Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. D... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 28 décembre 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère lui a fait obligation de quitter sans délai le territoire français, a désigné son pays de renvoi et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pendant un an.
Par un jugement n° 2400154 du 6 février 2024, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 6 mars 2024, M. D... A..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Bescou, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2400154 du 6 février 2024 du magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble ainsi que les décisions préfectorales du 28 décembre 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder au réexamen de sa situation dans le délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard, et, dans l'attente, de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de procéder à l'effacement de son signalement aux fins de non-admission dans le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
M. A... soutient que :
- la mesure d'éloignement n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation, porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision le privant d'un délai de départ volontaire, illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement, n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation, est entachée d'une erreur de droit, de fait, d'une erreur d'appréciation alors qu'il justifiait d'une circonstance particulière ;
- la décision portant interdiction de retour, illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement et de l'illégalité de la décision le privant d'un délai de départ volontaire, n'a pas été précédée d'un examen sérieux de sa situation, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-6 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
- la décision désignant son pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
* l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
* le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2 décembre 2024 :
- le rapport de M. Gros, premier conseiller,
- et les observations de Me Guillaume, représentant M. A....
Considérant ce qui suit :
1. M. D... A..., ressortissant algérien né en 1989, a vu sa demande d'asile rejetée le 30 mai 2016 par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides et le 28 novembre suivant par la Cour nationale du droit d'asile. Le 20 juin 2017, le préfet de l'Isère a refusé de l'admettre au séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français. Le 4 septembre 2021, ce préfet a refusé de délivrer à M. A... le titre de séjour sollicité en qualité de conjoint d'une ressortissante française et lui a de nouveau fait obligation de quitter le territoire français, décisions validées le 8 avril 2022 par le tribunal administratif de Grenoble. Par des décisions prises le 28 décembre 2023, le même préfet a prononcé une troisième mesure d'éloignement à l'encontre de M. A..., cette fois-ci sans lui accorder de délai de départ volontaire, a de nouveau désigné son pays de renvoi et lui a interdit de revenir sur le territoire pendant un an. M. A... relève appel du jugement du 6 février 2024 par lequel le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions préfectorales du 28 décembre 2023.
Sur la mesure d'éloignement :
2. En premier lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté du 28 décembre 2023 en litige ni des pièces du dossier que le préfet, même s'il ne reprend pas les déclarations faites devant les services de police par M. A... concernant son épouse et sa mère, aurait omis, avant de décider de l'éloigner, de procéder à un examen réel et sérieux de la situation personnelle du requérant.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1°) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. 2°) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui " .
4. Si la mère du requérant, son demi-frère et sa demi-sœur mineurs résident en France, M. A... n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie, son père et deux frères, notamment, s'y trouvant, pays où il a vécu jusqu'à l'âge de 25 ans. Son mariage avec une ressortissante française était encore récent, sans que soit démontrée une vie commune antérieure. Il ne justifie pas d'une insertion professionnelle par la création, en juin 2023, d'une entreprise individuelle de nettoyage et la production de deux promesses d'embauche, l'une en qualité de cariste, l'autre en qualité de plaquiste, au surplus postérieures à l'arrêté attaqué, ni d'une particulière insertion sociale par la seule pratique de la boxe thaïlandaise, en club, depuis 2019, et par la production de diverses attestations. Enfin, il a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement en 2017 et 2021. Dans ces conditions, en faisant obligation à M. A..., le 28 décembre 2023, de quitter le territoire français, le préfet de l'Isère n'a pas porté au droit du requérant au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels cette mesure a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit donc être écarté. Cette décision n'est pas davantage entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Sur la décision privative de délai de départ volontaire :
5. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que doit être écartée l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français articulée à l'encontre de la décision privant M. A... d'un délai de départ volontaire.
6. En deuxième lieu, M. A... a déclaré aux services de police vivre avec Mme B... C..., son épouse, dans un logement situé 23, quai Pasteur à Vienne, depuis décembre 2021. Ce logement est au nom de Mme B... C... qui atteste, le 17 février 2024, que le couple y vit depuis décembre 2021. Le préfet n'avait pas connaissance de cette adresse, mais seulement de l'adresse précédente fournie à l'appui de la demande ayant conduit au refus de séjour et à la mesure d'éloignement du 4 septembre 2021. Par suite, la mention, dans l'arrêté en litige du 28 décembre 2023, que M. A... " déclare une adresse à Vienne (38) sans toutefois produire d'attestation ou d'autres pièces justifiant son adresse " ne révèle aucun défaut d'examen réel et sérieux de sa situation. Par ailleurs, comme l'a estimé le préfet, M. A... ne justifie pas de ressources légales. Le moyen tiré de l'absence d'examen réel et sérieux de sa situation doit par conséquent être écarté.
7. En troisième lieu, l'étranger obligé de quitter le territoire français dispose en principe pour ce faire, en vertu de l'article L. 612-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, d'un délai de départ volontaire de trente jours. Toutefois, l'article L. 612-2 de ce code dispose qu'un tel délai peut être refusé si, notamment, " 3° Il existe un risque que l'étranger se soustraie à la décision portant obligation de quitter le territoire français dont il fait l'objet " Aux termes de l'article L. 612-3 du même code, ce risque " peut être regardé comme établi, sauf circonstance particulière, dans les cas suivants : (...) / 5° L'étranger s'est soustrait à l'exécution d'une précédente mesure d'éloignement ; (...) / 8° L'étranger ne présente pas de garanties de représentation suffisantes, notamment parce qu'il ne peut présenter des documents d'identité ou de voyage en cours de validité, (...) qu'il ne justifie pas d'une résidence effective et permanente dans un local affecté à son habitation principale (...)" .
8. Deux mesures d'éloignement ont, en 2017 puis en 2021, été prononcées à l'encontre de M. A.... N'ayant pas présenté de passeport valide aux services de police, il apparaissait dépourvu de garanties de représentation suffisantes, même résidant avec son épouse à Vienne. L'erreur de fait qu'aurait commise le préfet en mentionnant qu'il ne justifiait pas de l'adresse déclarée à Vienne est ainsi sans influence sur le sens de la décision. La durée de séjour de M. A..., qui atteindrait huit années, et son mariage ne constituent pas des circonstances particulières. Il existait donc un risque de soustraction à la mesure d'éloignement à venir. Par conséquent, en privant M. A... de délai de départ volontaire, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur de droit ni d'erreur d'appréciation.
Sur les autres décisions :
9. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que doit être écartée l'exception d'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français articulée à l'encontre de la décision désignant le pays de renvoi et que doit être écartée l'exception d'illégalité de cette mesure et du refus d'accorder un délai de départ volontaire articulée à l'encontre de la décision portant interdiction de retour.
10. En deuxième lieu, il ne ressort pas de la motivation de l'arrêté du 28 décembre 2023 en litige ni des pièces du dossier que le préfet aurait omis, avant de prononcer l'interdiction de retour, de procéder à un examen réel et sérieux de la situation de M. A... même s'il ne reprend pas les déclarations faites devant les services de police par M. A... concernant son épouse et sa mère. L'énoncé d'une entrée en France du requérant " il y a environ 1 an " relève d'une erreur de plume, non d'une erreur de fait, le préfet ayant bien indiqué dans son arrêté que M. A... " déclare lors de son audition être arrivé en France en février 2015 ".
11. En troisième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder trois ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". L'article L. 612-10 du même code dispose, en son premier alinéa, que " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français.".
12. Eu égard à la circonstance que M. A... a fait l'objet de deux précédentes mesures d'éloignement et eu égard à sa situation personnelle telle qu'exposée au point 4, et même si, comme énoncé dans l'arrêté, la présence de M. A... en France ne représente pas une menace pour l'ordre public, l'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an prononcée par le préfet de l'Isère le 28 décembre 2023 n'est pas entachée d'une erreur d'appréciation.
13. En dernier lieu, pour les raisons exposées au point 4, l'interdiction de retour, qui ne fait pas en soi obstacle à la démarche de fécondation in vitro engagée en juin 2022, n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. D... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00630