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07/11/2024 | FRANCE | N°23LY03902

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 07 novembre 2024, 23LY03902


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. A... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 8 février 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme a refusé de procéder au remboursement forfaitaire des dépenses électorales engagées dans le cadre des élections départementales de 2021 et les décisions du 16 mars 2022 par lesquelles elle a rejeté leur recours gracieux.



Par un jugement n° 2204499 du 19 octobre 2023, le tribunal admi

nistratif de Grenoble a annulé les décisions des 8 février et 16 mars 2022.





Procédure devant la ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. A... C... et Mme B... D... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler les décisions du 8 février 2022 par lesquelles la préfète de la Drôme a refusé de procéder au remboursement forfaitaire des dépenses électorales engagées dans le cadre des élections départementales de 2021 et les décisions du 16 mars 2022 par lesquelles elle a rejeté leur recours gracieux.

Par un jugement n° 2204499 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions des 8 février et 16 mars 2022.

Procédure devant la cour :

Par une requête présentée par le préfet de la Drôme et enregistrée le 18 décembre 2023, régularisée par un mémoire du ministre de l'intérieur enregistré le 1er octobre 2024, ce ministre demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2204499 du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de rejeter les conclusions à fin d'annulation de Mme B... D... et de M. A... C....

Le ministre de l'intérieur soutient que :

- il reprend à son compte les écritures présentées à tort par la préfète de la Drôme ;

- c'est à tort que le tribunal a estimé que le délai légal de dépôt de la déclaration de situation patrimoniale devait être majoré d'un délai de mise en demeure.

Par un mémoire en défense enregistré le 13 mars 2024, M. A... C... et Mme D..., représentés par Me Chambaret, concluent :

1°) au rejet de la requête ;

2°) à ce que la somme de 2 000 euros soit mise à la charge de l'Etat sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

M. C... et Mme D... soutiennent que :

- la requête est irrecevable faute pour le préfet d'avoir demandé, outre l'annulation du jugement, le rejet de leur demande ;

- subsidiairement, c'est à juste titre que le tribunal a jugé que le délai de dépôt n'était pas expiré en l'absence d'accomplissement d'une procédure d'injonction par le président de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique ;

- le dépôt de la déclaration de situation patrimoniale n'était pas tardif compte tenu de la date de notification de la délégation de fonctions dont Mme D... a bénéficié.

Un mémoire complémentaire, présenté pour M. C... et Mme D..., enregistré le 24 septembre 2024, n'a pas été communiqué, en l'absence d'éléments nouveaux utiles.

Un mémoire complémentaire, irrégulièrement présenté par le préfet de la Drôme le 30 septembre 2024, n'a pas été communiqué.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code électoral ;

- le code général des collectivités territoriales ;

- le code des relations entre le public et l'administration ;

- la loi n° 2013-907 du 11 octobre 2013 ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Chambaret, représentant M. C... et Mme D....

Une note en délibéré, produite pour M. C... et Mme D..., a été enregistrée le 22 octobre 2024.

Considérant ce qui suit :

1. Le binôme constitué, conformément aux dispositions de l'article L. 191 du code électoral, de Mme D... et de M. C..., a été élu aux élections départementales de juin 2021 dans le canton de Montélimar 1. La Commission nationale des comptes de campagne et des financements politiques (CNCCFP) a, par une décision du 26 janvier 2022, approuvé les comptes de campagne et fixé, en application des articles L. 52-15 et L. 52-11-1 du code précité, le montant forfaitaire de remboursement de ces dépenses à la somme de 11 650 euros. Par une décision du 8 février 2022, la préfète de la Drôme a refusé de procéder à ce remboursement au motif que la déclaration de situation patrimoniale de Mme D... n'avait pas été déposée dans le délai légal auprès de la Haute autorité pour la transparence de la vie publique (HATVP). Ce refus a été confirmé, sur recours gracieux, par décision du 16 mars 2022.

Sur la recevabilité de la requête :

2. Une requête d'appel qui se borne à demander l'annulation du jugement sans présenter de conclusions sur le fond du litige est irrecevable. Toutefois, en l'espèce si, par une maladresse de présentation le paragraphe récapitulatif placé à la fin de la requête se borne à demander l'annulation du jugement, il ressort de l'ensemble des écritures de la préfète de la Drôme, reprises par le ministre de l'intérieur, que cette requête expose le bien-fondé de la décision préfectorale et doit ainsi être regardée comme ayant, outre l'annulation du jugement, également demandé le rejet des conclusions à fin d'annulation de cette décision auxquelles le tribunal avait fait droit. La fin de non-recevoir opposée en défense et tirée de ce que la requête ne contiendrait aucune conclusion relative au fond du litige doit, en conséquence, être écartée.

Sur le moyen d'annulation retenu par le tribunal :

3. D'une part, aux termes de l'article L. 191 du code électoral : " Les électeurs de chaque canton du département élisent au conseil départemental deux membres de sexe différent, qui se présentent en binôme de candidats dont les noms sont ordonnés dans l'ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l'occasion de l'élection ". Aux termes de l'article L. 52-3-1 du même code, inséré dans le chapitre relatif au financement et au plafonnement des dépenses électorales : " Pour l'application du présent chapitre aux scrutins binominaux, les membres du binôme exercent les droits reconnus aux candidats et sont tenus aux obligations qui s'imposent à eux, de manière indissociable (...) ". Aux termes de l'article L. 52-11-1 du même code : " Les dépenses électorales des candidats aux élections auxquelles l'article L. 52-4 est applicable font l'objet d'un remboursement forfaitaire de la part de l'Etat égal à 47,5 % de leur plafond de dépenses. Ce remboursement ne peut excéder le montant des dépenses réglées sur l'apport personnel des candidats et retracées dans leur compte de campagne. / Le remboursement forfaitaire n'est pas versé aux candidats (...) qui n'ont pas déposé leur déclaration de situation patrimoniale dans le délai légal et pour le scrutin concerné, s'ils sont astreints à cette obligation (...) ".

4. D'autre part, aux termes de l'article 11 de la loi susvisée du 11 octobre 2013 : " I. - Adressent également au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique une déclaration de situation patrimoniale et une déclaration d'intérêts, établies dans les conditions prévues aux cinq premiers alinéas du I et aux II et III de l'article 4, dans les deux mois qui suivent leur entrée en fonctions : / (...) / 3° (...) les conseillers départementaux, (...) lorsqu'ils sont titulaires d'une délégation de fonction ou de signature, (...) du président du conseil départemental, (...) dans les conditions fixées par la loi. Les délégations de fonction ou de signature sont notifiées sans délai par l'exécutif de chaque collectivité territoriale ou établissement public de coopération intercommunale au président de la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique (...) / V. - Le V de l'article 4 et les articles 6 et 7 sont applicables aux personnes mentionnées au présent article (...) ".

5. Enfin, aux termes du paragraphe V de l'article 4 de la loi susvisée du 11 octobre 2013, qui concerne l'obligation de déclaration de situation patrimoniale incombant aux membres du gouvernement et auquel renvoie le texte cité au point précédent : " V. - Lorsque son président n'a pas reçu les déclarations de situation patrimoniale ou d'intérêts dans les délais prévus au I, la Haute Autorité pour la transparence de la vie publique adresse à l'intéressé une injonction tendant à ce qu'elles lui soient transmises dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'injonction (...) ".

6. Il ressort de l'ensemble de ces dispositions que, lorsqu'un conseiller départemental est astreint à déposer une déclaration de situation patrimoniale, il dispose à cet effet d'un délai légal de deux mois à compter de son entrée en fonctions. Les dispositions précitées de l'article L. 52-11-1 du code électoral sur le remboursement des dépenses électorales visent à inciter au respect de ce délai et à sanctionner son non-respect. Si, par ailleurs, les dispositions précitées du paragraphe V de l'article 4 de la loi du 11 octobre 2013, auxquelles renvoient les dispositions du paragraphe V de l'article 11 de la même loi, prévoient que le président de la HATVP adresse une injonction à la personne qui ne lui a pas transmis la déclaration en cause dans le délai légal, ces dispositions ne visent pas à modifier la durée de ce délai légal mais plutôt à assurer l'efficacité du contrôle assuré par cette haute autorité. Ainsi, c'est à tort que, pour annuler les décisions en litige de refus de remboursement, le tribunal s'est fondé sur ce que, pour l'application de l'article L. 52-11-1 du code électoral, le délai légal ne serait pas le délai de deux mois prévu par l'article 11 précité de la loi du 11 octobre 2013, mais serait un délai de computation différente, qui ne courrait pas en l'absence d'injonction du président de la HATVP et serait d'une durée majorée jusqu'à expiration du délai distinct imparti par cette injonction.

7. Il appartient toutefois à la cour, saisie de l'entier litige par l'effet dévolutif de l'appel, de statuer sur les autres moyens soulevés par Mme D... et M. C..., tant en première instance qu'en appel.

Sur les autres moyens d'annulation :

8. En premier lieu, l'autorité préfectorale a régulièrement indiqué les motifs de droit et de fait de ses décisions. La seule circonstance qu'elle n'ait pas précisé l'alinéa des articles cités est sans incidence utile, dès lors que le contenu de la règle était rappelé et que l'alinéa pertinent pouvait ainsi aisément être identifié dans le texte cité. La préfète de la Drôme, qui appliquait la loi, n'était par ailleurs pas tenue de viser une circulaire. Le moyen tiré du défaut de motivation doit, en conséquence, être écarté.

9. En deuxième lieu, la circonstance que la préfète de la Drôme n'aurait pas adressé un accusé réception des recours gracieux a pour seul effet de faire obstacle à ce que soit opposé le délai de recours contre une décision tacite de rejet. En revanche, cette circonstance est sans incidence utile sur la légalité des décisions préfectorales.

10. En troisième lieu, les dispositions précitées de l'article 11, 3° de la loi du 11 octobre 2013 prévoient que, pour les conseillers départementaux, l'obligation de déposer une déclaration de situation patrimoniale ne s'applique que s'ils sont titulaires d'une délégation de fonction ou de signature du président du conseil départemental. Ainsi, le délai de dépôt d'une telle déclaration ne court qu'à compter de la notification de cette délégation à l'intéressé, qui seule le met à même de connaître l'obligation de déclaration qui pèse sur lui. Le même article prévoit au demeurant que ces délégations, qui donnent naissance à l'obligation de dépôt, sont par ailleurs notifiées sans délai par l'exécutif de la collectivité au président de la HATVP pour que cette haute autorité en ait connaissance et puisse en assurer le contrôle. Il ressort en l'espèce des pièces du dossier que Mme D..., élue à l'issue du second tour des élections départementales de juin 2021, a bénéficié d'une délégation de fonctions qui lui a été notifiée le 16 juillet 2021 par remise en mains propres, ainsi que l'a établi la préfète de la Drôme en première instance en produisant une attestation de notification à cette date, signée de Mme D.... C'est dès lors à juste titre que la HATVP et la préfète de la Drôme ont estimé que le délai de deux mois pour déposer une déclaration de situation patrimoniale courait à partir de cette dernière date et expirait ainsi le 16 septembre 2021. Il est constant que la déclaration n'a pas été déposée dans ce délai, qui a dès lors été méconnu.

11. En dernier lieu, en appliquant les dispositions légales qui excluent le remboursement forfaitaire des dépenses de campagne si le délai de dépôt d'une déclaration de situation patrimoniale n'a pas été respecté, la préfète de la Drôme n'a en tout état de cause pas entaché sa décision d'erreur manifeste d'appréciation.

12. Il résulte de tout ce qui précède que le ministre de l'intérieur est fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a annulé les décisions de la préfète de la Drôme.

Sur les frais de l'instance :

13. L'Etat n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions présentées par Mme D... et M. C... sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées.

DECIDE :

Article 1er : Le jugement n° 2204499 du 19 octobre 2023 du tribunal administratif de Grenoble est annulé.

Article 2 : Les conclusions de première instance et d'appel de Mme D... et de M. C... sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié au ministre de l'intérieur, à M. A... C... et à Mme B... D.... Copie en sera adressée au préfet de la Drôme.

Délibéré après l'audience du 18 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

M. Gros, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 7 novembre 2024.

Le rapporteur,

H. Stillmunkes

Le président,

F. Pourny

La greffière,

N. Lecouey

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 23LY03902


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY03902
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

28-005-04 Élections et référendum. - Dispositions générales applicables aux élections. - Financement et plafonnement des dépenses électorales.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: M. Henri STILLMUNKES
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : CHAMBARET

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;23ly03902 ?
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