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28/11/2024 | FRANCE | N°24LY00581

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 28 novembre 2024, 24LY00581


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



1°) Sous le n° 2304317, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 octobre 2022 par laquelle la préfète de la Loire a retiré son certificat de résidence algérien de dix ans.

2°) Sous le n° 2306082, M. A... a demandé au même tribunal l'annulation des décisions du 5 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de dépa

rt volontaire et a fixé le pays de destination.



Par un jugement n° 2304317-2306082 du 1er décemb...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Sous le n° 2304317, M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision du 28 octobre 2022 par laquelle la préfète de la Loire a retiré son certificat de résidence algérien de dix ans.

2°) Sous le n° 2306082, M. A... a demandé au même tribunal l'annulation des décisions du 5 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination.

Par un jugement n° 2304317-2306082 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 29 février 2024, M. B... A..., représenté par Me Kadri, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2304317-2306082 du 1er décembre 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) d'annuler pour excès de pouvoir, d'une part, la décision du 28 octobre 2022 par laquelle la préfète de la Loire a retiré son certificat de résidence algérien de dix ans et, d'autre part, les décisions du 5 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination ;

3°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui restituer son certificat de résidence algérien de dix ans, dans un délai de trente jours et sous astreinte de 200 euros par jour de retard, ou subsidiairement de réexaminer sa situation aux mêmes conditions de délai et d'astreinte ;

4°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A... soutient que :

- le retrait de son titre de séjour est entaché d'incompétence ; l'article L. 432-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile qui sert de base légale au retrait n'est pas applicable et aucune stipulation de l'accord franco-algérien ne prévoit le retrait du titre de séjour ; c'est à tort que le tribunal a substitué le fondement tiré de la fraude ; ce retrait méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- l'obligation de quitter le territoire français est entachée d'incompétence ; elle méconnait l'article L. 611-3, 8° du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ; elle est entachée d'illégalité en conséquence de l'illégalité de la décision de retrait sur laquelle elle se fonde ; elle méconnait l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.

Le préfet de la Loire, régulièrement mis en cause, n'a pas produit.

Par décision du 24 janvier 2024, M. A... a obtenu le bénéfice de l'aide juridictionnelle totale.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, modifiée, conclue à Rome le 4 novembre 1950 ;

- l'accord entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République algérienne démocratique et populaire, relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour en France des ressortissants algériens et de leurs familles, complété par un protocole, deux échanges de lettres et une annexe, modifié, signé à Alger le 27 décembre 1968 ;

- le code civil ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président assesseur ;

- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A..., ressortissant algérien né le 18 novembre 1976, a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler, respectivement, la décision du 28 octobre 2022 par laquelle la préfète de la Loire a retiré son certificat de résidence algérien de dix ans, délivré le 25 septembre 2015, et les décisions du 5 mai 2023 par lesquelles le préfet de la Loire lui a fait obligation de quitter le territoire français, a fixé à trente jours le délai de départ volontaire et a fixé le pays de destination. Par le jugement attaqué du 1er décembre 2023, le tribunal a rejeté ces demandes.

Sur la légalité de la décision de retrait du certificat de résidence algérien de dix ans :

2. En premier lieu, la décision attaquée du 28 octobre 2022, dont le requérant n'avait produit qu'une version incomplète, la décision entière comprenant la page de signature ayant été produite par le préfet sur mesure d'instruction diligentée par le tribunal, a été signée par M. Schuffenecker, secrétaire général de la préfecture, sur le fondement de la délégation de signature prévue par l'arrêté préfectoral n° 2022-127 du 12 juillet 2022, régulièrement publié dans un numéro spécial du recueil des actes de la préfecture du 13 juillet 2022. Le moyen tiré de l'incompétence doit dès lors être écarté.

3. En deuxième lieu, aux termes de l'article 7 bis de l'accord franco-algérien susvisé : " (...) / Le certificat de résidence valable dix ans est délivré de plein droit sous réserve de la régularité du séjour pour ce qui concerne les catégories visées au a, au b, au c, et au g : / a) Au ressortissant algérien, marié depuis au moins un an avec un ressortissant de nationalité française, dans les mêmes conditions que celles prévues à l'article 6 nouveau 2, et au dernier alinéa de ce même article (...) ".

4. Pour retirer le titre de séjour d'une durée de dix ans dont M. A... avait obtenu la délivrance en 2015 en qualité de conjoint d'une ressortissante française, la préfète de la Loire s'est fondée sur ce que, par jugement du 27 mai 2019 devenu définitif, le tribunal de grande instance de Saint-Etienne a prononcé la nullité de ce mariage pour bigamie, sur le fondement des articles 147 et 184 du code civil. Ce tribunal, saisi par l'épouse française de M. A..., a en effet constaté que M. A... avait précédemment épousé une compatriote le 10 avril 2002 et que ce mariage n'avait pas pris fin lorsqu'il a par ailleurs épousé une ressortissante française le 10 avril 2013 en Algérie, ce dernier mariage ayant été transcrit sur les registres de l'état-civil français le 20 mars 2014.

5. Ainsi que l'a relevé à juste titre le tribunal, M. A... a entaché sa demande de titre de séjour de fraude, en se prévalant d'un mariage avec une ressortissante française alors que ce mariage avait été conclu en situation de bigamie et méconnaissait dès lors l'ordre public français, et alors en outre que les stipulations précitées des articles 7 bis et 6 de l'accord franco-algérien invoquées par M. A... posent expressément la réserve que la situation matrimoniale soit conforme à la législation française. Ce motif tiré de la fraude, dont la matérialité est ainsi établie et dont le préfet de la Loire a fait valoir qu'il demande en tant que de besoin la substitution, sans que M. A... soit en l'espèce privé d'aucune garantie, est de nature à fonder en droit et en fait la décision, qui ne peut dès lors être regardée comme dénuée de base légale ni comme reposant sur des faits non établis.

6. En troisième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... est né en Algérie le 18 novembre 1976. Il y a épousé une compatriote le 10 avril 2002. Ainsi qu'il a été exposé précédemment, s'il a épousé, en Algérie, une ressortissante française le 10 avril 2013, ce mariage est nul en France pour bigamie, l'annulation du mariage ayant été prononcé à la demande de sa seconde épouse. M. A... est entré en France le 17 janvier 2015, alors âgé de près de quarante ans. S'il a obtenu la délivrance d'un titre de séjour en qualité de conjoint de ressortissante française, ce second mariage a été annulé par jugement du juge judiciaire du 27 mai 2019. Le préfet de la Loire a relevé en défense en première instance que ses quatre enfants nés de son premier mariage, dont trois sont encore mineurs à la date de la décision, demeurent en Algérie. M. A... ne justifie par ailleurs pas d'une insertion ancrée dans la durée sur le territoire français mais se borne à faire valoir dans sa requête des liens amicaux, sans autres précisions, ainsi que la perception de l'allocation aux adultes handicapés. Eu égard à la durée et aux conditions de son séjour ainsi qu'à ce qui a été exposé sur sa situation matrimoniale, la préfète de la Loire n'a pas, en procédant au retrait de son titre de séjour dans les conditions qui ont été indiquées, porté une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale au regard des buts d'ordre public que cette décision poursuit. Le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, en conséquence, être écarté.

Sur la légalité de l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, la décision du 5 mai 2023 a été signée par M. Schuffenecker, secrétaire général de la préfecture, sur le fondement de la délégation de signature prévue par l'arrêté préfectoral n° 2023-096 du 2 mai 2023, régulièrement publié dans un numéro spécial du recueil des actes de la préfecture du 3 mai 2023. Le moyen tiré de l'incompétence doit dès lors être écarté.

8. En deuxième lieu, eu égard à ce qui a été exposé précédemment sur la légalité de la décision portant retrait du titre de séjour de M. A..., sur le fondement duquel a été décidée la mesure d'éloignement, M. A... n'est pas fondé à exciper de son illégalité.

9. En troisième lieu, en l'absence d'autre argument, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit être écarté pour les motifs qui ont été exposés au point 9 du présent arrêt.

10. En quatrième lieu, aux termes de l'article L. 611-3 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, dans sa rédaction alors applicable : " Ne peuvent faire l'objet d'une décision portant obligation de quitter le territoire français : / (...) / 8° L'étranger titulaire d'une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle servie par un organisme français et dont le taux d'incapacité permanente est égal ou supérieur à 20 % (...) ".

11. M. A... se prévaut de la perception de l'allocation aux adultes handicapés, qui n'est pas une rente d'accident du travail ou de maladie professionnelle. Le moyen tiré de ce que le préfet de la Loire aurait méconnu les dispositions précitées de l'article L. 611-3, 8° doit, en conséquence, être écarté comme manquant en fait.

12. Il résulte de tout ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ses demandes. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celles tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

D E C I D E :

Article 1er : La requête de M.A... est rejetée.

Article 2 :Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 28 novembre 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00581


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00581
Date de la décision : 28/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : KADRI

Origine de la décision
Date de l'import : 15/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-28;24ly00581 ?
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