Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. et Mme C... B... ont demandé au tribunal administratif de Dijon, d'une part, de condamner la commune de ... à leur verser la somme de 17 544 euros, augmentée des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2020, en réparation du préjudice matériel affectant leur propriété qu'ils imputent aux ouvrages de collecte des eaux pluviales de cette commune et d'autre part, d'enjoindre à la commune de procéder ou de faire procéder aux travaux nécessaires pour remédier aux désordres subis.
Par un jugement n° 2100865 du 12 mai 2023, le tribunal administratif de Dijon a condamné la commune de ... à verser à M. et Mme B... la somme de 8 772 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2020, a enjoint à la commune de ... de réaliser, dans un délai maximal de six mois à compter de la notification du jugement, les travaux préconisés par l'expert, évalués à un montant de 3 627,42 euros TTC, et a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 6 230,40 euros, à la charge définitive des requérants et de la commune de ... à hauteur de 50 % chacun.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 11 juillet 2023 et un mémoire enregistré le 22 novembre 2023, M. et Mme C... B..., représentés par la SCP Profumo-Gaudillière- Dubaele agissant par Me Profumo, demandent à la cour dans le dernier état de leurs écritures :
1°) d'annuler le jugement n° 2100865 du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de condamner la commune de ... à leur verser, à titre principal, la somme de 31 550,58 euros ou, à titre subsidiaire, la somme de 17 544 euros, somme assortie des intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2020 et de la capitalisation des intérêts ;
3°) de mettre à la charge définitive de la commune la totalité des frais d'expertise ;
4°) d'enjoindre à la commune de ... de faire procéder aux travaux nécessaires pour remédier de façon pérenne aux désordres ;
5°) de mettre à la charge de la commune de ... la somme de 2 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- les conclusions de l'expert sont incomplètes et insuffisamment étayées ;
- la commune de ... doit être regardée comme entièrement responsable des préjudices qu'ils subissent du fait des inondations récurrentes sur leur propriété ;
- les travaux réalisés en septembre 2023 s'avèrent insuffisants et le fossé recueillant les eaux pluviales doit être prolongé vers l'aval ;
- le coût des travaux à mettre en œuvre pour remettre en état l'étang qui leur appartient a fait l'objet d'un nouveau devis établi le 16 septembre 2023 qui porte le montant de ces travaux à 31 550,58 euros TTC ;
- la commune devra être condamnée à leur verser une indemnisation à hauteur de cette somme ou, à titre subsidiaire, à hauteur de la somme de 17 544 euros résultant du devis établi le 1er octobre 2020 ;
- la commune devra en outre être condamnée à faire réaliser les travaux de nature à remédier aux désordres de manière pérenne.
Par des mémoires enregistrés les 27 juillet 2023, 10 janvier et 15 janvier 2024 la commune de ..., représentée par la SCP CAPA agissant par Me Bernard conclut, par la voie de l'appel incident :
1°) à la réformation du jugement n° 2100865 du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Dijon en ce qu'il l'a condamnée à verser aux époux B... la somme de 8 772 euros TTC ;
2°) au rejet des conclusions de la requête ;
3°) à ce que M. et Mme B... soient condamnés à lui verser la somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'expert a conclu que la topographie des lieux avait un impact majeur et entraînait un fort risque d'inondation par temps de pluie, par ruissellement ou remontée de la nappe alluviale ; en conséquence, il a retenu que si la commune devait prendre en charge les travaux de nature à remédier aux désordres, les requérants devaient assumer les charges des frais de remise en état de l'étang à hauteur de 80 % au moins ;
- en outre, M. B... a édifié, en 2014 ou 2015, un barrage sur un fossé empêchant l'eau d'arriver dans sa parcelle, ce qui a généré des inondations en amont ;
- par suite la commune ne saurait être condamnée à indemniser les travaux de remise en état de l'étang ; en tout état de cause, aucun élément ne permet de justifier que le montant de ces travaux ait plus que doublé depuis la date du précédent devis ;
- les travaux de nature à remédier aux désordres, tels que préconisés par l'expert ont été réalisés en septembre 2023 et la seule circonstance que des inondations soient survenues à l'automne 2023 n'est pas de nature à démontrer l'insuffisance de ces travaux au regard des conditions climatiques exceptionnelles et de la configuration des lieux.
Par une ordonnance du 30 septembre 2024, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,
- et les observations de M. B....
Considérant ce qui suit :
1. M et Mme B... sont propriétaires, depuis 1983, d'une parcelle cadastrée section ..., non bâtie et comprenant un étang, située au lieu-dit " D... ", à l'intersection du chemin de ... et de la route de ... à .... Des épisodes d'inondations récurrents endommagent cette parcelle depuis plusieurs années et les inondations importantes de janvier et février 2020 ont notamment dégradé les palplanches destinées au renforcement des berges de l'étang. M. et Mme B..., imputant ces désordres aux défaillances du réseau d'évacuation des eaux pluviales de la commune de ..., ont adressé à cette dernière une demande d'indemnisation de leurs préjudices le 18 décembre 2020. Cette réclamation a fait l'objet d'une décision implicite de refus. Par une ordonnance n° 2100862 du 13 juillet 2021, le juge des référés du tribunal administratif de Dijon a diligenté une expertise pour déterminer les causes des désordres, évaluer les préjudices et déterminer les travaux qui seraient de nature à y remédier. Le rapport d'expertise a été déposé le 13 janvier 2022. Par un jugement du 12 mai 2023, dont M. et Mme B... interjettent appel, le tribunal administratif de Dijon a condamné la commune de ... à verser à M. et Mme B... la somme de 8 772 euros TTC avec intérêts au taux légal à compter du 21 décembre 2020, a enjoint à la commune de ... de réaliser, dans un délai maximal de six mois à compter de la notification du jugement, les travaux préconisés par l'expert évalués à un montant de 3 627,42 euros TTC et a mis les frais d'expertise, taxés et liquidés à la somme de 6 230,40 euros, à la charge définitive des requérants et de la commune de ... à hauteur de 50 % chacun.
2. Par la voie de l'appel incident, la commune de ... demande à la cour la réformation du jugement du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Dijon en ce qu'il l'a condamnée à verser aux époux B... la somme de 8 772 euros TTC.
Sur le principe et l'étendue de la responsabilité de la commune de Montigny-sur-Aube :
3. Le maître de l'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers tant en raison de leur existence que de leur fonctionnement. Il ne peut dégager sa responsabilité que s'il établit que ces dommages résultent de la faute de la victime ou d'un cas de force majeure. Ces tiers ne sont pas tenus de démontrer le caractère grave et spécial du préjudice qu'ils subissent lorsque le dommage n'est pas inhérent à l'existence même de l'ouvrage public ou à son fonctionnement et présente, par suite, un caractère accidentel.
4. Il résulte du rapport d'expertise du 13 janvier 2022, dont les requérants ne démontrent pas le caractère incomplet ou insuffisamment étayé en se bornant à faire valoir que l'ensemble de leurs dires n'auraient pas été pris en compte, que les débordements d'eau constatés, par temps de fortes pluies, dans leur étang sont la conséquence, d'une part, de la vulnérabilité naturelle du terrain aux phénomènes d'inondation au regard de ses caractéristiques, de sa situation, en limite de zone inondable et de l'influence exercée par la nappe alluviale de l'Aube, ainsi que des évolutions de son environnement au cours des années écoulées et, d'autre part, de l'insuffisant dimensionnement de l'ouvrage maçonné réalisé par la commune de ... à l'intersection des chemins de ... et de la route de .... L'expert relève que cet ouvrage, doté de deux buses de déversement d'un diamètre de 30 et 80 cm, recueille l'ensemble des eaux pluviales collectées par les fossés longeant, en amont du terrain de M. et Mme B..., le chemin de ..., ainsi que la route de ... venant de ... dont il ne peut assurer l'écoulement en raison du dimensionnement de la canalisation d'évacuation qui, en outre, ne trouve pas d'exutoire suffisant. S'il retient une multiplicité de causes et indique que la situation géographique des lieux à un impact majeur, l'expert retient cependant que les caractéristiques de l'ouvrage public en cause, à l'égard duquel les requérants ont la qualité de tiers, sont de nature à aggraver les désordres par débordement des eaux de ruissèlement dont l'ouvrage n'est pas en mesure d'assurer une évacuation suffisante. Dès lors, contrairement à ce que soutient la commune, le lien de causalité entre le caractère défaillant de l'ouvrage public en cause et les désordres allégués doit être retenu.
5. Compte tenu de la configuration des lieux et de sa particulière sensibilité aux inondations, l'expert indique que la commune de ... doit être regardée comme responsable de l'aggravation des dommages subis par la propriété des requérants à hauteur de 20 %. Les requérants soutiennent que leur propriété n'est pas située en zone inondable et que les dommages résultent intégralement des insuffisantes longueur et profondeur du fossé d'évacuation situé dans le prolongement de l'ouvrage maçonné qui ne peut, au regard de ses caractéristiques, faire office d'exutoire suffisant aux eaux pluviales. Cependant, il résulte de l'instruction que l'expert, pour retenir le caractère particulièrement sensible aux inondations de la zone géographique s'est fondé sur l'étude de plusieurs documents, notamment l'atlas des zones inondables de la rivière Aube établi en 2015 par les services de la préfecture, et il ressort des documents produits par les requérants eux-mêmes, que l'ensemble de la zone où est située la propriété est sujette à de nombreuses et récurrentes inondations depuis les années 90. Il est en outre constant qu'en 2014 M. B... a fait construire un mur sur sa propriété pour prévenir l'érosion des berges de son étang et le protéger des débordements d'eau du fossé situé en bordure du chemin longeant l'étang. L'expert relève que cette installation modifie l'écoulement des eaux de ruissellement par temps de pluie des fonds supérieurs vers les fonds inférieurs. Au regard de l'ensemble de ces éléments, la commune de ... doit seulement être regardée comme responsable de l'aggravation des dommages du fait du dysfonctionnement de l'ouvrage public de collecte des eaux pluviales et, par suite, sa part de responsabilité dans les dommages doit être fixée à 20 %.
Sur l'indemnisation :
6. Il résulte du rapport d'expertise que les palplanches installées pour conforter les berges de l'étang bordant le chemin se sont détériorées sous l'effet des inondations récurrentes jusqu'à finir par s'effondrer. Il résulte également de ce rapport que les travaux de remplacement de ces palplanches sur un linéaire de 65 mètres ont été évalués à un montant de 17 544 euros TTC aux termes d'un devis établi le 1er octobre 2020 par la SARL Roche Fluvial Entreprise et approuvé par l'expert. Toutefois, il résulte de l'instruction que les travaux en cause ne pouvaient être entrepris avant que la commune n'ait elle-même réalisé les travaux de nature à remédier au dysfonctionnement de l'ouvrage public tels que préconisés par l'expert. Or, il résulte des écritures de la commune que ces derniers travaux ont été effectués en septembre 2023. Dans ces conditions, les requérants sont fondés à se prévaloir du devis actualisé établi par la SARL Roche Fluvial Entreprise le 16 octobre 2023 aux termes duquel les travaux de remplacement des palplanches ont été évalués à 31 550,58 euros. Compte tenu de la part de responsabilité de la commune de ... dans l'aggravation des dommages, il y a lieu d'accorder aux époux B... une somme de 6 500 euros, tous intérêts compris au jour du présent arrêt, au titre de ces travaux..
Sur les conclusions à fin d'injonction :
7. Lorsque le juge administratif condamne une personne publique responsable de dommages qui trouvent leur origine dans l'exécution de travaux publics ou dans l'existence ou le fonctionnement d'un ouvrage public, il peut, saisi de conclusions en ce sens, s'il constate qu'un dommage perdure à la date à laquelle il statue du fait de la faute que commet, en s'abstenant de prendre les mesures de nature à y mettre fin ou à en pallier les effets, la personne publique, enjoindre à celle-ci de prendre de telles mesures. Pour apprécier si la personne publique commet, par son abstention, une faute, il lui incombe, en prenant en compte l'ensemble des circonstances de fait à la date de sa décision, de vérifier d'abord si la persistance du dommage trouve son origine non dans la seule réalisation de travaux ou la seule existence d'un ouvrage, mais dans l'exécution défectueuse des travaux ou dans un défaut ou un fonctionnement anormal de l'ouvrage et, si tel est le cas, de s'assurer qu'aucun motif d'intérêt général, qui peut tenir au coût manifestement disproportionné des mesures à prendre par rapport au préjudice subi, ou aucun droit de tiers ne justifie l'abstention de la personne publique. En l'absence de toute abstention fautive de la personne publique, le juge ne peut faire droit à une demande d'injonction, mais il peut décider que l'administration aura le choix entre le versement d'une indemnité dont il fixe le montant et la réalisation de mesures dont il définit la nature et les délais d'exécution.
8. Il résulte de l'instruction et notamment de la facture de l'entreprise Boureau du 30 septembre 2023 produite par la commune que les travaux préconisés par l'expert et conformes au devis du 9 septembre 2021 d'un montant de 3 627,42 euros, ont été effectués en septembre 2023 par la réalisation d'un passage busé de 6 mètres linéaires et l'installation d'un tuyau EHD de 400 mm, au niveau de l'ouvrage maçonné responsable de l'aggravation des dommages. Les requérants soutiennent que ces travaux ne sont pas de nature à remédier de manière pérenne aux désordres et demandent que la longueur du fossé d'évacuation de l'ouvrage soit prolongée vers l'aval. Cependant, au regard des conditions climatiques exceptionnelles, de la configuration des lieux et de la multiplicité des facteurs d'inondations de la zone tels qui ont été décrits au point 4 du présent arrêt, la seule circonstance que des inondations soient survenues à l'automne 2023 n'est pas de nature à démontrer l'insuffisance des travaux réalisés par la commune. Dans ces conditions, la commune de ... ne peut être regardée comme ayant commis une faute en s'abstenant de prolonger le fossé d'évacuation de l'ouvrage.
9. Les travaux à la charge de la commune préconisés par l'expert ayant été réalisés à la date du présent arrêt, les conclusions à fin d'injonction doivent être rejetées.
Sur les frais d'expertise :
10. Dans les circonstances de l'espèce, les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 6 230,40 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Dijon du 18 janvier 2022, doivent être mis à la charge définitive de la commune de ....
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
11. Dans les circonstances de l'espèce, les frais exposés par les parties dans le cadre de la présente instance et non compris dans les dépens resteront à leur charge respective.
DECIDE :
Article 1er : La commune de ... est condamnée à verser à M. et Mme B... la somme de 6 500euros tous intérêts compris au jour du présent arrêt.
Article 2 : Les frais de l'expertise, taxés et liquidés à la somme de 6 230,40 euros par une ordonnance du président du tribunal administratif de Dijon du 18 janvier 2022 sont mis à la charge définitive de la commune de ....
Article 3 : Le jugement n° 2100865 du 12 mai 2023 du tribunal administratif de Dijon est réformé en tant qu'il est contraire au présent arrêt.
Article 4 : Le surplus des conclusions de la requête et des conclusions de la commune de ... est rejeté.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme C... B..., à la commune de ....
Copie en sera adressée à M. A..., expert.
Délibéré après l'audience du 2 décembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au préfet de la Côte-d'Or, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 23LY02299