La jurisprudence francophone des Cours suprêmes


recherche avancée

21/11/2024 | FRANCE | N°23LY01605

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 21 novembre 2024, 23LY01605


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



1°) Sous le n° 2108140 M. B... ... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche à leur verser la somme totale de 28 559,52 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2021 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis à raison d'une fuite sur le réseau d'eau potable.



2°) Sous le n° 2200309 le syndicat inte

rcommunal des eaux du bassin de l'Ardèche a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

1°) Sous le n° 2108140 M. B... ... et Mme C... A... ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner le syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche à leur verser la somme totale de 28 559,52 euros, assortie des intérêts au taux légal à compter du 6 août 2021 et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis à raison d'une fuite sur le réseau d'eau potable.

2°) Sous le n° 2200309 le syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la société Saur à le garantir intégralement de toute condamnation susceptible d'être prononcée à son encontre à raison d'une fuite sur le réseau d'eau potable situé au droit de la propriété des époux A....

Par un jugement n° 2108140-2200309 du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté ces demandes.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 5 mai 2023 et des mémoires enregistrés les 18 octobre 2023 et 12 janvier 2024, M. B... A... et Mme C... A..., représentés par Me Carli, demandent à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2108140-2200309 du 7 mars 2023 du tribunal administratif de Lyon ;

2°) de condamner solidairement le syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche et la société Saur à leur verser la somme de 28 559,52 euros, assortie des intérêts au taux légal et de la capitalisation des intérêts, en réparation des préjudices subis du fait d'une fuite sur le réseau d'eau potable ;

3°) de mettre à la charge solidaire du syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche et de la société Saur la somme de 8 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Ils soutiennent que :

- le lien de causalité entre la présence importante d'eau inondant leur terrain depuis octobre 2017 et la fuite d'eau sur le réseau d'eau potable situé sous la voie verte qui surplombe leur propriété, qui a été réparée en avril 2021, est suffisamment établi par les pièces du dossier ; l'écoulement d'eau sur leur propriété s'est d'ailleurs tari depuis le colmatage de la fuite effectuée en avril 2021 ;

- lors de la réalisation de l'étude géotechnique en novembre 2017, la présence de l'ouvrage public de distribution d'eau potable surplombant la propriété n'était pas connue, de sorte que la présence anormale d'eau sur le terrain a été naturellement attribuée aux aléas météorologiques ;

- les investigations effectuées par la société Saur sur le réseau d'eau potable fin 2017 sont restées superficielles et ont été mal réalisées ;

- l'analyse d'eau effectuée en novembre 2020, eu égard à la teneur en chlorures qu'elle relève, permet de démontrer que la présence d'eau sur le terrain résulte d'une fuite d'eau potable ;

- les constats effectués par un huissier le 6 avril 2023 et le plan de coupe de profil qui y est annexé sont de nature à étayer et à confirmer les éléments de preuve attestant que la présence d'eau sur le terrain provenait bien d'une fuite sur le réseau d'eau potable situé à l'aplomb de la propriété ;

- les volumes de l'écoulement d'eau relevés en 2018 à la sortie du drain périphérique installé pour évacuer l'eau présente sur le terrain, soit 9 600 litres par jour, sont de nature à écarter la présence d'une circulation d'eau naturelle ou la présence d'eau d'origine météorologique ;

- l'origine de l'eau est corroborée par les déclarations de la propriétaire du terrain voisin, attestant de l'absence d'eau sur sa propre parcelle durant la réalisation des travaux, ainsi que par le relevé météorologique pour la période d'août à décembre 2017 ;

- la société Saur a, au demeurant, reconnu sa responsabilité dans la survenance des dommages en juillet 2021 ;

- les relations ou stipulations contractuelles existant entre le syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche et la société Saur ne leur sont pas opposables et les conclusions dirigées contre le syndicat intercommunal sont parfaitement recevables ;

- aucune faute exonératoire de responsabilité ne saurait leur être reprochée et l'intégralité de leurs préjudices devra être réparée ;

- ils ont subi un préjudice du fait du coût important des études et travaux supplémentaires entrepris pour la construction de leur maison d'habitation ; ces frais supplémentaires leur ont imposé d'avoir recours à des sommes placées sur un contrat d'assurance vie, entrainant ainsi une perte de produits financiers ; en outre ils ont exposés des frais afin de faire analyser et, le cas échéant, pouvoir exploiter la présence d'une source sur leur propriété ; ils sont par ailleurs fondés à solliciter la réparation de leur préjudice de jouissance.

Par des mémoires enregistrés les 9 juin 2023 et 9 avril 2024, le syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche, représenté par la SELAS Cabinet Champauzac, agissant par Me Champauzac, conclut, à titre principal, au rejet de la requête, à titre subsidiaire, à ce que la société Saur soit condamnée à le garantir de toute condamnation qui serait prononcée à son encontre et, en tout état de cause à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge des époux A... au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- le contrat d'affermage conclu avec la société Saur le 21 décembre 2007 pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2017 fait obstacle à ce que sa responsabilité soit recherchée ; par suite, les conclusions présentées à son encontre sont irrecevables ;

- le lien de causalité entre les dommages allégués et une fuite d'eau sur le réseau d'eau potable n'est pas établi ; l'intervention effectuée sur ce réseau en avril 2021 ne permet pas à elle seule d'établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain avec l'arrivée d'eau constatée sur le terrain des intéressés depuis octobre 2017 ; aucune fuite n'a pu être détectée en novembre 2017 ;

- en tout état de cause le lien de causalité entre les préjudices dont il est demandé réparation et une éventuelle fuite d'eau n'est pas plus démontré ; en outre les consorts A... ont participé à la réalisation de leurs propres préjudices par leur négligence et leur précipitation à faire réaliser des travaux coûteux dès lors qu'il leur appartenait de faire réaliser une expertise technique contradictoire dès 2017 ;

- si le lien de causalité entre une fuite d'eau sur le réseau de distribution d'eau potable et les dommages allégués devait être reconnu, seule la responsabilité de la société Saur, délégataire service public de distribution d'eau potable entre janvier 2008 et décembre 2017, devra être retenue ;

- la société Saur devra être condamnée à le garantir de toute somme qui, le cas échéant, serait mise à sa charge.

La société Saur, régulièrement mise en cause, n'a pas produit.

Par une ordonnance du 30 septembre 2024, la clôture immédiate de l'instruction a été prononcée en application de l'article R. 613-1 du code de justice administrative.

Vu les autres pièces du dossier.

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Carli, représentant M. et Mme A..., et celles de Me Lavisse, représentant le syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche.

Considérant ce qui suit :

1. Par un acte de vente du 17 juillet 2017, M. et Mme A... ont acquis un terrain situé .... à X..., dans le département de l'Ardèche, en vue d'y construire une maison d'habitation. En octobre 2017, ils ont constaté une présence importante d'eau sur ce terrain. En novembre 2017, la société Saur, alors délégataire du service de public de distribution d'eau potable relevant de la compétence du syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche a effectué, sans succès, une recherche de fuite sur la canalisation d'eau potable passant sous la voie verte surplombant la propriété des requérants. En avril 2021, la société Saur, agissant pour le compte du syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche en vertu d'un marché de prestation de service d'exploitation du système de production d'eau potable, a effectué une réparation sur le réseau d'eau potable surplombant la propriété des époux A.... Par un courrier du 20 juillet 2021, estimant les préjudices subis à raison d'une présence anormale d'eau sur leur propriété en lien avec une fuite sur le réseau de distribution d'eau potable, ils ont présenté une réclamation indemnitaire au syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche qui a rejeté cette réclamation. Par un jugement du 7 mars 2023, dont M. et Mme A... interjettent appel, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande tendant à la condamnation solidaire du syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche et de la société Saur à les indemniser de leurs préjudices.

2. Le maître d'ouvrage est responsable, même en l'absence de faute, des dommages que les ouvrages publics dont il a la garde peuvent causer aux tiers en raison tant de leur existence que de leur fonctionnement. En cas de dommage accidentel causé à des tiers, la victime peut en demander réparation au maître de l'ouvrage ou, le cas échéant, à son délégataire. La mise en jeu de la responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics présentant un caractère accidentel à l'égard d'une victime ayant la qualité de tiers par rapport à un ouvrage public est subordonnée à la démonstration, par cette victime, de l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cet ouvrage et le dommage.

3. Il est constant que le terrain de M. et Mme A..., situé .... à X..., est surplombé par une voie verte sous laquelle est présente une canalisation d'eau potable relevant de la compétence du syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche, qui en avait délégué la gestion à la société Saur pour la période du 1er janvier 2008 au 31 décembre 2017. Les requérants ont la qualité de tiers par rapport à cet ouvrage dont ils soutiennent, sans être contredits, qu'il ne participe pas à l'approvisionnement en eau potable de leur habitation. Ils soutiennent que la présence anormale d'eau sur leur parcelle, constatée dès octobre 2017 et qui a notamment imposé la réalisation d'études techniques supplémentaires et des travaux spécifiques engendrant un surcoût des travaux de construction de leur habitation, résulte d'une fuite dans le réseau de distribution d'eau potable, passant à l'aplomb de leur parcelle, qui a pu être détectée et réparée en avril 2021 par la société Saur.

4. Il résulte de l'instruction, notamment de l'étude géotechnique d'avant-projet réalisée au mois de novembre 2017 que de l'eau était présente en quantité importante sur le terrain des requérants avant la réalisation des travaux de construction de leur maison d'habitation et qu'il a été nécessaire d'adapter ces travaux, notamment le terrassement et la conception des fondations. Il en résulte également que la présence importante d'eau a été constatée tout au long de la réalisation des travaux. Il est par ailleurs constant qu'une fuite d'eau sur le réseau surplombant leur propriété a été détectée puis réparée en avril 2021 par la société Saur, agissant alors pour le compte du syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche en vertu d'un marché de prestation de service d'exploitation du système de production d'eau potable. Cependant, les pièces produites par les requérants à l'appui de leur demande de première instance ou de leur requête d'appel ne sont pas de nature à établir l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre cette fuite, détectée en 2021, et les dommages qu'ils allèguent avoir subis depuis 2017. En effet, il n'est pas contesté que les recherches effectuées par la société Saur en novembre 2017 sur la canalisation d'eau potable litigieuse n'ont pas permis de détecter l'existence d'une fuite. Si les requérants soutiennent que ces recherches sont restées superficielles et ont été mal réalisées, ils ne produisent aucun élément au soutien de cette allégation. S'ils soutiennent que l'écoulement d'eau sur leur propriété, dans un regard installé à la sortie du drain périphérique mis en place pour évacuer l'eau présente sur le terrain, s'est tari après le colmatage de la fuite effectuée en avril 2021, ils ne produisent aucun élément de nature à l'établir, les attestations de deux entrepreneurs intervenant sur le chantier de construction étant à cet égard insuffisamment probantes. Par ailleurs, s'ils font valoir que les volumes d'eau relevés en 2018 à la sortie de ce drain périphérique auraient été de 9 600 litres par jour, ils ne produisent aucun document permettant d'en justifier. Ainsi la présence d'un écoulement continu d'eau sur leur parcelle depuis novembre 2017 n'est pas établie. S'ils font valoir par ailleurs que l'analyse de l'eau prélevée à la sortie de ce drain effectuée en novembre 2020, eu égard à la teneur en chlorures qu'elle relève, permet de démontrer l'existence d'une fuite d'eau potable, il ressort de cette analyse que la présence de bactéries coliformes, d'eschéria coli, d'entérocoques intestinaux et de spores de bactérie anaérobie sulfito dans des proportions excédant les références ou les limites règlementaires a été également été relevée, ce qui rend peu probable un écoulement d'eau potable en provenance du réseau public. L'attestation de la propriétaire d'un terrain voisin établie le 23 novembre 2023 mentionnant l'absence d'eau sur sa propre parcelle au cours de la période de réalisation de travaux de construction de la maison des époux A... ou le relevé météorologique pour la période d'août à décembre 2017, ne suffisent pas à eux seuls à démontrer un lien de causalité entre les dommages allégués et une fuite sur le réseau d'eau potable. Il en est de même de la transmission d'une attestation de responsabilité civile par la société Saur aux requérants en juillet 2021.

5. M. et Mme A... ne démontrant pas, en l'état du dossier, l'existence d'un lien de causalité direct et certain entre la présence anormale d'eau sur leur terrain depuis novembre 2017 et une fuite d'eau ayant affecté le réseau de distribution d'eau potable réparée en 2021, ils ne sont pas fondés à rechercher la responsabilité du syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche et de la société Saur.

6. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée en défense, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué du 7 mars 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.

Sur les conclusions d'appel en garantie présentées par le syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche :

7. M. et Mme A... n'étant pas fondés à engager la responsabilité du syndicat intercommunal du bassin d'Ardèche, les conclusions d'appel en garantie présentées par ce dernier à l'encontre de la société Saur sont sans objet.

Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :

8. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'il soit fait droit aux conclusions des requérants, partie perdante, présentées sur ce fondement. Dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de rejeter les conclusions présentées sur ce même fondement par le syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. et Mme A... est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées par le syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à Mme C... A..., au syndicat intercommunal des eaux du bassin de l'Ardèche et à la société Saur.

Délibéré après l'audience du 4 novembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au préfet de l'Ardèche, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition conforme,

La greffière,

2

N° 23LY01605


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01605
Date de la décision : 21/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

60-01-02-01 Responsabilité de la puissance publique. - Faits susceptibles ou non d'ouvrir une action en responsabilité. - Fondement de la responsabilité. - Responsabilité sans faute.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : SELARL CABINET CHAMPAUZAC

Origine de la décision
Date de l'import : 01/12/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-21;23ly01605 ?
Association des cours judiciaires suprmes francophones
Organisation internationale de la francophonie
Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie. Juricaf est un projet de l'AHJUCAF, l'association des Cours suprêmes judiciaires francophones. Il est soutenu par l'Organisation Internationale de la Francophonie.
Logo iall 2012 website award