Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme C... B... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2023 par lequel le préfet de l'Yonne l'a obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans.
Par un jugement n° 2300032 du 16 mars 2023, la magistrate désignée par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 13 juillet 2023, Mme B..., représentée par Me Si Hassen, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 16 mars 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 3 janvier 2023 ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 500 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 alinéa 2 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que :
La décision portant obligation de quitter le territoire français :
- remplit les conditions de l'article L. 423-21 et L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile pour obtenir un titre de séjour ;
- méconnaît les dispositions du 2°de l'article L. 611-3 de ce même code ;
- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation quant à la menace à l'ordre public, dès lors que le juge pénal ne s'est pas encore prononcé et qu'elle bénéficie de la présomption d'innocence.
La décision portant refus de délai de départ volontaire :
- est illégale du fait de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
La décision fixant le pays de renvoi :
- est illégale du fait de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
- est illégale du fait de l'illégalité, invoquée par voie d'exception, de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- est entachée d'erreur manifeste d'appréciation.
Par des mémoires enregistrés les 14 et 21 octobre 2023, le préfet de l'Yonne, représenté par Me Rannou, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que les moyens soulevés par Mme B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 13 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 30 septembre 2024.
Par un courrier du 7 janvier 2025, les parties ont été informées, en application des dispositions de l'article R. 611-7 du code de justice administrative, que la cour était susceptible de relever d'office le moyen d'ordre public tiré de ce que les dispositions du 2° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile peuvent être substituées à celles du 1° de l'article L. 611-1 du même code comme base légale de la décision portant obligation de quitter le territoire français en litige.
Mme B... a produit des observations en réponse au moyen d'ordre public, qui ont été enregistrées le 7 janvier 2025.
Mme B... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 14 juin 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mauclair, présidente-assesseure.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B..., née le 24 septembre 1997 à Yaoundé (Cameroun) et de nationalité camerounaise, justifie d'une entrée sur le territoire français le 28 septembre 2007, sous couvert d'un visa D valable du 27 septembre 2007 au 27 septembre 2008. A la suite de son interpellation le 1er janvier 2023 par les services de gendarmerie de Migennes pour des faits de tentative de meurtre aggravé, le préfet de l'Yonne l'a, par arrêté du 3 janvier 2023, obligée à quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel elle est susceptible d'être reconduite d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pendant une durée de trois ans. Mme B... relève appel du jugement du 16 mars 2023 par lequel la magistrate désignée a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes des dispositions de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / 1° L'étranger, ne pouvant justifier être entré régulièrement sur le territoire français, s'y est maintenu sans être titulaire d'un titre de séjour en cours de validité : / 2° L'étranger qui justifie par tous moyens résider habituellement en France depuis qu'il a atteint au plus l'âge de treize ans (...) ".
3. D'une part, la décision portant obligation de quitter le territoire français est fondée sur le 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que, contrairement à ce qu'indiquent les motifs de la décision attaquée, Mme B... est entrée régulièrement sur le territoire français le 28 septembre 2007 sous couvert d'un visa D valable du 27 septembre 2007 au 27 septembre 2008. Ainsi, Mme B... justifie être entrée régulièrement sur le territoire français mais n'a ensuite pas obtenu de titre de séjour. Par suite, la décision portant obligation de quitter le territoire français ne pouvait être prise sur le fondement des dispositions précitées du 1° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Cependant, la décision attaquée, motivée par l'irrégularité du séjour de Mme B..., trouve son fondement légal dans les dispositions du 2° du même article L. 611-1 qui peuvent être substituées à celles du 1°, dès lors que cette substitution de base légale n'a pour effet de priver l'intéressée d'aucune garantie et que l'administration dispose du même pouvoir d'appréciation pour appliquer l'une ou l'autre de ces deux dispositions.
4. D'autre part, s'il ressort des pièces du dossier que Mme B... est entrée en France, une première fois, en 2007, à l'âge de dix ans, ce qui est corroboré par l'attestation de sa mère et le certificat attestant de son inscription en classe de CE2 au titre de l'année 2007-2008, elle a cependant indiqué aux services de la préfecture de l'Yonne le 2 janvier 2023 avoir résidé une année en France à l'âge de huit ans puis être revenue à l'âge de quatorze ans. Par ailleurs, en raison de l'affectation du père adoptif de l'intéressée à l'ambassade de France à Pretoria (Afrique du Sud), à compter du 25 juin 2008, Mme B... a séjourné en Afrique du Sud où elle a été scolarisée au titre de l'année scolaire 2009/2010. Sa présence sur le territoire français est ensuite attestée à partir du 1er avril 2012. Ces seuls éléments ne peuvent suffire à établir que Mme B... aurait résidé habituellement en France depuis qu'elle a atteint au plus l'âge de treize ans. Par suite, Mme B... n'est pas fondée à soutenir que le préfet de l'Yonne a méconnu les dispositions du 2° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
5. En deuxième lieu, indépendamment de l'énumération, donnée par l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile alors en vigueur, des catégories d'étrangers qui ne peuvent faire l'objet d'une mesure d'éloignement, l'autorité administrative ne saurait légalement prendre une telle mesure que si ce dernier se trouve en situation irrégulière au regard des règles relatives à l'entrée et au séjour. Lorsque la loi prescrit que l'intéressé doit se voir attribuer de plein droit un titre de séjour, cette circonstance fait obstacle à ce qu'il puisse légalement être l'objet d'une mesure d'éloignement.
6. D'une part, pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4, Mme B... ne peut prétendre de plein droit à l'obtention d'un titre de séjour sur le fondement des dispositions de l'article L. 423-21 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
7. D'autre part, Mme B... réitère en appel les moyens tirés de ce que le préfet de l'Yonne ne pouvait pas légalement prendre à son encontre une obligation de quitter le territoire français dès lors qu'elle satisfait aux conditions fixées par les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et de ce que la décision méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par la première juge.
8. Enfin, contrairement à ce que soutient Mme B..., la décision portant obligation de quitter le territoire français n'est pas fondée sur la menace à l'ordre public qu'elle représenterait et le moyen tiré d'une erreur manifeste d'appréciation sur l'existence d'une telle menace est donc inopérant.
Sur la décision portant refus de délai de départ volontaire, la décision fixant le pays de destination et la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
9. Mme B... soutient que la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Elle soutient encore que la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Enfin, elle soutient que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français et qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation. Ces moyens doivent, en l'absence d'éléments nouveaux en appel, être tous écartés par adoption des motifs retenus par la première juge.
10. Il résulte de tout ce qui précède que Mme B... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 doivent également être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme C... B... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée au préfet de l'Yonne.
Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2025.
La rapporteure,
A.-G. MauclairLa présidente,
M. D...
La greffière,
D. Meleo
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
Une greffière,
N° 23LY02361 2