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21/11/2024 | FRANCE | N°24LY00363

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 21 novembre 2024, 24LY00363


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



La SELAS pharmacie R.... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 31 décembre 2021 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté a rejeté sa demande d'autorisation de transfert de son officine, sur le territoire de la commune de ..., du centre commercial A.... au centre commercial B.....



Par un jugement n° 2200570 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Di

jon a rejeté cette demande.





Procédure devant la cour :



Par une requête enregistré...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

La SELAS pharmacie R.... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 31 décembre 2021 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté a rejeté sa demande d'autorisation de transfert de son officine, sur le territoire de la commune de ..., du centre commercial A.... au centre commercial B.....

Par un jugement n° 2200570 du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 13 février 2024, la SELAS pharmacie R...., représentée par Me Abramowitch, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2200570 du 14 décembre 2023 du tribunal administratif de Dijon ;

2°) d'annuler la décision du 31 décembre 2021 par laquelle le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté a rejeté sa demande d'autorisation de transfert de son officine, sur le territoire de la commune de ..., du centre commercial A.... au centre commercial B.... ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La société pharmacie R.... soutient que :

- le tribunal a omis de statuer sur son moyen tiré de la méconnaissance des articles R. 4235-12, R. 4235-55, R. 5125-8, R. 5125-9 et R. 5125-30 du code de la santé publique et des arrêtés du 2 septembre 2019 et du 31 mars 2022, relatifs aux conditions d'exercice du pharmacien ;

- le tribunal a également omis de statuer sur la délimitation du quartier desservi par son officine actuelle ;

- le refus de transfert compromet la desserte en médicaments de la population.

Par un mémoire en défense enregistré le 25 avril 2024, l'ARS de Bourgogne-Franche-Comté conclut au rejet de la requête.

L'ARS de Bourgogne-Franche-Comté soutient que les moyens invoqués ne sont pas fondés.

Par un mémoire en intervention enregistré le 18 septembre 2024, M. B... A...... et la SELARL Pharmacie I...., représentés par Me Rothdiener et Me Cannet, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 3 000 euros soit mise à la charge de la SELAS Pharmacie R.... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. A...... et la société Pharmacie I.... soutiennent que :

- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés ;

- au surplus, la décision aurait pu se fonder sur les motifs, substitués, tirés, d'une part, de l'incomplétude du dossier de demande au regard des dispositions de l'article R. 5125-1 du code de la santé publique et de l'article 3 de l'arrêté du 30 juillet 2018 et, d'autre part, de l'atteinte à la clientèle de l'officine concurrente.

Par ordonnance du 12 septembre 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 14 octobre 2024 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code de la santé publique ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Abramowitch, représentant la société Pharmacie R.....

Considérant ce qui suit :

1. La SELAS pharmacie R.... gère une officine pharmaceutique dans la commune de ..., qui est implantée au sein du centre commercial A..... Elle a sollicité l'autorisation de la transférer, dans la même commune, au sein du centre commercial B..... Par une décision du 31 décembre 2021, le directeur général de l'agence régionale de santé (ARS) de Bourgogne-Franche-Comté lui a opposé un refus. Par le jugement attaqué du 14 décembre 2023, le tribunal administratif de Dijon a rejeté la demande de cette société tendant à l'annulation de la décision de refus de transfert.

Sur l'intervention :

2. La société Pharmacie I.... exploite la seconde pharmacie de la commune et M. A...... en est le pharmacien responsable. Ils justifient ainsi d'un intérêt à intervenir au soutien des conclusions de l'ARS.

Sur la régularité du jugement :

3. En premier lieu, le juge est tenu de répondre aux moyens dont il est saisi, et non à chacun des arguments invoqués au soutien de ces moyens. Il n'est par ailleurs pas tenu à peine d'irrégularité de répondre aux moyens inopérants. La décision de refus de transfert en litige est prise sur le fondement des articles L. 5125-3 à L. 5125-3-2 du code de la santé publique et la société a soutenu que cette décision était entachée d'erreur d'appréciation dans l'application de ces dispositions. La référence aux articles R. 4235-12, R. 4235-55, R. 5125-8, R. 5125-9 et R. 5125-30 du code de la santé publique et aux arrêtés du 2 septembre 2019 et du 31 mars 2022 était faite dans le cadre de la discussion de cette appréciation. Au demeurant, ces textes, qui ne régissent pas par eux-mêmes directement la décision de transfert n'en constituent pas la base légale. Ainsi, en se bornant, au point 11 du jugement, à évoquer les conditions minimales d'installation définies à l'article L. 5125-3-2, 2°, sans détailler l'argumentation technique développée par la société au soutien de son moyen, le tribunal n'a pas entaché son jugement d'omission à statuer.

4. En second lieu, contrairement à ce qui est allégué, le tribunal a répondu, aux points 8 et 9 du jugement, au moyen tiré de ce que c'est à tort que l'ARS n'a pas distingué de quartiers au sein de la commune. Le moyen tiré de l'omission à statuer sur ce point doit en conséquence être écarté.

Sur la décision de refus de transfert :

5. Aux termes de l'article L. 5125-3 du code de la santé publique : " Lorsqu'ils permettent une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi par le pharmacien demandeur au sein d'un quartier défini à l'article L. 5125-3-1, d'une commune ou des communes mentionnées à l'article L. 5125-6-1, sont autorisés par le directeur général de l'agence régionale de santé, respectivement dans les conditions suivantes : / 1° Les transferts et regroupements d'officines, sous réserve de ne pas compromettre l'approvisionnement nécessaire en médicaments de la population résidente du quartier, de la commune ou des communes d'origine. L'approvisionnement en médicaments est compromis lorsqu'il n'existe pas d'officine au sein du quartier, de la commune ou de la commune limitrophe accessible au public par voie piétonnière ou par un mode de transport motorisé répondant aux conditions prévues par décret, et disposant d'emplacements de stationnement (...) ". Aux termes de l'article L. 5125-3-1 du même code : " Le directeur général de l'agence régionale de santé définit le quartier d'une commune en fonction de son unité géographique et de la présence d'une population résidente. L'unité géographique est déterminée par des limites naturelles ou communales ou par des infrastructures de transport (...) ". Aux termes de l'article L. 5125-3-2 du même code : " Le caractère optimal de la desserte en médicaments au regard des besoins prévu à l'article L. 5125-3 est satisfait dès lors que les conditions cumulatives suivantes sont respectées : / 1° L'accès à la nouvelle officine est aisé ou facilité par sa visibilité, par des aménagements piétonniers, des stationnements et, le cas échéant, des dessertes par les transports en commun ; / 2° Les locaux de la nouvelle officine remplissent les conditions d'accessibilité mentionnées aux articles L. 164-1 à L. 164-3 du code de la construction et de l'habitation, ainsi que les conditions minimales d'installation prévues par décret. Ils permettent la réalisation des missions prévues à l'article L. 5125-1-1 A du présent code et ils garantissent un accès permanent du public en vue d'assurer un service de garde et d'urgence ; / 3° La nouvelle officine approvisionne la même population résidente ou une population résidente jusqu'ici non desservie ou une population résidente dont l'évolution démographique est avérée ou prévisible au regard des permis de construire délivrés pour des logements individuels ou collectifs ". Enfin, aux termes de l'article L. 5125-3-3 du même code : " Par dérogation aux dispositions de l'article L. 5125-3-2, le caractère optimal de la réponse aux besoins de la population résidente est apprécié au regard des seules conditions prévues aux 1° et 2° du même article dans les cas suivants : / 1° Le transfert d'une officine au sein d'un même quartier, ou au sein d'une même commune lorsqu'elle est la seule officine présente au sein de cette commune ; / 2° Le regroupement d'officines d'un même quartier au sein de ce dernier ".

6. Il résulte des dispositions combinées des articles L. 5125-3-2 et L. 5125-3-3 du code de la santé publique que, lorsque deux ou plusieurs officines pharmaceutiques sont implantées dans un même quartier ou une même commune, le transfert de l'une d'elles dans le même quartier ou la même commune est notamment apprécié au regard du critère défini par le 3° de l'article L. 5125-3-2, c'est-à-dire notamment au regard des conditions d'approvisionnement de la population résidente.

7. Il ressort des pièces du dossier que la commune de ..., qui compte environ 4 000 habitants, constitue un seul et même quartier au sens de l'article L. 5125-3-1 du code de la santé publique. Elle comprend deux pharmacies, respectivement situées dans le centre commercial A...., route de M..., pour la pharmacie R.... et rue de la Liberté pour l'autre pharmacie. Elles sont implantées à plus d'un kilomètre l'une de l'autre, plus précisément 1 300 mètres selon les écritures de la pharmacie R...., de part et d'autre de la route départementale qui traverse la commune, ce qui permet d'assurer une desserte plus fluide de l'ensemble de la population de la commune, Le transfert en litige a été sollicité pour obtenir l'autorisation d'implanter la pharmacie R.... avenue du général G..., dans le centre commercial B..... Ainsi que le relève l'ARS, ce transfert aboutirait à rapprocher sensiblement les deux officines, qui ne seraient plus séparées que d'au plus 600 mètres, le long du même axe routier. L'intérêt pour le secteur d'accueil est très limité, compte tenu de la présence d'une autre pharmacie, dont il ne ressort pas des pièces du dossier qu'elle n'assurerait pas la desserte en médicaments de la population située dans son secteur. En revanche, comme le souligne l'ARS, ce transfert rendrait, compte tenu des conditions concrètes de déplacement, plus compliquée la desserte en médicaments de la population du secteur d'origine, qui est une population importante. Ainsi, alors même que la société pharmacie R.... fait valoir qu'elle pourrait bénéficier de locaux mieux aménagés, c'est sans erreur d'appréciation que le directeur de l'ARS, après avoir notamment consulté l'Ordre des pharmaciens et les organisations représentatives de la profession en application des dispositions de l'article R. 5125-2 du code de la santé publique, a estimé que ce transfert n'était pas de nature à permettre une desserte en médicaments optimale au regard des besoins de la population résidente et du lieu d'implantation choisi, et qu'il a refusé pour ce motif d'autoriser le transfert.

8. Il résulte de tout ce qui précède que la SELAS pharmacie R.... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions tendant à l'application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent également être rejetées.

9. M. A...... et la SELARL Pharmacie I.... sont intervenants et n'auraient pas eu qualité pour former tierce opposition. Ils ne sont, ainsi, pas parties à la présente instance. Leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent en conséquence être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : L'intervention de M. A...... et de la SELARL Pharmacie I.... est admise.

Article 2 : La requête de la SELAS pharmacie R.... est rejetée.

Article 3 : Les conclusions présentées par M. A...... et la SELARL Pharmacie I.... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la SELAS pharmacie R...., à la ministre de la santé et de l'accès aux soins, à M. B... A...... et à la SELARL Pharmacie I..... Copie en sera adressée à l'agence régionale de santé de Bourgogne-Franche-Comté.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne à la ministre de la santé et de l'accès aux soins en ce qui la concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 24LY00363


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00363
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

55-03-04-01 Professions, charges et offices. - Conditions d'exercice des professions. - Pharmaciens. - Autorisation d'ouverture ou de transfert d'officine.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : ROTHDIENER

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-21;24ly00363 ?
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