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22/01/2025 | FRANCE | N°23LY01769

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 3ème chambre, 22 janvier 2025, 23LY01769


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 11 février 2020 par laquelle le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande indemnitaire ainsi que de condamner le département du Puy-de-Dôme à lui verser la somme totale de 20 672 euros en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis.



Par un jugement n° 2000654 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a

rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, e...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 11 février 2020 par laquelle le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme a rejeté sa demande indemnitaire ainsi que de condamner le département du Puy-de-Dôme à lui verser la somme totale de 20 672 euros en indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis.

Par un jugement n° 2000654 du 23 mars 2023, le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête, enregistrée le 23 mai 2023, et un mémoire, enregistré le 23 mai 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. A..., représenté par la SCP Giraud et Nury agissant par Me Giraud, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement du 23 mars 2023 susvisé ;

2°) de condamner le département du Puy-de-Dôme à lui verser, à titre principal, la somme totale de 20 672 euros, à titre subsidiaire, la somme totale de 19 482 euros, en indemnisation des préjudices financiers et du préjudice moral qu'il estime avoir subis ;

3°) de mettre à la charge du département du Puy-de-Dôme une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- la décision du 14 avril 2016 qui s'est substituée à la décision du 21 octobre 2014 étant illégale, il est fondé à demander l'indemnisation des préjudices résultant de sa mutation illégale depuis le 1er novembre 2014 ;

- il est fondé à solliciter une indemnisation au titre des astreintes non versées soit une somme de 5 800 euros pour chaque année entre 2014 et 2017 ;

- il est fondé à solliciter une indemnisation au titre de la nouvelle bonification indiciaire jusqu'au 28 juillet 2018, date de son arrêt maladie, soit une somme de 2 660 euros ou a minima du 1er novembre 2014 au 28 juillet 2016, soit une somme de 1 470 euros ;

- il est fondé à solliciter une indemnisation au titre de la perte de prime annuelle pour un montant total de 612 euros ;

- il est fondé à solliciter une indemnisation au titre de son préjudice moral à hauteur des mêmes montants.

Par un mémoire en défense, enregistré le 5 septembre 2023, le département du Puy-de-Dôme, représenté par Me Roux, conclut au rejet de la requête et demande à la cour de mettre à la charge de l'appelant une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il fait valoir que :

- M. A... ne démontre pas de lien direct et certain entre son préjudice financier et les décisions des 21 octobre 2014 et 14 avril 2016 ;

- les préjudices évoqués ne sont pas établis.

Une ordonnance du 3 mai 2024 a fixé la clôture de l'instruction au 29 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le décret n° 93-863 du 18 juin 1993 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère,

- et les conclusions de Mme Bénédicte Lordonné, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A..., agent de maîtrise principal du département du Puy-de-Dôme, exerçait, jusqu'au 1er novembre 2014, les fonctions de chef du centre d'intervention de Châtel Guyon. Par un arrêté du 21 octobre 2014, il a été muté en qualité d'adjoint au chef de district de Gerzat. Saisi d'un recours formé par M. A..., le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a, par jugement du 5 novembre 2015, annulé cet arrêté. Par un arrêt du 11 janvier 2018, la cour a annulé ce jugement. Entre-temps, le président du conseil départemental du Puy-de-Dôme a, par un arrêté du 14 avril 2016, repris une décision de mutation de M. A... dans l'intérêt du service au poste d'adjoint au chef de district de Gerzat. Ce second arrêté a également été annulé sur le motif tiré de l'erreur de fait par un jugement du tribunal administratif de Clermont-Ferrand du 11 juillet 2017 devenu définitif. L'agent, placé en arrêt de maladie à compter du 28 octobre 2014 puis en congé de longue durée à compter du 28 juillet 2016 avant d'être admis à la retraite pour invalidité le 16 mars 2019, n'a jamais rejoint sa nouvelle affectation. Par un courrier du 9 décembre 2019, il a sollicité auprès du département l'indemnisation des préjudices qu'il estime avoir subis en raison de cette mutation. Cette demande a été rejetée le 11 février 2020. M. A... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cette décision ainsi qu'à la condamnation du département du Puy-de-Dôme à l'indemniser de ses préjudices, pour un montant total de 20 672 euros, incluant une somme de 17 400 euros au titre des astreintes, une somme de 2 660 euros au titre de la nouvelle bonification indiciaire (NBI) et une somme de 612 euros au titre des primes annuelles et il sollicite également une indemnisation au titre du préjudice moral qu'il indique avoir subi.

Sur la responsabilité du département du Puy-de-Dôme :

2. M. A... soutient que l'arrêté du 14 avril 2016 portant mutation dans l'intérêt du service qui s'est substitué à l'arrêté du 21 octobre 2014 étant illégal, il est fondé à demander l'indemnisation des préjudices qui résultent pour lui de sa mutation illégale à compter du 1er novembre 2014. Toutefois, si l'arrêté du 14 avril 2016 est intervenu pour régulariser la situation de l'agent en raison de l'annulation de l'arrêté du 21 octobre 2014 prononcée par le tribunal, l'annulation de ce jugement, par l'arrêt de la cour du 11 janvier 2018, a fait revivre dans l'ordonnancement juridique ce premier arrêté. Par suite, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir de l'illégalité fautive de l'arrêté du 21 octobre 2014 mais uniquement de celle de l'arrêté du 14 avril 2016 portant mutation dans l'intérêt du service à compter du 15 février 2016 et des préjudices en résultant à compter de cette date.

3. A ce titre, l'illégalité fautive de l'arrêté du 14 avril 2016 engage la responsabilité du département et est de nature à ouvrir droit à réparation, si le requérant établit un lien de causalité direct entre cette faute et les préjudices qu'il estime avoir subis. En cas d'éviction irrégulière d'un fonctionnaire, pour l'évaluation du montant de l'indemnité due, doit être prise en compte la perte du traitement ainsi que celle des primes et indemnités dont l'intéressé avait, pour la période en cause, une chance sérieuse de bénéficier, à l'exception de celles qui, eu égard à leur nature, à leur objet et aux conditions dans lesquelles elles sont versées, sont seulement destinées à compenser les frais, charges ou contraintes liés à l'exercice effectif des fonctions.

Sur les préjudices invoqués :

4. En premier lieu, si M. A... soutient qu'il a droit au versement d'une somme totale de 17 400 euros pour les années 2014 à 2017 au titre d'astreintes non versées, non seulement il a été rappelé que M. A... ne peut pas se prévaloir de l'illégalité fautive de l'arrêté du 21 octobre 2014 pour la période du 1er novembre 2014 au 14 février 2016 mais surtout l'intéressé a été placé en congé de maladie à compter du 28 octobre 2014 de sorte qu'il ne peut soutenir avoir perdu une chance sérieuse de bénéficier du paiement de ces astreintes.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 portant dispositions statutaires relatives à la fonction publique territoriale : " Le fonctionnaire en activité a droit : Le fonctionnaire en activité a droit : 1° A un congé annuel avec traitement dont la durée est fixée par décret en Conseil d'Etat. / (...) 2° A des congés de maladie dont la durée totale peut atteindre un an pendant une période de douze mois consécutifs en cas de maladie dûment constatée mettant l'intéressé dans l'impossibilité d'exercer ses fonctions. (...) / 4° A un congé de longue durée, en cas de tuberculose, maladie mentale, affection cancéreuse, poliomyélite ou déficit immunitaire grave et acquis, de trois ans à plein traitement et de deux ans à demi-traitement. Le fonctionnaire conserve ses droits à la totalité du supplément familial de traitement et de l'indemnité de résidence. (...) ". Aux termes de l'article 2 du décret du 18 juin 1993 relatif aux conditions de mise en œuvre de la nouvelle bonification indiciaire dans la fonction publique territoriale, dans sa rédaction applicable au litige : " Le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire est maintenu aux fonctionnaires dans les mêmes proportions que le traitement pendant la durée des congés mentionnés aux 1°, 2° et 5° de l'article 57 de la loi du 26 janvier 1984 modifiée susvisée ainsi qu'au 3° de ce même article tant que l'agent n'est pas remplacé dans ses fonctions. ".

6. Il ressort des bulletins de paie versés au dossier par M. A..., et il n'est pas sérieusement contesté en défense, que l'intéressé, alors qu'il était placé en congé de maladie ordinaire et entrait dans le champ d'application de l'article 2 du décret du 18 juin 1993 précité, n'a pas perçu la nouvelle bonification indiciaire entre le 15 février 2016, date d'effet de la décision du 14 avril 2016 ayant été annulée et le 28 juillet 2016, date de son placement en congé de longue durée. Par suite, dès lors qu'il avait une chance sérieuse de bénéficier de cette nouvelle bonification indiciaire, M. A... est fondé à demander une indemnisation à ce titre. M. A... produit une fiche de paie du mois de juin 2014 faisant état d'un montant de 69,45 euros qui lui a été versé au titre de cette NBI sur son traitement de base. Compte tenu du demi-traitement versé à l'intéressé sur la période en cause d'une durée de cinq mois et demi, le montant à allouer à M. A... à ce titre doit être évalué à la somme de 191 euros.

7. Le bénéfice de la nouvelle bonification indiciaire instituée par les dispositions citées au point 5 ne constitue pas un avantage statutaire et n'est lié ni au cadre d'emplois, ni au grade, mais dépend seulement de l'exercice effectif des fonctions qui y ouvrent droit. Le congé de longue durée, bien que correspondant à l'une des positions d'activité du fonctionnaire, n'implique l'exercice effectif d'aucune fonction. M. A... n'est ainsi pas fondé à solliciter le versement d'une somme au titre de la nouvelle bonification indiciaire sur la période postérieure à son placement en congé de longue durée.

8. En troisième lieu, si M. A... soutient qu'un montant de 403 euros pour l'année 2015 et un montant de 209 euros pour l'année 2016 ne lui ont pas été versés au titre de la prime annuelle, il ressort des écritures mêmes de M. A... et du décompte qu'il produit qu'il a bénéficié d'une augmentation de cette prime entre juin 2016 pour la prime versée au titre de l'année 2015 et juin 2017 pour la prime versée au titre de l'année pour 2016 alors même que son affectation n'avait pas changé. Il n'est ainsi pas établi que la modulation constatée de la prime annuelle soit en lien avec le changement de fonctions.

9. En quatrième et dernier lieu, si M. A... se prévaut d'un préjudice moral, il n'établit pas que ce préjudice serait en lien direct avec l'illégalité de l'arrêté du 14 avril 2016 alors qu'il a été placé en congé de maladie ordinaire dès le 28 octobre 2014.

10. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... est fondé à demander l'annulation du jugement attaqué et à obtenir seulement une indemnisation d'un montant de 191 euros au titre de la nouvelle bonification indiciaire qui ne lui a pas été versée pour la période allant du 15 février 2016 au 27 juillet 2016.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A... qui n'est pas la partie perdante à l'instance, verse au département du Puy-de-Dôme la somme que ce dernier demande au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

12. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge du département du Puy-de-Dôme une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2000654 du 23 mars 2023 du tribunal administratif de Clermont-Ferrand est annulé.

Article 2 : Le département du Puy-de-Dôme est condamné à verser à M. A... la somme de 191 euros, correspondant à une indemnité représentative de la nouvelle bonification indiciaire pour la période allant du 15 février 2016 au 27 juillet 2016.

Article 3 : Le département du Puy-de-Dôme versera une somme de 2 000 euros à M. A... en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête est rejeté.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au département du Puy-de-Dôme.

Délibéré après l'audience du 7 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

M. Jean-Yves Tallec, président de chambre ;

Mme Emilie Felmy, président assesseure ;

Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 janvier 2025.

La rapporteure,

Vanessa Rémy-NérisLe président,

Jean-Yves Tallec

La greffière,

Péroline Lanoy

La République mande et ordonne au préfet du Puy-de-Dôme en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière

2

N° 23LY01769


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 3ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01769
Date de la décision : 22/01/2025
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

36-05-01-02 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Affectation et mutation. - Mutation.


Composition du Tribunal
Président : M. TALLEC
Rapporteur ?: Mme Vanessa REMY-NERIS
Rapporteur public ?: Mme LORDONNE
Avocat(s) : GIRAUD SOPHIE

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-22;23ly01769 ?
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