Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
M. C... a demandé au tribunal administratif de Grenoble d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 par lequel le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination.
Par un jugement n° 2302453 du 10 août 2023, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 4 décembre 2023, M. A..., représenté par Me Marcel, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 10 août 2023 ;
2°) d'annuler l'arrêté du 22 novembre 2022 ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère de lui délivrer un titre de séjour portant la mention " vie privée et familiale " ou " salarié " ou " travailleur temporaire " ou " artisan ", sous astreinte de 200 euros par jour de retard, et, à défaut, de réexaminer sa situation, dans un délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 200 euros par jour de retard, en lui délivrant dans l'attente une autorisation provisoire de séjour l'autorisant à travailler ;
4°) de mettre à la charge de l'État le versement à son conseil d'une somme de 1 200 euros au titre des dispositions combinées de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Il soutient que :
En ce qui concerne la décision portant refus de séjour :
- elle est insuffisamment motivée ;
- elle a été adoptée à l'issue d'une procédure irrégulière, la commission du titre de séjour n'ayant pas été consultée avant l'édiction du refus de titre de séjour, en méconnaissance de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elle est entachée d'une erreur de fait en ce qui concerne sa date de première entrée en France ;
- elle porte une atteinte disproportionnée à son droit au respect de la vie privée et familiale et méconnaît les dispositions de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile et les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, eu égard à l'ancienneté de sa présence en France et à son intégration professionnelle ;
- le préfet n'a pas procédé à un examen réel de sa situation professionnelle ;
- elle méconnaît les dispositions de l'article L. 421-1 à L. 421-5 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, eu égard à son intégration professionnelle ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle ;
En ce qui concerne la décision portant obligation de quitter le territoire français :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant refus de titre de séjour ;
- elle méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
En ce qui concerne la décision fixant le pays de destination :
- elle est illégale, par voie d'exception, du fait de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français ;
- elle est entachée d'une erreur manifeste dans l'appréciation de ses conséquences sur sa situation personnelle.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère, qui n'a pas présenté d'observations.
Par ordonnance du 14 mars 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 8 avril 2024.
M. A... a été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 8 novembre 2023.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- le code des relations entre le public et l'administration ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 relative à l'aide juridique ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.
Le rapport de Mme Maubon, première conseillère, a été entendu au cours de l'audience publique.
Considérant ce qui suit :
1. M. A..., ressortissant ivoirien né le 26 juin 1977 à Treichville-Abidjan (Côte-d'Ivoire), déclare être entré en France irrégulièrement en 2006, puis régulièrement le 29 juin 2021, sous couvert d'un visa de long séjour en qualité de conjoint d'une ressortissante française valable du 11 juin 2021 au 11 juin 2022. Le 8 avril 2022, il a sollicité la délivrance d'un titre de séjour. Par un arrêté du 22 novembre 2022, le préfet de l'Isère a refusé de lui délivrer ce titre de séjour, l'a obligé à quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination. M. A... relève appel du jugement du 10 août 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.
2. En premier lieu, la décision du 22 novembre 2022 par laquelle le préfet de l'Isère a rejeté la demande de titre de séjour présentée par M. A... mentionne les dispositions du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile dont il est fait application ainsi que la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, indique les différents motifs du refus, opposés sur chacun des fondements examinés, permettant ainsi à l'intéressé d'en discuter utilement, et fait référence de manière précise et circonstanciée à la situation personnelle du demandeur. Elle comporte par suite l'énoncé des éléments de droit et de fait qui en constituent le fondement et satisfait dès lors aux exigences de motivation résultant des dispositions des articles L. 211-2 et suivants du code des relations entre le public et l'administration. Le moyen tiré de l'insuffisance de motivation doit donc être écarté.
3. En deuxième lieu, aux termes de l'article L. 432-13 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Dans chaque département est instituée une commission du titre de séjour qui est saisie pour avis par l'autorité administrative : / 1° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer ou de renouveler la carte de séjour temporaire prévue aux articles L. 423-1 (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / 2° Lorsqu'elle envisage de refuser de délivrer la carte de résident (...) à un étranger qui en remplit effectivement les conditions de délivrance ; / (...) / 4° Dans le cas prévu à l'article L. 435-1. " Aux termes de l'article L. 435-1 du même code : " L'étranger dont l'admission au séjour répond à des considérations humanitaires ou se justifie au regard des motifs exceptionnels qu'il fait valoir peut se voir délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " salarié ", " travailleur temporaire " ou " vie privée et familiale ", sans que soit opposable la condition prévue à l'article L. 412-1. / Lorsqu'elle envisage de refuser la demande d'admission exceptionnelle au séjour formée par un étranger qui justifie par tout moyen résider habituellement en France depuis plus de dix ans, l'autorité administrative est tenue de soumettre cette demande pour avis à la commission du titre de séjour prévue à l'article L. 432-14. / (...) ".
4. Il ressort des pièces du dossier que la demande de titre de séjour de M. A... présentée le 8 avril 2022 tendait à la délivrance d'un titre de séjour en qualité de salarié ou en qualité de conjoint de français. M. A... n'ayant pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 435-1 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'a pas été examiné par le préfet. Le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article en ce que la commission du titre de séjour n'a pas été saisie préalablement, doit par suite être écarté comme inopérant.
5. En troisième lieu, M. A... produit de nombreuses pièces portant sur sa présence sur le territoire français depuis plusieurs années, notamment entre 2008 et 2018, mais il ne produit aucun document de nature à établir qu'il résidait habituellement en France entre le 4 mai 2018, date de dépôt d'une demande de titre de séjour auprès de la préfecture des Hauts-de-Seine, et le 29 juin 2021, date du tampon de retour sur le territoire français apposé sur son passeport, dans la mesure où le courrier de la préfecture du 15 décembre 2018 non adressé, les avis d'imposition sur les revenus ou encore un tampon de sortie du territoire français le 3 avril 2021 ne peuvent être regardés comme établissant sa présence en France durant ces périodes. Dans ces conditions la mention de l'arrêté selon laquelle M. A... " n'a qu'une brève durée de séjour en France, puisqu'il y est entré il y a un an et quatre mois, à l'âge de quarante-trois ans ", n'est pas entachée d'erreur de fait, le préfet s'étant placé au 29 juin 2021, date de sa dernière entrée en France et date déclarée par l'intéressé lors du dépôt de sa demande, pour apprécier la durée de sa présence en France.
6. En quatrième lieu, il ressort des pièces du dossier que M. A... n'a pas sollicité de titre de séjour sur le fondement de l'article L. 423-23 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile, qui n'a pas été examiné par le préfet. Dès lors, le moyen tiré de la méconnaissance des dispositions de cet article doit être écarté comme inopérant.
7. En cinquième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. / 2. Il ne peut y avoir ingérence d'une autorité publique dans l'exercice de ce droit que pour autant que cette ingérence est prévue par la loi et qu'elle constitue une mesure qui, dans une société démocratique, est nécessaire à la sécurité nationale, à la sûreté publique, au bien-être économique du pays, à la défense de l'ordre et à la prévention des infractions pénales, à la protection de la santé ou de la morale, ou à la protection des droits et libertés d'autrui. ".
8. M. A... fait état de ce que sa vie privée et familiale se situe en France, où il affirme être présent depuis 2007, travailler et avoir créé son entreprise. Toutefois, il ressort des pièces du dossier que M. A..., qui ne produit pas de pièces probantes de sa présence habituelle en France avant avril 2008 ni, ainsi qu'il a été dit, entre mai 2018 et juin 2021, n'a été autorisé à séjourner en France qu'entre juin 2021 et juin 2022 en qualité de conjoint de français, qualité dont il ne peut plus se prévaloir depuis la séparation d'avec son épouse, dont il ne conteste pas qu'elle est intervenue le 26 octobre 2021 dans un contexte de violences. Il s'est maintenu plusieurs années en situation irrégulière sur le territoire français. S'il justifie avoir suivi une formation professionnalisante du 22 novembre 2021 au 1er juillet 2022 et avoir obtenu le titre professionnel de maçon en juillet 2022 et avoir créé sa micro-entreprise de maçonnerie en octobre 2022, ces éléments d'intégration professionnelle étaient très récents à la date de la décision attaquée, le 22 novembre 2022. La circonstance qu'il a été convoqué pour signer un contrat d'intégration républicaine, conclu le 13 juin 2023, est postérieure à la décision contestée. Si M. A... se prévaut de la présence en France de sa sœur et de son frère de nationalité française, il ne justifie pas entretenir de liens étroits avec eux. Célibataire et sans charge de famille, M. A... a conservé des liens familiaux dans son pays d'origine, où il a vécu jusqu'à l'âge de vingt-neuf ans au moins et où résident encore ses parents. En outre, il a été condamné par un jugement du 7 juillet 2022 du tribunal correctionnel de Grenoble à des peines d'amendes pour violences sur son épouse et les enfants de celle-ci. Dans ces circonstances, et en admettant même que M. A... dispose de perspectives d'intégration professionnelle et d'attaches personnelles en France, la décision de refus de séjour ne porte pas à son droit au respect de la vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des buts en vue desquels elle a été prise. Le moyen tiré de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales doit, dès lors, être écarté.
9. En sixième lieu, il ressort des pièces du dossier que le préfet a rejeté la demande de délivrance d'un titre de séjour portant la mention " salarié " de M. A... en se fondant sur trois motifs : d'une part, le fait que la promesse d'embauche en contrat d'intérim présentée n'était pas valable en raison de son imprécision sur de nombreux points, d'autre part, le constat que la formation de M. A... en qualité de maçon était terminée et enfin, " en tout état de cause ", le fait que l'intéressé n'était pas en mesure de présenter un contrat de travail visé par l'autorité administrative. Il ne ressort pas des pièces du dossier que, ce faisant, le préfet ne se serait pas livré à un examen sérieux des éléments qui avaient été portés à sa connaissance. En se bornant à soutenir, en rappelant qu'il est entré régulièrement en France, qu'il dispose d'une expérience en charpente, diagnostic et maçonnerie, qu'il a obtenu un titre professionnel de maçon, qu'il a été employé pour effectuer des missions en intérim et qu'il a créé son entreprise en France, que sa situation professionnelle est " stable ", M. A... ne conteste pas utilement le motif de refus principal opposé à sa demande, tiré de l'absence de promesse d'embauche précise. La circonstance qu'il aurait été dispensé de solliciter une autorisation de travail durant la durée de validité de son visa de long séjour en France est sans incidence sur la légalité de la décision, qui est fondée à titre principal sur l'absence de promesse d'embauche précise et l'absence de formation en cours à la date de la décision attaquée. Ainsi, les moyens tirés du défaut d'examen et de l'erreur d'appréciation de la situation professionnelle de M. A... doivent être écartés.
10. En septième lieu, les éléments dont fait état M. A..., rappelés aux points précédents et tirés principalement de ses efforts d'intégration, ne sont pas suffisants pour constituer des circonstances particulières de nature à entacher la décision refusant de lui délivrer un titre de séjour d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
11. En huitième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision de refus de titre de séjour. Par suite, il n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français par voie de conséquence de l'illégalité de la décision de refus de titre de séjour.
12. En neuvième lieu, le moyen tiré de la méconnaissance de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, doit être écarté par les mêmes motifs que ceux exposés au point 8 en ce qui concerne la décision de refus de titre de séjour, M. A... ne faisant valoir aucune circonstance particulière distincte à l'encontre de la décision d'éloignement.
13. En dixième lieu, il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à demander l'annulation de la décision portant obligation de quitter le territoire français. Par suite, il n'est pas fondé à solliciter l'annulation de la décision fixant le pays de destination par voie de conséquence de l'illégalité de la décision portant obligation de quitter le territoire français.
14. En dernier lieu, les circonstances dont fait état M. A..., tirées de ses efforts d'intégration en France et de l'absence de toute perspective professionnelle en Côte d'Ivoire, ne sont pas suffisantes pour constituer des circonstances particulières de nature à entacher la décision fixant le pays de destination d'une erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur sa situation personnelle.
Sur les conclusions à fin d'injonction et d'astreinte :
15. Le présent jugement, qui rejette les conclusions aux fins d'annulation présentées par M. A..., n'implique aucune mesure d'exécution. Il y a donc lieu de rejeter ses conclusions à fin d'injonction et d'astreinte.
Sur les frais liés au litige :
16. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991 font obstacle à ce que soit mise à la charge de l'État, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que l'avocate de M. A... demande sur le fondement de ces dispositions.
D É C I D E :
Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au ministre de l'intérieur.
Copie sera adressée pour information au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 11 octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Agathe Duguit-Larcher, présidente-assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.
La rapporteure,
G. MaubonLa présidente,
M. D...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition conforme,
La greffière,
N° 23LY03743 2