Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 10 février 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
Par jugement n° 2303630 du 19 septembre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 15 décembre 2023, M. B..., représenté par Me Mathis, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions du préfet de l'Isère du 10 février 2023 ;
2°) de mettre à la charge de l'Etat le paiement à son avocate de la somme de 1 200 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- la fixation du pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Sophie Corvellec ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... relève appel du jugement du 19 septembre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande d'annulation des décisions du préfet de l'Isère du 10 février 2023 rejetant sa demande de titre de séjour, lui faisant obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours et fixant le pays de destination de cette mesure d'éloignement.
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an (...) La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (...) ".
3. Pour rejeter la demande de titre de séjour présentée par M. B..., le préfet de l'Isère a suivi l'avis du collège des médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) du 29 septembre 2022, selon lequel si l'état de santé de l'intéressé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut effectivement bénéficier d'un traitement approprié dans son pays d'origine. Il ressort des pièces du dossier, en particulier des certificats médicaux produits, que M. B... souffre plus particulièrement d'une infection au virus du VIH, pour lequel l'antirétroviral " Genvoya " lui est prescrit depuis 2019, outre d'une stéatose hépatique affectant le foie et supposant une surveillance spécialisée. D'une part, il ne ressort pas de ces certificats médicaux, notamment de ceux contemporains au refus de titre de séjour litigieux, que du Bactrim lui était alors encore prescrit. D'autre part, il résulte des documents produits par le requérant, notamment du rapport MedCOI Nigeria 2022, que des traitements contre le VIH sont disponibles au Nigeria, de même que des structures pour assurer le suivi des patients, sans qu'il ne ressorte des certificats médicaux dont il se prévaut par ailleurs que ces antirétroviraux ne seraient pas substituables à celui qui lui est prescrit en France. Enfin, outre que M. B... ne démontre pas, en invoquant des douleurs au pied, qu'il serait dans l'incapacité d'exercer une activité professionnelle, il ressort de ce même rapport que certains traitements y sont pris en charge par des établissements de soin publics et que des systèmes d'assurance médicale existent, sans que l'intéressé ne prétende qu'il ne pourrait y avoir accès. Par suite, les pièces dont M. B... se prévaut ne sont pas de nature à remettre en cause l'avis émis par le collège de médecins de l'OFII. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit dès lors être écarté.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale (...) 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui (...) ".
5. M. B..., ressortissant nigérian né en 1991, est entré, d'après ses déclarations, au mois de novembre 2018 sur le territoire français, où il a sollicité l'asile sans succès. A la date de la décision litigieuse, il résidait ainsi depuis moins de cinq ans en France, où il ne justifie d'aucune attache privée ou familiale, ni d'aucune intégration particulière, par le seul engagement associatif dont il se prévaut. Par ailleurs, il ne prétend pas être dépourvu de telles attaches dans son pays d'origine où il a vécu, avant de se rendre en Italie, jusqu'à l'âge de vingt-cinq ans. Dans ces circonstances, M. B... n'est pas fondé à soutenir qu'en refusant de lui délivrer un titre de séjour, le préfet de l'Isère a porté une atteinte disproportionnée à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnu les stipulations précitées.
6. En troisième lieu, et pour les mêmes motifs que ceux mentionnés aux points 3 et 5, le préfet de l'Isère n'a pas commis d'erreur manifeste d'appréciation des conséquences de sa décision sur la situation personnelle de M. B....
7. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à invoquer, par voie d'exception, l'illégalité du refus de titre de séjour pour contester l'obligation de quitter le territoire français dont il est assorti, ni davantage l'illégalité de cette mesure d'éloignement pour contester la décision fixant le pays de destination de celle-ci.
8. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
9. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Philippe Arbarétaz, président de chambre,
Mme Aline Evrard, présidente-assesseure,
Mme Sophie Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
S. CorvellecLe président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY03843