Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
La société civile immobilière (SCI) " Le Moulin de ... " et M. C... A..... ont demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler la décision implicite du président du syndicat d'eau potable ... et la décision implicite du maire de B... rejetant leur recours indemnitaire préalable et de condamner solidairement le syndicat intercommunal à vocation multiple " syndicat d'eau potable ... ", le cabinet d'études Marc C..., l'entreprise G. du cabinet et fils et la commune de B... à verser la somme de 110 000 euros à M. A..... et la somme de 70 000 euros à la société " Le Moulin de ... " en réparation de leurs préjudices respectifs.
Par un jugement n° 2107879 du 3 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté cette demande.
Procédure devant la cour :
Par une requête enregistrée le 23 mars 2023 et un mémoire non communiqué enregistré le 12 avril 2024, la SCI " Le Moulin de ... " et M. C... A....., représentés par Me Garreau, demandent à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 2107879 du 3 février 2023 du tribunal administratif de Lyon ;
2°) de condamner solidairement le syndicat intercommunal à vocation multiple (SIVOM) " syndicat d'eau potable ... ", le cabinet d'études Marc C... et la SARL du cabinet et fils à verser solidairement la somme de 110 000 euros à M. A..... et la somme de 70 000 euros à la société " Le Moulin de ... " en réparation de leurs préjudices respectifs ;
3°) de mettre à la charge solidaire du SIVOM " syndicat d'eau potable ... ", du cabinet d'études Marc C... et de la SARL du cabinet et fils la somme de 2 000 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Ils soutiennent que :
- l'aggravation des désordres affectant le chemin d'accès à la propriété de la SCI " Le Moulin de ... ", qui sont imputables aux travaux d'adduction d'eau effectués en 2004, et le caractère continu des préjudices subis de ce fait justifient une nouvelle indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute pour dommages de travaux publics ;
- le lien de causalité avec les travaux en cause, qui constituent la cause exclusive des désordres, et l'aggravation de ces derniers sont parfaitement établis ;
- le SIVOM est intégralement responsable des dommages et c'est à tort que les premiers juges ont retenu une exonération partielle du fait de la configuration des lieux ;
- les travaux n'ont pas été réalisés dans les règles de l'art ;
- les désordres étant évolutifs, aucune prescription ne saurait leur être opposée ;
- c'est à compter d'octobre 2014 que le chemin d'accès est devenu totalement impraticable et, en tout état de cause, les actions judicaires entreprises ont eu pour effet d'interrompre le délai de prescription ;
- contrairement à ce qu'ont retenu les premiers juges, l'indemnité de 4 000 euros versée à la SCI en exécution du jugement du 1er juillet 2014 n'avait pas pour objet d'indemniser la SCI du coût des travaux de remise en état, mais du préjudice résultant des troubles de toute nature provoqués par les désordres en cause ; au demeurant ce jugement ne pouvait permettre à la SCI de procéder au moindre travail sur une emprise appartenant au domaine privé de la commune ; en conséquence, aucune faute n'est imputable à la SCI ;
- les troubles de toute nature dans les conditions d'existence de M. A..... résultant du caractère impraticable du chemin d'accès à son habitation sont parfaitement établis par les pièces du dossier et justifient une indemnité de 100 000 euros ; il subit en outre un préjudice moral qui sera évalué à 10 000 euros ;
- la SCI est bien fondée à solliciter une indemnisation au titre du préjudice résultant de la perte de valeur vénale de la propriété à hauteur de 50 000 euros ; elle est également fondée à solliciter l'indemnisation du préjudice résultant de l'impossibilité d'effectuer des travaux de rénovation à hauteur de 20 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 22 juin 2023 la SARL du cabinet et Fils, représentée par la SELARL Aegis Avocats, agissant par Me Milliat, conclut au rejet de la requête et à ce que la SCI " LeMoulin de ... " et M. A..... soient condamnés solidairement à lui verser la somme de 5 000 euros à titre de dommages et intérêts pour procédure abusive au titre de l'article R. 741-12 du code de justice administrative et une somme de 3 500 euros au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- l'autorité de chose jugée qui s'attache aux décisions juridictionnelles précédemment rendues, notamment au jugement n° 1201954 du 1er juillet 2014 du tribunal administratif de Lyon, s'oppose à ce que les requérants engagent une action indemnitaire à l'encontre de la société du cabinet et Fils ; la requête est par suite irrecevable ;
- en tout état de cause l'action est prescrite en application des dispositions de l'article 2224 du code civil ;
- aucun lien de causalité entre les travaux effectués par la société du cabinet et les désordres allégués ne saurait être retenu ;
- la SCI " Le Moulin de ... " a été indemnisée de son préjudice au titre des travaux nécessaires à la remise en état du chemin d'accès à sa propriété, en exécution du jugement n° 1201954 du1er juillet 2014, et elle n'a pas entrepris de travaux et a refusé de donner suite à la proposition de la commune de B... d'effectuer ces travaux à titre gracieux ; en conséquence, les préjudices allégués par la SCI et M. A..... ne sont pas justifiés ;
Par une ordonnance du 15 mars 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 15 avril 2024 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier.
Vu le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. La SCI " Le Moulin de ... " est propriétaire d'un bien immobilier, situé sur le territoire de la commune de B... dans le département de l'Ardèche, comportant une maison d'habitation qui est occupé à titre gratuit par M. A....., gérant de cette SCI. En 2004, le syndicat intercommunal à vocation multiple " X... ", aux droits duquel est venu le syndicat intercommunal à vocation multiple " syndicat d'eau potable ... " (SIVOM), a réalisé des travaux d'adduction d'eau sur le chemin rural desservant la propriété, anciennement dénommé " chemin des Z... " et renommé " chemin du Moulin ". Par une ordonnance du 27 mars 2008, le juge des référés du tribunal administratif de Lyon a ordonné une expertise au contradictoire de la commune de B... et du SIVOM à la demande de la SCI, cette dernière estimant que le chemin avait subi des dégradations du fait de ces travaux. Le rapport a été déposé le 27 janvier 2009. Par un jugement du 1er juillet 2014, le tribunal administratif de Lyon a condamné le SIVOM à verser à la SCI une somme de 4 000 euros en réparation de ses préjudices. Estimant subir un préjudice continu et évolutif à raison de la dégradation du chemin du Moulin depuis la réalisation des travaux d'adduction d'eaux, M. A..... et la société " Le Moulin de ... " ont présenté au SIVOM et à la commune de B... une nouvelle demande indemnitaire, en dernier lieu par des courriers du 11 mai 2021. En l'absence de réponse à ces courriers, ils ont demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner solidairement le SIVOM, la commune de B..., la SARL du cabinet et fils, entrepreneur en charge des travaux litigieux, et le cabinet d'études Marc C..., en qualité de maitre d'œuvre, à les indemniser de leurs préjudices. Par un jugement du 3 février 2023 le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande. M. A..... et la SCI " Le Moulin de ... " interjettent appel de ce jugement et demandent à la cour de condamner solidairement le SIVOM " syndicat d'eau potable ... ", la SARL du cabinet et fils et le cabinet d'études Marc C..., à les indemniser de leurs préjudices respectifs.
2. Même en l'absence de faute, le maître d'ouvrage ainsi que, le cas échéant, le maître d'œuvre et l'entrepreneur chargés des travaux, sont responsables vis-à-vis des tiers des dommages causés à ceux-ci par l'exécution de travaux publics à moins que ces dommages ne soient imputables à un cas de force majeure ou à une faute de la victime. Il appartient au tiers à une opération de travaux publics qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à cette occasion d'établir le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués.
3. Il est constant que par un jugement du tribunal administratif de Lyon du 1er juillet 2014 devenu définitif, la responsabilité partielle du SIVOM Châteauneuf de Vernoux, aux droits duquel est venu le SIVOM " syndicat d'eau potable ... ", a été retenue à raison de la modification de l'emprise initiale du chemin du Moulin à l'occasion des travaux d'adduction d'eau potable réalisés sur ce chemin en 2004. Par ce même jugement, le SIVOM a, en conséquence, été condamné à verser à la SCI " Le Moulin de ... " une somme de 4 000 euros en réparation des préjudices résultant pour elle des difficultés d'accès à sa propriété au motif que la modification de l'emprise initiale du chemin, effectuée à l'occasion de ces travaux, avait eu pour conséquence d'augmenter, sur le chemin, le ruissellement des eaux pluviales d'amont responsable de sa dégradation. Ainsi, aucune nouvelle indemnisation ne peut être accordée au titre des préjudices imputables au dommage de travaux publics indemnisés par le jugement du 1er juillet 2014, hormis en cas d'aggravation. Or, il résulte de l'instruction, et notamment des propres écritures des requérants que le chemin est totalement impraticable depuis octobre 2013. Ainsi, ils ne peuvent se prévaloir d'aucune aggravation de leurs préjudices depuis la date du jugement du 1er juillet 2014.
4. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité de la requête et la prescription, que la SCI " Le Moulin de ... " et M. A..... ne sont pas fondés à se plaindre que, par le jugement attaqué du 3 février 2023, le tribunal administratif de Lyon a rejeté leur demande.
Sur les conclusions présentées au titre de l'article R. 741-12 du code de justice administrative :
5. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire application des dispositions de l'article R. 741-12 du code de justice administrative, dont l'application constitue au surplus un pouvoir propre du juge. Par suite, les conclusions de la SARL du cabinet et Fils tendant à ce que les requérants soient condamnés sur le fondement de ces dispositions doivent, en tout état de cause, être rejetées.
Sur les conclusions tendant à l'application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative :
6. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce qu'une somme soit mise à la charge solidaire du SIVOM " syndicat d'eau potable ... ", de la SARL du cabinet et fils et du cabinet d'études Marc C... qui ne sont pas, dans la présente instance, parties perdantes. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de mettre à la charge solidaire de la SCI " Le Moulin de ... " et de M. A..... une somme de 1 500 euros au titre des frais exposés par la SARL du cabinet et fils.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la SCI " Le Moulin de ... " et de M. A..... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la SARL du cabinet et fils sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SCI " Le Moulin de ... ", à M. C... A....., au syndicat intercommunal à vocation multiple " syndicat d'eau potable ... ", à la commune de B..., au Cabinet d'études Marc C... et à la SARL du cabinet et fils.
Délibéré après l'audience du 4 novembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
Mme Vergnaud, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 21 novembre 2024.
La rapporteure,
E. Vergnaud
Le président,
F. Pourny
La greffière,
N. Lecouey
La République mande et ordonne au préfet de l'Ardèche, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
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N° 23LY01025