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07/11/2024 | FRANCE | N°22LY01571

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 5ème chambre, 07 novembre 2024, 22LY01571


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2019, à hauteur de 39 402 euros correspondant au montant total de la reprise du crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR) dont il avait bénéficié au titre de l'année 2018 ou, subsidiairement et à tout le moins, à hauteur de 21 350 euros correspondant à une minoration de cette reprise.
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Par un jugement n° 2007532 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de prononcer la réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2019, à hauteur de 39 402 euros correspondant au montant total de la reprise du crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR) dont il avait bénéficié au titre de l'année 2018 ou, subsidiairement et à tout le moins, à hauteur de 21 350 euros correspondant à une minoration de cette reprise.

Par un jugement n° 2007532 du 12 avril 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 18 mai 2022, M. A..., représenté par le cabinet CGC Avocats, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du tribunal administratif de Lyon du 12 avril 2022 ;

2°) de prononcer, à titre principal, la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2019, à hauteur de 39 402 euros ou, subsidiairement, à hauteur de 21 350 euros ;

3°) de mettre à la charge de l'Etat une somme de 4 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- selon la doctrine administrative BOI-IR-PAS-50-10-20-30 n° 140, dès lors que le contribuable peut justifier que ses rémunérations au titre des années 2018 et 2019 constituent des rémunérations normales au regard de ses performances, indépendamment de toute considération liée à l'année " blanche ", il doit pouvoir bénéficier du CIMR ; l'administration a commis une erreur de droit en remettant partiellement en cause ce bénéfice au motif que la différence de rémunération ne provenait pas d'un changement de fonctions ou de circonstances économiques particulières, alors que ces hypothèses ne sont citées qu'à titre d'exemple par la doctrine ;

- son chiffre d'affaires a baissé malgré une pratique accrue, compte tenu de l'aléa inhérent au jeu de poker ;

- ses charges ont augmenté au cours de la deuxième année de vie de son entreprise du fait de l'augmentation significative des cotisations versées à l'URSSAF et à la CIPAV ;

- subsidiairement, la remise en cause du CIMR devrait être limitée à la fraction de rémunération de l'année 2018 excédant 62 % du chiffre d'affaires de l'entreprise.

Par un mémoire en défense enregistré le 15 décembre 2022, le ministre de l'économie, des finances, et de la souveraineté industrielle et numérique conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que la requête de M. A... n'est pas fondée.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général des impôts et le livre des procédures fiscales ;

- la loi n° 2016-1917 du 29 décembre 2016 ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vinet, présidente-assesseure,

- et les conclusions de Mme Le Frapper, rapporteure publique.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... exerce une activité professionnelle individuelle de joueur de poker en nom propre au sein de l'entreprise individuelle à responsabilité limitée (EIRL) qu'il a créée le 5 mars 2018 et pour laquelle il a opté pour le régime de l'impôt sur les sociétés. Il a perçu en qualité de gérant qui contrôle cette société une rémunération imposable sur le revenu d'un montant de 228 869 euros en 2018. Cette rémunération ayant été considérée comme non exceptionnelle dans sa totalité, il a bénéficié à ce titre d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement (CIMR) d'un montant de 77 202 euros, dans le cadre de la mise en place du prélèvement à la source. Toutefois, sa rémunération au titre de l'année 2019 a été inférieure de 106 170 euros à celle de l'année 2018. L'administration fiscale a remis en cause en conséquence la part du CIMR correspondant à la différence entre ces rémunérations, soit une somme de 39 402 euros qui est venue majorer le montant de l'impôt sur le revenu au titre de l'année 2019, établi en 2020 et mis en recouvrement le 31 juillet 2020. Après le rejet de sa réclamation, M. A... a saisi le tribunal administratif de Lyon d'une demande tendant à la réduction des cotisations d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2019 à hauteur de la totalité, ou subsidiairement d'une fraction, de la part de CIMR ainsi remis en cause. Il relève appel du jugement par lequel le tribunal administratif a rejeté sa demande.

Sur l'application de la loi fiscale :

2. Aux termes de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 : " (...) / II. A. - Les contribuables bénéficient, à raison des revenus non exceptionnels entrant dans le champ du prélèvement mentionné à l'article 204 A du code général des impôts, tel qu'il résulte de la présente loi, perçus ou réalisés en 2018, d'un crédit d'impôt modernisation du recouvrement destiné à assurer, pour ces revenus, l'absence de double contribution aux charges publiques en 2019 au titre de l'impôt sur le revenu. / B. - Le crédit d'impôt prévu au A du présent II est égal au montant de l'impôt sur le revenu dû au titre de l'année 2018 résultant de l'application des règles prévues aux 1 à 4 du I de l'article 197 du code général des impôts ou, le cas échéant, à l'article 197 A du même code multiplié par le rapport entre les montants nets imposables des revenus non exceptionnels mentionnés au 1 de l'article 204 A dudit code, les déficits étant retenus pour une valeur nulle, et le revenu net imposable au barème progressif de l'impôt sur le revenu, hors déficits, charges et abattements déductibles du revenu global. (...) / C. - Sont pris en compte au numérateur du rapport prévu au B du présent II, pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A, les montants nets imposables suivant les règles applicables aux salaires, aux pensions ou aux rentes viagères (...). / (...) F. - 1. Les montants nets imposables suivant les règles applicables aux salaires perçus dans les conditions mentionnées au 2 du présent F à retenir au numérateur du rapport prévu au B du présent II pour le calcul du crédit d'impôt prévu au A, après application du C, sont retenus dans la limite du plus faible des deux montants suivants : 1° Leur montant net imposable au titre de l'année 2018 ; 2° Le plus élevé de ces revenus imposables au titre des années 2015,2016 ou 2017. / 2. Les dispositions du 1 du présent F sont applicables : 1° Aux rémunérations perçues par les personnes qui, au sens des a et c du 2° du III de l'article 150-0 B ter du code général des impôts, contrôlent en 2018 la société qui les leur verse au cours de cette même année ; (...) / 3. Ces dispositions ne s'appliquent pas lorsque l'année 2018 constitue la première année au titre de laquelle les personnes concernées perçoivent des rémunérations mentionnées au 2. / Toutefois, lorsque les rémunérations perçues en 2019 par ces personnes, majorées le cas échéant de leurs autres traitements et salaires, de leurs bénéfices relevant des catégories mentionnées au 1 du E du présent II et de leurs autres revenus de gérants et associés mentionnés à l'article 62 du code général des impôts imposables au titre de cette même année, sont inférieures à celles perçues en 2018 de la même société, majorées le cas échéant de ces mêmes autres revenus réalisés en 2018, le bénéfice du crédit d'impôt est remis en cause à hauteur de la différence constatée, dans la limite de la différence, lorsqu'elle est positive, entre les rémunérations perçues en 2018 et celles perçues en 2019. ".

3. Il résulte de l'instruction que M. A..., en qualité de gérant de la société qu'il contrôle, a perçu en 2019 une rémunération inférieure à celle qu'il avait perçue de la même société en 2018. En application des dispositions du deuxième paragraphe du 3 du F du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 de finances pour 2017 précité, le crédit d'impôt dont il avait bénéficié a ainsi été remis en cause à hauteur de la différence constatée entre ces deux rémunérations. Ces dispositions ne prévoyant aucune exception, M. A... n'est pas fondé à obtenir, sur le terrain de la loi fiscale, qu'il n'invoque d'ailleurs pas, une réduction des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2019, consécutives à cette remise en cause.

Sur l'application de la doctrine :

4. M. A... doit être regardé comme demandant l'application de la documentation administrative référencée BOI IR PAS 50 10 20 30 n°200 sur le fondement de l'article L. 80 A du livre des procédures fiscales. Selon cette documentation, qui concerne la remise en cause du CIMR prévue au 3 du F du II de l'article 60 de la loi du 29 décembre 2016 : " Il est admis que ce cas de remise en cause ne s'applique pas lorsque le contribuable peut justifier de la diminution, entre 2018 et 2019, de la rémunération perçue par la société qu'il contrôle par une évolution objective des responsabilités qu'il a exercées ou une rémunération normale de ses performances au sein de cette société en 2018 (par référence au III-A-2-c § 130 et 140) et que la diminution de cette même rémunération en 2019 est justifiée. ". Le n° 130 de cette même documentation précise que : " le contribuable peut demander par voie de réclamation contentieuse, la restitution de la fraction de CIMR correspondant à la différence entre le CIMR qui aurait été accordé en l'absence de plafonnement et le CIMR accordé en raison du plafonnement ou accordé, le cas échéant, après application de la règle prévue au III-2-b § 120 à condition de justifier : / - d'une part, que la hausse des rémunérations perçues en 2018 par rapport à celles perçues de la même société les trois années précédentes correspond à une évolution objective des responsabilités exercées ou à la rémunération normale de performances au sein de la société en 2018 ; / - et, d'autre part, que la diminution de cette même rémunération en 2019 est également justifiée ", et le n° 140 de cette documentation précise que : " pour l'application de ces dispositions, il importe de fournir des éléments de preuves pertinents résultant de circonstances objectives, aussi bien en 2018 qu'en 2019. / Ces événements peuvent être liés, par exemple, à un changement de fonctions ou de responsabilités exercées au sein de la société concernée sur la période considérée ou encore à une variation du résultat du fait de circonstances économiques particulières. / La justification de ces situations doit être apportée par tous moyens. Il peut notamment s'agir, selon le cas, d'un avenant au contrat de travail ou au mandat social, d'une décision ou d'un procès-verbal d'assemblée générale, ou de documents comptables ou contractuels. / En l'absence d'éléments tangibles permettant de démontrer le caractère objectif du surcroît de rémunération en 2018 par rapport à 2019 et aux années 2015 à 2017, le contribuable ne pourra pas bénéficier de la restitution de la fraction de CIMR. ".

5. Il résulte de l'instruction que, si les gains nets de poker de M. A... sont passés de 270 347,83 euros en 2018 à 158 987,34 euros en 2019, malgré une pratique accrue, il ne produit aucun élément pertinent résultant de circonstances objectives pour justifier les arbitrages qu'il a opérés au titre de ces deux années s'agissant de la fixation de sa rémunération et de la détermination du montant de ses charges, notamment l'établissement de provisions sur les charges dont le principe et le montant pouvaient d'ores et déjà être prévus en 2018. La seule circonstance que les gains au poker présenteraient un caractère aléatoire ne permet ni de regarder la rémunération qu'il s'est versée en 2018 comme représentant une rémunération normale de ses performances, ni la diminution de cette rémunération en 2019 comme étant justifiée, au sens et pour l'application des dispositions précitées de la documentation administrative. Par ailleurs, les éléments exposés par l'intéressé à l'appui de ses allégations concernant la situation de la trésorerie de la société ou les charges qu'elle devait supporter en 2018 et 2019, ne permettent pas d'établir l'existence d'une circonstance économique particulière au sens de la documentation administrative précitée. Enfin, il ne se prévaut d'aucune évolution de ses fonctions. Par conséquent, à défaut de se prévaloir d'éléments pertinents résultant de circonstances objectives, il n'est pas fondé à demander la réduction, à hauteur de la fraction de CIMR remise en cause, soit 39 402 euros, des cotisations primitives d'impôt sur le revenu auxquelles il a été assujetti au titre de l'année 2019. Pour les mêmes motifs, M. A... n'étant pas en mesure de justifier du montant de rémunération normale qui aurait dû être le sien tant en 2018 qu'en 2019, il n'est pas fondé à demander la réduction partielle de ces mêmes cotisations en se référant à la part que sa rémunération représentait dans le chiffre d'affaires de son entreprise en 2019.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Il suit de là que sa requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie.

Délibéré après l'audience du 17 octobre 2024, à laquelle siégeaient :

Mme Michel, présidente de chambre,

Mme Vinet, présidente-assesseure,

M. Moya, premier conseiller.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 7 novembre 2024.

La rapporteure,

C. VinetLa présidente,

C. Michel

La greffière,

F. Bossoutrot

La République mande et ordonne au ministre de l'économie, des finances et de l'industrie en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 22LY01571

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 5ème chambre
Numéro d'arrêt : 22LY01571
Date de la décision : 07/11/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu.

Contributions et taxes - Impôts sur les revenus et bénéfices - Règles générales - Impôt sur le revenu - Établissement de l'impôt - Réductions et crédits d`impôt.


Composition du Tribunal
Président : Mme MICHEL
Rapporteur ?: Mme Camille VINET
Rapporteur public ?: Mme LE FRAPPER
Avocat(s) : Cabinet CGC Avocats

Origine de la décision
Date de l'import : 17/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-07;22ly01571 ?
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