Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. A... B... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler la décision du 23 décembre 2020 par laquelle le directeur général de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA) a rejeté sa demande de reconnaissance de la qualité d'apatride.
Par un jugement n° 2100839 du 6 décembre 2022, le tribunal administratif a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 27 mars 2023, M. B..., représenté par Me Huard, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 6 décembre 2022 ;
2°) d'annuler la décision du 23 décembre 2020 par laquelle le directeur général de l'OFPRA a rejeté sa demande de reconnaissance de la qualité d'apatride ;
3°) d'enjoindre à l'OFPRA de lui reconnaître la qualité d'apatride dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat le versement à son conseil de la somme de 1 200 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- la décision attaquée est insuffisamment motivée ;
- elle méconnaît l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides et l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle méconnaît l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
Par un mémoire enregistré le 4 octobre 2024, l'Office français de protection des réfugiés et apatrides, représenté par Me Laymond, conclut au rejet de la requête.
Il soutient que :
- le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales est inopérant ;
- les autres moyens soulevés par M. B... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 7 octobre 2024, la clôture de l'instruction a été fixée en dernier lieu au 18 octobre 2024.
M. B... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 15 mars 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention relative au statut des apatrides, signée à New-York le 28 septembre 1954 ;
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, présidente-assesseure ;
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. B..., né le 7 mai 1974 à Karaganda (Kazakhstan), est entré en France le 20 septembre 1998. Il a sollicité son admission au statut de réfugié, laquelle a été refusée à deux reprises, par des décisions de la Commission de recours des réfugiés des 6 octobre 1999 et 6 mai 2022 confirmant les décisions de l'Office français de protection des réfugiés et apatrides (OFPRA). Il a demandé la reconnaissance de la qualité d'apatride, qui a été refusée par une décision du 9 juillet 2007 du directeur général de l'OFPRA, dont la légalité a été confirmée par le tribunal administratif de Grenoble le 4 juin 2010 (n° 0704396) et la cour administrative d'appel de Lyon le 28 juin 2011 (n° 10LY02892). Par courriers des 9 février et 13 novembre 2019, M. B... a sollicité le réexamen de sa demande de reconnaissance de la qualité d'apatride auprès du directeur général de l'OFPRA. M. B... relève appel du jugement du 6 décembre 2022 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de la décision du 23 décembre 2020 par laquelle le directeur général de l'OFPRA a rejeté sa demande de reconnaissance de la qualité d'apatride.
2. En premier lieu, M. B... réitère en appel les moyens tirés de l'insuffisance de motivation de la décision en litige et de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales sans y ajouter de nouveau développement. Ces moyens doivent être écartés par adoption des motifs retenus par les premiers juges.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dans sa version alors applicable : " La qualité d'apatride est reconnue à toute personne qui répond à la définition de l'article 1er de la convention de New York, du 28 septembre 1954, relative au statut des apatrides. Ces personnes sont régies par les dispositions applicables aux apatrides en vertu de cette convention ". Aux termes de l'article 1er, paragraphe 1, de la convention de New York relative au statut des apatrides du 28 septembre 1954 : " Aux fins de la présente Convention, le terme " apatride " désigne une personne qu'aucun État ne considère comme son ressortissant par application de sa législation ". La reconnaissance de la qualité d'apatride implique d'établir que l'Etat susceptible de regarder une personne comme son ressortissant par application de sa législation ne le considère pas comme tel. Il incombe à toute personne se prévalant de la qualité d'apatride d'apporter la preuve qu'en dépit de démarches répétées et assidues, l'Etat de la nationalité duquel elle se prévaut a refusé de donner suite à ses démarches. Une renonciation unilatérale n'ouvre pas, par elle-même, le droit à se voir reconnaître la qualité d'apatride.
4. Il ressort de la loi du 20 décembre 1991 portant code de la nationalité kazakhe que sont " nationaux " les personnes résidant en permanence dans la république du Kazakhstan au jour de l'entrée en vigueur de la loi. M. B... qui est né le 7 mai 1974 à Karaganda, ville alors située en URSS et faisant désormais partie de la République du Kazakhstan, ne conteste pas avoir résidé en permanence dans ce pays à la date d'entrée en vigueur du code de la nationalité. Il avait dès lors la nationalité kazakhe, comme le confirme d'ailleurs le passeport qui lui a été délivré par les autorités de la République du Kazakhstan le 29 juin 1998.
5. M. B... soutient qu'il a perdu cette nationalité kazakhe en application de l'article 21 de la loi du 20 décembre 1991, dès lors qu'il a résidé pendant trois ans à l'étranger sans s'être enregistré auprès des autorités consulaires kazakhes et produit, à l'appui de ses allégations, deux attestations émanant de l'ambassade de la République du Kazakhstan en France, établies les 2 mars 2010 et 24 janvier 2019, indiquant qu'il ne possède plus la nationalité kazakhe, dont la perte est automatique après trois ans pour tout ressortissant kazakhe demeurant à l'étranger qui, sans motif légitime, ne s'est pas enregistré auprès du service consulaire de l'ambassade de la République du Kazakhstan.
6. Toutefois, il n'établit pas qu'il aurait introduit un recours contre la décision de déchéance de la nationalité kazakhe, ouvert par les dispositions de l'article 41 de la loi sur la nationalité kazakhe. S'il affirme que le délai de recours été expiré, il ne peut utilement se prévaloir de sa propre négligence à engager un recours dans les délais imposés. Il n'apporte pas plus d'éléments établissant l'existence de démarches autres qu'une demande de prolongation de passeport, alors pourtant que l'article 18 de la loi du 20 décembre 1991 permettait, jusqu'à l'intervention de la loi n°421-V du 24 novembre 2015, aux personnes qui ont été, dans le passé, titulaires de cette nationalité, de demander à être réintégrées au sein de celle-ci et qu'il n'a pas engagé une telle procédure en temps utile alors même qu'il y a été invité ainsi que cela ressort du courrier du 28 août 2013 du ministère des Affaires étrangères de la République du Kazakhstan. A cet égard, les deux courriers adressés par le requérant durant l'année 2013 au consulat du Kazakhstan ne suffisent pas à établir la réalité des démarches répétées et assidues en vue de régulariser sa situation. Dans ces conditions, M. B... doit être regardé comme ayant volontairement renoncé à la protection de l'Etat dont il est le ressortissant et à sa nationalité. Il n'est, par suite, pas fondé à soutenir que la décision attaquée méconnaît les stipulations de l'article 1er de la convention de New-York du 28 septembre 1954 relative au statut des apatrides et les dispositions de l'article L. 812-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ni qu'elle est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation.
7. Il résulte de ce qui précède que M. B... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions à fin d'injonction ainsi que celle présentées au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de M. B... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. A... B... et à l'Office français de protection des réfugiés et apatrides.
Délibéré après l'audience du 5 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 26 novembre 2024.
La rapporteure,
A.-G. MauclairLa présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23LY01078 2