Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
Mme B... C... épouse A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 4 septembre 2023 par lesquelles le préfet de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour et lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Par un jugement n° 2308326 du 6 février 2024, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 5 mars 2024, Mme C... épouse A..., représentée par Me Paras, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2308326 du 6 février 2024 du tribunal administratif de Lyon et les décisions préfectorales du 4 septembre 2023 ;
2°) d'enjoindre au préfet de la Loire de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale ", dans un délai de 15 jours suivant la notification de l'arrêt à venir, ou, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois suivant cette même notification, et de lui délivrer une autorisation provisoire de séjour avec droit au travail jusqu'au terme de ce réexamen ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2 000 euros, au profit de son conseil, en application des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991.
Mme A... soutient que les décisions attaquées ont été prises en méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et sont entachées d'une erreur manifeste d'appréciation, la décision portant refus de séjour méconnaissant en outre les stipulations de l'article 3-1 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant.
La requête a été communiquée au préfet de la Loire qui n'a pas produit d'observations.
Mme C... épouse A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 22 mai 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
' la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
' la convention internationale relative aux droits de l'enfant ;
' l'accord franco-algérien du 27 décembre 1968 relatif à la circulation, à l'emploi et au séjour des ressortissants algériens et de leurs familles ;
' le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
' la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
' le code de justice administrative.
Le président de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Le rapport de M. Gros, premier conseiller, a été entendu au cours de l'audience publique du 4 novembre 2024.
Considérant ce qui suit :
1. Mme B... C..., ressortissante algérienne, a sollicité, le 20 décembre 2022, la délivrance d'un certificat de résidence " vie privée et familiale ", sur le fondement du 5) de l'article 6 de l'accord franco-algérien. Le préfet de la Loire, par des décisions du 4 septembre 2023, lui a opposé un refus, l'a obligée à quitter le territoire français, lui impartissant pour ce faire un délai de trente jours et a désigné son pays de renvoi. Mme C... épouse A... relève appel du jugement du 6 février 2024 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation des décisions portant refus de séjour et obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours.
Sur les conclusions à fin d'annulation :
2. Aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
3. Il ressort des pièces du dossier que Mme C..., entrée régulièrement en France le 21 octobre 2017, âgée de 29 ans, a donné naissance, le 13 décembre 2018, à l'enfant Adem Mohamed A..., dont le père est M. D... A..., qu'elle a épousé en juin 2020. M. A... détient un certificat de résidence de dix ans qui lui a été délivré le 3 février 2016, il expose être présent sur le territoire français depuis une vingtaine d'années et il a constitué un dossier de naturalisation. Il exerce une activité professionnelle depuis octobre 2015, sous contrat à durée indéterminée depuis août 2016 et a été victime d'un accident du travail en septembre 2021, ce qui lui a occasionné de nombreux arrêts de travail. Son épouse quant à elle est atteinte d'une rétinopathie diabétique bilatérale sévère qui nécessite un suivi semestriel ophtalmologique et l'enfant du couple est porteur d'un diabète de type 1 qui requiert un traitement par pompe à insuline. Dans ces circonstances, le refus de séjour qui a été opposé à la requérante porte une atteinte excessive à son droit au respect de sa vie privée et familiale et méconnait en conséquence l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur les autres moyens de la requête, que Mme C... épouse A... est fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. La décision par laquelle le préfet de la Loire lui a refusé la délivrance d'un titre de séjour doit ainsi être annulée, ainsi que les décisions subséquentes portant obligation de quitter le territoire français dans un délai de 30 jours, désignant le pays de renvoi de l'intéressée, et abrogeant son récépissé de demande de titre de séjour, toutes contenues dans l'arrêté en litige du 4 septembre 2023.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
5. Eu égard au motif qui la fonde, l'annulation prononcée par le présent arrêt, alors qu'il ne résulte pas que la situation de droit ou de fait aurait changé, implique nécessairement que le préfet de la Loire délivre à Mme C... épouse A... un certificat de résidence algérien portant la mention " vie privée et familiale ". Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de lui enjoindre d'y procéder dans un délai de deux mois.
Sur les frais liés au litige :
6. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, et sous réserve que Me Paras, avocat de Mme C... épouse A..., renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle, de mettre à la charge de l'Etat le versement à cet avocat d'une somme de 1 500 euros en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
DECIDE :
Article 1er : Le jugement n° 2308326 du tribunal administratif de Lyon du 6 février 2024 est annulé.
Article 2 : L'arrêté du préfet de la Loire du 4 septembre 2023 est annulé.
Article 3 : Il est enjoint au préfet de la Loire de délivrer un certificat de résidence " vie privée et familiale " à Mme C... épouse A... dans le délai de deux mois suivant la notification du présent arrêt.
Article 4 : L'Etat versera à Me Paras, avocat de Mme C... épouse A..., une somme de 1 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991, sous réserve que cet avocat renonce à percevoir la somme correspondant à la part contributive de l'Etat à la mission d'aide juridictionnelle qui lui a été confiée.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... C... épouse A... et au ministre de l'intérieur. Copie en sera adressée au préfet de la Loire.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président-assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
Le rapporteur,
B. Gros
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
2
N° 24LY00624