Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler la décision du 7 août 2020 par laquelle le sous-gouverneur de la Banque de France lui a infligé la sanction de suspension sans traitement pour une durée de quatre mois.
Par un jugement n° 2001777 du 31 mai 2023, le tribunal a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire enregistrés les 27 juillet 2023 et 21 mai 2024, M. A..., représenté par Me Amela-Pelloquin, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement et la décision du 7 août 2020 ;
2°) d'enjoindre à la Banque de France de procéder à l'effacement de cette sanction de son dossier ;
3°) de mettre à la charge de la Banque de France la somme de 3 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Il soutient que :
- sa requête, qui contient des moyens d'appel et n'est pas une reprise littérale de sa demande de première instance, est recevable ;
- la sanction a été prise au-delà du délai imparti par l'article L. 1332-2 du code du travail, de sorte que la Banque de France avait perdu le droit de prononcer une sanction disciplinaire ;
- le procès-verbal de la commission de discipline n'est pas motivé en violation de l'article 235 du statut du personnel ;
- la décision, qui est une sanction du 2ème groupe, ne pouvait être prise par le sous-gouverneur de la Banque de France auquel C... ne pouvait déléguer le pouvoir de prononcer une telle sanction en application des articles 230 et 235 du statut du personnel de la Banque de France ;
- la décision de sanction n'est pas suffisamment motivée en méconnaissance du 2° de l'article L. 211-2 du code des relations entre le public et l'administration ;
- certains des faits sur lesquels la banque de France s'est fondée étaient prescrits par application de l'article L. 1332-4 du code du travail ; subsidiairement, les faits prescrits n'étaient pas fautifs ;
- la matérialité des autres faits, qui reposent sur des témoignages faux, ou leur caractère fautif n'est pas établie ;
- la sanction prononcée est disproportionnée.
Par un mémoire enregistré le 19 avril 2024, la Banque de France, représentée par la Sarl Delvolve Trichet, conclut au rejet de la requête et qu'une somme de 3 500 euros soit mise à la charge de M. A... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle fait valoir que :
- la requête, faute de comporter des moyens d'appel critiquant le jugement, n'est pas recevable ;
- les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.
Par une ordonnance du 21 mai 2024, l'instruction a été close, en dernier lieu, au 14 juin 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code monétaire et financier ;
- le code du travail ;
- le statut du personnel de la Banque de France ;
- le règlement intérieur de la Banque de France du 1er août 2019 ;
- le code de justice administrative ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
- les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;
- et les observations de Me Amela-Pelloquin, pour M. A... ;
Considérant ce qui suit :
1. M. B... A..., agent titulaire de la Banque de France depuis 1993, qui exerce comme chauffeur convoyeur au centre fiduciaire de Chamalières depuis 1996, a fait l'objet, par décision du 7 août 2020 du sous-gouverneur de la Banque de France, d'une sanction de suspension sans traitement pour une durée de quatre mois. M. A... a demandé au tribunal administratif de Clermont-Ferrand d'annuler cette décision. Par un jugement du 31 mai 2023 dont M. A... relève appel, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur la fin de non-recevoir :
2. La requête d'appel, qui ne se borne pas à reproduire intégralement et exclusivement le texte du mémoire de première instance de M. A... et énonce de manière précise les critiques adressées à la décision dont il avait demandé l'annulation, est suffisamment motivée. Par suite, la fin de non-recevoir tirée de ce que cette requête serait irrecevable faute de comporter des moyens d'appel critiquant le jugement doit être écartée.
Sur la légalité de la décision :
3. Aux termes de l'article 235 du statut des agents de la Banque de France : " (...) Le conseil de discipline statue hors de la présence de l'agent. Chaque membre du conseil est appelé à donner son avis. Les résolutions sont prises à la majorité des membres présents. Il est dressé un procès-verbal motivé de la délibération du conseil, indiquant le nombre de voix auquel sa résolution a été prise. ".
4. Le procès-verbal de la délibération du conseil de discipline se borne à indiquer que ses membres ont pris connaissance du rapport établi le 20 décembre 2019 par l'inspection générale ainsi que de l'ensemble des pièces du dossier disciplinaire, que l'intéressé a été entendu, qu'il a été délibéré et que " compte tenu des faits exposés dans le dossier et après que les commissionnaires représentants de la Banque aient envisagé un déplacement disciplinaire correspondant également à un changement de métier et afin d'arriver à un consensus de l'ensemble des membres de la commission ", il est proposé à l'approbation de M. C... la sanction n° 6 du second degré à savoir la suspension sans traitement pendant une durée de quatre mois. Ce procès-verbal qui ne contient pas la mention des griefs reprochés à M. A... que le conseil de discipline a estimé établis, ne permet pas de connaître de façon suffisamment précise ceux des faits qui lui ont été reprochés qui ont justifié la proposition de sanction retenue. L'exigence de motivation du procès-verbal de la délibération du conseil de discipline prévue par les dispositions citées au point précédent, qui constitue une garantie, ne peut dès lors être regardée comme ayant été respectée.
5. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin d'examiner les autres moyens de la requête, que M. A... est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande.
Sur les conclusions à fin d'injonction :
6. L'annulation de la décision du 7 août 2020 implique nécessairement l'effacement de toute référence à cette décision du dossier de M. A.... Il y a lieu, dès lors, d'enjoindre à la Banque de France de prendre sans délai une mesure en ce sens.
Sur les frais liés au litige :
7. Il y a lieu, dans les circonstances de l'espèce, en application des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative, de mettre à la charge de la Banque de France une somme de 2 000 euros au titre des frais exposés par M. A... et non compris dans les dépens.
8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que M. A... qui n'a pas, dans la présente instance, la qualité de partie perdante, verse à la Banque de France la somme qu'elle réclame au titre des frais exposés par elle et non compris dans les dépens.
DÉCIDE :
Article 1er : Le jugement du tribunal administratif du 31 mai 2023 et la décision du 7 août 2020 du sous-gouverneur de la Banque de France sont annulés.
Article 2 : Il est enjoint au gouverneur de la Banque de France de procéder sans délai à l'effacement de la sanction du 7 août 2020 du dossier administratif individuel de M. A....
Article 3 : La Banque de France versera à M. A... une somme de 2 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Article 4 : Les conclusions présentées par la Banque de France au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 5 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et à la Banque de France.
Délibéré après l'audience du 7 novembre 2024 à laquelle siégeaient :
M. Picard, président de chambre ;
Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;
M. Chassagne, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
La rapporteure,
A. Duguit-LarcherLe président,
V-M. Picard
La greffière,
A. Le Colleter
La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY02516
kc