Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 10 mars 2021 par laquelle le président du centre communal d'action sociale de Chambéry a refusé de lui verser la prime dite " grand-âge ".
Par un jugement n° 2108829 du 28 février 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête, enregistrée le 27 avril 2023, et des mémoires, enregistrés les 14 mars et 3 juin 2024, ce dernier mémoire n'ayant pas été communiqué, M. B..., représenté par Me Guiorguieff, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Grenoble du 28 février 2023 ;
2°) d'annuler la décision du 10 mars 2021 du président du centre communal d'action sociale de Chambéry ;
3°) d'enjoindre à cette autorité de lui verser la prime demandée dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir et sous astreinte de 100 euros par jour de retard ;
4°) de mettre à la charge du centre communal d'action sociale de Chambéry une somme de 1 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- le jugement contesté n'est pas suffisamment motivé ;
- le décret du 29 septembre 2020 n'impose aucune condition d'effectivité d'exercice des fonctions mais exige seulement l'appartenance au cadre d'emplois visé ;
- l'administration a commis une erreur d'appréciation s'agissant des fonctions exercées ;
- en décidant d'attribuer cette prime à des agents non visés par les textes réglementaires au seul motif qu'ils exerceraient leurs fonctions au sein d'une résidence pour personnes âgées tout en la lui refusant, le CCAS a méconnu le principe d'égalité ;
- la délibération du 14 novembre 2020 étend le bénéfice de la prime à des agents ne relevant pas de la catégorie ciblée par le décret précité et est entachée d'illégalité.
Par deux mémoires en défense, enregistrés les 27 juillet 2023 et 2 mai 2024, le centre communal d'action sociale de Chambéry, représenté par Me Kovarik-Ovize, conclut, dans le dernier état de ses écritures, au rejet de la requête et à ce que soit mise à la charge de M. B... une somme de 2 500 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 3 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 3 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu :
- le code général de la fonction publique ;
- la loi n° 83-634 du 13 juillet 1983 ;
- la loi n° 84-53 du 26 janvier 1984 ;
- la loi n° 86-33 du 9 janvier 1986 ;
- le décret n° 92-866 du 28 août 1992 ;
- le décret n° 2020-66 du 30 janvier 2020 ;
- le décret n° 2020-1189 du 29 septembre 2020 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Felmy, présidente-assesseure,
- et les conclusions de Mme Lordonné, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., recruté par le centre communal d'action sociale (CCAS) de Chambéry en 1998, a été titularisé en 2002 dans le cadre d'emplois des auxiliaires de soins territoriaux. Par une décision du 10 mars 2021, le président du centre communal d'action sociale de Chambéry lui a refusé le versement de la prime dite " grand âge ". M. B... relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif de Grenoble, après échec de la médiation organisée par le centre de gestion de la fonction publique territoriale, a rejeté sa demande d'annulation de cette décision.
Sur la régularité du jugement attaqué :
2. Il ressort des motifs du jugement contesté que, pour écarter certains des moyens de la demande présentée devant le tribunal, les premiers juges ont interprété les dispositions rappelées aux points 3 et 4 du présent arrêt, ainsi qu'il leur appartenait de faire, et apprécié si les conditions pour l'obtention de la prime étaient remplies par M. B.... Le requérant n'est ainsi pas fondé à soutenir que le tribunal n'aurait pas suffisamment motivé son jugement et que celui-ci serait, pour ce motif, entaché d'irrégularité.
Sur le bien-fondé du jugement attaqué :
3. En premier lieu, le bénéfice de la prime " grand âge " créée par le décret du 30 janvier 2020 pour certains personnels affectés dans les établissements mentionnés à l'article 2 de la loi du 9 janvier 1986, correspondant aux corps des aides-soignants et auxiliaires de puériculture et des accompagnants éducatifs et sociaux de la fonction publique hospitalière, d'un montant mensuel de 118 euros brut, a été étendu par le décret du 29 septembre 2020 visé ci-dessus aux personnels des corps équivalents de la fonction publique territoriale à compter du 1er mai 2020.
4. Ainsi, d'une part, aux termes de l'article 1 de ce décret : " L'organe délibérant de la collectivité territoriale ou de l'établissement public peut instituer une prime " Grand âge " qui reconnaît l'engagement des agents territoriaux exerçant auprès des personnes âgées et les compétences particulières nécessaires à leur prise en charge. ". Aux termes de l'article 2 de ce décret : " Peuvent bénéficier de cette prime les fonctionnaires relevant du cadre d'emplois des auxiliaires de soins territoriaux exerçant des fonctions d'aide-soignant ou d'aide médico-psychologique régis par le décret du 28 août 1992 susvisé et les agents contractuels exerçant des fonctions similaires dans les établissements d'hébergement pour personnes âgées dépendantes ou tout autre service et structure spécialisés dans la prise en charge des personnes âgées. ". D'autre part, aux termes de l'article 2.4 de la délibération du conseil d'administration du CCAS de Chambéry du 14 décembre 2020 : " (...) Le CCAS propose d'octroyer cette prime. Elle serait versée à l'ensemble des auxiliaires de soins occupant effectivement des missions relevant du cadre d'emplois et travaillant en EHPAD (Clématis, Charmilles, Corolle) à l'ESAD et SSIAD ". Cette délibération précise également que : " Sont donc exclus les auxiliaires de soins qui, pour des raisons diverses (aptitudes notamment), n'occupent pas effectivement des tâches d'aide-soignant ".
5. Il résulte de la combinaison des dispositions précitées, en particulier de l'article 2 du décret du 29 septembre 2020 que, contrairement à ce que soutient M. B..., la prime en litige ne peut être versée aux fonctionnaires relevant du cadre d'emplois des auxiliaires de soins territoriaux que s'ils exercent effectivement des fonctions d'aide-soignant ou d'aide médico-psychologique.
6. Il ressort des pièces du dossier que M. B..., qui possède le diplôme d'aide-soignant et appartient au cadre d'emplois des auxiliaires de soins territoriaux a, pour motif médical et conformément à l'avis de la commission de réforme du 15 juillet 2015 le déclarant inapte définitivement à ses fonctions d'auxiliaire de soins puis à l'avis émis le 7 avril 2016 par la commission de réforme départementale, été affecté sur un poste de veilleur de nuit. Il ressort de ces mêmes pièces, en particulier de l'entretien annuel d'évaluation pour l'année 2022 lui assignant les objectifs de " veiller à la sécurité des résidents et répondre à leurs attentes et besoins de nuit ", " sensibiliser les résidents aux nuisances sonores " et " créer une fiche ou plaquette sur les nuisances sonores ", que les tâches confiées à M. B... correspondent à des missions de surveillance et d'entretien de la résidence, et qu'il n'exerce pas les fonctions d'aide-soignant ou d'aide médico-psychologique dévolues aux auxiliaires de soins. Les circonstances qu'il aurait été illégalement affecté sur un poste ne correspondant pas à son cadre d'emplois et sans reclassement dans un autre cadre d'emplois, qu'il serait en contact avec les personnes âgées et qu'il est dans la capacité de rassurer les personnes fragiles, que son bulletin de paie et que l'arrêté du 1er mars 2022, du reste postérieur à la décision attaquée, fixant son régime indemnitaire, mentionneraient sa qualité d'aide-soignant ou encore que le médecin de prévention a préconisé, le 13 juillet 2022, également postérieurement à la décision attaquée, que ses compétences d'aide-soignant soient mises en valeur, sont sur ce point sans incidence et ne permettent pas de faire regarder le requérant comme réalisant les tâches dévolues aux aides-soignants.
7. En deuxième lieu, l'illégalité d'un acte administratif, qu'il soit ou non réglementaire, ne peut être utilement invoquée par voie d'exception à l'appui de conclusions dirigées contre une décision administrative ultérieure que si cette dernière décision a été prise pour l'application du premier acte ou s'il en constitue la base légale. En se bornant de nouveau en appel à soutenir que la délibération précitée du 14 décembre 2020 serait illégale en ce qu'elle étendrait le bénéfice de la prime à des agents qui ne relèvent pas du champ d'application du décret du 29 septembre 2020, sans préciser la catégorie d'agents à laquelle il fait référence et par suite sans démontrer son illégalité, le requérant n'est pas fondé à soutenir que la décision en litige serait dépourvue de base légale.
8. En troisième et dernier lieu, le principe d'égalité ne s'oppose pas à ce que l'autorité administrative règle de façon différente des situations différentes ni à ce qu'elle déroge à l'égalité pour des raisons d'intérêt général pourvu que, dans l'un comme l'autre cas, la différence de traitement qui en résulte soit en rapport direct avec l'objet de la norme qui l'établit et ne soit pas manifestement disproportionnée au regard des motifs susceptibles de la justifier. S'agissant des règles régissant les fonctionnaires, le principe d'égalité n'est en principe susceptible de s'appliquer qu'entre les agents appartenant à un même corps, sauf à ce que la norme en cause ne soit, en raison de son contenu, pas limitée à un même corps ou à un même cadre d'emplois de fonctionnaires. Si M. B... soutient que le CCAS de Chambéry a attribué la prime " grand âge " à des agents occupant les fonctions " d'agent social " et intervenant auprès des personnes âgées en EHPAD, il est toutefois constant que ces agents ne sont ni statutairement, ni effectivement, dans la même situation que lui. Par conséquent, le moyen tiré de la méconnaissance du principe d'égalité doit être écarté.
9. Il résulte de tout ce qui précède que le président du CCAS de Chambéry n'a pas commis d'erreur d'appréciation ni d'erreur de droit en refusant à M. B... le bénéfice de la prime en litige. Le requérant n'est ainsi pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction sous astreinte :
10. Le présent arrêt qui rejette les conclusions à fin d'annulation présentées par M. B..., n'appelle aucune mesure d'exécution. Les conclusions aux fins d'injonction et d'astreinte présentées par le requérant doivent, par suite, être rejetées.
Sur les frais liés au litige :
11. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mis à la charge du centre communal d'action sociale de Chambéry, qui n'est pas, dans la présente instance, la partie perdante, le versement d'une somme au titre des frais exposés par M. B.... Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions du centre communal d'action sociale de Chambéry présentées sur ce même fondement.
D E C I D E :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par le centre communal d'action sociale de Chambéry sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et au centre communal d'action sociale de Chambéry.
Délibéré après l'audience du 14 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Jean-Yves Tallec, président de chambre,
Mme Emilie Felmy, présidente-assesseure,
Mme Vanessa Rémy-Néris, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 27 novembre 2024.
La rapporteure,
Emilie FelmyLe président,
Jean-Yves Tallec
La greffière,
Péroline LanoyLa République mande et ordonne au préfet de la Savoie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY01456