Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler l'arrêté du 13 novembre 2023 par lequel le préfet de la Nièvre lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par jugement n° 2303240 du 30 janvier 2024, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 29 février 2024, M. A..., représenté par Me Janeau, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 30 janvier 2024 ;
2°) d'annuler les décisions du 13 novembre 2023 susvisées ;
3°) d'enjoindre au préfet de la Nièvre, à titre principal, de lui délivrer un titre de séjour, à titre subsidiaire de réexaminer sa situation dans un délai de 15 jours à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) d'enjoindre audit préfet de procéder à l'effacement de son signalement dans le système d'informations Schengen ;
5°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 1 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision portant obligation de quitter le territoire français méconnaît les dispositions du 5°) de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de droit dès lors qu'il peut prétendre à un titre de séjour en application des stipulations combinées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008 ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de l'atteinte excessive portée à sa vie privée et familiale ;
- la décision portant refus de délai de départ volontaire est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elle méconnaît les dispositions du 8°) de l'article L. 612-3 du code précité ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la décision portant interdiction de retour sur le territoire français est illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement ;
- elle est entachée d'une erreur d'appréciation.
Par un mémoire en défense, enregistré le 4 avril 2024, le préfet de la Nièvre conclut au rejet de la requête.
Il fait valoir que les moyens soulevés ne sont pas fondés.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- l'accord franco-tunisien en matière de séjour et de travail du 17 mars 1988 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code civil ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Le rapport de Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère, ayant été entendu au cours de l'audience publique ;
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant tunisien né le 12 mars 1988, est entré sur le territoire français le 27 septembre 2014 en qualité de conjoint d'une Française et a bénéficié, en cette qualité, d'un visa de long séjour, valable du 11 septembre 2014 au 11 septembre 2015. Il a bénéficié d'un titre de séjour en qualité de parent d'enfant français, valable du 28 juin 2017 au 27 juin 2018. Par un arrêté du 27 février 2020, le préfet des Hauts-de-Seine a refusé de renouveler son titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours. Par un arrêté du 29 août 2022, le préfet de la Seine-Maritime lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un arrêté du 1er septembre 2022, le préfet des Hauts-de-Seine a assigné l'intéressé à résidence dans le département des Hauts-de-Seine. Interpellé par les services de gendarmerie de Varennes-Vauzelles, M. A... a été placé en retenue administrative pour vérification de son droit de circulation ou de séjour. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de l'arrêté du 13 novembre 2023 par lequel le préfet de la Nièvre lui a fait obligation de quitter le territoire français sans délai, a fixé le pays à destination duquel il est susceptible d'être reconduit d'office et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 5° L'étranger qui est père ou mère d'un enfant français mineur résidant en France, à condition qu'il établisse contribuer effectivement à l'entretien et à l'éducation de l'enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans ; (...) ".
3. Il ressort des pièces du dossier que M. A... est père d'une enfant de nationalité française née le 13 octobre 2014. A la suite du divorce prononcé en 2016 avec la mère de l'enfant, il a bénéficié d'un droit de visite et sa participation mensuelle à l'entretien et à l'éducation de l'enfant a été fixée à 80 euros par jugement du 13 octobre 2022 du juge aux affaires familiales de Nevers. Toutefois, par les pièces qu'il produit, à savoir quelques preuves de virements effectués au profit de la mère de l'enfant pour l'année 2023 et quelques virements pour l'ensemble des années précédentes, il ne justifie pas contribuer effectivement à l'entretien de son enfant. En outre, il ressort des termes du jugement précité qu'il n'avait pas vu son enfant depuis six ans à cette date faute de s'être présenté au point-rencontre dans le cadre des droits de visite organisés dans le cadre d'un précédent jugement du juge aux affaires familiales de Nevers du 26 avril 2016. Dans ces conditions, il ne justifie pas davantage contribuer à l'éducation de son enfant dans les conditions prévues par l'article 371-2 du code civil depuis la naissance de celui-ci ou depuis au moins deux ans. Par suite, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile doit être écarté.
4. En deuxième lieu, M. A... soulève la méconnaissance des stipulations combinées de l'article 3 de l'accord franco-tunisien du 17 mars 1988 et du protocole relatif à la gestion concertée des migrations entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République tunisienne, signé le 28 avril 2008. Toutefois, l'intéressé n'a pas sollicité de titre de séjour sur ce fondement, lequel ne permet pas la délivrance d'un titre de séjour de plein droit. Il y a lieu, par suite, d'écarter ce moyen.
5. En troisième et dernier lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui est présent en France depuis un peu plus de neuf ans à la date de la décision attaquée, a séjourné environ quatre ans en séjour régulier et n'a pas exécuté, à la suite du refus de renouvellement de son dernier titre de séjour, deux mesures d'éloignement édictées en 2020 et 2022. Il ressort des mêmes pièces qu'il conserve dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de 26 ans, ses frères et sœur. S'il se prévaut de la présence en France de sa fille, de nationalité française, il ne justifie pas contribuer effectivement à son entretien et à son éducation, ainsi qu'il a été mentionné au point 3. Il ne justifie d'aucune intégration socioprofessionnelle particulière en France. Le contrat de travail à durée indéterminée en qualité de " chauffeur livreur " dont il se prévaut n'a été signé que le 10 octobre 2023 soit quelques jours avant l'édiction de la décision en litige. Il ressort également de la décision attaquée qu'il a fait l'objet de deux condamnations pénales en 2018 pour des faits de conduite d'un véhicule en ayant fait usage de substances ou de plantes classées comme stupéfiants et en 2020 pour des faits de conduite d'un véhicule à moteur malgré une suspension administrative ou judiciaire du permis de conduire, ce qui n'est pas de nature à caractériser une bonne intégration au sein de la société française. Dans ces conditions, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision susvisée aurait porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise.
Sur la légalité de la décision portant refus de délai de départ volontaire :
6. Compte tenu de la légalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français, M. A... n'est pas fondé à soutenir que la décision lui refusant un délai de départ volontaire serait illégale en raison de l'illégalité de cette première décision.
7. Si M. A... soutient que cette décision méconnaîtrait les dispositions du 8°) de l'article L. 612-3 du code précité dès lors qu'il présente des garanties de représentation suffisantes, il ressort de la décision en litige qu'elle est fondée sur le 3°) et le 5°) du même article. Le moyen soulevé, qui est inopérant, ne peut ainsi qu'être écarté.
Sur la légalité de la décision fixant le pays de renvoi :
8. Les moyens dirigés contre la décision portant obligation de quitter le territoire français ayant été écartés, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi serait illégale en raison de l'illégalité de la mesure d'éloignement doit être écarté.
9. Pour les mêmes motifs que ceux exposés au point 5, le moyen tiré de ce que la décision fixant le pays de renvoi méconnaîtrait les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté.
Sur la légalité de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français :
10. La décision portant obligation de quitter le territoire français étant légale, M. A... n'est pas fondé à se prévaloir, par voie d'exception, de l'illégalité de cette décision à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français.
11. Le requérant reprend en appel le moyen tiré de l'erreur d'appréciation commise par le préfet de la Nièvre à l'encontre de la décision portant interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Il y a lieu pour la cour d'écarter ce moyen par adoption des motifs pertinents retenus par le tribunal au point 22 de son jugement.
12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Doivent être rejetées, par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction et celles tendant au bénéfice des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie au préfet de la Nièvre.
Délibéré après l'audience du 26 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 11 décembre 2024.
La rapporteure,
Vanessa Rémy-NérisLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline Lanoy
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière
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N° 24LY00578