Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. A... ..., Mme E... D... et la société Assurances du crédit mutuel IARD, ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de ... ou la communauté de communes du pays de ... à verser à M. et Mme D... la somme de 66 268,88 euros et à la société Assurances du crédit mutuel IARD la somme 213 357,80 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, de condamner la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) à relever et garantir la commune de ... de ses condamnations dans les limites de son contrat et d'enjoindre à la commune de ... ou à la communauté de communes du pays de ... de réaliser les travaux de réfection du lit du ... conformément aux conclusions du rapport d'expertise dans un délai de trois mois à compter de la notification du jugement et sous astreinte de 500 euros par jour de retard.
Par un jugement n° 2108084 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a condamné solidairement la commune de ... et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales à verser à M. et Mme D... la somme de 14 813 euros et à la société Assurances du crédit mutuel IARD la somme de 213 357,80 euros, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2021 avec capitalisation au 5 juillet 2022 ; a mis les frais d'expertise d'un montant de 1 685,30 euros à la charge de la commune de ... ; a condamné solidairement la commune de ... et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales à verser, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 400 euros à M. et Mme D... et une somme de 1 000 euros à la société Assurances du crédit mutuel IARD et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée sous le n° 23LY01154 le 31 mars 2023, et un mémoire enregistré le 6 octobre 2023 la SMACL Assurances SA représentée par ADAES Avocats, agissant par Me Corneloup, demande à la Cour :
1°) de réformer le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon en ce qu'il n'a pas retenu la clause d'exclusion de garantie prévue au contrat d'assurance la liant à la commune de ... ;
2°) de mettre à la charge des parties adverses une somme de 5 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il n'est pas suffisamment motivé s'agissant du rejet de la clause d'exclusion de garantie ;
- elle est bien fondée à se prévaloir d'une telle clause en l'espèce dès lors que la cause première des dommages est le débordement du cours d'eau, les travaux réalisés par la commune n'ayant eu pour conséquence que de les aggraver ;
- quand bien même la cause de l'inondation résiderait dans la réalisation des travaux, la clause d'exclusion trouve cependant à s'appliquer dès lors que les dommages résultent d'une inondation et qu'il n'y a pas lieu de distinguer entre une cause naturelle et une cause artificielle ;
- M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir qu'elle ne pourrait se prévaloir d'une telle clause dès lors qu'elle aurait pris la direction du procès, ce qui n'est pas le cas en l'espèce ;
- le contrat d'assurance en cause résultant d'une procédure de marché public initiée par la commune de ..., la clause d'exclusion était mentionnée au cahier des charges, par suite, elle a un caractère apparent et la commune en était parfaitement informée.
Par des mémoires enregistrés les 13 juillet, 23 octobre et 3 novembre 2023, M. et Mme D... et la société Assurances du crédit mutuel IARD, représentés par la SCP Sardin et Thellyere, agissant par Me Sardin, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour, par la voie de l'appel incident :
1°) de réformer le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner solidairement la commune de ... et la SMACL à verser à M. et Mme D... la somme de 66 268,88 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2021 et capitalisation des intérêts ;
3°) d'enjoindre à la commune de ... d'effectuer les travaux de réfection du lit du ... conformément aux préconisations du rapport d'expertise dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de ... et de la SMACL le versement d'une somme de 4 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement devra être écarté ;
- le moyen tiré de l'exclusion de garantie soulevé par la SMACL devra être écarté ;
- la crue de type décennal survenue le 7 juin 2018 ne caractérise pas un cas de force majeure et aucune faute ne saurait être imputable aux riverains ;
- la commune de ... est entièrement responsable des dommages résultant de l'inondation de la propriété de M. et Mme D..., par le débordement du ..., qui est entièrement imputable à un défaut de conception d'un ouvrage public, à savoir la modification du dalot par lequel transitent les eaux du ... en raison de la création d'un parking ;
- il ne ressort pas de l'arrêté n° 69-2001-06-01-00003 du 1er juin 2021 du préfet du Rhône que la compétence " voirie " ait été transférée à la communauté de communes du pays de ... ; en tout état de cause la demande indemnitaire de M. et Mme D... aurait dû être transmise par la commune à la communauté de communes dans l'hypothèse où la commune ne se serait pas considérée comme compétente ;
- la commune de ... n'explique pas en quoi les préjudices de M. et Mme D..., tels que retenus par l'expert judiciaire, ne seraient pas suffisamment étayés et justifiés ;
- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur les conclusions de l'expertise hydraulique du cabinet C2i pour considérer que les travaux réalisés par la commune étaient de nature à mettre fin aux dommages dès lors que cette étude n'a pas été effectuée contradictoirement, qu'il s'agit d'un simple avis technique, qu'elle comporte des analyses erronées et qu'elle est contraire aux conclusions de l'expertise judiciaire s'agissant des travaux propres à mettre fin aux dommages.
Par un mémoire enregistré le 29 août 2023, la société Asten, représentée la SELARL Duflot et Associés, conclut au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par la commune de ... et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de ... n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement contractuel dès lors que les travaux qu'elle a effectués ont fait l'objet d'une réception définitive le 17 novembre 2017 ;
- en tout état de cause, elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles dès lors que la réalisation d'une étude hydraulique préalable ne relevait pas de sa compétence ni de ses obligations.
Par des mémoires enregistrés les 11, 19 octobre et 1er novembre 2023, la commune de ..., représentée par Me Chevalier, conclut au rejet de la requête et demande à la Cour par la voie de l'appel incident :
1°) d'annuler le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire de condamner les sociétés Mégard Architectes et Asten à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
4°) de mettre à la charge des parties perdantes une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la communauté de communes du pays de ... s'est substituée à la commune dans les droits et obligations afférant à l'ouvrage canalisant le ... depuis le 1er janvier 2018 et, comme la survenance du sinistre résulte d'un défaut d'entretien des ouvrages de canalisation du ruisseau relevant de la seule compétence de la communauté de communes, les conclusions de M. et Mme D... présentées à son encontre sont mal dirigées ;
- le sinistre résulte en outre d'un défaut de conception de l'ouvrage et des manquements de la société Mégard Architectes à ses obligations eu égard à sa mission ;
- elle est fondée à invoquer la responsabilité décennale des constructeurs au soutien de ses conclusions aux fins d'appel en garantie ;
- la responsabilité de la commune étant susceptible d'être engagée du fait de dommages provoqués ou aggravés par l'existence ou le mauvais fonctionnement d'un ouvrage public, la SMACL ne peut se prévaloir de l'exclusion de garantie dont elle se réclame sans la produire à l'instance ; en tout état de cause, une telle clause est d'interprétation stricte en application de l'article L. 113-1 du code des assurances ;
- au surplus, la SMACL ne peut en l'espèce se prévaloir d'une telle clause dès lors qu'elle a pris la direction du procès au sens des dispositions de l'article L. 113-17 du code des assurances.
Par des mémoires enregistrés les 3 et 15 novembre 2023, la société Mégard Architectes, représentée par Me Prudon, conclut au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentées, à son encontre, par la commune de ... et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- seule la responsabilité contractuelle peut être invoquée par la commune de ... au regard des demandes de M. et Mme D..., tiers à l'ouvrage, or, la réception définitive des travaux s'oppose à sa mise en cause sur ce fondement ;
- la commune de ... n'ayant pas invoqué la responsabilité décennale en première instance, sa demande présentée sur ce fondement en cause d'appel est irrecevable ;
- en tout état de cause, aucun défaut de conception ne saurait lui être imputable dès lors que la conception hydraulique de l'ouvrage ne relevait pas de sa mission ; en outre, en l'espèce elle n'a pas assuré de mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage ;
- aucun défaut de conseil ne saurait être retenu dès lors que la société Mégard Architectes n'est pas un hydrologue, raison pour laquelle les études hydrauliques au titre de la loi sur l'eau étaient exclues de sa mission.
Par ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2023 à 16h30.
Les mémoires présentées pour la commune de ... et enregistrés les 15 novembre et 14 décembre 2023 n'ont pas été communiqués.
II - Par une requête enregistrée sous le n° 23LY01189 le 3 avril 2023 et des mémoires enregistrés les 13 juillet, 23 octobre et 3 novembre 2023, M. A... D..., Mme E... D... et la société Assurances du crédit mutuel IARD, représentés par la SCP Sardin et Thellyere, agissant par Me Sardin, demandent à la cour :
1°) de réformer le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner solidairement la commune de ... et la SMACL à verser à M. et Mme D... la somme de 66 268,88 euros avec intérêts aux taux légal à compter du 1er juillet 2021 et capitalisation des intérêts ;
3°) d'enjoindre à la commune de ... d'effectuer les travaux de réfection du lit du ... conformément aux préconisations du rapport d'expertise dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de ... et de la SMACL le versement d'une somme de 4 000 euros à verser à M. et Mme D... et à la société Assurances du crédit mutuel IARD en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune de ... est entièrement responsable des dommages résultant de l'inondation de la propriété de M. et Mme D..., par le débordement du ..., qui est entièrement imputable à un défaut de conception d'un ouvrage public, à savoir la modification du dalot par lequel transitent les eaux du ... en raison de la création d'un parking ;
- il ne ressort pas de l'arrêté n° 69-2001-06-01-00003 du 1er juin 2021 du préfet du Rhône que la compétence " voirie " ait été transférée à la communauté de communes du pays de ... ; en tout état de cause leur demande indemnitaire aurait du être transmise par la commune à la communauté de commune dans l'hypothèse où la commune ne se serait pas considérée comme compétente ;
- la crue de type décennal survenue le 7 juin 2018 ne caractérise pas un cas de force majeure et aucune faute ne saurait être imputable aux riverains ;
- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur les conclusions de l'expertise hydraulique du cabinet C2i pour considérer que les travaux réalisés par la commune étaient de nature à mettre fin aux dommages dès lors que cette étude n'a pas été effectuée contradictoirement, qu'il s'agit d'un simple avis technique, qu'elle comporte des analyses erronées et qu'elle est contraire aux conclusions de l'expertise judiciaire s'agissant des travaux propres à mettre fin aux dommages ;
- M. et Mme D... sont fondés à demander une indemnisation à hauteur du montant des préjudices retenus par le rapport d'expertise ; à ce titre ils sont fondés à demander une indemnisation au titre des frais de remise en état de leur propriété qui n'ont pas été pris en charge par leur assureur à hauteur d'un montant total de 32 657,34 euros ;
- la commune devra être condamnée à démolir l'ouvrage à l'origine des dommages et à remettre le cours du ... dans son état antérieur ;
- le moyen tiré de l'exclusion de garantie soulevé par la SMACL devra être écarté.
Par un mémoire enregistré le 29 août 2023, la société Asten, représentée la SELARL Duflot et Associés, conclut au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par la commune de ... et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de ... n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement contractuel dès lors que les travaux qu'elle a effectués ont fait l'objet d'une réception définitive le 17 novembre 2017 ;
- en tout état de cause, elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles dès lors que la réalisation d'une étude hydraulique préalable ne relevait pas de sa compétence ni de ses obligations.
Par un mémoire en défense enregistré le 6 octobre 2023, la commune de ..., représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et associés agissant par Me Pyanet, demande à la Cour par la voie de l'appel incident :
1°) d'annuler le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, en cas de condamnation prononcée à son encontre, de condamner les sociétés Mégard Architectes et Asten à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
4 ) de mettre à la charge de M. et Mme D... et de leur assureur une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le tribunal pouvait se fonder sur l'expertise de la société C2i, réalisée un an après l'expertise judiciaire et postérieurement au sinistre, pour apprécier le caractère suffisant des travaux visant à mettre fin aux dommages ;
- les travaux préconisés par l'expert judicaire imposeraient en outre la démolition d'un ouvrage public, qui, d'une part n'est pas irrégulièrement implanté et dont, d'autre part, la démolition serait contraire à l'intérêt général ;
- au surplus, les travaux réalisés depuis le sinistre sont de nature à éviter tout risque de survenance de nouveaux dommages ;
- les demandes indemnitaires présentées en appel devront être rejetées dés lors qu'elles ne sont pas suffisamment justifiées ;
- les dommages causés à M. et Mme D... résultent d'un épisode pluvieux exceptionnel constitutif d'un évènement de force majeure de nature à exonérer la commune de toute responsabilité ;
- ils résultent en outre d'un défaut d'entretien des berges et des ouvrages du ..., cours d'eau qui relève de la compétence de la communauté de communes du pays de ... depuis le 1er janvier 2018, ainsi que d'un manquement des riverains à leurs obligations d'entretien et non des travaux effectués pour la réalisation d'un parking ;
- elle est fondée à se prévaloir de la garantie décennale du constructeur à l'appui de ses conclusions aux fins d'appel en garantie dirigées contre la société Mégard et la société Asten, responsable du défaut de conception de l'ouvrage qui l'a rendu impropre à sa destination ;
- en outre ces sociétés ont commis des manquements au regard de leur devoir de conseil.
Par des mémoires enregistrés les 3 et 15 novembre 2023, la société Mégard Architectes, représentée par Me Prudon, conclut au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentées, à son encontre, par la commune de ... et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- seule la responsabilité contractuelle peut être invoquée par la commune de ... au regard des demandes de M. et Mme D..., tiers à l'ouvrage ; or la réception définitive des travaux s'oppose à sa mise en cause sur ce fondement ;
- la commune de ... n'ayant pas invoqué la responsabilité décennale en première instance, sa demande présentée sur ce fondement en cause d'appel est irrecevable ;
- en tout état de cause, aucun défaut de conception ne saurait lui être imputable dès lors que la conception hydraulique de l'ouvrage ne relevait pas de sa mission ; en outre, en l'espèce elle n'a pas assuré de mission d'assistance à maitrise d'ouvrage ;
- aucun défaut de conseil ne saurait être retenu dès lors que la société Mégard Architectes n'est pas un hydrologue, raison pour laquelle les études hydrauliques au titre de la loi sur l'eau étaient exclues de sa mission.
Par une ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2023.
III - Par une requête enregistrée sous le n° 23LY01199 le 4 avril 2023, et des mémoires enregistrés les 22 juin et 4 octobre 2023, la commune de ..., représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et associés agissant par Me Pyanet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner le département du Rhône, la société Mégard Architectes et la société Asten à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
4 ) de mettre à la charge des intimés une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé s'agissant du rejet de la cause exonératoire de responsabilité pour force majeure ;
- les dommages causés aux époux D... résultent d'un épisode pluvieux exceptionnel constitutif d'un évènement de force majeure ;
- ils résultent en outre d'un défaut d'entretien des berges et des ouvrages du ..., cours d'eau qui relève de la compétence de la communauté de communes du pays de ... depuis le 1er janvier 2018, et non des travaux effectués pour la réalisation d'un parking ;
- en tout état de cause, le défaut d'entretien des berges du ... par M. et Mme D... et leur connaissance du risque d'inondation lors de l'acquisition de leur propriété sont de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;
- les demandes indemnitaires présentées devront être rejetées dès lors qu'elles ne sont pas suffisamment établies ; elles sont en tout état de cause surévaluées ;
- elle est fondée à présenter des conclusions aux fins d'appel en garantie à l'encontre des sociétés Mégard et Asten à raisons de leurs carences fautives ;
- en tout état de cause elle est fondée à se prévaloir de la garantie décennale du constructeur à l'appui de ses conclusions aux fins d'appel en garantie dirigées contre la société Mégard et la société Asten, responsables du défaut de conception de l'ouvrage qui l'a rendu impropre à sa destination ;
- en outre ces sociétés ont commis des manquements au regard de leur devoir de conseil ;
- les travaux réalisés depuis le sinistre sont de nature à éviter tout risque de survenance de nouveaux dommages ;
- les travaux préconisés par l'expert judicaire imposeraient en outre la démolition d'un ouvrage public qui, d'une part, n'est pas irrégulièrement implanté et dont, d'autre part, la démolition serait contraire à l'intérêt général ;
- la SMACL ne peut se prévaloir d'aucune exclusion de garantie ;
- les frais d'expertise ne sauraient être mis à sa charge.
Par un mémoire enregistré le 22 juin 2023, la commune de ..., représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et associés agissant par Me Pyanet, a déclaré se désister de ses conclusions présentées à l'encontre du département du Rhône.
Par des mémoires enregistrés les 13 juillet, 23 octobre et 3 novembre 2023, M. et Mme D... et la société Assurances du crédit mutuel IARD, représentés par la SCP Sardin et Thellyere, agissant par Me Sardin, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour, par la voie de l'appel incident :
1°) de réformer le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner solidairement la commune de ... et la SMACL à verser à M. et Mme D... la somme de 66 268,88 euros avec intérêts au taux légal à compter du 1er juillet 2021 et capitalisation des intérêts ;
3°) d'enjoindre à la commune de ... d'effectuer les travaux de réfection du lit du ... conformément aux préconisations du rapport d'expertise dans un délai de trois mois à compter de la notification de l'arrêt et sous astreinte de 500 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge solidaire de la commune de ... et de la SMACL le versement d'une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement devra être écarté ;
- la crue de type décennale survenue le 7 juin 2018 ne caractérise pas un cas de force majeure et aucune faute ne saurait être imputable aux riverains ;
- la commune de ... est entièrement responsable des dommages résultant de l'inondation de la propriété de M. et Mme D..., par le débordement du ..., qui est entièrement imputable à un défaut de conception d'un ouvrage public, à savoir la modification du dalot par lequel transitent les eaux du ... en raison de la création d'un parking ;
- il ne ressort pas de l'arrêté n° 69-2001-06-01-00003 du 1er juin 2021 du préfet du Rhône que la compétence " voirie " ait été transférée à la communauté de communes du pays de ... ; en tout état de cause sa demande indemnitaire aurait dû être transmise par la commune à la communauté de communes dans l'hypothèse où elle ne se serait pas considérée comme compétente ;
- la commune de ... n'explique pas en quoi les préjudices de M. et Mme D..., tels que retenus par l'expert judiciaire, ne seraient pas suffisamment étayés et justifiés ;
- le moyen tiré de l'exclusion de garantie soulevé par la SMACL devra être écarté ;
- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur les conclusions de l'expertise hydraulique du cabinet C2i pour considérer que les travaux réalisés par la commune étaient de nature à mettre fin aux dommages dès lors que cette étude n'a pas été effectuée contradictoirement, qu'il s'agit d'un simple avis technique, qu'elle comporte des analyses erronées et qu'elle est contraire aux conclusions de l'expertise judiciaire s'agissant des travaux propres à mettre fin aux dommages.
Par un mémoire enregistré le 29 août 2023, la société Asten, représentée la SELARL Duflot et Associés, conclut au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par la commune de ... et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de ... n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement contractuel dès lors que les travaux qu'elle a effectués ont fait l'objet d'une réception définitive le 17 novembre 2017 ;
- en tout état de cause, elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles dès lors que la réalisation d'une étude hydraulique préalable ne relevait pas de sa compétence ni de ses obligations.
Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2023 et un mémoire enregistré le 9 novembre 2023 qui n'a pas été communiqué, la communauté de communes du pays de ..., représentée par Me Petit, conclut au rejet des conclusions de la commune de ... en tant qu'elle entend la mettre en cause et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de ... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions présentées à son encontre sont irrecevables ;
- elle n'a pas été mise en cause en première instance ;
- l'ouvrage public mis en cause ne relève pas de sa compétence ;
- il n'est pas démontré que les dommages résulteraient d'un défaut d'entretien du cours d'eau.
Par des mémoires enregistrés les 3 et 15 novembre 2023, la société Mégard Architectes, représentée par Me Prudon, conclut au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentées, à son encontre, par la commune de ... et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- seule la responsabilité contractuelle peut être invoquée par la commune de ... au regard des demandes de M. et Mme D..., tiers à l'ouvrage ; or la réception définitive des travaux s'oppose à sa mise en cause sur ce fondement ;
- la commune de ... n'ayant pas invoqué la responsabilité décennale en première instance, sa demande présentée sur ce fondement en cause d'appel est irrecevable ;
- en tout état de cause, aucun défaut de conception ne saurait lui être imputable dès lors que la conception hydraulique de l'ouvrage ne relevait pas de sa mission ; en outre, en l'espèce elle n'a pas assuré de mission d'assistance à maîtrise d'ouvrage ;
- aucun défaut de conseil ne saurait être retenu dès lors que la société Mégard Architectes n'est pas un hydrologue, raison pour laquelle les études hydrauliques au titre de la loi sur l'eau étaient exclues de sa mission.
Par ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2023 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de l'environnement ;
- le code des assurances ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Sardin, représentant M. et Mme D... et la société Assurances du crédit mutuel IARD, celles de Me Pyanet, représentant la commune de ... dans les instances 23LY01189 et 23LY01199, celles de Me Santana, représentant la SMACL, celles de Me Chevalier, représentant la commune de ... dans l'instance 23LY01154, celles de Me Prudon, représentant la société Mégard Architectes, celles de Me Cusin-Rollet, représentant la société Asten et celles de Me Marquet, représentant la communauté de communes du pays de ....
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 juin 2018, la crue du cours d'eau Le ... bordant la propriété de M. et Mme D... a entrainé une importante inondation de leur jardin et de leur pavillon, situé 8 Montée de Rognard à .... Suite au dépôt du rapport de l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon, M. et Mme D... ont, par un courrier du 1er juillet 2021, sollicité de la commune de ... la réalisation des travaux préconisés par l'expert pour mettre fin au risque d'inondation ainsi que l'indemnisation de leurs préjudices. La société Assurances du crédit mutuel IARD, assureur de M. et Mme D... subrogée dans les droits de ces derniers, a sollicité de la commune le remboursement des indemnités versées à ses assurés. Il n'a pas été répondu à ces réclamations. Par un jugement n° 2108084 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a condamné solidairement la commune de ... et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) à verser à M. et Mme D... la somme de 14 813 euros et à la société Assurances du crédit mutuel IARD la somme de 213 357,80 euros, ces sommes étant assorties des intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2021 avec capitalisation au 5 juillet 2022 ; a mis les frais d'expertise d'un montant de 1 685,30 euros à la charge de la commune de ... ; a condamné solidairement la commune de ... et la société mutuelle d'assurance des collectivités locales à verser, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 400 euros à M. et Mme D... et une somme de 1 000 euros à la société Assurances du crédit mutuel IARD et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
2. Par une requête enregistrée sous le n° 23LY01154, la SMACL, assureur de la commune de ... demande à la cour de réformer le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il n'a pas retenu la clause d'exclusion de garantie prévue au contrat d'assurance la liant à la commune de ....
3. Par une requête, enregistrée sous le n° 23LY01189 M. et Mme D... et la société Assurances du crédit mutuel IARD demandent à la cour de réformer le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de la demande de M. et Mme D....
4. Par une requête enregistrée sous le n° 23LY01199, la commune de ... demande à la cour d'annuler le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon, de la mettre hors de cause et, subsidiairement, de condamner le département du Rhône, la société Mégard Architectes et la société Asten à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre.
5. Ces trois requêtes concernant le même jugement et présentant à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions dirigées contre le département du Rhône :
6. Par un mémoire enregistré le 22 juin 2023, la commune de ... a déclaré se désister de ses conclusions présentées à l'encontre du département du Rhône. Ce désistement étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur la régularité du jugement :
7. En premier lieu, contrairement à ce que soutient la SMACL, en rappelant la clause d'exclusion de garantie concernant les risques inondations prévue au contrat d'assurance conclu avec la commune de ... puis en indiquant qu'en l'espèce, la responsabilité de la commune étant " engagée du fait de dommages provoqués ou aggravés par l'existence ou le mauvais fonctionnement d'un ouvrage public dont elle a la charge ", la SMACL n'était pas fondée à se prévaloir de cette clause, les juges de première instance ont suffisamment motivé le rejet du moyen tiré de l'application de la clause d'exclusion. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement soulevé par la SMACL doit donc être écarté.
8. En second lieu, contrairement à ce que soutient la commune de ..., en indiquant que la crue du 7 juin 2018 était de type décennal et ne présentait dès lors pas les caractéristiques d'un cas de force majeure alors même que l'état de catastrophe naturelle avait été déclaré par arrêté ministériel, les juges de première instance ont suffisamment motivé le rejet du moyen tiré de l'exonération de responsabilité à raison d'un évènement de force majeure. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement soulevé par la commune de ... doit donc également être écarté.
Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :
9. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
En ce qui concerne la détermination de la personne publique responsable :
10. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 3 avril 2021, qu'en 2017, la commune de ... a fait effectuer des travaux pour la construction d'un parking à l'emplacement d'une ancienne caserne située place .... La réalisation de ce parking imposait, pour la création de places de stationnement, la couverture et le busage du ... sur une dizaine de mètres en amont de la galerie souterraine par laquelle ce cours d'eau traverse le territoire de la commune, sous la rue Centrale. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'un mur, de plus d'un mètre cinquante, a été construit au surplomb de la nouvelle entrée du busage installée pour l'édification du parking. Il en résulte également que le 7 juin 2018, un orage, avec des pluies diluviennes durant une trentaine de minutes, a entrainé une brutale montée des eaux du ... entre les murs séparant le lit du ... des propriétés riveraines, sur sa rive droite, et le séparant du parking, sur sa rive gauche et au surplomp de l'entrée du nouveau busage. L'eau est passé par-dessus le mur du parking, puis, sous la pression, le mur de clôture de la propriété situé au 4 ... s'est effondré, ainsi que les murs de clôture des deux propriétés voisines, provoquant une subite et violente inondation des jardins et des trois maisons, dont celle de M. et Mme D..., sur plus de deux mètres de hauteur. L'expert indique que le déplacement de l'entrée de la canalisation du ..., vers l'amont et au droit du jardin de la propriété située au 4 ..., est la cause directe des dommages subis par les riverains. Il précise, qu'antérieurement à ce déplacement, l'eau du ... pouvait, en cas de crue provoquant la saturation des ouvrages souterrains traversant la commune, suivre un chemin de moindres dommages en s'écoulant par la rue centrale, située au-delà et en aval des propriétés riveraines. Le lien de causalité entre les dommages subis par les requérants et les travaux réalisés par la commune pour la réalisation d'un parking doit ainsi être regardé comme établi.
11. La commune de ... soutient que sa responsabilité ne saurait être retenue dès lors que l'ouvrage en cause, à savoir le busage canalisant le ... sous le parking, relève de la compétence de la communauté de communes du pays de ... depuis le 1er janvier 2018 en application de l'article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 211-7 du code de l'environnement en vertu desquels, la communauté de communes exerce la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, notamment en matière d'entretien et d'aménagement de ... et de ses affluents, dont le ....
12. En vertu des articles L. 1231-1 et L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales la communauté de communes du pays de ... doit être regardée comme s'étant vu transférer la compétence sur tous les ouvrages canalisant le ..., y compris le busage installé par la commune pour la construction du parking, et ce transfert de compétence implique le transfert de tous les droits et obligations liés à ces ouvrages, indépendamment de leur date de réalisation ou de la date de survenance des dommages. Cependant, il résulte de ce qui a été énoncé au point 9 du présent arrêt que le busage litigieux est en l'espèce un ouvrage indissociable du parking, ouvrage public qui relève de la compétence de la commune, pour la construction duquel il a été réalisé et dont il constitue le support physique indispensable. En outre, il résulte de l'instruction que le mur édifié sur le parking au surplomb de l'entrée du busage en cause, qui relève de la seule compétence de la commune, a contribué à la réalisation des dommages en s'opposant à ce que l'eau du ... trouve un exutoire sur le parking puis dans la rue centrale, favorisant ainsi la montée des eaux et la pression sur les murs séparatifs des trois propriétés riveraines, qui se sont effondrés pour ce motif, entrainant ainsi l'inondation de ces propriétés sur plusieurs mètres. Dans ces circonstances, la commune de ... et la communauté de communes du pays de ... doivent être regardées comme solidairement responsables des dommages et, par suite, M. et Mme D... sont fondés à demander la réparation intégrale de leurs préjudices à la commune de .... Par suite, les conclusions présentées par cette dernière et tendant à sa mise hors de cause doivent être rejetées.
En ce qui concerne les causes exonératoires :
13. La commune de ..., qui n'est pas fondée à invoquer le fait d'un tiers pour s'exonérer de sa responsabilité à l'égard de la victime des dommages, ne peut utilement invoquer le défaut d'entretien des ouvrages de canalisation ou des berges du ... par la communauté de communes du pays de .... Par suite la circonstance que les études réalisées à sa demande par le cabinet C2i en mai 2019 puis en avril 2022 aient mis en évidence la présence de nombreux embâcles ayant réduit la capacité d'écoulement des ouvrages, ce qui dans les circonstances de l'espèce n'est au demeurant pas suffisant pour démontrer un défaut d'entretien, n'est pas de nature à l'exonérer, même partiellement de sa responsabilité.
14. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que plusieurs crues du ... ont été recensées, la dernière datant de 2013. Il en résulte également que le 7 juin 2018, 39 mm d'eau sont tombés en une heure, représentant l'équivalent d'une crue décennale. Par suite, contrairement à ce que soutient la commune de ... et quand bien même cet évènement s'est vu reconnaître " état de catastrophe naturelle " par un arrêté ministériel du 23 juillet 2018, la crue du 7 juin 2018 ne présente pas les caractéristiques d'un cas de force majeure.
15. Si la commune de ... soutient que l'entretien des berges du ... incombait aux riverains du cours d'eau, aucun des éléments de l'instruction ne démontre, en l'espèce, un défaut d'entretien de la part des riverains. Dès lors, aucune faute n'est imputable à M. et Mme D....
16. Si la commune soutient par ailleurs que M.et Mme D... connaissaient le caractère inondable de leur propriété lors de l'acquisition de cette dernière, la seule circonstance que la propriété des intéressés soit située à proximité d'un cours d'eau qui a déjà connu des crues, ne permet pas d'établir une connaissance du risque et l'acceptation des dommages de l'ampleur de l'inondation qui s'est réalisée.
Sur les demandes indemnitaires :
En ce qui concerne la demande de la société Assurances du Crédit Mutuel IARD :
17. Le quantum de l'indemnisation, d'un montant de 213 357,80 euros allouée à la société Assurances du Crédit Mutuel, en sa qualité de subrogée dans les droits de M. et Mme D..., n'est pas remis en cause en appel.
En ce qui concerne les demandes de M. et Mme D... :
18. M. et Mme D... font valoir un préjudice financier résultant la franchise, d'un montant de 380 euros, restée à leur charge. Au regard des justificatifs produits, il y a lieu de faire droit à leur demande sur ce point.
19. Ils sollicitent par ailleurs le remboursement des frais engagés pour la remise en état de leur piscine dont ils justifient par la production de factures à hauteur d'un montant total de 4 448,40 euros, ainsi que le remboursement des frais de remplacement de fenêtres, de réfection du gazon, de travaux de drainage et de pose d'un portail côté rue, dont ils justifient par la production de factures et de devis pour un montant total de 14 822,84 euros. Il y a donc lieu de leur allouer une indemnisation totale de 19 271,24 euros au titre de ces chefs de préjudice.
20. Il résulte de ce qui précède que l'indemnisation de M. et Mme D... au titre de l'ensemble des préjudices résultant pour eux de l'inondation du 7 juin 2018 doit être évaluée à 19 651,24 euros. Cette somme portera intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2021, date de notification de sa réclamation préalable à la commune de ..., et les intérêts seront eux même capitalisés à compter du 5 juillet 2022 et à chaque échéance annuelle jusqu'à la date de son versement effectif.
Sur les conclusions dirigées contre la SMACL, en sa qualité d'assureur de la commune de ... :
21. Si M. et Mme D... demandent la condamnation solidaire de la commune et de son assureur, la SMACL, cette dernière fait valoir que la clause d'exclusion de garantie concernant les risques inondation et notamment les dommages résultant des " refoulement ou débordement (...) de cours d'eau, (...) " expressément mentionnés au chapitre " Exclusions " du contrat conclu avec la commune de ... s'oppose à toute condamnation à son encontre.
22. Il est constant en l'espèce que les dommages ont bien été provoqués par une inondation résultant de la crue du ... et l'existence d'un lien de causalité entre cette inondation et le busage du cours d'eau sous le parking et le mur qui le surplombe n'a pas pour effet de modifier la nature du risque survenu.
23. M. et Mme D..., la société Assurances du crédit mutuel IARD et la commune font valoir, sur le fondement des dispositions de l'article L. 113-17 du code des assurances, que la SMACL est réputée avoir renoncé à se prévaloir de cette clause d'exclusion dès lors qu'elle a pris la direction du procès. Cependant, la présomption de renonciation à toutes les exceptions prévues par les dispositions de l'article précité du code des assurances, telles qu'interprétées par la jurisprudence de la cour de cassation notamment dans ses arrêts Cass. Civ. 2ème, 19 novembre 2009, n° 08-19477 et Cass. Civ., 1ère, 18 juillet 2000, n° 98-16766, se rapporte aux garanties souscrites, mais ne concerne ni la nature des risques garantis, ni le montant de cette garantie. Dès lors, que la clause d'exclusion concernant les risques inondation invoquée par la SMACL se rapporte à la nature des risques garantis par le contrat, elle est bien fondée à s'en prévaloir, quand bien même elle aurait pris la direction du procès.
24. En outre, contrairement à ce que soutiennent M. et Mme D... et leur assureur, il résulte des pièces du dossier, et notamment du cahier des clauses techniques particulières établi par la commune elle-même lors de l'appel d'offre relatif à ce contrat d'assurance, qu'elle était parfaitement informée de l'existence de cette clause expresse d'exclusion.
25. Il résulte de ce qui précède que la SMACL est fondée à soutenir que les conclusions dirigées à son encontre doivent être rejetées. Par suite les indemnités de 213 357,80 euros et de 19 651,24 euros dues respectivement à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD et à M. et Mme D... doivent être mises à la charge exclusive de la commune de ....
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
26. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution. Pour la mise en œuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies précédemment.
27. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude réalisé par le cabinet C2i conseil en avril 2022, dont le rapport a été soumis au contradictoire dans le cadre de la présente instance et qui peut dès lors être pris en compte à titre d'élément d'information quand bien même il présenterait des conclusions différentes de celle du rapport d'expertise du 3 avril 2021, que des travaux ont été réalisés postérieurement à la crue du 7 juin 2018, tant par la commune de ... que par la communauté de communes du pays de .... Ces travaux ont notamment consisté, pour la commune, en la réalisation d'un évacuateur de crue sur l'aire de stationnement par la suppression du mur plein séparant le parking du cours d'eau et surplombant le busage situé sous le parking, qui a été remplacé par une grille. L'étude indique que cette modification sera propre à éviter un nouveau risque d'inondation dans les propriétés riveraines du ... lorsque le mur séparant le cours d'eau de la propriété située au 4 ... aura été reconstruit dans les règles de l'art, travaux qui relèvent des propriétaires privés. Par ailleurs, la communauté de communes a fait procéder à un renforcement du plafond de la galerie circulant sous la rue Centrale de la commune, à la fermeture de trois ouvertures, avec maintien d'un passage d'homme pour les curages futurs, et à la création d'un ouvrage de décharge dans la rue Centrale L'étude indique que cette installation est propre à créer une surverse des eaux du ... sur la rue Centrale avec un écoulement vers le ... si la galerie en aval venait à être obstruée.
28. Les travaux ainsi réalisés permettant au cours d'eau, en cas de crue, de suivre un cheminement de moindres dommages ne traversant pas les propriétés riveraines situées ..., ils apparaissent de nature à mettre fin au dommage subi par M. et Mme D.... Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces constations à la date du présent arrêt. Par suite, M. et Mme D... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué du 2 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par la commune de ... :
29. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part. Toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.
30. Il résulte de l'instruction que les travaux réalisés pour la création du parking, notamment les travaux de busage du ..., ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception définitive le 18 mars 2019 qui a été signé par la commune de ..., la société Mégard, maître d'œuvre, et la société Asten, entrepreneur, après levée des réserves émises lors de la réception intervenue le 17 novembre 2017. Il n'est pas allégué par la commune de ... que cette réception aurait été acquise à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de la part de la société Mégard ou de la société Asten. Dans ces conditions, la commune de ... n'est pas fondée à présenter ses conclusions d'appel en garantie sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
31. Si la commune invoque la garantie décennale de ses cocontractants au soutien de ses conclusions à fin d'appel en garantie, ce fondement de responsabilité, n'était pas invoqué en première instance. Dès lors les conclusions présentées sur ce fondement, pour la première fois en appel, sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les frais d'expertise :
32. Les frais et honoraires de l'expert, pour un rapport concernant M. et Mme D... et leur voisin, M. B..., ont été taxés et liquidés à la somme de 3 370,60 euros par une ordonnance du 23 juin 2021 de la présidente du tribunal administratif de Lyon. Dans les circonstances de l'espèce, ces frais resteront à la charge définitive de la commune de ....
Sur les frais d'instance :
33. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de M. et Mme D... et de leur assureur en mettant à la charge de la commune de ..., partie condamnée aux dépens, une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les conclusions présentées sur le même fondement par la commune de ..., partie perdante, doivent être rejetées et, dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées sur ce fondement par la SMACL, la communauté de communes du pays de ..., la société Mégard Architectes et la société Asten doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : . La commune de ... est condamnée à verser à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD une somme de 213 357,80 euros et à M. et Mme D... une somme de 19 651,24 euros. Ces sommes porteront intérêts au taux légal à compter du 5 juillet 2021 et les intérêts seront eux même capitalisés à compter du 5 juillet 2022 et à chaque échéance annuelle.
Article 2 : La commune de ... versera à M.et Mme D... et leur assureur une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Les frais d'expertise resteront à la charge définitive de la commune de ....
Article 4 : Le jugement n° 2108084 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... D..., Mme E... D..., à la société Assurances du Crédit Mutuel IARD, à la commune de ..., à la communauté de communes du pays de ..., au département du Rhône, à la société d'assurance mutuelle des collectivités locales, à la société Megard Architectes et à la société Asten.
Copie en sera adressée à M. C..., expert.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY01154-23LY01189-23LY01199