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05/02/2025 | FRANCE | N°23LY02165

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 05 février 2025, 23LY02165


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'une part, d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel la présidente du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie professionnelle, d'autre part, d'enjoindre au SDIS de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire.



Par un jugement n° 2201261 du 25 avril 2023, l

e tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'une part, d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel la présidente du conseil d'administration du service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de sa maladie professionnelle, d'autre part, d'enjoindre au SDIS de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire.

Par un jugement n° 2201261 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et un mémoire en réplique, enregistrés les 26 juin 2023 et 24 janvier 2024, M. B..., représenté par la Selarl Lexway avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du tribunal administratif de Grenoble du 25 avril 2023 ;

2°) d'ordonner une expertise avant-dire-droit afin notamment de se prononcer sur la correspondance de l'affection lombaire à la maladie décrite dans le tableau n°98 annexé au code de la sécurité sociale et sur l'imputabilité au service de cette affection ;

3°) d'annuler l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel la présidente du conseil d'administration du SDIS de la Drôme a refusé de reconnaître l'imputabilité de sa maladie professionnelle au service ;

4°) d'enjoindre au SDIS de la Drôme de reconnaître l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire ;

5°) de mettre à la charge du SDIS de la Drôme une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la demande de première instance est recevable ;

- sa pathologie est imputable au service :

- le taux de son invalidité a été évalué à 25%.

Par des mémoires en défense, enregistrés les 29 août 2023 et 19 février 2024, le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme, représenté par Me Vivien, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. B... au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- la demande de première instance est irrecevable ;

- les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;

- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,

- les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique,

- les observations de Me A..., représentant M. B..., et celles de Me Radi, représentant le SDIS de la Drôme.

Considérant ce qui suit :

1. M. B..., sapeur-pompier professionnel depuis 1991, a intégré le service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme en 2004 au grade de capitaine. Le 8 septembre 2014, il a été victime de douleurs dorsales alors qu'il soulevait des dossiers, pour lesquelles il a été placé en congé de maladie reconnue imputable au service jusqu'au 15 septembre 2014 aux termes d'une décision du directeur départemental du 18 décembre 2014. Le 10 août 2015, M. B... a déclaré être de nouveau victime de douleurs, également reconnues imputables au service par un courrier du 2 novembre 2015 du chef de groupement des ressources humaines, pour lesquelles il a été placé en congé de maladie avec prise en charge de ses soins, telle que préconisée par l'expert, jusqu'au 17 novembre 2015. Le 5 août 2016, M. B... a de nouveau subi des douleurs lombaires en déplaçant des dossiers. A la suite de cet accident, le SDIS a saisi la commission de réforme, laquelle a rendu le 11 octobre 2016 un avis défavorable à la reconnaissance de l'imputabilité au service de cet accident. Par un arrêté du 14 novembre 2016, le SDIS a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de cet accident. Cet arrêté ayant été annulé par le tribunal administratif par un jugement n° 1700170 du 24 septembre 2019 en raison de vices de forme, le SDIS a de nouveau saisi la commission de réforme, laquelle a émis un avis défavorable le 10 septembre 2020. Par un arrêté du 12 octobre 2020, le président du conseil d'administration du SDIS a une nouvelle fois refusé de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 5 août 2016. Le 13 août 2020, M. B... a sollicité la reconnaissance de sa pathologie lombaire comme maladie professionnelle, demande au titre de laquelle la commission de réforme réunie le 14 octobre 2021 a rendu un avis défavorable. Par un arrêté du 10 novembre 2021, la présidente du conseil d'administration du SDIS a refusé de reconnaitre l'imputabilité au service de cette affection. Le recours exercé par M. B... contre cette décision a été rejeté par un courrier du 8 février 2022. Par une ordonnance n° 2201263 du 16 mai 2022, le juge des référés du tribunal administratif de Grenoble a rejeté la demande d'expertise de son état de santé présentée par M. B....

2. Par un jugement n° 2007649 du 21 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé l'arrêté du 12 octobre 2020 et enjoint au SDIS de reconnaître l'imputabilité au service de l'accident du 5 août 2016, de placer M. B... en congé de maladie imputable au service à compter de cette date pour la durée des arrêts de maladie correspondants, et de procéder, en conséquence, à la reconstitution de ses droits à rémunération. Par un jugement n° 2201261 du 25 avril 2023, le tribunal administratif de Grenoble a en revanche rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 10 novembre 2021. M. B... relève appel de ce dernier jugement.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

3. Il ressort de la demande présentée devant le tribunal que celle-ci comportait, outre une demande d'expertise, la contestation par l'intéressé des motifs de la décision en litige fondant le refus de reconnaissance de l'imputabilité au service de sa maladie, notamment l'exercice d'une activité managériale de bureau et l'existence d'un état antérieur, une argumentation relative à l'erreur d'appréciation commise par le SDIS de la Drôme et la référence aux dispositions légales applicables à sa situation. Cette demande étant par suite motivée conformément aux dispositions de l'article R. 411-1 du code de justice administrative, la fin de non-recevoir opposée par le SDIS doit être écartée.

Sur le bien-fondé du jugement attaqué :

4. D'une part, aux termes de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983, désormais repris à l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique, applicable à la situation de M. B..., dont la maladie professionnelle a été attestée par un certificat médical du 30 juillet 2020 : " (...) IV.- Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. / Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. / Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'Etat. (...) ".

5. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

6. Pour refuser à M. B... le bénéfice de la reconnaissance de l'imputabilité au service de sa pathologie lombaire, le SDIS s'est fondé, aux termes de l'arrêté attaqué du 10 novembre 2021, sur la circonstance que cette maladie ne remplissait que partiellement les conditions du tableau de maladie professionnelle n°98, eu égard au dépassement du délai de prise en charge de six mois, et sur l'absence de lien direct et essentiel entre cette pathologie et les fonctions exercées par l'agent au cours des deux années précédentes. Il a également relevé que les activités exercées par M. B... depuis 2004, partagées entre des missions de commandement sur le terrain et du travail de bureautique et de management, ne l'exposaient pas à des travaux de manutention et de portage en lien avec la mobilisation du rachis lombaire, et qu'il existait un état antérieur préexistant constaté par l'expertise du 13 octobre 2015 du praticien spécialiste en rhumatologie.

7. En opposant la condition de délai de prise en charge du tableau n° 98 des maladies professionnelles visées aux articles L. 461-1 du code de la sécurité sociale, annexé à ce code, sans établir ni même alléguer, y compris au contentieux, que la " sciatalgie avec discopathie " constatée le 30 juillet 2020 au titre de laquelle M. B... a présenté sa demande n'y figurerait pas, le SDIS doit être regardé comme s'étant fondé, à la suite de l'avis de la commission de réforme dont il a repris les termes, sur le deuxième alinéa et non sur le troisième alinéa de l'article 21 bis précité, dès lors également qu'il n'a pas opposé la condition de taux minimum d'incapacité permanente partielle prévue à ce dernier alinéa. En outre, le requérant a produit l'expertise médicale du 1er février 2023 du praticien spécialiste en médecine physique et de réadaptation, qui conclut d'une part, que l'affection chronique du rachis lombaire de M. B... " pourrait s'intégrer dans le cadre d'une maladie professionnelle conformément au tableau 98 ", d'autre part, que " l'activité professionnelle de M. B... a contribué à l'évolution des lésions dégénératives de son rachis ". Par ailleurs, le SDIS de la Drôme ne conteste pas utilement que M. B... a continué à effectuer des tâches de terrain en tant que capitaine, même à titre accessoire. Et contrairement à ce qu'il soutient en défense, il ressort des pièces du dossier que les fonctions de M. B..., exposé au port de charges lourdes, ont participé, même partiellement, sinon à l'apparition, du moins à l'aggravation de sa pathologie lombaire et ne sont pas seulement imputables à une maladie évolutive antérieure à son entrée dans le corps des sapeurs-pompiers. Dans ces conditions, sans qu'il soit besoin d'ordonner avant-dire-droit l'expertise sollicitée, M. B... justifie, en supposant même que le motif lié au délai de prise en charge soit fondé et alors que le port de charges lourdes de manière habituelle ne constitue que l'une des conditions relatives aux travaux visés à la liste limitative du tableau, que sa pathologie désignée au tableau n° 98 est directement causée par l'exercice de ses fonctions. Le moyen tiré de l'erreur d'appréciation et, par conséquent, celui tiré de l'erreur de droit du fait de la méconnaissance des dispositions citées au point 4 doivent donc être accueillis.

8. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par suite, ce jugement ainsi que l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel la présidente du conseil d'administration du SDIS de la Drôme a refusé de reconnaître l'imputabilité de la maladie professionnelle de M. B... au service doivent être annulés.

Sur les conclusions à fin d'injonction :

9. L'annulation de cet arrêté par le présent arrêt, implique qu'il soit enjoint au SDIS de la Drôme de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie lombaire dont souffre M. B....

Sur les frais liés au litige :

10. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions du SDIS de la Drôme présentées sur leur fondement et dirigées contre M. B..., qui n'est pas la partie perdante à la présente instance. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions formulées par M. B... sur le fondement des mêmes dispositions et de mettre à la charge du SDIS une somme de 2 000 euros.

D E C I D E :

Article 1er : Le jugement du 25 avril 2023 du tribunal administratif de Grenoble et l'arrêté du 10 novembre 2021 par lequel la présidente du conseil d'administration du SDIS de la Drôme a refusé de reconnaître l'imputabilité au service de la maladie professionnelle de M. B... sont annulés.

Article 2 : Il est enjoint au SDIS de la Drôme de reconnaître l'imputabilité au service de la pathologie lombaire de M. B....

Article 3 : Le SDIS de la Drôme versera à M. B... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au service départemental d'incendie et de secours (SDIS) de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 21 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,

Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 février 2025.

La rapporteure,

Emilie FelmyLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au préfet de la Drôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02165


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02165
Date de la décision : 05/02/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Emilie FELMY
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : LEXWAY AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 09/02/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-02-05;23ly02165 ?
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