La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

20/01/2025 | FRANCE | N°22LY03037

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 20 janvier 2025, 22LY03037


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. A... B..., Mme J... E... épouse B..., Mme I... F..., Mme G... F..., Mme H... F... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté de permis de construire n° PC 074 173 13 000 03 M06 du 15 mai 2018 par lequel le maire de la commune de Megève a accordé à la société Megève Eight un permis de construire modificatif, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.



Par un jugement n° 1807244 du 18 août 2022

, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.



Procédure devant la cour

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. A... B..., Mme J... E... épouse B..., Mme I... F..., Mme G... F..., Mme H... F... et Mme D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté de permis de construire n° PC 074 173 13 000 03 M06 du 15 mai 2018 par lequel le maire de la commune de Megève a accordé à la société Megève Eight un permis de construire modificatif, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1807244 du 18 août 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 17 octobre 2022 et des mémoires complémentaires enregistrés les 3 novembre 2022, 20 février 2023, 5 septembre 2023 et 13 octobre 2023, le dernier n'ayant pas été communiqué, M. A... B..., Mme J... E... épouse B..., Mme I... F..., Mme G... F..., Mme H... F... et Mme D... C..., représentés par Me Lamorlette, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° PC 074 173 13 000 03 M06 du 15 mai 2018 ainsi que la décision de rejet du recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Megève le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- c'est à tort que le tribunal a jugé leur demande irrecevable, faute d'intérêt pour agir, alors qu'ils ont la qualité de voisins immédiats et que le permis délivré apporte plusieurs modifications importantes au projet initial, explicitement (augmentation de la surface de plancher, création d'un deuxième étage d'habitation, modification des remblais, modification des ouvertures en façade et en toiture, modification des garde-corps, modification de l'emplacement d'une cheminée et création d'un nouvelle cheminée, augmentation de l'emprise au sol) ou frauduleusement (modification de la rampe d'accès au sous-sol, modification du raccordement aux réseaux, modification de la hauteur du chalet, modification de l'épaisseur de la toiture), qui affectent l'implantation, les dimensions et l'apparence de la construction et sont susceptibles de générer des troubles de jouissance de leurs biens respectifs ;

- c'est à tort que le tribunal a considéré qu'un autre permis de construire modificatif avait été délivré à la date de délivrance du permis modificatif contesté ;

- l'arrêté du 15 mai 2018 méconnaît les dispositions des articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît l'article UH 2 du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune de Megève ;

- il méconnaît l'article UH 4 du PLU, notamment son point 4.1 relatif à l'alimentation en eau potable, son point 4.2 relatif à l'assainissement des eaux usées et son point 4.3 relatif aux eaux pluviales ;

- il méconnaît l'article UH 10 du PLU, notamment son point 10.1 relatif à la hauteur maximale des bâtiments ;

- il méconnaît l'article UH 11 du PLU relatif à l'aspect extérieur, notamment ses points 11.1.c, 11.2.a et 11.2.c.

Par des mémoires enregistrés les 21 décembre 2022, 23 mars 2023 et 12 septembre 2023, la société civile immobilière de construction vente (SCCV) Megève Eight, représentée par Me Lacroix (SELARL Itinéraires Avocats), conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge solidaire des requérants le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est entachée d'une irrecevabilité manifeste, faute d'intérêt pour agir ;

- à titre subsidiaire : les moyens soulevés à l'encontre d'aspects du projet non modifiés par le permis contesté, tels que le raccordement aux réseaux, la hauteur du bâtiment, la longueur de façade ou la pente de la toiture, sont inopérants ; le permis modificatif contesté conduit à rendre le projet plus conforme aux dispositions du point 11.1.c de l'article UH 11 du PLU ; les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par des mémoires enregistrés le 10 juillet 2023 et le 13 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, la commune de Megève, représentée par Me Antoine, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge solidaire des requérants le versement d'une somme de 3 500 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle fait valoir que :

- la requête est irrecevable, faute d'intérêt pour agir ;

- à titre subsidiaire : les moyens soulevés à l'encontre d'aspects du projet non modifiés par le permis contesté, tels que la desserte par les réseaux, la hauteur du bâtiment, la longueur de façade ou la pente de la toiture, sont inopérants ; le permis modificatif contesté conduit à rendre le projet plus conforme aux dispositions du point 11.1 de l'article UH 11 du PLU ; les moyens soulevés ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Maubon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,

- les observations de Me Lamorlette, représentant M. B... et autres,

- les observations de Me Boiron-Bertrand, représentant la commune de Megève,

- et les observations de Me Ollier, substituant Me Lacroix, représentant la société Megève Eight.

Une note en délibéré présentée pour M. B... et autres a été enregistrée le 17 janvier 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 avril 2013, le maire de Megève (Haute-Savoie) a délivré à M. L... un permis de construire autorisant la démolition d'un chalet existant et la construction d'un chalet d'habitation d'une surface de plancher de 137,89 m², au lieudit Glaise ouest, sur une parcelle cadastrée section ... située sur le territoire de cette commune. Ce permis a été transféré à la société civile de construction vente (SCCV) Megève Eight par un arrêté du 27 juin 2013. Par un arrêté du 4 février 2014, le maire de la commune de Megève a accordé un permis de construire modificatif à la SCCV Megève Eight, qui ensuite été retiré à sa demande le 1er mars 2018. Le 8 juillet et le 17 octobre 2014, la SCCV Megève Eight a déposé de nouvelles demandes de permis de construire modificatif, auxquelles le maire de Megève a opposé un refus par arrêtés du 2 septembre 2014 et du 12 mars 2015. La société a déposé une nouvelle demande de permis de construire modificatif le 29 mars 2018, qui lui a été accordé par un arrêté du maire n° PC 074 173 13 000 03 M06 du 15 mai 2018, sur le fondement du plan local d'urbanisme (PLU) de la commune approuvé le 21 mars 2017. M. B... et autres ont formé, par un courrier du 12 juillet 2018, un recours gracieux contre cet arrêté, qui a été implicitement rejeté le 17 septembre 2018. Par leur requête, M. B... et autres relèvent appel du jugement n° 1807244 du 18 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° PC 074 173 13 000 03 M06 du 15 mai 2018 portant permis de construire, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux dirigé contre ledit permis, au motif que M. B... et autres ne justifient pas d'un intérêt leur donnant qualité pour agir contre le permis de construire en litige.

Sur la régularité du jugement :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-2-1 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. "

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient dans tous les cas au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme B... sont propriétaires de la parcelle située au sud-ouest du terrain d'assiette du projet. Cette parcelle, qui supporte un chalet d'habitation, comprend également, en limite avec la parcelle assiette du projet, l'emprise de l'impasse de la Combe, voie de desserte de plusieurs chalets. Ils se prévalent des vues directes dont ils disposent sur le projet et des atteintes que ce projet, qui a notamment pour objet d'augmenter la surface de plancher et de modifier les fenêtres à l'étage supérieur de la construction ainsi que les remblais, serait susceptible de porter aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien, en invoquant notamment la modification de l'aspect extérieur de la construction, en particulier des ouvertures donnant vers leur propriété. Il ressort des pièces du dossier que le permis de construire modificatif autorise une surface de plancher de 283,43 m², soit plus du double de la surface de plancher autorisée par le permis initial, au bénéfice du changement de destination de certains espaces de la construction et de la création d'un niveau supplémentaire d'habitation en mezzanine, ainsi que la modification des ouvertures en façade nord-est et sud-ouest, dont le nombre est réduit mais les dimensions augmentées. Dans ces conditions, nonobstant l'absence de modification du gabarit de la construction et le caractère limité des modifications extérieures apportées par le permis accordé, M. et Mme B... disposent d'un intérêt à agir à l'encontre de l'arrêté du 15 mai 2018. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à agir des autres signataires de cette requête collective, la fin de non-recevoir opposée doit être écartée. M. B... et autres sont dès lors fondés à soutenir que le jugement du tribunal administratif de Grenoble, qui a rejeté leur demande pour défaut d'intérêt à agir, est entaché d'irrégularité. Par suite, le jugement attaqué doit être annulé.

5. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu d'évoquer et de statuer immédiatement sur la demande présentée par M. B... et autres devant le tribunal administratif de Grenoble.

Sur la légalité de la décision du 15 mai 2018 :

En ce qui concerne la composition du dossier :

6. La circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

7. D'une part, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / (...) ". Le plan de masse joint au dossier de demande de permis de construire " M06 " fait apparaître les réseaux existants et les réseaux projetés, avec une " servitude de passage " pour le raccordement du projet aux réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales, tandis qu'un " plan servitude réseaux EU et EP " figure une liaison entre le terrain d'assiette du projet et un ruisseau situé au nord. Par ailleurs, la comparaison entre les plans de masse révèle que les puits perdus initialement prévus sont supprimés dans le permis contesté. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à l'autorité administrative d'apprécier les modalités de raccordement du projet aux réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales, alors même que la notice explicative ne mentionnait pas explicitement ces modifications.

8. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / (...) ". Le dossier de demande de permis modificatif comporte une planche intitulée " insertion paysagère ", qui reproduit une photographie du bâtiment tel qu'existant à la date de demande du permis modificatif de régularisation. Ce document permet d'apprécier l'insertion du projet par rapport aux paysages environnants ainsi que son impact visuel. Le dossier de demande de permis de construire initial comportait en outre des photographies de l'environnement proche et lointain qui permettaient d'apprécier la proximité du projet par rapport aux constructions avoisinantes, qui sont par ailleurs figurées sur le plan cadastral et mentionnées dans la notice. En l'absence de modification de l'implantation ou des volumes généraux du bâtiment à construire par le projet modifié, l'appréciation de l'autorité administrative n'a pas été faussée dans l'instruction du permis modificatif quant à la présence à proximité des chalets des requérants.

9. Ainsi, les moyens tirés de l'insuffisance du contenu du dossier de demande doivent être écartés.

En ce qui concerne la méconnaissance du règlement du PLU :

10. En premier lieu, aux termes de l'article 2 UH du règlement du plan local d'urbanisme (PLU), relatif aux occupations et utilisations du sol admises soumises à conditions particulières : " 2.1 Dans l'ensemble de la zone UH : / - les exhaussements et les affouillements de sol à condition qu'ils soient nécessaires à des constructions autorisées ou à des aménagements compatibles avec la vocation de la zone, et que leur hauteur maximum n'excède pas par rapport au terrain naturel 1 m pour les exhaussements et 2 m pour les affouillements. Cette disposition ne concerne pas les accès aux stationnements souterrains enterrés ou semi-enterrés, et tout autre accès à un sous-sol. (...) ".

11. Il ressort des pièces du dossier, notamment de la notice descriptive jointe au dossier de demande de permis de construire modificatif, que le projet a pour objet de régulariser la hauteur des remblais autorisés, en précisant l'altimétrie du terrain naturel, à la suite de la réalisation en mai 2017 d'une expertise topographique par un expert désigné par le tribunal de grande instance de Bonneville. La représentation de la façade nord-est du projet dans le dossier de demande figure bien l'altimétrie du terrain naturel et l'altimétrie du terrain fini telles qu'elles résultent de l'expertise judiciaire, le différentiel entre les deux n'étant jamais supérieur à un mètre. Pour contester ces données, les requérants produisent un rapport d'audit du dossier de demande d'autorisation d'urbanisme réalisé à leur demande en octobre 2022, dont il ressort que l'altimétrie du terrain naturel au coin nord du bâtiment serait de 99,66 d'après l'expertise judiciaire, tandis que l'altimétrie du terrain fini serait de 100,68, soit une différence de 1,02 mètres. Les requérants en déduisent un dépassement de deux centimètres de la hauteur des remblais, qui sont autorisés à un mètre maximum. Toutefois, eu égard à l'ampleur très limitée de ce dépassement potentiel, en un seul point du terrain d'assiette du projet, à la tolérance admise pour ce type de calculs, qui est de plus ou moins un centimètre, et aux modalités selon lesquelles l'expertise de 2022 a été réalisée par l'architecte missionné par M. B..., sans déplacement sur place, sur la seule base des pièces du dossier de permis, consistant à déduire des mesures non indiquées par la société pétitionnaire à l'aplomb de certains points à partir des mesures indiquées par elle à l'aplomb d'autres points et à les comparer aux constats faits sur place par un géomètre, la réalité de ce dépassement n'est pas établie par les requérants. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance par le projet de l'article 2 UH du règlement du PLU doit être écarté.

12. En deuxième lieu, aux termes de l'article 4 UH du règlement du PLU, relatif à la desserte par les réseaux : " 4.1 Alimentation en eau potable : / - Toute construction ou installation qui requiert une alimentation en eau potable doit être raccordée au réseau public de distribution d'eau potable par une conduite de caractéristiques suffisantes, conforme aux recommandations techniques prescrites en application des annexes sanitaires jointes au PLU. / (...) / 4.2 Assainissement des eaux usées : / - Toute construction ou installation occasionnant des rejets d'eaux usées doit être raccordée au réseau public d'assainissement par un dispositif d'évacuation de type séparatif, conforme aux recommandations techniques prescrites en application des annexes sanitaires du PLU. / (...) ".

13. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le plan de masse joint au dossier de demande fait apparaître le tracé de la conduite permettant le raccordement du projet au réseau public d'alimentation en eau potable. Si les requérants estiment qu'aucune information n'est donnée quant aux " caractéristiques de la conduite " assurant ce raccordement, ils ne font état d'aucun élément de nature à établir que le raccordement prévu ne serait pas conforme aux dispositions précitées du PLU.

14. D'autre part, il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces du dossier de permis de construire initial déposé le 22 janvier 2013, que le service de la régie des eaux et de l'assainissement de la commune consulté le 28 mars 2013 a précisé que le terrain était desservi par un réseau public d'assainissement des eaux usées " dans le champ en aval en rive droite du ruisseau ". Le projet tel que modifié prévoit, ainsi qu'il ressort du plan de masse, un raccordement au réseau d'assainissement des eaux usées par le biais d'une servitude à partir de l'extrémité nord du terrain. Il ne ressort pas des pièces du dossier que le système de raccordement au réseau d'assainissement ne serait pas séparatif, les requérants se bornant à constater que le dossier est " silencieux " sur ce point, alors que le plan de masse fait figurer deux conduites parallèles et distinctes, l'une pour les eaux pluviales et l'autre pour les eaux usées.

15. Enfin, le permis, qui est délivré sous réserve des droits des tiers, a pour seul objet d'assurer la conformité des travaux qu'il autorise avec la réglementation d'urbanisme. Ainsi, la commune n'était pas tenue de vérifier l'existence d'une servitude permettant le raccordement du projet au réseau d'assainissement des eaux usées présent sur la parcelle voisine, alors en outre qu'il ressort des pièces du dossier qu'un réseau de gestion des eaux usées préexistait sur le terrain d'assiette du projet, qui supportait un chalet d'habitation.

16. Le moyen doit donc être écarté dans toutes ses branches.

17. En troisième lieu, aux termes de l'article 4 UH du règlement du PLU : " (...) / 4.3 Évacuation des eaux pluviales et de ruissellement : Tout terrain d'assiette d'une opération doit comporter un minimum d'espaces perméables en pleine terre correspondant à une part des espaces libres de toute construction. Cette part devant être clairement identifiable et quantifiée dans les demandes d'autorisation d'urbanisme, et doit être au minimum (...) dans le secteur UH3 [de] 40 % (...) ". Aux termes de l'article 13 UH de ce règlement : " (...) La part des espaces libres de toute construction traitée en espaces verts, et devant être clairement indentifiable et quantifiée dans les demandes d'autorisation d'urbanisme, est au minimum de : (...) dans le secteur UH3 : 40 % (...) ". La parcelle assiette du projet a une superficie de 920 m², dont il résulte une obligation de conserver une superficie minimum d'espaces libres de toute construction, qui doivent être perméables pour respecter les prescriptions de l'article 4 UH précitées, de 368 m². Il ressort des pièces du dossier, en particulier de la notice descriptive, que le projet tel que modifié prévoit une surface d'espaces perméables de 479,12 m². Le moyen doit donc être écarté.

18. Par ailleurs, si M. B... et autres soutiennent que le dossier " ne contient aucune information sur la gestion des eaux pluviales à la parcelle ", ils n'assortissent pas ce moyen des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé en se bornant à renvoyer à une annexe sanitaire du PLU relative aux eaux pluviales, sans précision.

19. En quatrième lieu, aux termes de l'article 10 UH du règlement du PLU, dans sa version applicable au litige du fait de l'annulation pour excès de pouvoir de la délibération du 12 décembre 2017 du conseil municipal de la commune de Megève portant approbation de la modification n°1 : " (...) / La hauteur maximum des constructions et installations est mesurée à partir du terrain fini après les travaux d'exhaussement ou d'affouillement de sol nécessaires pour la réalisation du projet jusqu'au faitage ou à l'acrotère hors tout. Ne sont pas pris en compte pour le calcul de la hauteur, les rampes d'accès aux stationnements souterrains, ainsi que les accès aux sous-sols des constructions. / (...) / La hauteur maximale telle que définie ci-dessus doit en premier lieu s'intégrer à l'environnement bâti et en second lieu ne pas excéder : (...) dans les secteurs UH3 et UH3p : 9 m. / (...) ".

20. Il ressort des pièces du dossier que l'altimétrie du faîtage de la construction, autorisée par le permis initial et non modifiée par le permis litigieux, est de 109,78. D'une part, à l'appui de leur moyen tiré de ce que la hauteur maximale de 9 mètres, à laquelle peut s'ajouter un mètre de remblais, serait dépassée de 0,1 mètre à l'angle nord du bâtiment, du fait d'une altimétrie moins élevée du terrain fini, qui a été remblayé en suivant la pente du terrain naturel, les requérants invoquent la méconnaissance des dispositions du PLU résultant d'une modification du plan local d'urbanisme approuvée par une délibération du 12 décembre 2017 du conseil municipal de la commune de Megève, qui ont été annulées par un jugement n° 1800965 du 9 décembre 2021 du tribunal administratif de Grenoble, confirmé par un arrêt de la cour administrative d'appel de Lyon du 3 mai 2022. L'annulation pour excès de pouvoir d'un acte réglementaire ayant un effet rétroactif, les appelants ne peuvent plus utilement invoquer ces dispositions à l'encontre de l'arrêté du 15 mai 2018. D'autre part, il résulte des dispositions précitées du PLU applicables au litige que le calcul de la hauteur doit se faire à l'aplomb du faîtage de la construction, contrairement aux dispositions annulées du PLU qui prévoyaient un calcul de la hauteur entre tout point de la ligne de faîtage la plus haute projeté sur le point le plus bas du terrain fini. Dans ces conditions, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 10 UH doit être écarté.

21. En cinquième lieu, aux termes de l'article 11 UH du règlement du PLU, relatif à l'aspect extérieur : " (...) / 11.1 Dispositions générales à l'ensemble de la zone UH concernant les constructions : / (...) / c. Aspect des toitures : / (...) / Les ouvertures dans le plan du pan de la toiture considérée sont autorisées à condition que leur superficie ne dépasse pas 3% de la surface totale de la toiture à pans de la construction, que leur mise en place soit inscrite dans le sens de la hauteur, et que leur dimension unitaire n'excède pas environ 0,90 m par 1,10 m. / (...) / 11.2 Dispositions particulières à l'ensemble de la zone UH concernant les constructions : / a. Implantation et volume : / (...) / Dans les secteurs UH2, UH3 et UH3p, - dans le cas d'une construction nouvelle ou d'extensions d'une construction existante, le rapport entre la hauteur maximum telle que définie à l'article 10 et la longueur de la façade pignon (hors éléments de débord) des constructions principales doit être au maximum de 0,65. / (...) / c. Aspect des toitures : / (...) / Dans les secteurs UH1t, UH2, UH3 et UH3p : / - toute construction doit être couverte par une toiture principale à deux pans, sans accident de toiture, sans trouée de toiture, sans découpes, sans angle coupé. Les toitures multi pans sont interdites. / - la pente des toitures à pans doit être supérieure à 35 %. (...) ".

22. D'une part, il ressort des pièces du dossier que le permis litigieux a pour objet de modifier les ouvertures intégrées dans la toiture exposée au sud-est : il remplace deux fenêtres prévues dans le permis initial, par une seule fenêtre, de superficie inférieure, correspondant à seulement 0,88 % de la superficie de 163,20 m² de la toiture à deux pans de cette partie de la construction. Dans ces conditions, alors que les dispositions du point 11.1.c) du règlement du PLU fixent un pourcentage maximal strict de 3 % de la surface totale de la toiture à pans de la construction et définissent des dimensions maximales seulement indicatives pour chaque ouverture, la modification autorisée par le permis ne méconnaît pas les dispositions du point 11.1.c) du règlement du PLU et le moyen doit, par suite, être écarté. En tout état de cause, les modifications autorisées, qui ont notamment pour objet de réduire le nombre et les dimensions des fenêtres en toiture, ne portent pas à la nouvelle réglementation une atteinte supplémentaire par rapport à celle résultant du permis initial.

23. D'autre part, contrairement à ce que soutiennent les requérants, la hauteur de la construction n'est pas modifiée par le permis de construire contesté, ainsi qu'il a été dit au point 21. Les droits que la société Megève Eight tient du permis initial devenu définitif font obstacle à ce que M. B... et autres puissent utilement se prévaloir de la méconnaissance du point 11.2.a) du règlement du PLU, relatif au rapport entre la hauteur et la largeur du bâtiment.

24. Enfin, il ressort de la comparaison des plans de toiture du dossier de demande de permis initial et du dossier de demande de permis modificatif que la pente des toits est inchangée, à 30 %. Les droits que la société Megève Eight tient du permis initial devenu définitif font obstacle à ce que M. B... et autres puissent utilement se prévaloir de la méconnaissance du point 11.2.c) du règlement du PLU, qui impose pour les toitures une pente supérieure à 35 %.

25. Il résulte de tout ce qui précède que M. B... et autres ne sont pas fondés à demander l'annulation de l'arrêté du 15 mai 2018 du maire de Megève, ni celle de la décision de rejet de leur recours gracieux.

Sur les frais liés au litige :

26. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

27. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées sur ce fondement.

DÉ C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1807244 du 18 août 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de M. B... et autres présentées devant le tribunal administratif de Grenoble et la cour sont rejetées.

Article 3 : Les conclusions présentées par la commune de Megève et par la société Megève Eight au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B..., en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de Megève et à la société civile de construction vente Megève Eight.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente assesseure,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2025.

La rapporteure,

G. MaubonLa présidente,

M. K...

La greffière,

D. Meleo

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Une greffière,

N° 22LY03037 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03037
Date de la décision : 20/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

Urbanisme et aménagement du territoire - Permis de construire - Régime d'utilisation du permis - Permis modificatif.

Urbanisme et aménagement du territoire - Règles de procédure contentieuse spéciales - Introduction de l'instance - Intérêt à agir.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Gabrielle MAUBON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-20;22ly03037 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award