Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Madame A... E... épouse J..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier Avocats associés, agissant par Me Bescou, a demandé au tribunal administratif de Lyon :
1°) d'annuler la décision implicite par laquelle le préfet du Rhône a refusé de lui renouveler son titre de séjour ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de lui délivrer un certificat de résidence de dix ans ou à tout le moins de procéder au réexamen de sa demande, dans un délai de deux mois à compter de la notification du jugement à intervenir sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2301324 du 2 juillet 2024 le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite de rejet litigieuse et a enjoint à la préfète du Rhône de délivrer un certificat de résidence algérien valable dix ans à Mme E..., dans un délai d'un mois à compter de ce jugement.
Procédure devant la cour :
I ) Par une requête, enregistrée le 27 août 2024, sous le n° 24LY02468, la préfète du Rhône demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2301324 du 2 juillet 2024 du tribunal administratif de Lyon et de rejeter l'ensemble des conclusions formulées en première instance pour Mme E... épouse J... ;
2°) à défaut, d'annuler le jugement contesté en ce qu'il enjoint à la préfète du Rhône de délivrer un titre de séjour à Mme E... épouse J... ;
3°) d'annuler le jugement contesté en ce qu'il condamné l'Etat au versement d'une somme de 1 200 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- sa requête est recevable ;
- le tribunal administratif a retenu à tort l'existence d'une communauté de vie entre les époux pour en déduire que Mme E... avait droit à un titre de séjour sur le fondement des articles 7 bis et 6, 2° de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
Par un mémoire enregistré le 1er octobre 2024, Mme E... épouse J..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Bescou, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros à verser à la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que la requête est recevable mais infondée.
II ) Par une requête enregistrée le 27 août 2024 sous le n° 24LY02469, la préfète du Rhône demande à la cour de prononcer le sursis à exécution du jugement n° 2301324 du 2 juillet 2024 rendu par le tribunal administratif de Lyon.
Elle soutient qu'elle est fondée à demander à la cour de prononcer le sursis à exécution de ce jugement sur le fondement de l'article R. 811-15 du code de justice administrative, le moyen tiré de l'absence de communauté de vie effective entre les époux étant de nature à conduire à l'annulation de ce jugement et au rejet des conclusions à fin d'annulation qu'il a accueillies.
Par un mémoire enregistré le 1er octobre 2024, Mme E... épouse J..., représentée par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Bescou, conclut au rejet de la requête et à la mise à la charge de l'Etat d'une somme de 1 200 euros à verser à la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Elle soutient que la préfète ne démontre pas que le moyen qu'elle invoque est sérieux et de nature à justifier non seulement l'annulation ou la réformation du jugement critiqué mais aussi le rejet des conclusions à fin d'annulation de la décision implicite litigieuse, la communauté de vie entre les époux K... étant établie.
Mme E... épouse J... a été admise au bénéficie de l'aide juridictionnelle totale, pour ces deux instances, par deux décisions du bureau d'aide juridictionnelle du 9 octobre 2024.
Vu les autres pièces des dossiers.
Vu :
- l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridictionnelle ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Pourny, président de chambre ;
- les observations de Me Guillaume pour Mme E... épouse J....
Considérant ce qui suit :
1. Madame A... E..., ressortissante algérienne née le 4 mars 1975, est entrée régulièrement en France le 4 juillet 2017 avec un visa court séjour Schengen valable du 1er juillet 2017 au 30 juillet 2017. S'étant maintenue sur le territoire français, elle y a épousé le 20 juillet 2018 M. C... J... et elle a bénéficié d'un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ", en qualité de conjointe d'un ressortissant français, du 21 décembre 2018 au 20 décembre 2019. Elle en a sollicité le renouvellement mais ce renouvellement lui a été refusé par une décision implicite du préfet du Rhône. Elle a contesté ce refus devant le tribunal administratif de Lyon, par une demande enregistrée le 20 février 2023. Par un jugement n° 2301324 du 18 juin 2024, le tribunal administratif de Lyon a annulé cette décision implicite et enjoint à la préfète du Rhône de délivrer un certificat de résidence algérien valable dix ans à Mme J..., dans un délai d'un mois, et mis à la charge de l'Etat une somme de 1 200 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative. La préfète du Rhône demande à la cour, par la requête enregistrée sous le n° 24LY02468, d'annuler ce jugement et, par la requête enregistrée sous le n° 24LY02469, d'ordonner qu'il soit sursis à son exécution.
2. Les requêtes n° 24LY02468 et n° 24LY02469 étant dirigées contre le même jugement et ayant fait l'objet d'une instruction commune, il y a lieu de les joindre pour qu'elles fassent l'objet d'un seul arrêt.
Sur la requête n° 24LY02468 :
3. Aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a), au b), au c) et au g) : a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2) et au dernier alinéa de ce même article ; (...) ". Aux termes de l'article 6 du même accord : " Les dispositions du présent article ainsi que celles des deux articles suivants, fixent les conditions de délivrance et de renouvellement du certificat de résidence aux ressortissants algériens établis en France ainsi qu'à ceux qui s'y établissent, sous réserve que leur situation matrimoniale soit conforme à la législation française. " Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : (...) 2) au ressortissant algérien, marié avec un ressortissant de nationalité française, à condition que son entrée sur le territoire français ait été régulière, que le conjoint ait conservé la nationalité française et, lorsque le mariage a été célébré à l'étranger, qu'il ait été transcrit préalablement sur les registres de l'état civil français ; (...) Le premier renouvellement du certificat de résidence délivré au titre du 2) ci-dessus est subordonné à une communauté de vie effective entre les époux ".
4. La préfète du Rhône, qui n'avait pas produit en première instance, soutient, pour la première fois en appel, que Mme E... épouse J... n'était pas fondée à demander le renouvellement de son certificat de résidence en raison de l'absence de communauté de vie effective entre les époux, ce que conteste l'intimée, Mme A... E....
5. Il ressort des pièces du dossier que Mme A... E..., née en 1975, a épousé M. B... I..., né en 1969, et que le couple a eu deux enfants, nés en Algérie, avant de divorcer en 2013. M. I... s'est alors remarié en Algérie le 21 avril 2014 avec Mme G... E..., de nationalité française, sœur de l'intimée, puis Mme A... E... est entrée régulièrement en France le 4 juillet 2017, dans le but de rejoindre son ex-époux, comme elle l'a déclaré dans un procès-verbal du 22 février 2023, et ses deux fils, dont le plus jeune est autiste, avant de rencontrer M. C... J..., ressortissant français, qu'elle a épousé le 20 janvier 2018. Le couple aurait alors vécu au domicile de la mère de M. J... jusqu'au décès de celle-ci en 2018. Il aurait ensuite vécu chez une autre sœur de Mme A... E..., Mme D... F..., rue Marcel Cerdan à Lyon, adresse mentionnée dans divers documents, mais aurait dû quitter ce logement. Selon un procès-verbal du 6 mai 2022, Mme E... serait alors partie vivre chez une de ses nièces à H... alors que, selon ses déclarations dans le même procès-verbal, son époux aurait vécu dans le troisième arrondissement de Lyon, à une adresse qu'elle a indiqué avoir oubliée, tandis que son époux déclarait, le même jour, vivre à la Croix Rousse mais être hébergé temporairement chez sa belle-fille rue Louis Thévenet dans le quatrième arrondissement de Lyon, dans l'attente de l'attribution d'un logement social. Le couple se serait ensuite installé rue Louis Thévenet mais le gardien de la résidence a répondu aux agents de police judiciaire en juin 2023 que M. J... y avait toujours vécu seul, avant d'indiquer, en septembre 2023, qu'il voyait une femme dans l'appartement depuis environ deux mois, Mme J..., contactée par téléphone, déclarant alors être chez son ex-mari pour s'occuper de ses enfants en l'absence de celui-ci. Par suite, en dépit de quelques attestations peu circonstanciées de parents et amis de M. et Mme J..., de quelques photographies où ils apparaissent ensemble et de quelques documents mentionnant leurs deux noms, la préfète du Rhône est fondée à soutenir, pour la première fois en appel, sans même qu'il soit besoin de s'appuyer sur une lettre de dénonciation anonyme, que c'est à tort que les premiers juges ont retenu que la communauté de vie entre les époux était justifiée par les pièces versées au dossier et que Mme J... avait droit à un certificat de résidence algérien valable dix ans sur le fondement des stipulations de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968.
6. Mme J... n'ayant présenté aucun autre moyen en première instance ou en appel, il résulte de ce qui précède que la préfète du Rhône est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a annulé la décision implicite par laquelle la demande de renouvellement du titre de séjour de Mme E... épouse J... a été rejetée et, par voie de conséquence, à demander l'annulation du jugement attaqué et le rejet des conclusions présentées en première instance ou en appel pour l'intimée et son conseil.
Sur la requête n° 24LY02469 :
7. La présente ordonnance statuant au fond sur la requête n° 24LY02468 présentée par la préfète du Rhône, ses conclusions à fin de sursis à exécution du jugement attaqué ont perdu leur objet.
8. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées pour la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 dans cette instance.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2301324 du 2 juillet 2024 du tribunal administratif de Lyon est annulé.
Article 2 : Il n'y a pas lieu de statuer sur les conclusions à fin de sursis à exécution présentées par la préfète du Rhône dans la requête n° 24LY02469.
Article 3 : La demande de Mme E... épouse J... et les conclusions présentées en première instance et en appel pour Mme E... épouse J... et pour la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés sont rejetées.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur et à Mme A... E... épouse J... et à la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés. Copie en sera adressée à la préfète du Rhône.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2024 à laquelle siégeait :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller,
Rendu public par une mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024
Le président-rapporteur,
F. Pourny
L'assesseur le plus ancien,
H. Stillmunkes
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministère de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY02468-24LY02469