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19/12/2024 | FRANCE | N°24LY00230

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 19 décembre 2024, 24LY00230


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 19 septembre 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné son pays de renvoi et lui a interdit tout retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.



Par un jugement n° 2306465 du 28 novembre 2023, le t

ribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.





Procédure devant la cour :



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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Grenoble l'annulation des décisions du 19 septembre 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné son pays de renvoi et lui a interdit tout retour sur le territoire français pendant une durée de deux ans.

Par un jugement n° 2306465 du 28 novembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 janvier 2024, M. B... A..., représenté par la SELARL BS2A Bescou et Sabatier avocats associés, agissant par Me Sabatier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2306465 du 28 novembre 2023 du tribunal administratif de Grenoble et ces décisions préfectorales du 19 septembre 2023 ;

2°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un certificat de résidence portant la mention " vie privée et familiale " ou " étudiant " ou, à défaut, de procéder au réexamen de sa situation, l'ensemble dans un délai d'un mois suivant la notification de l'arrêt à venir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- le jugement est entaché d'irrégularité car le tribunal a omis de répondre au moyen d'erreur manifeste d'appréciation articulé à l'encontre de l'interdiction de retour ;

- la décision de refus de séjour porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale, en méconnaissance des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de celles de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le préfet a également commis une erreur manifeste d'appréciation dans la mise en œuvre de son pouvoir général de régularisation, alors qu'il entre dans le champ d'application de la circulaire du ministre de l'intérieur du 28 novembre 2012 ;

- la mesure d'éloignement est illégale en raison de l'illégalité du refus de séjour et a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- la décision lui impartissant un délai de trente jours pour quitter volontairement le territoire français et celle désignant son pays de renvoi sont illégales en raison de l'illégalité des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français ;

- l'interdiction de retour, illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement et de l'illégalité de la décision le privant d'un délai de départ volontaire, a été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et est entachée d'une erreur d'appréciation au regard des dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

* la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

* l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;

* le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

* le code de justice administrative.

Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique du 2 décembre 2024 :

- le rapport de M. Gros, premier conseiller,

- et les observations de Me Guillaume, représentant M. A....

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... ressortissant algérien né en 1997, est entré en France le 28 juillet 2016, sous couvert d'un passeport revêtu d'un visa de court séjour. Il n'a pas obtenu du tribunal administratif de Lyon l'annulation d'une première mesure d'éloignement prise à son encontre le 12 mars 2018 par le préfet du Rhône. En mai 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour en se prévalant de sa vie privée et familiale, sur le fondement des stipulations du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien et a sollicité également son admission exceptionnelle au séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Ultérieurement, il s'est prévalu de son statut d'étudiant. Le préfet de l'Isère, le 19 septembre 2023, lui a opposé un refus, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a désigné son pays de renvoi et lui a interdit deux années durant de revenir sur le territoire. M. A... relève appel du jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 novembre 2023, qui a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions préfectorales du 19 septembre 2023.

Sur la régularité du jugement :

2. Les premiers juges ont répondu, au point 8 du jugement en litige, au moyen d'erreur manifeste d'appréciation invoqué à l'encontre de la décision portant interdiction de retour. Le requérant n'est dès lors pas fondé à soutenir que le jugement est entaché d'omission à statuer sur ce moyen.

Sur le bien-fondé du jugement :

En ce qui concerne le refus de séjour :

3. En premier lieu, aux termes de l'article 6 de l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 : " (...) / Le certificat de résidence d'un an portant la mention "vie privée et familiale" est délivré de plein droit : / (...) / 5. Au ressortissant algérien qui n'entre pas dans les catégories précédentes ou dans celles qui ouvrent droit au regroupement familial dont les liens personnels et familiaux en France sont tels que le refus d'autoriser son séjour porterait à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs du refus (...) ". Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui ".

4. Les pièces produites au dossier par le requérant font apparaître que, de juillet 2020 à février 2021, M. A... a été employé par la société MB, à Villeurbanne, en qualité de commis de cuisine, à temps plein essentiellement. D'août 2021 à février 2022, il a été employé par la société Food plus, à Lyon, en qualité de cuisinier polyvalent, à temps partiel. Enfin, il a travaillé comme employé polyvalent, de juin 2022 à août 2023, de nouveau auprès de la société MB, à temps plein. Cette activité professionnelle toutefois, exercée pour partie sans autorisation, ne suffit pas à témoigner, au regard d'un séjour d'un peu plus de sept années, ponctué d'une mesure d'éloignement, d'une particulière insertion en France du requérant, même en y ajoutant le suivi d'études supérieures, M. A... ayant validé en juin 2023, à l'université Lumière Lyon 2, la première année du cursus de licence langues, littératures et civilisations étrangères et régionales. Ensuite, si M. A... est hébergé par un oncle et l'épouse de ce dernier, à Grenoble, où résident également un autre oncle et une tante, mère de deux enfants, tous titulaires de certificats de résidence, sa cousine étant de nationalité française, si, selon ses déclarations, son frère aîné se trouve en France, le requérant n'est pas dépourvu d'attaches en Algérie, pays qu'il a quitté âgé de 18 ans et 8 mois, où vivent ses parents et deux autres frères. Par ailleurs, il n'apporte aucune précision sur la durée et les conditions de la vie de couple qu'il soutient mener avec une ressortissante française. Le préfet de l'Isère ne peut ainsi pas être regardé, quand il oppose le refus de séjour en litige, comme portant une atteinte excessive au droit de M. A... au respect de sa vie privée et familiale. Par suite, doivent être écartés les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations ci-dessus visées de l'article 6 de l'accord franco-algérien et de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

5. En second lieu, l'activité professionnelle et les attaches familiales et sociales en France du requérant, le suivi d'études supérieures, la durée de son séjour, laquelle ne constitue qu'un critère d'appréciation parmi d'autres, ne constituent pas des circonstances qui auraient dû conduire le préfet à admettre M. A... au séjour à titre exceptionnel. Par ailleurs, le requérant ne saurait utilement se prévaloir de la circulaire du 28 novembre 2012 du ministre de l'intérieur relative aux conditions d'examen des demandes d'admission au séjour déposées par des ressortissants étrangers en situation irrégulière. Le moyen tiré de ce que le préfet aurait commis une erreur manifeste d'appréciation en refusant de faire usage de son pouvoir de régularisation ne peut donc qu'être écarté.

En ce qui concerne les décisions portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et désignant un pays de renvoi :

6. Eu égard à ce qui vient d'être dit sur la légalité de la décision de refus de séjour, M. A... n'est pas fondé à exciper de l'illégalité de cette décision à l'appui de ses conclusions dirigées contre la mesure d'éloignement et, en tout état de cause, à l'encontre de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours et de celle désignant son pays de renvoi.

7. Pour les motifs exposés au point 4, et en l'absence d'argument particulier, cette mesure n'a pas été prise en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

8. Il résulte de ce qui précède que doit être écartée l'exception d'illégalité de la mesure d'éloignement, articulée à l'encontre de la décision fixant un délai de départ volontaire de trente jours et de celle désignant le pays de renvoi du requérant.

En ce qui concerne l'interdiction de retour :

9. Compte tenu de ce qui a été dit précédemment, M. A... n'est, en tout état de cause, pas fondé à soutenir que la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement et d'une décision qui le priverait d'un délai de départ volontaire.

10. Aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. / Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français. ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. / Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".

11. Il résulte de ces dispositions qu'il appartient au préfet, s'il entend assortir sa décision portant obligation de quitter le territoire dans un délai déterminé, d'une interdiction de retour sur le territoire français, bornée à deux années, de prendre en considération les critères que sont la durée de présence sur le territoire de l'intéressé, la nature et l'ancienneté de ses liens avec la France et les circonstances éventuelles qu'il a fait l'objet de précédentes mesures d'éloignement et que sa présence constitue une menace pour l'ordre public.

12. Si aucun trouble à l'ordre public ne peut être reproché au requérant, ce dernier a déjà fait l'objet d'une mesure d'éloignement, ne justifie pas d'une particulière insertion en France et n'est pas isolé dans son pays d'origine. Dans ces conditions, en fixant à deux ans la durée de l'interdiction de retour, le préfet de l'Isère n'a pas entaché sa décision d'une erreur d'appréciation.

13. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 4.

14. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie en sera adressée à la préfète de l'Isère.

Délibéré après l'audience du 2 décembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

Le rapporteur,

B. Gros

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00230


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00230
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Bernard GROS
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL BS2A - BESCOU & SABATIER

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;24ly00230 ?
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