Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
M. E... B... a demandé au tribunal administratif de C..., d'une part, l'annulation des décisions du 23 octobre 2023 par lesquelles le préfet de l'Isère a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an, d'autre part, de faire application des dispositions des articles L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative.
Par un jugement n° 2306853 du 3 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de C... a, d'une part, transmis à la formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision de refus de séjour, d'autre part, rejeté les conclusions dirigées contre les autres décisions.
Par un jugement n° 2306853 du 29 décembre 2023, le tribunal administratif de C... a rejeté les conclusions restant en litige de la demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 26 janvier 2024, M. E... B..., représenté par Me Rouvier, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2306853 du 29 décembre 2023 du tribunal administratif de C... ;
2°) d'annuler l'arrêté du 23 octobre 2023 du préfet de l'Isère en tant qu'il porte refus de renouvellement d'un titre de séjour ;
3°) de faire application des dispositions des article L. 911-1 et L. 911-2 du code de justice administrative ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
Sur le refus de titre de séjour :
- cette décision est insuffisamment motivée ;
- elle méconnait le 4° de l'article 6 de l'accord franco-algérien et l'article 7 bis, g) du même accord, ainsi que l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;
Sur la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- cette décision est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour ;
- elle est contraire aux stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
Sur la décision refusant l'octroi d'un délai de départ volontaire :
- cette décision est entachée d'une insuffisance de motivation ;
- elle est entachée d'une erreur de droit résultant d'un défaut d'examen particulier de sa situation et d'une erreur manifeste d'appréciation au regard de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
Sur la décision fixant le pays de renvoi :
- cette décision est dépourvue de base légale à raison de l'illégalité des décisions lui refusant la délivrance d'un titre de séjour et l'obligeant à quitter le territoire ;
Le préfet de l'Isère a été régulièrement mis en cause et n'a pas produit.
Vu les autres pièces des dossiers ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;
- la convention relative aux droits de l'enfant, signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;
- le code civil ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A... B..., ressortissant algérien né le 5 septembre 1987 entré en France en 2009 selon ses déclarations, a sollicité la délivrance d'un certificat de résidence algérien de dix ans sur le fondement de l'article 7 bis, g) de l'accord franco-algérien. Par des décisions du 27 octobre 2022, le préfet de l'Isère lui a refusé la délivrance du titre sollicité, assortissant cette décision d'une obligation de quitter le territoire français sans délai et d'une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. La légalité de ces décisions a été confirmée par le tribunal administratif de C... puis par la cour administrative d'appel de Lyon le 29 septembre 2023. Par un nouvel arrêté du 23 octobre 2023, le préfet de l'Isère a de nouveau refusé à M. A... B... la délivrance d'un certificat de résidence algérien de dix ans, lui a fait obligation de quitter le territoire français, lui a refusé le bénéfice d'un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 3 novembre 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif de C... a, d'une part, transmis à la formation collégiale les conclusions dirigées contre la décision de refus de titre de séjour, d'autre part, rejeté les conclusions dirigées contre les autres décisions. Par un jugement du 29 décembre 2023, dont M. A... B... interjette appel, le tribunal administratif de C... a rejeté les conclusions tendant à l'annulation de la décision lui refusant la délivrance d'un titre de séjour.
2. En premier lieu, le préfet de l'Isère a exposé les motifs de droit et de fait qui fondent la décision portant refus de délivrance d'un titre de séjour, qui est ainsi régulièrement motivée.
3. En deuxième lieu, la décision contestée précise que M. A... B... a demandé la délivrance d'un titre de séjour sur le fondement du seul article 7 bis, g) de l'accord franco-algérien et il ne ressort pas des pièces du dossier que sa demande aurait également porté sur un autre fondement. Le requérant ne peut ainsi utilement invoquer la méconnaissance du 4° de l'article 6 du même accord, qui n'est pas le fondement de sa demande de séjour et sur l'application duquel le préfet de l'Isère ne s'est pas prononcé.
4. En troisième lieu, aux termes de l'article 7 de l'accord franco-algérien susvisé : " Les ressortissants algériens visés à l'article 7 peuvent obtenir un certificat de résidence de dix ans s'ils justifient d'une résidence ininterrompue en France de trois années. / (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a, au b, au c, et au g : / (...) / g) Au ressortissant algérien ascendant direct d'un enfant français résidant en France, à la condition qu'il exerce, même partiellement, l'autorité parentale à l'égard de cet enfant ou qu'il subvienne effectivement à ses besoins, à l'échéance de son certificat de résidence d'un an (...) ".
5. Il ressort des pièces du dossier et notamment du jugement de divorce prononcé le 18 octobre 2021 par le tribunal judiciaire de C... que l'autorité parentale sur les enfants mineurs de nationalité française de M. A... B... est exercée conjointement par leurs deux parents. Par jugement en assistance éducative du 8 avril 2022, le juge des enfants a renouvelé le placement des enfants auprès des services en charge de l'aide sociale à l'enfance, sans modifier la décision relative à l'autorité parentale aux parents. Toutefois, si M. A... B... établit avoir un planning de visites de ses enfants mineurs de nationalité française et s'il affirme les avoir honorés, ces seules circonstances, à les supposer établies, ne permettent pas de démontrer de sa part un exercice effectif, même partiel, de son autorité parentale. C'est dès lors à juste titre que le préfet de l'Isère a opposé au requérant qu'il n'établit pas exercer effectivement l'autorité parentale, même partiellement, à l'égard de ses enfants mineurs de nationalité française.
6. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère aurait méconnu les stipulations de l'article 7 bis, g) de l'accord franco-algérien doit être écarté.
7. En quatrième lieu, les stipulations précitées de l'article 7 bis ne privent pas l'autorité compétente du pouvoir qui lui appartient de refuser à un ressortissant algérien la délivrance initiale du premier certificat de résidence de dix ans lorsque sa présence en France constitue une menace pour l'ordre public. Si le requérant fait valoir qu'il en va autrement pour le renouvellement d'un certificat de résidence de dix ans, il est constant que le litige porte sur un refus de délivrance initiale et non de renouvellement.
8. En l'espèce, il n'est pas contesté que M. A... B... a été interpelé onze fois entre le 18 février 2016 et le 25 février 2022. Outre des faits de conduite sans assurance, il a été condamné le 28 mai 2017 à une peine correctionnelle de huit mois d'emprisonnement avec sursis et mise à l'épreuve de deux ans, pour violences aggravées. Il a été condamné le 2 octobre 2017 à six mois d'emprisonnement pour violences aggravées et port d'armes blanches et incapacitantes. Il a été condamné le 1er octobre 2018 à dix mois d'emprisonnement pour violences habituelles sur conjoint. Il a été condamné le 23 décembre 2019 à deux ans d'emprisonnement dont un an avec sursis et mise à l'épreuve de deux ans, pour violences sur conjoint en récidive. Eu égard à la gravité et à la répétition du comportement de violence de M. A... B..., c'est sans commettre d'erreur d'appréciation que le préfet de l'Isère a estimé que sa présence en France constituait une menace pour l'ordre public de nature à faire obstacle à la délivrance du titre de séjour sollicité.
9. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1) Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2) Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale ou à la protection des droits et libertés d'autrui ". Par ailleurs, aux termes de l'article 3 de la convention relative aux droits de l'enfant : " 1. Dans toutes les décisions qui concernent les enfants, qu'elles soient le fait des institutions publiques ou privées de protection sociale, des tribunaux, des autorités administratives ou des organes législatifs, l'intérêt supérieur de l'enfant doit être une considération primordiale (...) ".
10. Si M. A... B... déclare être entrée sur le territoire français en 2009, il ne l'établit pas, pas plus qu'il n'établit la continuité de son séjour en France depuis cette date. S'il a bénéficié de titres de séjour du 1er juillet 2016 au 17 octobre 2018, puis du 23 décembre 2019 au 27 avril 2022, du fait de son mariage avec une ressortissante française et de la naissance de deux enfants issus de ce mariage, d'une part, il est constant que le couple a divorcé en 2019 et, d'autre part, il ressort des pièces du dossiers que les enfants mineurs du couple ont dû être placés auprès des services en charge de l'aide sociale à l'enfance dès leur plus jeune âge compte tenu notamment du comportement grave et répété de violence de M. A... B... tel qu'il a été exposé au point 8 du présent arrêt. En outre, il ressort des différents jugements du tribunal pour enfants de C... relatifs aux mesures de placement de ses enfants, que le comportement et l'instabilité de M. A... B... génèrent de la crainte de la part de ses enfants et qu'il ne s'implique pas dans leur suivi scolaire ou médical. Enfin, s'il soutient avoir travaillé pendant une période, comme agent de service, il ne justifie d'aucun élément durable d'intégration. Eu égard notamment au comportement délictuel grave et répété de M. A... B... ainsi qu'à l'incidence de ce comportement sur sa famille, le préfet de l'Isère n'a pas, en lui refusant le séjour, porté une atteinte grave et manifestement illégale à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts poursuivis par cette décision. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté. Eu égard au comportement de M. A... B... et au placement de ses enfants, le préfet n'a pas davantage méconnu l'intérêt supérieur de ces enfants tel qu'il est garanti par les stipulations de l'article 3, 1° de la convention relative aux droits de l'enfant.
11. En sixième lieu, compte tenu de tout ce qui précède, le préfet n'a commis aucune erreur manifeste s'agissant de l'appréciation des conséquences de la décision attaquée sur la situation personnelle de M. A... B....
12. En dernier lieu, les conclusions de M. A... B... étant uniquement dirigées contre une décision portant refus de séjour, ses moyens tirés de l'illégalité de décisions portant obligation de quitter le territoire français, refus du bénéfice d'un délai de départ volontaire et fixation du pays de renvoi sont sans portée utile.
13. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de C... a rejeté les conclusions restant en litige de sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.
DECIDE :
Article 1er : La requête de M. A... B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. E... B... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 18 novembre 2023, à laquelle siégeaient :
M. Stillmunkes, président de la formation de jugement,
M. Gros, premier conseiller,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le5 décembre 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
H. Stillmunkes
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 24LY00226