Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 4 avril 2024 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays à destination duquel elle pourra être éloignée d'office, l'a astreinte à résider dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand avec obligation de se présenter tous les jeudis dans les locaux de la police nationale et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n°2400880 du 13 mai 2024, la présidente de ce tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 12 juin 2024, Mme A..., représentée par Me Remedem, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et ces décisions ;
2°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme, sous astreinte de 100 euros par jour de retard passé le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, de réexaminer sa situation et, dans l'attente, de lui délivrer des autorisations provisoires de séjour et de travail ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros aux titres des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
- l'enregistrement de sa demande de titre de séjour pour raison de santé faisait obstacle à ce que le préfet du Puy-de-Dôme décide de l'éloigner ;
- le préfet a méconnu les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- il a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2022 et plus largement quant aux conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur sa situation personnelle ;
- la décision fixant le pays de renvoi n'est pas motivée en fait et le préfet s'est, à tort, estimé en situation de compétence liée ;
- la décision l'astreignant à résider dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand avec obligation de se présenter tous les jeudis dans les locaux de la police nationale n'est pas motivée ;
- elle n'est pas justifiée par la nécessité d'assurer l'exécution à bref délai de l'obligation de quitter le territoire français ou l'impossibilité de procéder à son expulsion ;
- elle porte à sa liberté d'aller et de venir et à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels elle a été prise ;
- les motifs invoqués par le préfet ne sont pas de nature à justifier légalement dans son principe et sa durée la décision d'interdiction de retour.
Par un mémoire en défense enregistré le 18 juillet 2024, le préfet du Puy-de-Dôme conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que :
- le moyen tiré de ce qu'il a commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que la situation de Mme A... ne répondait pas à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile est inopérant ;
- les autres moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Michel ayant été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante mauritanienne entrée en France le 4 juin 2022, a sollicité son admission au statut de réfugié qui lui a été refusée en dernier lieu par une décision du 15 décembre 2023 de la Cour nationale du droit d'asile. Elle relève appel du jugement du 13 mai 2024 par lequel la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions du 4 avri1 2024 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme, sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de renvoi, l'a astreinte à résider dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand avec obligation de se présenter tous les jeudis dans les locaux de la police nationale et lui a interdit de retourner sur le territoire français pour une durée d'un an.
2. En premier lieu et d'une part, aux termes de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'autorité administrative peut obliger un étranger à quitter le territoire français lorsqu'il se trouve dans les cas suivants : / (...) / 3° L'étranger s'est vu refuser la délivrance d'un titre de séjour (...) ; / 4° La reconnaissance de la qualité de réfugié ou le bénéfice de la protection subsidiaire a été définitivement refusé à l'étranger ou il ne bénéficie plus du droit de se maintenir sur le territoire français en application des articles L. 542-1 et L. 542-2, à moins qu'il ne soit titulaire de l'un des documents mentionnés au 3° ; / (...). ". Le seul dépôt d'une demande de titre de séjour ne saurait faire obstacle à ce que l'autorité administrative décide d'éloigner un étranger qui se trouve dans le cas mentionné au 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il en va autrement lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour.
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 431-2 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'un étranger a présenté une demande d'asile qui relève de la compétence de la France, l'autorité administrative, après l'avoir informé des motifs pour lesquels une autorisation de séjour peut être délivrée et des conséquences de l'absence de demande sur d'autres fondements à ce stade, l'invite à indiquer s'il estime pouvoir prétendre à une admission au séjour à un autre titre et, dans l'affirmative, à déposer sa demande dans un délai fixé par décret. Il est informé que, sous réserve de circonstances nouvelles, notamment pour des raisons de santé, et sans préjudice de l'article L. 611-3, il ne pourra, à l'expiration de ce délai, solliciter son admission au séjour. / Les conditions d'application du présent article sont précisées par décret en Conseil d'Etat. ". Aux termes de l'article D. 431-7 du même code : " Pour l'application de l'article L. 431-2, les demandes de titres de séjour sont déposées par le demandeur d'asile dans un délai de deux mois. Toutefois, lorsqu'est sollicitée la délivrance du titre de séjour mentionné à l'article L. 425-9, ce délai est porté à trois mois. ".
4. Mme A..., qui a engagé le 23 février 2024 une procédure en vue de demander une carte de séjour temporaire portant la mention "vie privée et familiale" en raison de son état de santé, au surplus après l'expiration du délai de trois mois prévu à l'article D. 431-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile précité, se borne à produire des ordonnances et des bilans sanguins sans qu'il ne ressorte de ces éléments, peu circonstanciés, une pathologie quelconque. Elle ne peut ainsi prétendre de plein droit à la délivrance d'une carte de séjour temporaire pour raisons de santé. Dès lors, le moyen tiré de ce que le préfet a entaché sa décision d'éloignement d'une erreur de droit doit être écarté.
5. En deuxième lieu, dès lors que le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas statué sur le droit au séjour de Mme A..., le moyen tiré de ce qu'il aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en estimant que sa situation ne répondait pas à des motifs exceptionnels justifiant son admission au séjour au titre de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de la circulaire ministérielle du 28 novembre 2022, dont les énonciations sont au demeurant dépourvues de caractère impératif, doit être écarté comme inopérant.
6. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 721-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être contraint de résider dans le lieu qui lui est désigné par l'autorité administrative. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. ". Aux termes de l'article L. 721-7 du même code : " L'étranger auquel un délai de départ volontaire a été accordé peut, dès la notification de la décision portant obligation de quitter le territoire français, être astreint à se présenter à l'autorité administrative ou aux services de police ou aux unités de gendarmerie pour y indiquer ses diligences dans la préparation de son départ. Cette décision est prise pour une durée qui ne peut se poursuivre au-delà de l'expiration du délai de départ volontaire. ".
7. Les décisions fondées sur les articles L. 721-6 et L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui sont distinctes des mesures d'assignation à résidence qui peuvent également être édictées en vertu de l'article L. 731-1 du même code, tendent à assurer que l'étranger accomplit les diligences nécessaires à son départ dans le délai qui lui est imparti et concourent à la mise en œuvre de l'obligation de quitter le territoire français. Dans ces conditions, si l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration impose que ces décisions soient motivées au titre des mesures de police, cette motivation peut, outre la référence aux articles L. 721-6 et L. 721-7, se confondre avec celle de l'obligation de quitter le territoire français assortie d'un délai de départ volontaire. La décision obligeant Mme A... à quitter le territoire français dans un délai de trente jours est suffisamment motivée en droit et en fait. Par suite, le moyen tiré du défaut de motivation des contraintes qui lui ont été imposées au visa des dispositions précitées des articles L. 721-6 et L. 721-7 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté, le préfet n'ayant pas à préciser en quoi ces obligations, qui consistent pour Mme A... à résider dans l'arrondissement de Clermont-Ferrand et à se présenter tous les jeudis aux services de police nationale, permettraient de garantir l'exécution à bref délai de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Mme A..., qui ne peut utilement faire grief au préfet de ne pas avoir justifié ces contraintes par l'impossibilité de procéder à son expulsion, n'apporte pas plus en appel qu'en première instance d'éléments de nature à établir qu'elles seraient excessives et disproportionnées, entravant ainsi sa liberté d'aller et venir et son droit au respect de sa vie privée et familiale.
8. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 ainsi que pour la prolongation de l'interdiction de retour prévue à l'article L. 612-11. ".
9. Le préfet du Puy-de-Dôme a décidé d'interdire pour une durée d'un an à Mme A... de revenir en France compte tenu de ce que son séjour avait débuté au mois de juin 2022 et de ce qu'elle était dépourvue sur le territoire français de liens personnels et familiaux anciens, intenses et stables. Ces motifs justifient cette décision dans son principe et sa durée. Par suite, le préfet n'a pas fait une inexacte application des dispositions citées au point 8.
10. Enfin, pour le surplus, il y a lieu, par adoption des motifs retenus par la première juge, d'écarter les moyens tirés de ce que le préfet du Puy-de-Dôme a méconnu les articles L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et 3 et 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant, de ce qu'il a commis une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de l'obligation de quitter le territoire français sur la situation personnelle de Mme A..., de ce que la décision fixant le pays de renvoi est insuffisamment motivée en fait et de ce que le préfet s'est cru, à tort, en situation de compétence liée à l'égard des décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et de la Cour nationale du droit d'asile.
11. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet du Puy-de-Dôme.
Délibéré après l'audience du 16 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La présidente rapporteure,
C. Michel
La présidente assesseure,
C. Vinet
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre d'Etat, ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY01674
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