2023, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 14 janvier 2024, et un mémoire en réplique, enregistré le 21 mai 2014, M. A..., représenté par le cabinet SPE GO Conseil, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 15 décembre 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 9 décembre 2023 de la préfète de l'Ain ;
3°) d'enjoindre à la préfète de l'Ain de lui délivrer un titre de séjour dans le délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 200 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
La décision portant l'obligation de quitter le territoire français :
- méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales compte tenu notamment de la durée de sa résidence en France, de son prochain mariage et de son insertion professionnelle ;
- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- est entachée d'une erreur de droit dans l'application de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
La décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- est entachée d'erreur de droit dès lors qu'il présente des garanties de représentation ;
- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation au regard des conséquences d'une exceptionnelle gravité qu'elle emporte sur sa situation personnelle ;
- l'administration préfectorale a donc violé les articles L. 313-11 4° et L. 314-9 3° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et commis une erreur manifeste d'appréciation ;
L'interdiction de retour d'une durée de dix-huit mois :
- est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai ;
- entraîne des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle et professionnelle ;
Le signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen :
- est illégal compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai et de l'interdiction de retour pour une durée de dix-huit mois ;
- entraîne des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle ;
L'assignation à résidence :
- est illégale compte tenu de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français sans délai et de l'interdiction de retour pour une durée de dix-huit mois.
- entraîne des conséquences d'une exceptionnelle gravité sur sa situation personnelle.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 mai 2024, la préfète de l'Ain conclut au rejet de la requête.
Elle soutient que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., ressortissant tunisien né le 16 mars 1995, est entré en France en août 2020, selon ses déclarations. Il a fait l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français sans délai assortie d'une interdiction de retour d'une durée de dix-huit mois, par un arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 6 mars 2022. Par un arrêté du 9 décembre 2023, notifié le même jour, la préfète de l'Ain a obligé M. A... à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement, a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de dix-huit mois et l'a assigné à résidence dans le département de l'Ain pour une durée de quarante-cinq jours renouvelable une fois. M. A... relève appel du jugement par lequel la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté précité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, si M. A... réitère en appel le moyen tiré de l'atteinte disproportionnée à son droit à une vie privée et familiale tel que protégé par l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales auquel l'arrêté en litige aurait porté, il se borne à soutenir qu'il n'a pas rompu les liens qu'il possède avec la France depuis qu'il y est entré en 2020, qu'il y réside avec sa concubine et la fille française de celle-ci et qu'il a perdu tout contact avec la Tunisie où il serait dans l'incapacité de s'établir de nouveau. Toutefois, tant le contrat de travail à durée indéterminée conclu le 1er avril 2022 que la relation de concubinage dont il se prévaut, à la supposer établie au regard notamment du justificatif de projet de mariage produit, et qui n'existe selon ses propres écritures que depuis le 1er mars 2023, soit quelques mois avant l'arrêté en cause, restent insuffisants pour établir la vie privée et familiale dont il se prévaut. En outre, M. A... a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans en Tunisie, où il possède encore des attaches familiales. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit ainsi être écarté. Pour les mêmes motifs, l'arrêté en litige n'est pas entaché d'erreur manifeste d'appréciation.
3. En deuxième lieu, le moyen tiré de l'erreur de droit dans l'application de l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 n'est assorti d'aucune précision suffisante permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il en va de même des moyens tirés de la méconnaissance des dispositions du 4° de l'article L. 313-11 et du 3° de l'article L. 314-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'ensemble de ces moyens devant par conséquent être écartés.
En ce qui concerne la décision refusant un délai de départ volontaire :
4. Aux termes de l'article L. 612-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Par dérogation à l'article L. 612-1, l'autorité administrative peut refuser d'accorder un délai de départ volontaire dans les cas suivants : (...) 3o Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet. ". Aux termes de l'article L. 612-3 du même code : " Le risque mentionné au 3o de l'article L. 612-2 peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) 5o L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...). ".
5. Si M. A... soutient d'une part qu'il présente des garanties de représentation suffisantes, dès lors qu'il peut justifier d'un domicile, de son passeport en cours de validité et d'une déclaration de concubinage, d'autre part qu'il a attendu de remplir les conditions nécessaires à l'obtention d'un titre de séjour portant la mention " salarié " pour en solliciter la délivrance, il ne conteste pas qu'il s'est précédemment soustrait à la mesure d'éloignement impartie par l'arrêté du préfet des Pyrénées-Orientales du 6 mars 2022. Dans ces conditions, il n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire serait entachée d'erreur de droit ou d'erreur manifeste d'appréciation.
En ce qui concerne la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de dix-huit mois :
6. En premier lieu, il résulte des motifs rappelés aux points 2 à 5 que M. A... n'est pas fondé à invoquer, par la voie de l'exception, l'illégalité de la décision l'obligeant à quitter le territoire français sans délai à l'appui des conclusions dirigées contre la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pendant dix-huit mois.
7. En deuxième lieu, en se bornant à soutenir que cette interdiction comporte, pour sa situation personnelle, des conséquences d'une exceptionnelle gravité le privant notamment d'évoluer au plus vite auprès de sa famille, le requérant, qui n'apporte au demeurant aucune précision utile au soutien de son moyen, ne conteste pas les motifs retenus par la magistrate désignée qui a estimé que, compte tenu de ses conditions de séjour en France et des liens familiaux dont il se prévaut, la préfète n'avait pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et que l'interdiction de retour n'était pas entachée d'erreur manifeste d'appréciation pour ces mêmes motifs.
En ce qui concerne l'inscription aux fins de signalement dans le système d'information Schengen :
8. Il y a lieu, par adoption des motifs retenus par la magistrate désignée aux points 17 et 18 de son jugement, de rejeter comme irrecevables les conclusions présentées à l'encontre de cet acte qui constitue seulement une information accompagnant la décision d'interdiction de retour sur le territoire français à l'égard d'un étranger.
En ce qui concerne la décision portant assignation à résidence :
9. En premier lieu, M. A... n'est pas fondé, compte tenu des motifs retenus aux points précédents, à exciper de l'illégalité des décisions portant obligation de quitter le territoire français sans délai et interdiction de retour pour une durée de dix-huit mois à l'encontre de l'arrêté portant assignation à résidence.
10. En second lieu, les moyens tirés de ce que la décision attaquée serait entachée d'erreur de droit et d'erreur de fait ne sont, comme en première instance, pas assortis des précisions suffisantes permettant d'en apprécier le bien-fondé. Il y a lieu de les écarter.
11. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la magistrate désignée par la présidente du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ne peuvent qu'être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, verse une somme au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Ain.
Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2025.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00094