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20/01/2025 | FRANCE | N°22LY03036

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 20 janvier 2025, 22LY03036


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... C..., Mme K... F... épouse C..., Mme J... G..., Mme H... G..., Mme I... G... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté de permis de construire n° PC 074 173 13 000 03 M04 du 18 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Megève a accordé à la société Megève Eight un permis de construire modificatif, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.



Par un jugement n° 1906241 du 18 août 202

2, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

P...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... C..., Mme K... F... épouse C..., Mme J... G..., Mme H... G..., Mme I... G... et Mme E... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté de permis de construire n° PC 074 173 13 000 03 M04 du 18 mars 2019 par lequel le maire de la commune de Megève a accordé à la société Megève Eight un permis de construire modificatif, ensemble la décision implicite de rejet de leur recours gracieux.

Par un jugement n° 1906241 du 18 août 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête et des mémoires complémentaires enregistrés les 17 octobre 2022, 3 novembre 2022, 20 février 2023 et 13 octobre 2023, ce dernier n'ayant pas été communiqué, M. B... C..., Mme K... F... épouse C..., Mme J... G..., Mme H... G..., Mme I... G... et Mme E... D..., représentés par Me Lamorlette, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 18 août 2022 ;

2°) d'annuler l'arrêté n° PC 074 173 13 000 03 M04 du 18 mars 2019 ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Megève le versement d'une somme de 3 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le tribunal a dénaturé les termes de l'arrêté du 18 mars 2019 en considérant que le maire ne s'était pas estimé en situation de compétence liée ;

- ils disposent d'un intérêt pour agir à l'encontre de l'arrêté du 18 mars 2019, du fait des modifications apportées au projet ;

- un permis de construire modificatif a été accordé le 15 mai 2018, qui a modifié de nombreux aspects du projet et constitue un changement dans les circonstances de fait qui aurait dû justifier d'opposer un refus à la demande de permis de construire ;

- le maire a méconnu les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, telles qu'interprétées par la décision du Conseil d'État du 25 mai 2018 (n° 417350), qui n'interdisent pas de procéder à une nouvelle instruction et d'opposer un nouveau refus à un même projet, en particulier pour opposer un nouveau motif de refus ou pour tenir compte d'un changement de circonstances ;

- l'arrêté du 18 mars 2019 méconnaît les dispositions de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme ;

- il méconnaît les dispositions des articles UC 4, UC 9, UC 10 et UC 10 du règlement du plan d'occupation des sols de la commune.

Par des mémoires enregistrés les 21 décembre 2022 et 23 mars 2023, la société civile immobilière de construction vente (SCCV) Megève Eight, représentée par Me Lacroix (SELARL Itinéraires Avocats), conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge solidaire des requérants le versement d'une somme de 5 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- la requête est entachée d'une irrecevabilité manifeste, faute pour les requérants de disposer d'un intérêt à agir, qui doit s'apprécier au regard des seules modifications apportées au projet, dont ni le volume ni la hauteur ni le gabarit n'ont été modifiés, à l'encontre de l'arrêté du 18 mars 2019 ;

- à titre subsidiaire, le moyen tiré de la situation de compétence liée n'est pas fondé ; les moyens de légalité interne ne sont pas recevables en appel, les moyens tirés de cette cause juridique ayant été écartés comme irrecevables, faute d'avoir été assortis des précisions suffisantes pour en apprécier le bien-fondé, en première instance ; en tout état de cause, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par un mémoire enregistré le 21 août 2023, la commune de Megève, représentée par Me Antoine, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge solidaire des requérants le versement d'une somme de 4 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elle soutient que :

- à titre principal, la requête est irrecevable, faute d'intérêt à agir à l'encontre des modifications autorisées ;

- les moyens tirés de la méconnaissance des articles R. 431-9 et R. 431-10 du code de l'urbanisme et des articles UC 4, UC 9, UC 10 et UC 11 du règlement du plan d'occupation des sols sont irrecevables ;

- en tout état de cause, les moyens de la requête ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 25 septembre 2023, la clôture de l'instruction a été fixée au 16 octobre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de l'urbanisme ;

- le code de justice administrative.

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Maubon, première conseillère,

- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique,

- les observations de Me Lamorlette, représentant M. C... et autres,

- les observations de Me Boiron-Bertrand, représentant la commune de Megève,

- et les observations de Me Ollier, substituant Me Lacroix, représentant la société Megève Eight.

Une note en délibéré présentée pour M. C... et autres a été enregistrée le 17 janvier 2025.

Considérant ce qui suit :

1. Par un arrêté du 11 avril 2013, le maire de Megève (Haute-Savoie) a délivré à M. M... un permis de construire autorisant la démolition d'un chalet existant et la construction d'un chalet d'habitation d'une surface de plancher de 137,89 m², au lieudit Glaise ouest, sur une parcelle cadastrée section ... située sur le territoire de cette commune. Ce permis a été transféré à la société civile de construction vente (SCCV) Megève Eight par un arrêté du 27 juin 2013. Par un arrêté du 4 février 2014, le maire de la commune de Megève a accordé un permis de construire modificatif à la SCCV Megève Eight, qui ensuite été retiré à sa demande le 1er mars 2018. Le 8 juillet et le 17 octobre 2014, la SCCV Megève Eight a déposé deux nouvelles demandes de permis de construire modificatifs, auxquelles le maire de Megève a opposé un refus par arrêtés du 2 septembre 2014 et du 12 mars 2015. La SCCV Megève Eight a formé un recours à l'encontre de l'arrêté du 12 mars 2015, qui a été rejeté par un jugement n° 1504657 du 18 mai 2017 du tribunal administratif de Grenoble. Sur appel de la société Megève Eight, la cour administrative d'appel de Lyon a, par un arrêt du 5 mars 2019, annulé le jugement du 18 mai 2017 et l'arrêté du maire de Megève du 12 mars 2015, et enjoint au maire de Megève de procéder à une nouvelle instruction de la demande de permis de construire modificatif de la SCCV Megève Eight. Par un arrêté n° PC 074 173 13 000 03 M04 du 18 mars 2019, le maire de Megève a accordé à la société le permis de construire modificatif sollicité. M. C... et autres ont formé, par un courrier du 17 mai 2019, un recours gracieux contre cet arrêté, qui a été implicitement rejeté le 21 juillet 2019. Par leur requête, M. C... et autres relèvent appel du jugement n° 1906241 du 18 août 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à l'annulation de l'arrêté n° PC 074 173 13 000 03 M04 du 18 mars 2019 portant permis de construire, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux dirigé contre ledit permis.

Sur la recevabilité de la demande de première instance :

2. Aux termes du premier alinéa de l'article L. 600-2-1 du code de l'urbanisme : " Une personne autre que l'État, les collectivités territoriales ou leurs groupements ou une association n'est recevable à former un recours pour excès de pouvoir contre une décision relative à l'occupation ou à l'utilisation du sol régie par le présent code que si la construction, l'aménagement ou le projet autorisé sont de nature à affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance du bien qu'elle détient ou occupe régulièrement ou pour lequel elle bénéficie d'une promesse de vente, de bail, ou d'un contrat préliminaire mentionné à l'article L. 261-15 du code de la construction et de l'habitation. "

3. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient, en particulier, à tout requérant qui saisit le juge administratif d'un recours pour excès de pouvoir tendant à l'annulation d'un permis de construire, de démolir ou d'aménager, de préciser l'atteinte qu'il invoque pour justifier d'un intérêt lui donnant qualité pour agir, en faisant état de tous éléments suffisamment précis et étayés de nature à établir que cette atteinte est susceptible d'affecter directement les conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de son bien. Lorsque le requérant, sans avoir contesté le permis initial, forme un recours contre un permis de construire modificatif, son intérêt pour agir doit être apprécié au regard de la portée des modifications apportées par le permis modificatif au projet de construction initialement autorisé. Il appartient au défendeur, s'il entend contester l'intérêt à agir du requérant, d'apporter tous éléments de nature à établir que les atteintes alléguées sont dépourvues de réalité. Le juge de l'excès de pouvoir apprécie la recevabilité de la requête au vu des éléments ainsi versés au dossier par les parties, en écartant le cas échéant les allégations qu'il jugerait insuffisamment étayées mais sans pour autant exiger de l'auteur du recours qu'il apporte la preuve du caractère certain des atteintes qu'il invoque au soutien de la recevabilité de celui-ci. Eu égard à sa situation particulière, le voisin immédiat justifie, en principe, d'un intérêt à agir lorsqu'il fait état devant le juge, qui statue au vu de l'ensemble des pièces du dossier, d'éléments relatifs à la nature, à l'importance ou à la localisation du projet de construction.

4. Il ressort des pièces du dossier que M. et Mme C... sont propriétaires de la parcelle située au sud-ouest du terrain d'assiette du projet. Cette parcelle, qui supporte un chalet d'habitation, comprend également, en limite avec la parcelle assiette du projet, l'emprise de l'impasse de la Combe, voie de desserte de plusieurs chalets. Ils se prévalent des vues directes dont ils disposent sur le projet et des atteintes que ce projet, qui a notamment pour objet d'ajouter un auvent au sud-ouest de la construction principale, c'est-à-dire en direction de leur propriété, ainsi que de modifier les fenêtres de l'étage supérieur de la construction, serait susceptible de porter aux conditions d'occupation, d'utilisation ou de jouissance de leur bien, en invoquant notamment la modification de l'implantation de la voie d'accès au garage, l'ajout d'un volume de construction et la modification des ouvertures donnant vers leur propriété. Dans ces conditions, nonobstant le caractère limité des modifications apportées par le permis accordé, ils disposent d'un intérêt à agir l'encontre de l'arrêté du 18 mars 2019. Dans ces conditions, et sans qu'il soit besoin d'examiner l'intérêt à agir des autres signataires de cette requête collective, la fin de non-recevoir opposée doit être écartée.

Sur la légalité de la décision du 18 mars 2019 :

En ce qui concerne le moyen tiré de la méconnaissance l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme :

5. Aux termes de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, dans sa version applicable à la date de la décision attaquée : " Lorsque la décision rejette la demande ou s'oppose à la déclaration préalable, elle doit être motivée. / Cette motivation doit indiquer l'intégralité des motifs justifiant la décision de rejet ou d'opposition, notamment l'ensemble des absences de conformité des travaux aux dispositions législatives et réglementaires mentionnées à l'article L. 421-6. / (...) ". Aux termes de l'article L. 600-2 du même code : " Lorsqu'un refus opposé à une demande d'autorisation d'occuper ou d'utiliser le sol ou l'opposition à une déclaration de travaux régies par le présent code a fait l'objet d'une annulation juridictionnelle, la demande d'autorisation ou la déclaration confirmée par l'intéressé ne peut faire l'objet d'un nouveau refus ou être assortie de prescriptions spéciales sur le fondement de dispositions d'urbanisme intervenues postérieurement à la date d'intervention de la décision annulée sous réserve que l'annulation soit devenue définitive et que la confirmation de la demande ou de la déclaration soit effectuée dans les six mois suivant la notification de l'annulation au pétitionnaire. " Aux termes de l'article L. 600-4-1 de ce code : " Lorsqu'elle annule pour excès de pouvoir un acte intervenu en matière d'urbanisme ou en ordonne la suspension, la juridiction administrative se prononce sur l'ensemble des moyens de la requête qu'elle estime susceptibles de fonder l'annulation ou la suspension, en l'état du dossier. "

6. Les dispositions introduites au deuxième alinéa de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme par l'article 108 de la loi du 6 août 2015 visent à imposer à l'autorité compétente de faire connaitre tous les motifs susceptibles de fonder le rejet de la demande d'autorisation d'urbanisme ou de l'opposition à la déclaration préalable. Combinées avec les dispositions de l'article L. 600-4-1 du code de l'urbanisme, elles mettent le juge administratif en mesure de se prononcer sur tous les motifs susceptibles de fonder une telle décision. Il ressort des travaux parlementaires de la loi du 6 août 2015 que ces dispositions ont pour objet de permettre d'accélérer la mise en œuvre de projets conformes aux règles d'urbanisme applicables en faisant obstacle à ce qu'en cas d'annulation par le juge du refus opposé à une demande d'autorisation d'urbanisme ou de l'opposition à la déclaration préalable, et compte tenu de ce que les dispositions de l'article L. 600-2 du même code conduisent à appliquer le droit en vigueur à la date de la décision annulée, l'autorité compétente prenne une nouvelle décision de refus ou d'opposition.

7. Il résulte de ce qui précède que, lorsque le juge annule un refus d'autorisation ou une opposition à une déclaration après avoir censuré l'ensemble des motifs que l'autorité compétente a énoncés dans sa décision conformément aux prescriptions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme ainsi que, le cas échéant, les motifs qu'elle a pu invoquer en cours d'instance, il doit, s'il est saisi de conclusions à fin d'injonction, ordonner à l'autorité compétente de délivrer l'autorisation ou de prendre une décision de non-opposition. Il n'en va autrement que s'il résulte de l'instruction soit que les dispositions en vigueur à la date de la décision annulée, qui eu égard aux dispositions de l'article L. 600-2 demeurent applicables à la demande, interdisent de l'accueillir pour un motif que l'administration n'a pas relevé, ou que, par suite d'un changement de circonstances, la situation de fait existant à la date du jugement y fait obstacle.

8. L'arrêté du 18 mars 2019 vise la demande de permis de construire modificatif, l'arrêt de la cour du 5 mars 2019, les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme, celles de l'article L. 600-2 du même code, rappelle les motifs initialement opposés pour fonder le refus opposé le 12 mars 2015 et conclut que le maire " est tenu de ré instruire la demande de permis de construire modificatif de la SCCV " Megève Eight " et, partant de l'autoriser, dans la mesure où il ne lui est pas possible d'évoquer de nouveaux moyens d'opposition ". Il ressort ainsi des termes même de cet arrêté que le maire a, après avoir à nouveau examiné la demande, estimé ne pas pouvoir opposer à cette demande d'autres motifs que ceux opposés initialement et examinés dans le cadre de l'instance contentieuse engagée contre l'arrêté du 12 mars 2015 annulé par l'arrêt de la cour du 5 mars 2019. Eu égard aux principes exposés au point précédent, il n'a, ce faisant, pas méconnu les dispositions de l'article L. 424-3 du code de l'urbanisme.

9. Les requérants estiment que la délivrance d'un nouveau permis modificatif " PCM 06 ", par un arrêté du 29 mars 2018, postérieur au dépôt du dossier de demande " PCM 04 " mais antérieur à l'arrêté contesté du 18 mars 2019, constitue un changement de circonstances qui aurait dû conduire à refuser la délivrance du PCM 04. Toutefois, ils ne précisent pas en quoi la délivrance préalable d'un permis modificatif ferait obstacle à l'octroi d'un autre permis modificatif.

10. Dans ces conditions, le moyen doit être écarté dans toutes ses branches.

En ce qui concerne les autres moyens :

11. En premier lieu, la circonstance que le dossier de demande de permis de construire ne comporterait pas l'ensemble des documents exigés par les dispositions du code de l'urbanisme, ou que les documents produits seraient insuffisants, imprécis ou comporteraient des inexactitudes, n'est susceptible d'entacher d'illégalité le permis de construire qui a été accordé que dans le cas où les omissions, inexactitudes ou insuffisances entachant le dossier ont été de nature à fausser l'appréciation portée par l'autorité administrative sur la conformité du projet à la réglementation applicable.

12. D'une part, aux termes de l'article R. 431-9 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également un plan de masse des constructions à édifier ou à modifier coté dans les trois dimensions. Ce plan de masse fait apparaître les travaux extérieurs aux constructions, les plantations maintenues, supprimées ou créées et, le cas échéant, les constructions existantes dont le maintien est prévu. / Il indique également, le cas échéant, les modalités selon lesquelles les bâtiments ou ouvrages seront raccordés aux réseaux publics ou, à défaut d'équipements publics, les équipements privés prévus, notamment pour l'alimentation en eau et l'assainissement. / (...) ". Il ressort de la notice explicative figurant au dossier de demande du permis de construire modificatif " M04 " que " les réseaux EU et EP sont raccordés vers une servitude de passage de réseaux dans l'angle nord du terrain " et que " les puits perdus sont supprimés ". Le plan de masse joint au dossier figure une " servitude de passage " pour le raccordement aux réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales, et un " plan servitude réseaux EU et EP " fait apparaître une liaison entre le terrain d'assiette du projet et un ruisseau situé au nord. Ces indications étaient suffisantes pour permettre à l'autorité administrative d'apprécier les modalités de raccordement du projet aux réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales.

13. D'autre part, aux termes de l'article R. 431-10 du code de l'urbanisme : " Le projet architectural comprend également : / (...) / c) Un document graphique permettant d'apprécier l'insertion du projet de construction par rapport aux constructions avoisinantes et aux paysages, son impact visuel ainsi que le traitement des accès et du terrain ; / (...) ". Le dossier de demande de permis modificatif comporte un document graphique représentant le projet dans son environnement proche, qui permet d'apprécier son impact visuel ainsi que son insertion par rapport aux paysages environnants. Le dossier de demande de permis de construire initial comportait en outre des photographies de l'environnement proche et lointain qui permettaient d'apprécier la proximité du projet par rapport aux constructions avoisinantes, qui sont par ailleurs figurées sur le plan cadastral et mentionnées dans la notice. En l'absence de modification de l'implantation ou des volumes généraux du bâtiment à construire par le projet modifié, l'appréciation de l'autorité administrative n'a pas été faussée quant à l'insertion du projet modifié dans son environnement.

14. Ainsi, les moyens tirés de l'insuffisance du contenu du dossier de demande doivent être écartés.

15. En deuxième lieu, aux termes de l'article UC 4 du plan d'occupation des sols (POS) de la commune de Megève, applicable à la décision contestée en application de l'article L. 600-2 du code de l'urbanisme : " (...) / 4.2. Assainissement : / Toute construction ou installation nouvelle doit évacuer ses eaux usées par des canalisations souterraines en système séparatif raccordées au réseau collectif d'assainissement. / (...) / 4.3 Eaux pluviales et de drainage : / Elles seront rejetées dans les ruisseaux, les puits perdus ou dans le réseau public d'eau pluviale si celui-ci existe. / (...) ". Les requérants soutiennent que le dossier de demande n'est pas suffisamment précis pour pouvoir vérifier le respect de ces dispositions. Toutefois, il ressort des pièces du dossier, notamment des pièces du dossier de permis de construire initial déposé le 22 janvier 2013, que le service de la régie des eaux et de l'assainissement de la commune consulté le 28 mars 2013 a précisé, d'une part, que le terrain était desservi par un réseau public d'assainissement des eaux usées et, d'autre part, qu'il n'était pas desservi par un réseau de gestion des eaux pluviales et que les eaux qui ne pourraient pas être infiltrées ou retenues à la parcelle pourraient être rejetées dans le ruisseau avec un débit de fuite limité. Le projet tel que modifié prévoit, ainsi qu'il a été vu au point 12, un raccordement aux réseaux d'eaux usées et d'eaux pluviales par le biais d'une servitude à partir de l'extrémité nord du terrain. En ce qui concerne les eaux usées, il ne ressort pas des pièces du dossier que le système de raccordement ne serait pas séparatif, les requérants se bornant à affirmer que " rien dans le dossier ne permet de s[en] assurer ", sans apporter de contestation sérieuse aux indications portées sur le plan de masse qui fait figurer deux réseaux parallèles distincts. En ce qui concerne les eaux pluviales, la méconnaissance des dispositions précitées n'est pas non plus établie, alors que la commune expose sans être contestée que le projet prévoit le rejet des eaux pluviales non infiltrées dans le ruisseau situé au nord du terrain, ce qui pouvait être aisément déduit du dossier de demande de permis de modificatif et de la suppression des puits perdus initialement prévus, le rejet dans les ruisseaux étant l'autre solution ouverte par le POS en l'absence de réseau public de gestion des eaux pluviales à proximité.

16. En troisième lieu, aux termes de l'article UC 10 " Hauteur des constructions " du POS : " 10.1 Hauteur maximale : / La différence de niveau entre tout point situé hors-œuvre de la construction et le point du sol naturel situé à l'aplomb, avant et après terrassement, est limitée à 9 m. sans que cette différence de niveau à la verticale extérieure de la sablière et le point du sol naturel situé à l'aplomb puisse être supérieure à 7 m. / A... remblaiement d'une hauteur maximum de 1 m. par rapport au sol naturel pourra être toléré. / En cas d'utilisation de cette tolérance, les hauteurs définies ci-dessus seront prises à partir du sol fini, remblayé. / (...) ". Il ressort des pièces du dossier, notamment de la comparaison des plans de la façade nord-est entre le projet initial et le projet modifié, que la hauteur des remblais est modifiée, et de celle des plans des façades sud-ouest, que l'altimétrie du faîtage de la construction principale passe de 109,78 dans le dossier de permis initial à 109,92 dans le dossier de permis modificatif. Toutefois, la seule circonstance, invoquée par les requérants pour soutenir que la délivrance du permis de construire litigieux est entachée de fraude et que la hauteur maximale autorisée est dépassée au niveau de la sablière, qu'un point du terrain naturel, situé à l'angle nord de la construction, aurait été mesuré en 2017 plusieurs centimètres plus bas que ne l'a représenté la société requérante en 2014, n'est pas suffisante pour entacher le permis d'illégalité, alors que ce constat résulte d'expertises diligentées postérieurement à la réalisation des travaux, que le permis délivré n'autorise pas des remblais supérieurs à un mètre et que les plans des façades du projet modifié indiquaient une hauteur maximale inférieure à 9 mètres au faitage et une hauteur à la verticale extérieure de la sablière inférieure à 7 mètres à l'angle nord. Le moyen doit, dans ces conditions, être écarté.

17. En quatrième lieu, aux termes de la partie " Dispositions générales " de l'article UC 11 du POS, relatif à l'" Aspect extérieur ": " En aucun cas, les constructions, installations et divers modes d'utilisation du sol ne doivent par leurs dimensions, leur situation ou leur aspect extérieur, porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants, aux sites, aux paysages naturels ou urbains (...). / (...) Tout projet de construction qui n'aboutirait pas à une bonne intégration sera refusé et notamment tout projet visant à créer des pergolas, des vérandas ou à fermer les balcons par un vitrage. / (...) ". Il ressort des pièces du dossier que le projet tel que modifié, qui ne change pas les dimensions des deux volumes principaux de construction et ne modifie pas le gabarit du chalet, mis à part l'auvent, n'est pas de nature à porter atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. Ni l'augmentation des hauteurs de remblais qui, à la supposer établie, resterait ponctuelle et limitée, inférieure à 20 centimètres, ni la réduction de l'épaisseur du toit de la construction principale et la dysharmonie qui en résulterait, ni la création d'un auvent, d'une superficie inférieure aux deux autres volumes sous toiture, ni la modification de la cheminée, simplement déplacée, ne constituent une atteinte au caractère ou à l'intérêt des lieux avoisinants. La création d'un auvent ouvert sur trois cotés n'est en outre pas assimilable à la création d'une pergola qui serait interdite par les dispositions précitées du POS.

18. En cinquième lieu, si les requérants estiment que les versants de la toiture du petit volume de construction ne respectent pas le ratio minimal de 3/2 prévu par la partie " Toitures " de l'article UC 11 du règlement du POS, il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis accordé, dont la notice ne mentionne pas de modification des toitures, conduirait à autoriser des toitures modifiées par rapport au projet initial. En tout état de cause, les requérants n'établissent pas les modifications de longueur de toit dont ils se prévalent en évoquant des longueurs " d'environ 5,14 mètres " et " d'environ 7,5 mètres ".

19. En sixième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que le permis modificatif accordé aurait pour objet d'autoriser la plantation d'arbres qui n'auraient pas été prévus par le permis initial, alors que les plans de masse sont concordants pour prévoir la plantation d'un arbre au sud du terrain et la conservation de deux arbres existants, même si l'emplacement prévu de l'arbre à planter diffère légèrement. Le moyen tiré de la méconnaissance de la partie " Divers " de l'article UC 11 du règlement du POS ne peut donc qu'être écarté comme inopérant.

20. En dernier lieu, toutefois, aux termes de l'article R. 420-1 du code de l'urbanisme : " L'emprise au sol au sens du présent livre est la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus. / Toutefois, les ornements tels que les éléments de modénature et les marquises sont exclus, ainsi que les débords de toiture lorsqu'ils ne sont pas soutenus par des poteaux ou des encorbellements. " Aux termes de l'article UC 9 du POS de la commune : " Emprise au sol / Le coefficient maximum d'emprise au sol soit le rapport de la surface du terrain occupée par la construction à la superficie de la parcelle ne doit pas dépasser 0,20. / (...) ". En l'absence de prescriptions particulières dans le règlement du document local d'urbanisme précisant la portée de cette notion, l'emprise au sol s'entend, en principe, comme la projection verticale du volume de la construction, tous débords et surplombs inclus.

21. La superficie du terrain d'assiette du projet est de 920 m², dont il résulte une emprise au sol maximale de 184 m². Le projet tel que modifié prévoit l'ajout au volume la construction d'un auvent en façade sud-ouest. Cet auvent est constitué d'une toiture à deux pans supportée par deux poteaux, qui se prolonge au-delà de ces poteaux, d'au moins un mètre, sur trois côtés, le quatrième côté étant appuyé sur la construction prévue au permis de construire initial. Il ressort du plan des toitures que la toiture de cet auvent mesure 6,03 mètres par 2,92 mètres soit 17,61 m², et non 9,51 m² comme indiqué dans le dossier de demande, superficie que la société pétitionnaire a calculée en tenant compte uniquement de l'espace entre les poteaux et la façade du volume de construction adjacent. Dès lors que l'ensemble de la toiture de l'auvent est soutenu par des poteaux, il y a lieu d'en tenir compte en totalité pour le calcul de l'emprise au sol. Ainsi, l'emprise au sol supplémentaire prévue par le projet modifié, qui conduirait à porter l'emprise au sol totale du projet à 192 m², conduit à dépasser le coefficient d'emprise au sol autorisé en zone UC. M. C... et autres sont par suite fondés à soutenir que l'arrêté du 18 mars 2019 méconnaît les dispositions de l'article UC 9 du POS.

22. Il résulte de ce qui précède que M. C... et autres sont seulement fondés, par des moyens recevables en appel, à soutenir que l'arrêté du 18 mars 2019 méconnaît l'article UC 9 du POS de la commune de Megève.

Sur les conséquences du vice relevé :

23. Aux termes de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme : " Sans préjudice de la mise en œuvre de l'article L. 600-5-1, le juge administratif qui, saisi de conclusions dirigées contre un permis de construire, de démolir ou d'aménager ou contre une décision de non-opposition à déclaration préalable, estime, après avoir constaté que les autres moyens ne sont pas fondés, qu'un vice n'affectant qu'une partie du projet peut être régularisé, limite à cette partie la portée de l'annulation qu'il prononce et, le cas échéant, fixe le délai dans lequel le titulaire de l'autorisation pourra en demander la régularisation, même après l'achèvement des travaux. Le refus par le juge de faire droit à une demande d'annulation partielle est motivé. "

24. Le vice relevé au point 21 du présent arrêt, relatif à la méconnaissance du coefficient maximal d'emprise au sol fixé à l'article UC 9 du POS, du fait de l'ajout d'un auvent à la construction initialement autorisée, n'affecte qu'une partie du projet et est susceptible d'être régularisé. Dans ces conditions, il y a lieu de faire application des dispositions de l'article L. 600-5 du code de l'urbanisme et de prononcer l'annulation partielle du permis de construire modificatif M04 du 18 mars 2019, ainsi que de la décision de rejet du recours gracieux des intéressés, en tant qu'ils méconnaissent les dispositions de l'article UC 9 du plan d'occupation des sols de la commune de Megève.

25. Il résulte de ce qui précède que M. C... et autres sont fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande, et qu'il y a lieu d'annuler l'arrêté du 18 mars 2019 ainsi que la décision de rejet de leur recours gracieux, en tant qu'ils autorisent un projet qui méconnaît les dispositions de l'article UC 9 du plan d'occupation des sols de la commune de Megève relatives à l'emprise au sol.

Sur les frais liés au litige :

26. Aux termes de l'article L. 761-1 du code de justice administrative : " Dans toutes les instances, le juge condamne la partie tenue aux dépens ou, à défaut, la partie perdante, à payer à l'autre partie la somme qu'il détermine, au titre des frais exposés et non compris dans les dépens. Les parties peuvent produire les justificatifs des sommes qu'elles demandent et le juge tient compte de l'équité ou de la situation économique de la partie condamnée. Il peut, même d'office, pour des raisons tirées des mêmes considérations, dire qu'il n'y a pas lieu à cette condamnation. "

27. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de faire droit aux conclusions des parties présentées au titre de ces dispositions.

D É C I D E :

Article 1er : Le jugement n° 1906241 du 18 août 2022 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : L'arrêté portant permis de construire du 18 mars 2019 du maire de Megève, ensemble la décision implicite de rejet du recours gracieux dirigé contre ledit permis, sont annulés en tant que le projet méconnaît les dispositions de l'article UC 9 du plan d'occupation des sols de la commune de Megève.

Article 3 : Le surplus de la demande de M. C... et autres présentée devant le tribunal administratif et de leurs conclusions présentées devant la cour sont rejetés.

Article 4 : Les conclusions de la commune de Megève et de la société Megève Eight présentées sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... C... en application des dispositions de l'article R. 751-3 du code de justice administrative, à la commune de Megève et à la SCCV Megève Eight.

Délibéré après l'audience du 14 janvier 2025 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente assesseure,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 20 janvier 2025.

La rapporteure,

G. MaubonLa présidente,

M. L...

La greffière,

D. Meleo

La République mande et ordonne au préfet de la Haute-Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

Une greffière,

N° 22LY03036 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 22LY03036
Date de la décision : 20/01/2025
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

68-03-04-04 Urbanisme et aménagement du territoire. - Permis de construire. - Régime d'utilisation du permis. - Permis modificatif.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Gabrielle MAUBON
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : SELARL ITINERAIRES AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 26/01/2025
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2025-01-20;22ly03036 ?
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