Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
1) Par une demande enregistrée sous le n° 2105863 M. B... ... et Mme D... C..., ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de ... à leur verser la somme de 110 000 euros, à parfaire ou, à titre subsidiaire la somme de 659 000 euros, sommes assorties des intérêts au taux légal et de leur capitalisation, et d'enjoindre à la commune de ... de réaliser, sans délai, les travaux préconisés par l'expert visant à sécuriser leur habitation vis-à-vis du risque d'inondation, sous astreinte de 500 euros par jour de retard à compter de la notification du jugement.
2) Par une demande enregistrée sous le n° 2109775, la société MAAF Assurances a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de ... à lui verser la somme de 116 849,80 euros en remboursement des sommes versées à ses assurés.
Par un jugement n° 2105863-2109775 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de ... à verser à M. et Mme C... la somme de 23 828,81 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2021 et capitalisation des intérêts à compter du 27 avril 2022, et la somme de 116 849,80 euros à la société MAAF Assurances ; a mis les frais d'expertise d'un montant de 4 115,20 euros à la charge de la commune de ... ; a condamné la commune de ... à verser, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 400 euros à M. et Mme C... et une somme de 1 400 euros à la société MAAF Assurances et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
Procédure devant la cour :
I - Par une requête enregistrée sous le n° 23LY01152 le 29 mars 2023, M. B... C... et Mme D... C..., représentés par la SELARL BCV Avocats, agissant par Me Vial, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105863-2109775 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner la commune de ... à leur verser la somme de 110 000 euros ;
3°) d'enjoindre à la commune de ... de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert judicaire sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de ... à leur verser la somme de 659 000 euros ;
5°) de mettre à la charge de la commune de ... une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune de ... est entièrement responsable des dommages résultant de l'inondation de leur propriété ainsi que l'a retenu le tribunal ;
- ils sont fondés à demander une indemnisation de 27 684,70 euros en réparation de leurs préjudices matériels au regard des sommes restées à leur charge après indemnisation de leur assureur, ainsi qu'une somme de 4 428,81 euros au titre des frais engagés pour sécuriser leur habitation et une somme de 19 408,40 euros correspondant aux frais de reconstruction du mur de clôture de leur propriété ;
- ils sont bien fondés à solliciter une indemnisation au titre d'une perte de loyer ou d'un trouble de jouissance, qui sera évaluée à la somme totale de 58 050,27 euros ;
- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur les conclusions de l'expertise hydraulique du cabinet C2i pour considérer que les travaux réalisés par la commune étaient de nature à mettre fin aux dommages dès lors qu'elle comporte des analyses erronées et qu'elle est contraire aux conclusions de l'expertise judiciaire s'agissant des travaux propres à mettre fin aux dommages ;
- les conclusions de cette étude ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert selon lesquelles leur habitation demeure à ce jour inhabitable, le risque d'inondation étant toujours existant ;
- à titre subsidiaire, si les travaux à la charge de la commune n'étaient pas effectués, le préjudice résultant de la perte totale de valeur vénale de leur propriété devrait être indemnisé à hauteur de 549 000 euros ;
- aucun motif d'intérêt général ne peut justifier une abstention de la commune à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert.
Par un mémoire enregistré le 29 août 2023, la société Asten, représentée la SELARL Duflot et Associés, conclut au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par la commune de ... et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de ... n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement contractuel dès lors que les travaux qu'elle a effectués ont fait l'objet d'une réception définitive le 17 novembre 2017 ;
- en tout état de cause, elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles dès lors que la réalisation d'une étude hydraulique préalable ne relevait pas de sa compétence ni de ses obligations.
Par un mémoire en défense enregistré le 4 octobre 2023, la commune de ..., représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et associés agissant par Me Pyanet, demande à la Cour par la voie de l'appel incident :
1°) d'annuler le jugement n° 2105863-2109775 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de la mettre hors de cause ;
3°) à titre subsidiaire, de condamner les sociétés Mégard Architectes et Asten à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre ;
4°) à titre très subsidiaire, en cas de condamnation prononcée à son encontre, de condamner solidairement la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, son assureur ;
5 ) de mettre à la charge de M. et Mme C... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les demandes indemnitaires présentées en appel devront être rejetées dès lors qu'elles ne sont pas justifiées ;
- le tribunal pouvait se fonder sur l'expertise de la société C2i, réalisée un an après l'expertise judiciaire et postérieurement au sinistre, pour apprécier le caractère suffisant des travaux visant à mettre fin aux dommages ;
- les travaux préconisés par l'expert judicaire imposeraient en outre la démolition d'un ouvrage public qui, d'une part, n'est pas irrégulièrement implanté et dont, d'autre part, la démolition serait contraire à l'intérêt général ;
- au surplus, les travaux réalisés depuis le sinistre sont de nature à éviter tout risque de survenance de nouveaux dommages ;
- les dommages invoqués résultent d'un épisode pluvieux exceptionnel constitutif d'un évènement de force majeure ;
- ils résultent en outre d'un défaut d'entretien des berges et des ouvrages du ..., cours d'eau qui relève de la compétence de la communauté de communes du pays de ... depuis le 1er janvier 2018, ainsi que d'un manquement des riverains à leurs obligations d'entretien, et non des travaux effectués pour la réalisation d'un parking ;
- elle est fondée à se prévaloir de la garantie décennale du constructeur à l'appui de ses conclusions aux fins d'appel en garantie dirigées contre la société Mégard et la société Asten, responsables du défaut de conception de l'ouvrage qui l'a rendu impropre à sa destination ;
- en outre ces sociétés ont commis des manquements au regard de leur devoir de conseil.
Par des mémoires enregistrés les 3 et 16 novembre 2023, la société Mégard Architectes, représentée par Me Prudon, conclut au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentées, à son encontre, par la commune de ... et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions d'appel incident de la commune de ... sont tardives et, par suite, irrecevables ;
- la commune de ... n'ayant pas invoqué la responsabilité décennale en première instance, sa demande présentée sur ce fondement en cause d'appel est irrecevable ;
- seule la responsabilité contractuelle peut être invoquée par la commune de ... au regard des demandes de M. et Mme C..., tiers à l'ouvrage ; or, la réception définitive des travaux s'oppose à sa mise en cause sur ce fondement ;
- en tout état de cause, aucun défaut de conception ne saurait lui être imputable dès lors que la conception hydraulique de l'ouvrage ne relevait pas de sa mission ; en outre, en l'espèce elle n'a pas assuré de mission d'assistance à maitrise d'ouvrage ;
- aucun défaut de conseil ne saurait être retenu dès lors que la société Mégard Architectes n'est pas un hydrologue, raison pour laquelle les études hydrauliques au titre de la loi sur l'eau étaient exclues de sa mission.
Par une ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2023.
Le mémoire présenté pour M. et Mme C... enregistré le 17 novembre 2023 n'a pas été communiqué.
Par un courrier du 19 décembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la commune de ... dirigées contre la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) qui sont présentées pour la première fois en appel.
II - Par une requête enregistrée sous le n° 23LY01196 le 4 avril 2023, et un mémoire enregistré le 4 octobre 2023, la commune de ..., représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et associés agissant par Me Pyanet, demande à la Cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2105863-2109775 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) à titre subsidiaire, en cas de condamnation prononcée à son encontre, de condamner le département du Rhône, les sociétés Mégard Architectes et Asten à la garantir des condamnations prononcées à son encontre ;
3°) à titre très subsidiaire, en cas de condamnation prononcée à son encontre, de condamner solidairement la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, son assureur ;
4 ) de mettre à la charge de M. et Mme C... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- le jugement attaqué est irrégulier dès lors qu'il est insuffisamment motivé s'agissant du rejet d'une cause exonératoire pour force majeure ;
- les dommages causés à M. et Mme C... résultent d'un épisode pluvieux exceptionnel constitutif d'un évènement de force majeure ;
- ils résultent en outre d'un défaut d'entretien des berges et des ouvrages du ..., cours d'eau qui relève de la compétence de la communauté de communes du pays de ... depuis le 1er janvier 2018, et non des travaux effectués pour la réalisation d'un parking ;
- en tout état de cause, le défaut d'entretien des berges du ... par M. et Mme C... et leur connaissance du risque d'inondation lors de l'acquisition de leur propriété sont de nature à l'exonérer de sa responsabilité ;
- les demandes indemnitaires présentées devront être rejetées dès lors qu'elles ne sont pas suffisamment établies ; elles sont en tout état de cause surévaluées ;
- elle est fondée à présenter des conclusions aux fins d'appel en garantie à l'encontre des sociétés Mégard et Asten à raisons de leurs carences fautives ;
- en tout état de cause elle est fondée à se prévaloir de la garantie décennale du constructeur à l'appui de ses conclusions aux fins d'appel en garantie dirigées contre la société Mégard et la société Asten, responsables du défaut de conception de l'ouvrage qui l'a rendu impropre à sa destination ;
- en outre ces sociétés ont commis des manquements au regard de leur devoir de conseil ;
- les travaux réalisés depuis le sinistre sont de nature à éviter tout risque de survenance de nouveaux dommages ;
- les travaux préconisés par l'expert judicaire imposeraient en outre la démolition d'un ouvrage public qui, d'une part, n'est pas irrégulièrement implanté et dont, d'autre part, la démolition serait contraire à l'intérêt général ;
- la SMACL ne peut se prévaloir d'aucune exclusion de garantie ;
- les frais d'expertise ne sauraient être mis à sa charge.
Par un mémoire enregistré le 22 juin 2023, la commune de ..., représentée par la SELARL Cabinet d'avocats Philippe Petit et associés agissant par Me Pyanet, a déclaré se désister de ses conclusions présentées à l'encontre du département du Rhône.
Par des mémoires en défense enregistrés les 29 juin et 26 octobre 2023, la société MAAF Assurances, représentée par la SELARL Cornet Vincent Segurel agissant par Me Pousset-Bougère, conclut au rejet de la requête et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la commune de ... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- elle est subrogée dans les droits des époux C... à hauteur de la somme de 116 849,80 euros ;
- le moyen tiré de l'irrégularité du jugement devra être écarté ;
- il résulte des conclusions de l'expert que les dommages subis par les époux C... trouvent leur origine dans les seuls travaux réalisés par la commune de ... ;
- le transfert de compétence à la communauté de communes du pays de ... s'agissant de la gestion et de l'entretien des cours d'eau est inopérant en l'espèce ; en tout état de cause, le défaut d'entretien du ... n'est pas démontré ;
- il résulte du rapport d'expertise comme des études hydrauliques réalisées par le cabinet C2i que la crue survenue le 7 juin 2018 était de nature décennale, par suite aucune force majeure n'est de nature à exonérer la commune de sa responsabilité ;
- aucune faute n'est imputable à ses assurés.
Par un mémoire enregistré le 29 août 2023, la société Asten, représentée la SELARL Duflot et Associés, conclut au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentées par la commune de ... et à ce qu'une somme de 2 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la commune de ... n'est pas fondée à rechercher sa responsabilité sur le fondement contractuel dès lors que les travaux qu'elle a effectués ont fait l'objet d'une réception définitive le 17 novembre 2017 ;
- en tout état de cause, elle n'a commis aucun manquement à ses obligations contractuelles dès lors que la réalisation d'une étude hydraulique préalable ne relevait pas de sa compétence ni de ses obligations.
Par un mémoire enregistré le 26 septembre 2023 et un mémoire enregistré le 9 novembre 2023, qui n'a pas été communiqué, la communauté de communes du pays de ..., représentée par Me Petit, conclut au rejet des conclusions de la commune de ... en tant qu'elle entend la mettre en cause et à ce qu'une somme de 4 000 euros soit mise à la charge de la commune de ... sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les conclusions présentées à son encontre sont irrecevables ;
- elle n'a pas été mise en cause en première instance ;
- l'ouvrage public mis en cause ne relève pas de sa compétence ;
- il n'est pas démontré que les dommages résulteraient d'un défaut d'entretien du cours d'eau.
Par des mémoires enregistrés les 3 et 16 novembre 2023, la société Mégard Architectes, représentée par Me Prudon, conclut au rejet des conclusions aux fins d'appel en garantie présentées, à son encontre, par la commune de ... et à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de cette dernière sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- seule la responsabilité contractuelle peut être invoquée par la commune de ... au regard des demandes de M. et Mme C..., tiers à l'ouvrage ; or la réception définitive des travaux s'oppose à sa mise en cause sur ce fondement ;
- la commune de ... n'ayant pas invoqué la responsabilité décennale en première instance, sa demande présentée sur ce fondement en cause d'appel est irrecevable ;
- en tout état de cause, aucun défaut de conception ne saurait lui être imputable dès lors que la conception hydraulique de l'ouvrage ne relevait pas de sa mission ; en outre, en l'espèce elle n'a pas assuré de mission d'assistance à maitrise d'ouvrage ;
- aucun défaut de conseil ne saurait être retenu dès lors que la société Mégard Architectes n'est pas un hydrologue, raison pour laquelle les études hydrauliques au titre de la loi sur l'eau étaient exclues de sa mission.
Par un mémoire en défense enregistré le 17 novembre 2023, M. et Mme C..., représentés par la SELARL BCV Avocats, agissant par Me Vial, concluent au rejet de la requête et demandent à la cour, par la voie de l'appel incident :
1°) d'annuler le jugement n° 2105863-2109775 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner la commune de ... à leur verser la somme de 110 000 euros ;
3°) d'enjoindre à la commune de ... de faire réaliser les travaux préconisés par l'expert judicaire sous astreinte de 1 000 euros par jour de retard à compter de la notification de l'arrêt ;
4°) à titre subsidiaire, de condamner la commune de ... à leur verser la somme de 659 000 euros ;
5°) de mettre à la charge de la commune de ... une somme de 5 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- la commune de ... est entièrement responsable des dommages résultant de l'inondation de leur propriété ainsi que l'a retenu le tribunal ;
- ils sont fondés à demander une indemnisation de 27 684,70 euros en réparation de leurs préjudices matériels au regard des sommes restées à leur charge après indemnisation de leur assureur, ainsi qu'une somme de 4 428,81 euros au titre des frais engagés pour sécuriser leur habitation et une somme de 19 408,40 euros correspondant aux frais de reconstruction du mur de clôture de leur propriété ;
- ils sont bien fondés à solliciter une indemnisation au titre d'une perte de loyer ou d'un trouble de jouissance, qui sera évaluée à la somme totale de 58 050,27 euros ;
- c'est à tort que le tribunal s'est fondé sur les conclusions de l'expertise hydraulique du cabinet C2i pour considérer que les travaux réalisés par la commune étaient de nature à mettre fin aux dommages dès lors qu'elle comporte des analyses erronées et qu'elle est contraire aux conclusions de l'expertise judiciaire s'agissant des travaux propres à mettre fin aux dommages ;
- les conclusions de cette étude ne sont pas de nature à remettre en cause les conclusions de l'expert selon lesquelles leur habitation demeure à ce jour inhabitable, le risque d'inondation étant toujours existant ;
- à titre subsidiaire, si les travaux à la charge de la commune n'étaient pas effectués, le préjudice résultant de la perte totale de valeur vénale de leur propriété devrait être indemnisé à hauteur de 549 000 euros ;
- aucun motif d'intérêt général ne peut justifier une abstention de la commune à faire réaliser les travaux préconisés par l'expert
Par ordonnance du 2 novembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 20 novembre 2023 à 16h30.
Par un courrier du 19 décembre 2024, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, de ce que l'arrêt était susceptible d'être fondé sur un moyen relevé d'office tiré de l'irrecevabilité des conclusions de la commune de ... dirigées contre la société mutuelle d'assurance des collectivités locales (SMACL) qui sont présentées pour la première fois en appel.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code de l'environnement ;
- le code général des collectivités territoriales ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de Me Perrouty, représentant M. et Mme C..., celles de Me Verrier, représentant la société MAAF Assurances, celles de Me Pyanet, représentant la commune de ..., celles de Me Prudon, représentant la société Mégard Architectes, celles de Me Cusin-Rollet, représentant la société Asten et celles de Me Marquet, représentant la communauté de communes du pays de ....
Considérant ce qui suit :
1. Le 7 juin 2018, la crue du cours d'eau Le ... bordant la propriété de M. et Mme C... a entrainé une importante inondation de leur jardin et de leur pavillon situé 4 ... à .... Suite au dépôt du rapport de l'expert désigné par une ordonnance du juge des référés du tribunal administratif de Lyon, M. et Mme C... ont sollicité de la commune de ... la réalisation de travaux préconisés par cet expert pour mettre fin au risque d'inondation ainsi que l'indemnisation de leurs préjudices. La société MAAF Assurances, assureur de M. et Mme C..., subrogée dans les droits de ces derniers, a sollicité de la commune le remboursement des indemnités versées à ses assurés. Il n'a pas été répondu à ces réclamations. Par un jugement n° 2105863-2109775 du 2 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a condamné la commune de ... à verser à M. et Mme C... la somme de 23 828,81 euros, avec intérêts au taux légal à compter du 27 avril 2021 et capitalisation des intérêts à compter du 27 avril 2022, et la somme de 116 849,80 euros à la société MAAF Assurances ; a mis les frais d'expertise d'un montant de 4 115,20 euros à la charge de la commune de ... ; a condamné la commune de ... à verser, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, une somme de 1 400 euros à M. et Mme C... et une somme de 1 400 euros à la société MAAF Assurances et a rejeté le surplus des conclusions des parties.
2. Par une requête, enregistrée sous le n° 23LY01152 M. et Mme C... demandent à la cour de réformer le jugement n° 2105863-2109775 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon en tant qu'il n'a pas fait droit à l'intégralité de leur demande.
3. Par une requête enregistrée sous le n° 23LY01196, la commune de ... demande à la cour d'annuler le jugement n° 2105863-2109775 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon, de la mettre hors de cause et, à titre subsidiaire de condamner les sociétés Mégard Architectes et Asten à la garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre et en cas de condamnation prononcée à son encontre, de condamner solidairement la SMACL.
4. Ces deux requêtes dirigées contre le même jugement présentent à juger des questions communes, il y a lieu de les joindre pour y statuer par un même arrêt.
Sur les conclusions dirigées contre le département du Rhône :
5. Par un mémoire enregistré le 22 juin 2023, la commune de ... a déclaré se désister de ses conclusions présentées à l'encontre du département du Rhône. Ce désistement étant pur et simple, rien ne s'oppose à ce qu'il en soit donné acte.
Sur les conclusions dirigées contre la SMACL :
6. Si la commune de ... demande, à titre subsidiaire et en cas de condamnation prononcée à son encontre, la condamnation solidaire de la société mutuelle d'assurance des collectivités locales, son assureur, ces conclusions, nouvelles en appel, sont irrecevables et ne peuvent qu'être rejetées.
Sur la régularité du jugement :
7. Contrairement à ce que soutient la commune de ..., en indiquant que la crue du 7 juin 2018 était de type décennal et ne présentait dès lors pas les caractéristiques d'un cas de force majeure alors même que l'état de catastrophe naturelle avait été déclaré par arrêté ministériel, les juges de première instance ont suffisamment motivé le rejet du moyen tiré de l'exonération de responsabilité à raison d'un évènement de force majeure. Le moyen tiré de l'irrégularité du jugement soulevé par la commune de ... doit donc être écarté.
Sur le principe et l'étendue de la responsabilité :
8. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
En ce qui concerne la détermination de la personne publique responsable :
9. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise du 3 avril 2021, qu'en 2017, la commune de ... a fait effectuer des travaux pour la construction d'un parking à l'emplacement d'une ancienne caserne située .... La réalisation de ce parking imposait, pour la création de places de stationnement, la couverture et le busage du ... sur une dizaine de mètres en amont de la galerie souterraine par laquelle ce cours d'eau traverse le territoire de la commune, sous la rue Centrale. Par ailleurs, il résulte de l'instruction qu'un mur, de plus d'un mètre cinquante, a été construit au surplomb de la nouvelle entrée du busage installée pour l'édification du parking. Il en résulte également que le 7 juin 2018, un orage, avec des pluies diluviennes durant une trentaine de minutes, a entrainé une brutale montée des eaux du ... entre les murs séparant le lit du ... des propriétés riveraines, sur sa rive droite, et le séparant du parking, sur sa rive gauche et au surplomp de l'entrée du nouveau busage. L'eau est passée par-dessus le mur du parking, puis, sous la pression, le mur de clôture de la propriété de M. et Mme C... s'est effondré, ainsi que les murs de clôture des deux propriétés voisines, provoquant une subite et violente inondation des jardins et des trois maisons, dont celle de M. et Mme C..., sur plus de deux mètres de hauteur. L'expert indique que le déplacement de l'entrée de la canalisation du ..., vers l'amont et au droit de leur propriété, est la cause directe des dommages subis par les riverains. Il précise, qu'antérieurement à ce déplacement, l'eau du ... pouvait, en cas de crue provoquant la saturation des ouvrages souterrains traversant la commune, suivre un chemin de moindres dommages en s'écoulant par la rue centrale, située au-delà et en aval des propriétés riveraines. Le lien de causalité entre les dommages subis par M. et Mme C... et les travaux réalisés par la commune pour la réalisation d'un parking doit ainsi être regardé comme établi.
10. La commune de ... soutient que sa responsabilité ne saurait être retenue dès lors que l'ouvrage en cause, à savoir le busage canalisant le ... sous le parking, relève de la compétence de la communauté de communes du pays de ... depuis le 1er janvier 2018 en application de l'article L. 5219-5 du code général des collectivités territoriales et de l'article L. 211-7 du code de l'environnement en vertu desquels, la communauté de communes du pays de ... exerce la compétence relative à la gestion des milieux aquatiques et la prévention des inondations, et notamment en matière d'entretien et d'aménagement de ... et de ses affluents, dont le ....
11. En vertu des articles L. 1231-1 et L. 5211-5 du code général des collectivités territoriales la communauté de communes du pays de ... doit être regardée comme s'étant vu transférer la compétence sur tous les ouvrages canalisant le ..., y compris le busage installé par la commune pour la construction du parking, et ce transfert de compétence implique le transfert de tous les droits et obligations liés à ces ouvrages, indépendamment de leur date de réalisation ou de la date de survenance des dommages. Cependant, il résulte de ce qui a été énoncé au point 9 du présent arrêt que le busage litigieux est en l'espèce un ouvrage indissociable du parking, ouvrage public qui relève de la compétence de la commune, pour la construction duquel il a été réalisé et dont il constitue le support physique indispensable. En outre, il résulte de l'instruction que le mur édifié sur le parking au surplomb de l'entrée du busage en cause, qui relève de la seule compétence de la commune, a contribué à la réalisation des dommages en s'opposant à ce que l'eau du ... trouve un exutoire sur le parking puis dans la rue centrale, favorisant ainsi la montée des eaux et la pression sur les murs séparatifs des trois propriétés riveraines, qui se sont effondrés pour ce motif, entrainant ainsi l'inondation de ces propriétés sur plusieurs mètres. Dans ces circonstances, la commune de ... et la communauté de communes du pays de ... doivent être regardées comme solidairement responsables des dommages et, par suite, M. et Mme C... sont bien fondés à demander la réparation intégrale de leurs préjudices à la commune de .... Par suite, les conclusions présentées par cette dernière et tendant à sa mise hors de cause doivent être rejetées.
En ce qui concerne les causes exonératoires :
12. La commune de ..., qui n'est pas fondée à invoquer le fait d'un tiers pour s'exonérer de sa responsabilité à l'égard des victimes des dommages, ne peut utilement invoquer le défaut d'entretien des ouvrages de canalisation ou des berges du ... par la communauté de communes du pays de .... Par suite la circonstance que les études réalisées à sa demande par le cabinet C2i en mai 2019 puis en avril 2022 aient mis en évidence la présence de nombreux embâcles ayant réduit la capacité d'écoulement des ouvrages, ce qui dans les circonstances de l'espèce n'est au demeurant pas suffisant pour démontrer un défaut d'entretien, n'est pas de nature à l'exonérer, même partiellement de sa responsabilité.
13. Il résulte de l'instruction, et notamment du rapport d'expertise que plusieurs crues du ... ont été recensées, la dernière datant de 2013. Il en résulte également que le 7 juin 2018, 39 mm d'eau sont tombés en une heure, représentant l'équivalent d'une crue décennale. Par suite, contrairement à ce que soutient la commune de ... et quand bien même cet évènement s'est vu reconnaitre " état de catastrophe naturelle " par un arrêté ministériel du 23 juillet 2018, la crue du 7 juin 2018 ne présente pas les caractéristiques d'un cas de force majeure.
14. Si la commune de ... soutient que l'entretien des berges du ... incombait aux riverains du cours d'eau, aucun des éléments de l'instruction ne démontre, en l'espèce, un défaut d'entretien de la part des riverains. Dès lors, aucune faute n'est imputable à M. et Mme C....
15. Si la commune soutient par ailleurs que M. et Mme C... connaissaient le caractère inondable de leur propriété lors de l'acquisition de cette dernière, la seule circonstance que la propriété des intéressés soit située à proximité d'un cours d'eau qui a déjà connu des crues, ne permet pas d'établir une connaissance du risque et l'acceptation des dommages de l'ampleur de l'inondation qui s'est réalisée.
Sur les demandes indemnitaires :
En ce qui concerne la demande de la société MAAF Assurances :
16. Le quantum de l'indemnisation, d'un montant de 116 849,80 euros allouée à la société MAAF Assurances, en sa qualité de subrogée dans les droits de M. et Mme C..., n'est pas remis en cause en appel.
En ce qui concerne les demandes de M. et Mme C... :
17. M. et Mme C... sollicitent une indemnisation couvrant les frais de reconstruction du mur séparant leur propriété du cours d'eau. Il résulte de l'instruction et notamment du rapport d'expertise que ce mur s'est effondré sous la poussée des eaux du ... et que sa reconstruction est indispensable à la sécurisation de leur propriété et de celles des autres riverains contre les risques d'inondation. L'expert a évalué les travaux de reconstruction à un montant de 19 408,40 euros sur la base d'un devis établi le 3 mars 2021 par la société Feyzin Batiment. Dans ces circonstances, il y a lieu de leur accorder une indemnisation de ce montant au titre de ce chef de préjudice.
18. Ils demandent également le remboursement des frais exposés pour la fermeture et la sécurisation de leur propriété après l'inondation dont ils justifient par la production de différentes factures établies par l'entreprise Feysin les 27 juillet et 6 novembre 2018, ainsi que le 11 mars 2019 pour un montant total de 3 147,21 euros, ainsi qu'une facture établie par la société SMT Teissier le 21 février 2021 d'un montant de 1 281,60 euros. Dans ces circonstances, il sera fait une exacte appréciation de ce chef de préjudice en leur allouant la somme de 4 428,81 euros.
19. M. et Mme C... sollicitent une indemnisation de 27 684,70 euros au titre des préjudices matériels non indemnisés par leur assureur au regard de l'évaluation des dégâts et des pertes effectuée par l'expert diligenté par la société MAAF Assurances. Il résulte des pièces produites en première instance par la société MAAF Assurances que les pertes et dommages subis par M. et Mme C... du fait de l'inondation ont été évalués à un montant de 123 221,64 euros par l'expert diligenté par l'assureur après application d'un taux de vétusté. Il est constant que la société MAAF a versé à M. et Mme C... une indemnité de 15 000 euros en janvier 2019 puis de 91 988,30 euros en avril 2019, soit la somme totale de 106 988,30 euros. Il résulte également des pièces du dossier que la société MAAF Assurances a procédé au règlement pour le compte de ses assurés, d'un montant de 9 861,50 euros à la société AREPA en règlement des travaux conservatoires le 26 avril 2019. Dans ces conditions, M. et Mme C... ont droit au versement d'une somme de 6 371,84 euros au titre de leurs préjudices matériels non remboursés par l'assureur et dont ils ne sont plus, au jour du présent arrêt, susceptibles d'obtenir le remboursement au regard des termes du courrier qui leur a été adressé par la société MAAF Assurances le 23 avril 2019.
20. Si M. et Mme C... sollicitent une indemnisation au titre d'une perte de loyer sur la base d'un loyer mensuel de 1 300 euros, ils ne justifient ni que leur propriété située au 4 ... à ... aurait été louée antérieurement à l'inondation, ni d'une perspective sérieuse de mise en location à cette date. Par suite, la demande présentée à ce titre doit être rejetée. Pour le même motif la demande présentée au titre des taxes d'habitation réglées pour les années 2018 à 2020 et au titre des frais exposés pour une assurance habitation et les abonnements d'électricité et de gaz, dont il n'est au demeurant pas justifiés, seront également rejetées. Ils ne sont par ailleurs pas fondés à solliciter le remboursement de la taxe foncière au titre des années 2018 à 2020 qui, en tout état de cause, reste à la charge du propriétaire.
21. Enfin, les requérants sollicitent à titre subsidiaire l'indemnisation de la perte totale de valeur vénale de leur bien, en l'absence de travaux réalisés par la commune pour éviter toute nouvelle inondation de leur propriété. Il résulte toutefois de l'instruction que les travaux à la charge de la commune visant à prévenir de nouvelles inondations ont été réalisés, ces travaux devant être complétés par la reconstruction du mur séparant la propriété des époux C... du cours d'eau afin de garantir tout risque d'inondation de leur propriété, travaux dont ils ont la charge. En outre il ne résulte pas de l'instruction que leur bien, qui a fait l'objet d'une remise en état, serait à ce jour inhabitable. Par suite, la réalité de ce chef de préjudice n'étant pas établie, la demande présentée à ce titre doit être rejetée.
22. Il résulte de ce qui précède que l'indemnisation de M. et Mme C... au titre de l'ensemble des préjudices résultant pour eux de l'inondation du 7 juin 2018 doit être évaluée à la somme totale de 30 209,05 euros qui sera mise à la charge de la commune de ....
Sur les conclusions aux fins d'injonction :
23. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution. Pour la mise en œuvre des pouvoirs décrits ci-dessus, il appartient au juge, saisi de conclusions tendant à ce que la responsabilité de la personne publique soit engagée, de se prononcer sur les modalités de la réparation du dommage, au nombre desquelles figure le prononcé d'injonctions, dans les conditions définies précédemment.
24. Il résulte de l'instruction et notamment de l'étude réalisée par le cabinet C2i conseil en avril 2022, dont le rapport a été soumis au contradictoire dans le cadre de la présente instance et qui peut dès lors être pris en compte à titre d'élément d'information quand bien même il présenterait des conclusions différentes de celle du rapport d'expertise du 3 avril 2021, que des travaux ont été réalisés postérieurement à la crue du 7 juin 2018, tant par la commune de ... que par la communauté de communes du pays de .... Ces travaux ont notamment consisté, pour la commune, en la réalisation d'un évacuateur de crue sur l'aire de stationnement par la suppression du mur plein séparant le parking du cours d'eau et surplombant le busage situé sous le parking, qui a été remplacé par une grille. L'étude indique que cette modification est propre à éviter un nouveau risque d'inondation dans les propriétés riveraines du ... lorsque le mur séparant le cours d'eau de la propriété située au 4 ..., propriété de M. et Mme C..., aura été reconstruit dans les règles de l'art, travaux qui relèvent des propriétaires. Par ailleurs, la communauté de communes a fait procéder à un renforcement du plafond de la galerie circulant sous la rue Centrale de la commune, à la fermeture de trois ouvertures, avec maintien d'un passage d'homme pour les curages futurs, et à la création d'un ouvrage de décharge dans la rue Centrale. L'étude indique que cette installation est propre à créer une surverse des eaux du ... sur la rue Centrale avec un écoulement vers le ... si la galerie en aval venait à être obstruée.
25. Les travaux ainsi réalisés permettant au cours d'eau, en cas de crue, de suivre un cheminement de moindres dommages ne traversant pas les propriétés riveraines situées ..., ils apparaissent de nature à mettre fin au dommage subi par M. et Mme C.... Aucun élément du dossier ne permet de remettre en cause ces constations à la date du présent arrêt. Par suite, les intéressés ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort, que par le jugement attaqué du 2 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leurs conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte.
Sur les conclusions d'appel en garantie de la commune de ... :
26. La fin des rapports contractuels entre le maître d'ouvrage et l'entrepreneur, consécutive à la réception sans réserve d'un marché de travaux publics, fait obstacle à ce que, sauf clause contractuelle contraire, l'entrepreneur soit ultérieurement appelé en garantie par le maître d'ouvrage pour des dommages dont un tiers demande réparation à ce dernier, alors même que ces dommages n'étaient ni apparents ni connus à la date de la réception. Il n'en irait autrement que dans le cas où la réception n'aurait été acquise à l'entrepreneur qu'à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de sa part. Toutefois, si le dommage subi par le tiers trouve directement son origine dans des désordres affectant l'ouvrage objet du marché, la responsabilité de l'entrepreneur envers le maître d'ouvrage peut être recherchée sur le fondement de la garantie décennale des constructeurs.
27. Il résulte de l'instruction que les travaux réalisés pour la création du parking, notamment les travaux de busage du ..., ont fait l'objet d'un procès-verbal de réception définitive le 18 mars 2019 qui a été signé par la commune de ..., la société Mégard, maître d'œuvre, et la société Asten, entrepreneur, après levée des réserves émises lors de la réception intervenue le 17 novembre 2017. Il n'est pas allégué par la commune de ... que cette réception aurait été acquise à la suite de manœuvres frauduleuses ou dolosives de la part de la société Mégard ou de la société Asten. Dans ces conditions, la commune de ... n'est pas fondée à présenter ses conclusions d'appel en garantie sur le fondement de la responsabilité contractuelle.
28. Si la commune invoque la garantie décennale de ses cocontractants au soutien de ses conclusions à fin d'appel en garantie, ce fondement de responsabilité, n'était pas invoqué en première instance. Dès lors les conclusions présentées sur ce fondement, pour la première fois en appel, sont irrecevables et doivent être rejetées.
Sur les frais d'expertise :
29. Les frais et honoraires de l'expert pour le rapport concernant M. et Mme C... ont été taxés et liquidés à la somme de 4 115,20 euros par une ordonnance du 23 juin 2021 de la présidente du tribunal administratif de Lyon. Dans les circonstances de l'espèce ils resteront à la charge définitive de la commune de ....
Sur les frais d'instance :
30. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de faire droit à la demande de M. et Mme C... et de mettre à la charge de la commune de ..., partie condamnée aux dépens, une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. En revanche, les conclusions présentées sur le même fondement par la commune de ..., partie perdante doivent être rejetées et dans les circonstances de l'espèce, les conclusions présentées sur ce fondement par la société MAAF Assurances, la communauté de communes du pays de ..., la société Mégard Architectes et la société Asten doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La commune de ... est condamnée à verser à M. et Mme C... une somme de 30 209,05 euros au titre de l'indemnisation de leurs préjudices.
Article 2 : La commune de ... versera à M. et Mme C... une somme de 2 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : .Les frais d'expertise d'un montant de 4 115,20 euros resteront à la charge définitive de la commune de ....
Article 4 : Le jugement n° 2105863-2109775 du 2 février 2023 du tribunal administratif de Lyon est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 5 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 6 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C..., à Mme D... C..., à la société MAAF Assurances, à la commune de ..., à la communauté de communes du pays de ..., au département du Rhône, à la société Megard Architectes et à la société Asten.
Copie en sera adressée à M. A..., expert.
Délibéré après l'audience du 13 janvier 2025, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 30 janvier 2025.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne à la préfète du Rhône, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY01152-23LY01196