Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler les décisions du 12 juin 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a refusé de lui délivrer un titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a désigné le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.
Par jugement n° 2305818 du 1er décembre 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 janvier 2024, Mme A..., représentée par Me Sonko, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et les décisions de la préfète du Rhône du 12 juin 2023 ;
2°) d'enjoindre à la préfète du Rhône de réexaminer sa situation dans le délai de quinze jours et sous astreinte de cent euros par jour de retard ;
3°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 2000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- les décisions en litige ont été prises en méconnaissance de son droit d'être entendue garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne ;
- elle satisfait aux conditions prévues à l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le refus de titre de séjour est insuffisamment motivé ;
- la préfète n'a pas procédé à un examen particulier de sa situation ;
- le refus de titre de séjour méconnaît l'article L. 313-17 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- il méconnaît l'article 9 de la convention franco-sénégalaise ;
- elle satisfait aux conditions prévues pour la délivrance d'un titre de séjour salarié ;
- l'obligation de quitter le territoire français est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;
- l'interdiction de retour sur le territoire français méconnaît les articles L. 612-6 et suivants du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et présente un caractère disproportionné ;
- elle méconnait les stipulations des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme.
La requête a été communiquée à la préfète du Rhône qui n'a pas présenté d'observations.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'Homme et des libertés fondamentales ;
- la convention signée le 1er août 1995 entre le gouvernement de la République française et le gouvernement de la République du Sénégal, relative à la circulation et au séjour des personnes ;
- l'accord du 23 septembre 2006 entre le Gouvernement de la République française et le Gouvernement de la République du Sénégal relatif à la gestion concertée des flux migratoires et l'avenant à cet accord signé le 25 février 2008 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code de justice administrative ;
Le président de la formation de jugement ayant dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience.
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport de Mme Evrard.
Considérant ce qui suit :
1. Mme A..., ressortissante sénégalaise née le 7 octobre 1998, est entrée en France le 7 septembre 2019, munie d'un visa long séjour valant titre de séjour portant la mention " étudiant " afin de poursuivre des études supérieures. Le 6 octobre 2020, elle a sollicité le renouvellement de ce titre de séjour. Par un arrêté du 30 mars 2021, confirmé par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 31 décembre 2021, le préfet du Rhône a refusé de l'admettre au séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de quatre-vingt-dix jours et a fixé le pays à destination duquel elle pourra être reconduite d'office. Le 24 mai 2022, Mme A... a de nouveau sollicité son admission au séjour en qualité d'étudiante. Elle relève appel du jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er décembre 2023 rejetant sa demande d'annulation des décisions du 12 juin 2023 par lesquelles la préfète du Rhône a rejeté sa demande de titre de séjour, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans le délai de trente jours, a fixé le pays de destination de cette mesure d'éloignement et lui a fait interdiction de retour sur le territoire français pour une durée de six mois.
Sur le refus de titre de séjour :
2. En premier lieu, d'une part, les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile relatives aux titres de séjour qui peuvent être délivrés aux étrangers et aux conditions de délivrance de ces titres s'appliquent, ainsi que le rappelle l'article L. 110-1 du même code, " sous réserve (...) des conventions internationales ". Aux termes de l'article 13 de la convention franco-sénégalaise du 1er août 1995 : " Les dispositions du présent Accord ne font pas obstacle à l'application de la législation respective des deux Etats sur l'entrée et le séjour des étrangers sur tous les points non traités par l'Accord ". Aux termes de l'article 4 de cette convention : " Pour un séjour de plus de trois mois (...) les ressortissants sénégalais à l'entrée sur le territoire français doivent être munis d'un visa de long séjour et des justifications prévus aux articles 5 à 9 ci-après, en fonction de la nature de leur installation ". aux termes de l'article 9 de cette convention : " Les ressortissants de chacun des États contractants désireux de poursuivre des études supérieures ou d'effectuer un stage de formation qui ne peut être assuré dans le pays d'origine, sur le territoire de l'autre État, doivent, pour obtenir le visa de long séjour prévu à l'article 4, présenter une attestation d'inscription ou de préinscription dans l'établissement d'enseignement choisi (...) Ils doivent en outre justifier de moyens d'existence suffisants, tels qu'ils figurent en annexe. Les intéressés reçoivent le cas échéant, un titre de séjour temporaire portant la mention " étudiant". Ce titre de séjour est renouvelé annuellement sur justification de la poursuite des études ou du stage, ainsi que de la possession de moyens d'existence suffisants ".
3. D'autre part, aux termes de l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger qui établit qu'il suit un enseignement en France ou qu'il y fait des études et qui justifie disposer de moyens d'existence suffisants se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " étudiant " d'une durée inférieure ou égale à un an (...) ".
4. Il résulte des stipulations précitées de l'article 13 de la convention conclue entre la France et le Sénégal le 1er août 1995 que l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile n'est pas applicable aux ressortissants sénégalais désireux de poursuivre leurs études supérieures en France, dont la situation est régie par l'article 9 de cette convention.
5. Pour rejeter la demande de titre de séjour en qualité d'étudiante formée par Mme A..., la préfète du Rhône s'est fondée sur la circonstance que l'intéressée, qui s'est maintenue en situation irrégulière après l'expiration de son précédent titre de séjour, n'avait pas présenté un nouveau visa de long séjour pour effectuer des études en France. Mme A..., qui se borne à faire valoir qu'elle est inscrite en préparation du brevet de technicien supérieur Management commercial opérationnel et qu'elle a conclu un contrat d'apprentissage avec la société Glynn et fils, ne conteste pas le motif de refus qui lui a ainsi été opposé, et qui justifie à lui seul le rejet de la demande de titre de séjour. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir qu'elle satisferait aux conditions de délivrance d'un titre de séjour prévues par l'article 9 de la convention franco-sénégalaise et par l'article L. 422-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.
6. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 433-4 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Au terme d'une première année de séjour régulier en France accompli au titre d'un visa de long séjour tel que défini au 2° de l'article L 411-1 ou, sous réserve des exceptions prévues à l'article L. 433-5, d'une carte de séjour temporaire, l'étranger bénéficie, à sa demande, d'une carte de séjour pluriannuelle dès lors que : 1° Il justifie de son assiduité, sous réserve de circonstances exceptionnelles, et du sérieux de sa participation aux formations prescrites par l'Etat dans le cadre du contrat d'intégration républicaine conclu en application de l'article L. 413-2 et n'a pas manifesté de rejet des valeurs essentielles de la société française et de la République ; 2° Il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / La carte de séjour pluriannuelle porte la même mention que la carte de séjour temporaire dont il était précédemment titulaire. / L'étranger bénéficie, à sa demande, du renouvellement de cette carte de séjour pluriannuelle s'il continue de remplir les conditions de délivrance de la carte de séjour temporaire dont il été précédemment titulaire ". Ainsi qu'il a été dit au point 1, Mme A... s'est maintenue irrégulièrement en France après le rejet de sa demande de renouvellement de son titre de séjour en qualité d'étudiante, et a fait l'objet d'une obligation de quitter le territoire français. Par suite, elle ne peut utilement soutenir que les dispositions de l'article L. 313-17, devenu L. 433-4, du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, applicables aux étrangers résidant régulièrement en France, auraient été méconnues.
7. En troisième lieu, lorsqu'il est saisi d'une demande de délivrance d'un titre de séjour sur le fondement de l'une des dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, le préfet n'est pas tenu, en l'absence de dispositions expresses en ce sens, d'examiner d'office si l'intéressé peut prétendre à une autorisation de séjour sur le fondement d'une autre disposition de ce code, même s'il lui est toujours loisible de le faire à titre gracieux, notamment en vue de régulariser la situation de l'intéressé. En l'espèce, il ne ressort pas des pièces du dossier que Mme A... ait demandé son admission au séjour en qualité de salariée. La préfète du Rhône n'a pas davantage examiné d'office sa demande sur ce fondement. Par suite, Mme A... ne peut utilement soutenir qu'elle satisfait aux conditions de délivrance d'un titre de séjour en qualité de salariée à l'appui de sa contestation de la décision litigieuse.
8. En dernier lieu, Mme A... reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance, tirés de la méconnaissance de son droit d'être entendue garanti par l'article 41 de la Charte des droits fondamentaux de l'Union européenne, de l'insuffisance de motivation de la décision en litige et du défaut d'examen de sa situation. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
Sur l'obligation de quitter le territoire français :
9. Il résulte de ce qui précède que le moyen tiré, par voie d'exception, de l'illégalité du refus de titre de séjour litigieux doit être écarté.
Sur l'interdiction de retour sur le territoire français :
10. En premier lieu, aux termes de l'article L. 612-8 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Lorsque l'étranger n'est pas dans une situation mentionnée aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative peut assortir la décision portant obligation de quitter le territoire français d'une interdiction de retour sur le territoire français. Les effets de cette interdiction cessent à l'expiration d'une durée, fixée par l'autorité administrative, qui ne peut excéder deux ans à compter de l'exécution de l'obligation de quitter le territoire français ". Aux termes de l'article L. 612-10 du même code : " Pour fixer la durée des interdictions de retour mentionnées aux articles L. 612-6 et L. 612-7, l'autorité administrative tient compte de la durée de présence de l'étranger sur le territoire français, de la nature et de l'ancienneté de ses liens avec la France, de la circonstance qu'il a déjà fait l'objet ou non d'une mesure d'éloignement et de la menace pour l'ordre public que représente sa présence sur le territoire français. Il en est de même pour l'édiction et la durée de l'interdiction de retour mentionnée à l'article L. 612-8 (...) ".
11. Il ressort des pièces du dossier qu'à la date de la décision litigieuse, Mme A... avait déjà fait l'objet d'une première mesure d'éloignement, par décision du 30 mars 2021, qu'elle n'avait pas exécutée. Elle réside depuis quatre années en France où elle ne justifie d'aucune réelle attache privée ou familiale et n'est pas dépourvue de telles attaches au Sénégal. Dans ces circonstances, et alors même que sa présence ne constituerait pas une menace pour l'ordre public, la préfète du Rhône n'a pas méconnu les dispositions précitées en prononçant sur leur fondement une interdiction de retour sur le territoire français d'une durée de six mois.
12. En second lieu, Mme A... reprend en appel les moyens qu'elle avait invoqués en première instance, tirés de la méconnaissance des articles 2 et 3 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Il y a lieu de les écarter par adoption des motifs retenus à bon droit par le tribunal.
13. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
14. Le présent arrêt rejetant les conclusions à fin d'annulation de Mme A... et n'appelant, dès lors, aucune mesure d'exécution, ses conclusions à fin d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.
15. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'Etat, qui n'est pas la partie perdante, une somme au titre des frais exposés par Mme A....
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.
Délibéré après l'audience du 31 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Arbaretaz, président,
Mme Evrard, présidente-assesseure,
M. Savouré, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Evrard
Le président,
Ph. Arbarétaz
La greffière,
F. Faure
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N°24LY00016