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19/12/2024 | FRANCE | N°23LY02275

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 4ème chambre, 19 décembre 2024, 23LY02275


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie de Côte-d'Or (UMIH 21), la société Le Beverly, l'entreprise unipersonnelle Samunath, la société La Jamaïque, la société STL et la société Le Smart ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a suspendu les dérogations à l'horaire de fermeture prévues par l'arrêté du 23 octobre 2021 portant réglementation de la police des débits de boissons dans le départ

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Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

L'Union des métiers et des industries de l'hôtellerie de Côte-d'Or (UMIH 21), la société Le Beverly, l'entreprise unipersonnelle Samunath, la société La Jamaïque, la société STL et la société Le Smart ont demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 6 décembre 2022 par lequel le préfet de la Côte-d'Or a suspendu les dérogations à l'horaire de fermeture prévues par l'arrêté du 23 octobre 2021 portant réglementation de la police des débits de boissons dans le département qui avaient été accordées aux établissements Le Smart, Le Beverly, La Belle époque et Salsa Pelpa le 8 juillet 2022 ainsi qu'à l'établissement Rhumerie La Jamaïque le 7 septembre 2022 pour leur permettre de rester ouverts jusqu'à cinq heures du matin tous les jours.

Par jugement n° 2203277 du 11 mai 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 7 juillet 2023 et un mémoire enregistré le 18 juillet 2024, l'UMIH 21, la société Le Beverly, l'entreprise unipersonnelle Samunath, la société La Jamaïque, et la société Le Smart, représentées par Me Corneloup, demandent à la cour :

1°) d'annuler ce jugement et cet arrêté ;

2°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Elles soutiennent que :

- le jugement attaqué est irrégulier pour défaut de motivation ;

- l'arrêté en litige est insuffisamment motivé ;

- il a été pris à l'issue d'une procédure irrégulière dès lors qu'aucune procédure contradictoire n'a été organisée ;

- il est entaché d'erreur manifeste d'appréciation.

Par mémoire, enregistré le 19 février 2024, le préfet de la Côte-d'Or conclut au rejet de la requête.

Il soutient que :

- le jugement est régulier dès lors qu'il est motivé ;

- l'arrêté en litige est suffisamment motivé ;

- une procédure contradictoire a été organisée préalablement à son édiction ;

- il n'est entaché d'aucune erreur d'appréciation.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Evrard,

- les conclusions de Mme A...,

- et les observations de Me Hortance pour l'UMIH 21 et autres.

Considérant ce qui suit :

1. Par arrêté du 6 décembre 2022, le préfet de la Côte-d'Or a suspendu, pour une durée de six mois, les dérogations accordées à plusieurs établissements de débits de boisson situés à proximité de la place de la République à Dijon pour une durée d'un an, leur permettant de demeurer ouverts tous les jours jusqu'à cinq heures du matin au lieu de deux heures. L'UMIH 21, la société Le Beverly, l'entreprise unipersonnelle Samunath, la société La Jamaïque et la société Le Smart relèvent appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur la régularité du jugement attaqué :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 9 du code de justice administrative : " Les jugements sont motivés ". Il ressort des pièces du dossier que les premiers juges, qui n'étaient pas tenus de se prononcer sur l'ensemble des arguments de la demande, ont indiqué, de manière suffisamment détaillée, les motifs pour lesquels ils ont estimé que le moyen tiré du défaut de motivation de l'arrêté du 6 décembre 2022 n'était pas fondé. Par suite, le moyen tiré de l'insuffisance de motivation du jugement attaqué ne peut qu'être écarté.

3. En second lieu, hormis le cas où le juge de première instance a méconnu les règles de compétence, de forme ou de procédure qui s'imposaient à lui et a ainsi entaché son jugement d'une irrégularité, il appartient au juge d'appel, non d'apprécier le bien-fondé des motifs par lesquels le juge de première instance s'est prononcé sur les moyens qui lui étaient soumis, mais de se prononcer directement sur les moyens dirigés contre la décision administrative contestée dont il est saisi dans le cadre de l'effet dévolutif de l'appel. Par suite, les requérantes ne peuvent utilement se prévaloir de la dénaturation des pièces du dossier qu'auraient commise les premiers juges pour demander l'annulation du jugement attaqué.

Sur le fond du litige :

4. En premier lieu, aux termes de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration : " Les personnes physiques ou morales ont le droit d'être informées sans délai des motifs des décisions administratives individuelles défavorables qui les concernent.

A cet effet, doivent être motivées les décisions qui :

1° Restreignent l'exercice des libertés publiques ou, de manière générale, constituent une mesure de police (...) ". Aux termes de l'article L. 211-5 de ce code : " La motivation exigée par le présent chapitre doit être écrite et comporter l'énoncé des considérations de droit et de fait qui constituent le fondement de la décision ".

5. L'arrêté du 6 décembre 2022 vise les dispositions des articles L. 2215-1 et L. 2214-4 du code général des collectivités territoriales, l'arrêté du 23 octobre 2021 portant réglementation de la police des débits de boissons dans le département de la Côte-d'Or, ainsi que le rapport de la direction départementale de la sécurité publique de la Côte-d'Or du 21 novembre 2022. En outre, il fait état, d'une part, de la situation d'insécurité persistante dans le périmètre qui avoisine la place de la République à Dijon, laquelle serait en lien avec des faits majoritairement commis à des heures tardives par des individus se trouvant en état d'ivresse après avoir fréquenté les établissements de débits de boissons se situant à proximité de ce lieu, d'autre part, du risque que l'activité de ces établissements favorise la survenance de tels troubles. Ainsi, et alors que le préfet de la Côte-d'Or n'était pas tenu de joindre à son arrêté le rapport de la direction départementale de la sécurité publique du 21 novembre 2022, cet arrêté, qui comporte l'ensemble des considérations de droit et de fait sur lesquelles il se fonde, est suffisamment motivé.

6. En deuxième lieu, les requérants reprennent en appel le moyen, soulevé en première instance, tiré de ce que le préfet de la Côte-d'Or aurait méconnu le principe du contradictoire en ne leur communiquant pas le rapport de la direction départementale de la sécurité publique du 21 novembre 2022, sans apporter d'élément de fait ou de droit nouveau de nature à remettre en cause l'appréciation portée sur ce moyen par les premiers juges. Par suite, il y a lieu d'écarter ce moyen par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal administratif de Dijon.

7. En dernier lieu, aux termes de l'article L. 2212-2 du code général des collectivités territoriales : " La police municipale a pour objet le bon ordre, la sûreté, la sécurité et la salubrité publiques. Elle comprend notamment : (...) 2° Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique telles que les rixes et disputes accompagnées d'ameutement dans les rues, le tumulte excité dans les lieux d'assemblée publique, les attroupements, les bruits, y compris les bruits de voisinage, les rassemblements nocturnes qui perturbent le repos des habitants et tous actes de nature à compromettre la tranquillité publique (...) ". Aux termes de l'article L. 2214-4 du même code : " Le soin de réprimer les atteintes à la tranquillité publique, tel qu'il est défini au 2° de l'article L. 2212-2 et mis par cet article en règle générale à la charge du maire, incombe à l'Etat seul dans les communes où la police est étatisée, sauf en ce qui concerne les troubles de voisinage. / Dans ces mêmes communes, l'Etat a la charge du bon ordre quand il se fait occasionnellement de grands rassemblements d'hommes. / Tous les autres pouvoirs de police énumérés aux articles L. 2212-2, L. 2212-3 et L. 2213-9 sont exercés par le maire y compris le maintien du bon ordre dans les foires, marchés, réjouissances et cérémonies publiques, spectacles, jeux, cafés, églises et autres lieux publics ". Il résulte enfin des dispositions de l'article R. 2214-1 du même code que la commune de Dijon est, en tant que chef-lieu de département, placée sous le régime de la police d'Etat.

8. Il ressort des pièces du dossier que, par un arrêté du 23 octobre 2021, le préfet de la Côte-d'Or a fixé l'heure de fermeture des établissements de débits de boisson situés dans le département à deux heures du matin, à l'exception des établissements comportant des pistes de danse pouvant ouvrir jusqu'à sept heures. L'article 4 de cet arrêté a prévu la possibilité pour le préfet de délivrer individuellement et pour une durée maximale d'un an, une dérogation à cet horaire de fermeture, repoussé à cinq heures, aux " établissements de nuit ou assimilés qui contribuent par leur activité ou les animations qu'ils produisent, à l'attractivité, à l'animation ou au prestige de la ville ". Ont bénéficié d'une telle dérogation, par arrêtés du 8 juillet 2022 et 7 septembre 2022, les établissements Le Smart, Le Beverly, La Belle Epoque, Salsa Pelpa et le Jamaïque, situés à proximité de la place de la République à Dijon.

9. Pour suspendre, par l'arrêté en litige, les dérogations ainsi accordées, pour une durée de six mois, le préfet de la Côte-d'Or s'est fondé sur la répétition d'atteintes et violences aux personnes, vols et dégradations et enfin ports d'armes prohibés, relevés, notamment entre deux heures et cinq heures du matin, sur la place de la République à Dijon, à proximité de ces établissements, à compter du 1er juillet 2022, et liés à la consommation d'alcool. Contrairement à ce que soutiennent les requérantes, la matérialité de ces faits est suffisamment établie par le rapport du 21 novembre 2022 de la direction départementale de la sécurité publique ainsi que par les articles de presse produits par le préfet relatant des agressions nocturnes sur la place en cause et à proximité de cette dernière. Eu égard à leur nature et à leur fréquence, ces faits sont de nature à compromettre la tranquillité et la sécurité publiques. En se fondant sur de tels faits pour suspendre, pour une durée de six mois, la dérogation qui avait été accordée aux sociétés requérantes pour ouvrir leurs établissements jusqu'à cinq heures du matin en vue de préserver la tranquillité et la sécurité publiques, le préfet de la Côte-d'Or a pris une mesure nécessaire, adaptée et proportionnée au regard de ses objectifs, sans porter une atteinte excessive à la liberté du commerce et de l'industrie.

10. Il résulte de tout ce qui précède que l'UMIH 21, la société Le Beverly, l'entreprise unipersonnelle Samunath, la société La Jamaïque et la société Le Smart ne sont pas fondées à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté leur demande.

Sur les frais liés au litige :

11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, les sommes que l'UMIH 21, la société Le Beverly, l'entreprise unipersonnelle Samunath, la société La Jamaïque et la société Le Smart demandent au titre des frais exposés et non compris dans les dépens.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de l'union des métiers et des industries de l'hôtellerie de Côte-d'Or, de la société Le Beverly, de l'entreprise unipersonnelle Samunath, de la société La Jamaïque et de la société Le Smart est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à l'union des métiers et des industries de l'hôtellerie de la Côte-d'Or, désignée représentante unique en application de l'article R. 411-5 du code de justice administrative et au ministre de l'intérieur.

Délibéré après l'audience du 28 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Arbarétaz, président de chambre,

Mme Evrard, présidente assesseure,

Mme Corvellec, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 19 décembre 2024.

La rapporteure,

A. EvrardLe président,

Ph. Arbarétaz

La greffière,

F. Faure

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY02275


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 4ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY02275
Date de la décision : 19/12/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

49-05-04 Police. - Polices spéciales. - Police des débits de boissons.


Composition du Tribunal
Président : M. ARBARETAZ
Rapporteur ?: Mme Aline EVRARD
Rapporteur public ?: Mme PSILAKIS
Avocat(s) : CABINET ADAES AVOCATS (SARL)

Origine de la décision
Date de l'import : 25/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-12-19;23ly02275 ?
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