Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler les décisions du 13 novembre 2023 par lesquelles le préfet du Puy-de-Dôme a refusé de renouveler son attestation de demande d'asile, lui a fait obligation de quitter le territoire français, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an.
Par un jugement n° 2302765 du 14 décembre 2023, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés le 11 janvier 2024 et le 8 novembre 2024, ce dernier non communiqué, M. B..., représenté par Me Toupin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces décisions ;
3°) d'enjoindre au préfet du Puy-de-Dôme de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour sans délai et de réexaminer sa situation dans le délai d'un mois sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat et au bénéfice de son conseil la somme de 1 500 euros en application des dispositions combinées des articles L. 761-1 du code de justice administrative et 37 de la loi du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique.
Il soutient que :
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le principe du contradictoire ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- l'obligation de quitter le territoire français méconnaît le 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- la décision fixant le pays de destination est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît les articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ainsi que l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne et l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur manifeste d'appréciation ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français est insuffisamment motivée ;
- elle est illégale par voie de conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français ;
- elle méconnaît l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'erreur matérielle et d'erreur manifeste d'appréciation.
La requête a été communiquée au préfet du Puy-de-Dôme qui n'a pas produit d'observations.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle par décision du 7 février 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Evrard.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., ressortissant congolais né le 4 septembre 1984, est entré en France le 5 décembre 2022, selon ses déclarations, et a sollicité la reconnaissance du statut de réfugié. Sa demande a été rejetée par une décision de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides du 10 janvier 2023, confirmée par la Cour nationale du droit d'asile le 20 octobre 2023. Par un arrêté du 13 novembre 2023, le préfet du Puy-de-Dôme l'a obligé à quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, a refusé de lui accorder un délai de départ volontaire, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an. Par un jugement du 14 décembre 2023, dont M. B... relève appel, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande d'annulation de ces décisions.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 121-1 du code des relations entre le public et l'administration : " Exception faite des cas où il est statué sur une demande, les décisions individuelles qui doivent être motivées en application de l'article L. 211-2, ainsi que les décisions qui bien que non mentionnées à cet article, sont prises en considération de la personne, sont soumises au respect d'une procédure contradictoire préalable ". L'article L. 122-1 du même code dispose que : " Les décisions mentionnées à l'article L. 211-2 n'interviennent qu'après que la personne intéressée a été mise à même de présenter des observations écrites et, le cas échéant, sur sa demande, des observations orales. (...) ". Aux termes de l'article L. 121-2 : " Les dispositions de l'article L. 121-1 ne sont pas applicables : (...) 3° Aux décisions pour lesquelles des dispositions législatives ont instauré une procédure contradictoire particulière ; (...) ".
3. Il résulte des dispositions du livre VI du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile que le législateur a entendu déterminer l'ensemble des règles de procédure administrative et contentieuse auxquelles sont soumises l'intervention et l'exécution des décisions portant obligation de quitter le territoire français et des décisions pouvant les assortir. Ainsi, le moyen tiré de la méconnaissance du principe du contradictoire ne peut être utilement invoqué à l'encontre de l'obligation de quitter le territoire français en litige.
4. En deuxième lieu, s'il cite l'article 41 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, M. B... n'assortit cette citation d'aucune précision permettant d'apprécier le bien-fondé de son moyen.
5. En troisième lieu, il ressort des termes mêmes de la décision en litige, qui mentionnant que la demande d'asile présentée par M. B... a été rejetée, comporte l'énoncé des motifs justifiant que soit prononcée à son encontre une obligation de quitter le territoire français sur le fondement du 4° de l'article L. 611-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, que le préfet du Puy-de-Dôme a procédé à un examen particulier de la situation du requérant, sans qu'y fasse obstacle la circonstance que cette décision ne fait pas mention de l'état de santé de ce dernier.
6. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa version applicable au litige : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : (...) 9° L'étranger résidant habituellement en France si son état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et si, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé du pays de renvoi, il ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié. ( ...) ".
7. Si le requérant fait valoir qu'il a vécu des évènements traumatisants dans son pays d'origine, lesquels sont selon lui à l'origine du syndrome de stress post-traumatique complexe dont il souffre, il ne ressort pas des pièces du dossier, et, notamment, du certificat médical qu'il produit, établi par un médecin généraliste le 4 décembre 2023, qui se borne à affirmer que tout traitement délivré en République démocratique du Congo serait inefficace, sans autre précision, qu'un retour dans son pays d'origine constituerait, par lui-même, une nouvelle exposition traumatique incompatible avec sa prise en charge médicale, alors au demeurant que la Cour nationale du droit d'asile n'a pas tenu pour établis les évènements invoqués par l'intéressé. En outre, il ne ressort pas des pièces du dossier, et, notamment, des certificats médicaux produits, qui ne se prononcent pas sur la disponibilité du traitement prescrit en République démocratique du Congo, que le requérant ne pourrait pas effectivement bénéficier d'un traitement et d'un suivi médical appropriés à son état de santé en cas de retour dans son pays d'origine, ni que ce traitement ne lui serait pas accessible financièrement. Enfin si le requérant produit la copie du résultat d'un test sérologique positif à l'hépatite B et des convocations à différents examens médicaux, il ne précise pas la nature et les conséquences de ces affections. Par suite, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les dispositions du 9° de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile en prononçant une obligation de quitter le territoire français à l'encontre de l'intéressé.
8. En cinquième lieu, il ne ressort pas des pièces du dossier que M. B... ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée à son état de santé dans son pays d'origine. En outre, si le requérant indique qu'il a perdu tout lien, tant avec sa mère qu'avec sa compagne et ses trois enfants, et fait valoir qu'il suit des cours de français et est adhérent du mouvement national des chômeurs et précaires, ces circonstances, à les supposer établies, ne suffisent pas à démontrer qu'en l'obligeant à quitter le territoire français, le préfet du Puy-de-Dôme aurait entaché sa décision d'une erreur manifeste d'appréciation de ses conséquences sur la situation personnelle du requérant.
9. En sixième lieu, aux termes de l'article 2 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " Le droit de toute personne à la vie est protégé par la loi. La mort ne peut être infligée à quiconque intentionnellement, sauf en exécution d'une sentence capitale prononcée par un tribunal au cas où le délit est puni de cette peine par la loi " et aux termes de l'article 3 de la même convention : " Nul ne peut être soumis à la torture ni à des peines ou traitements inhumains ou dégradants. ". Aux termes du 2. de l'article 19 de la charte des droits fondamentaux de l'Union européenne : " Nul ne peut être éloigné, expulsé ou extradé vers un État où il existe un risque sérieux qu'il soit soumis à la peine de mort, à la torture ou à d'autres peines ou traitements inhumains ou dégradants ". Aux termes de l'article L. 721-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " (...) Un étranger ne peut être éloigné à destination d'un pays s'il établit que sa vie ou sa liberté y sont menacées ou qu'il y est exposé à des traitements contraires aux stipulations de l'article 3 de la Convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales du 4 novembre 1950 ".
10. Il résulte de ce qui précède qu'il n'est pas établi que M. B... ne pourrait bénéficier d'une prise en charge adaptée de son état de santé dans son pays d'origine. En outre le requérant, qui se borne à produire les certificats médicaux et photographies de ses cicatrices déjà communiqués à la Cour nationale du droit d'asile, ainsi que le certificat de décès de son père et une attestation, dénuée de tout élément de preuve, de son beau-frère, n'apporte aucun élément probant de nature à justifier qu'il serait personnellement exposé à des peines et traitements inhumains et dégradants en cas de retour en République démocratique du Congo, ainsi d'ailleurs que l'a retenu cette cour. Par suite, en fixant le pays à destination duquel le requérant est susceptible d'être éloigné, le préfet du Puy-de-Dôme n'a pas méconnu les dispositions et stipulations citées au point 9.
11. En septième lieu, aux termes de l'article L. 612-6 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsqu'aucun délai de départ volontaire n'a été accordé à l'étranger, l'autorité administrative assortit la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Des circonstances humanitaires peuvent toutefois justifier que l'autorité administrative n'édicte pas d'interdiction de retour ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français (...) ". Aux termes de l'article L. 613-2 du même code : " (...) les décisions d'interdiction de retour (...) prévues aux articles L. 612-6, L. 612-7, L. 612-8 et L. 612 11 sont distinctes de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Elles sont motivées ".
12. La décision d'interdiction de retour sur le territoire français pour une durée d'un an opposée à M. B... vise les articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et, après avoir rappelé que l'intéressé déclarait être présent en France depuis le 5 décembre 2022, indique qu'il ne justifie pas de liens personnels et familiaux en France suffisamment stables, anciens et intenses, qu'il n'a pas fait l'objet d'une précédente mesure d'éloignement, qu'il ne représente pas une menace pour l'ordre public et qu'il ne justifie d'aucune circonstance humanitaire. Ainsi, cette décision, qui comporte l'énoncé des considérations de droit et de fait qui en constituent le fondement, est suffisamment motivée.
13. En huitième lieu, les éléments invoqués par M. B..., et, notamment, son état de santé ainsi que les risques qu'il indique encourir en cas de retour dans son pays d'origine, ne constituent pas, eu égard à ce qui a été dit précédemment, une circonstance humanitaire justifiant que l'autorité administrative s'abstienne de prononcer une interdiction de retour sur le territoire français. Le préfet du Puy-de-Dôme n'a ainsi pas commis d'erreur d'appréciation en prononçant une telle interdiction, ni entaché sa décision d'une erreur matérielle en considérant que l'intéressé ne justifiait d'aucune circonstance humanitaire y faisant obstacle.
14. En dernier lieu, il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que la fixation du pays de destination et l'interdiction de retour sur le territoire français seraient illégales en conséquence de l'illégalité de l'obligation de quitter le territoire français.
15. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, la présidente du tribunal administratif de Clermont-Ferrand a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
16. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de M. B... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
17. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, une somme au titre des frais exposés par M. B....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Evrard, présidente de la formation de jugement,
M. Savouré, premier conseiller,
Mme Corvellec, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 décembre 2024.
La présidente-rapporteure,
A. Evrard
L'assesseur le plus ancien,
B. Savouré
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 24LY00075