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05/11/2024 | FRANCE | N°23LY01641

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 1ère chambre, 05 novembre 2024, 23LY01641


Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure



Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2022 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour en France d'un an.



Par un jugement n° 2209268 du 13 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif

a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 12 mai 2...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

Mme B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2022 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a prononcé à son encontre une interdiction de retour en France d'un an.

Par un jugement n° 2209268 du 13 avril 2023, le magistrat désigné par le président du tribunal administratif a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 12 mai 2023, Mme A..., représentée par Me Thinon, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement du 13 avril 2023 ;

2°) d'annuler l'arrêté du 17 novembre 2022 par lequel la préfète de la Loire a refusé de lui délivrer un titre de séjour, l'a obligée à quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination, et a prononcé à son encontre une interdiction de retour en France d'un an ;

3°) d'enjoindre à la préfète de la Loire, selon le motif d'annulation qui sera retenu, de lui délivrer un titre de séjour et, à défaut de réexaminer sa situation, en lui délivrant, dans l'attente, une autorisation provisoire de séjour, dans le délai d'un mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir, sous astreinte de 100 euros par jour de retard.

Elle soutient que :

La décision portant refus de titre de séjour :

- méconnaît les dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

La décision portant obligation de quitter le territoire français :

- est illégale en raison de l'illégalité du refus de titre de séjour ;

- méconnaît les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- est entachée d'une erreur manifeste d'appréciation ;

La décision portant interdiction de retour sur le territoire français :

- est insuffisamment motivée ;

- méconnaît les dispositions des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

La requête a été communiquée à la préfète de la Loire, qui n'a pas présenté d'observations.

Par ordonnance du 13 août 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 19 septembre 2024.

Mme A... a été admise au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 27 septembre 2023.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;

- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;

- le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

La présidente de la formation de jugement a dispensé la rapporteure publique, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience.

Après avoir entendu au cours de l'audience publique, le rapport de Mme Mehl-Schouder, présidente-rapporteure.

Considérant ce qui suit :

1. Mme A..., née le 20 juillet 1985 à Tirana et de nationalité albanaise, a sollicité, à la suite du rejet de sa demande d'asile par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 5 août 2021, son admission au séjour, sur le fondement des dispositions de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Par un arrêté du 17 novembre 2022, la préfète de la Loire a rejeté cette demande, lui a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours, a fixé le pays de destination et a assorti sa décision d'une interdiction de retour sur le territoire français pendant un an. Mme A... relève appel du jugement du 13 avril 2023 par lequel le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à l'annulation de cet arrêté.

Sur le refus de titre de séjour :

2. En premier lieu, aux termes de l'article L. 425-9 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. (...) ". Aux termes de l'article L. 425-10 du même code : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. (...). Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9 ".

3. Sous réserve des cas où la loi attribue la charge de la preuve à l'une des parties, il appartient au juge administratif, au vu des pièces du dossier, et compte tenu, le cas échéant, de l'abstention d'une des parties à produire les éléments qu'elle est seule en mesure d'apporter et qui ne sauraient être réclamés qu'à elle-même, d'apprécier si l'état de santé d'un étranger nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité, sous réserve de l'absence d'un accès effectif à un traitement approprié dans le pays de renvoi. La partie qui justifie d'un avis du collège de médecins de l'Office français de l'immigration et de l'intégration (OFII) qui lui est favorable doit être regardée comme apportant des éléments de fait susceptibles de faire présumer l'existence ou l'absence d'un état de santé de nature à justifier la délivrance ou le refus d'un titre de séjour. Dans ce cas, il appartient à l'autre partie, dans le respect des règles relatives au secret médical, de produire tous éléments permettant d'apprécier l'état de santé de l'étranger et, le cas échéant, l'existence ou l'absence d'un traitement approprié dont il peut effectivement bénéficier dans le pays de renvoi. La conviction du juge, à qui il revient d'apprécier si l'état de santé d'un étranger justifie la délivrance d'un titre de séjour dans les conditions ci-dessus rappelées, se détermine au vu de ces échanges contradictoires. En cas de doute, il lui appartient de compléter ces échanges en ordonnant toute mesure d'instruction utile.

4. Pour refuser la délivrance du titre de séjour sollicité, la préfète de la Loire s'est fondée sur l'avis du 16 août 2022 du collège de médecins de l'OFII, selon lequel, si l'état de santé du fils de l'intéressée, né le 1er avril 2015, nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner des conséquences d'une exceptionnelle gravité, il peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé en Albanie, bénéficier effectivement d'un traitement approprié. Il ressort des pièces du dossier que le fils de Mme A... connaît un retard de développement global, qui pourrait résulter d'une anomalie génétique du gène shox, et d'une épilepsie initialement traitée en Albanie par Depakine jusqu'à l'arrêt spontané de ce traitement par les parents, et désormais traitée par les médicaments Lamictal et Zarontin, dont il n'est pas soutenu qu'ils ne seraient pas disponibles en Albanie. L'enfant de Mme A... a également débuté, en août 2022, un traitement quotidien par hormone de croissance sous la forme d'Omnitrope, tel que cela ressort de l'ordonnance du 14 décembre 2022. En se bornant à produire des messages qu'elle aurait échangés avec un pharmacien en Albanie, desquels il ne ressort au demeurant pas que les médicaments prescrits à son fils ne seraient pas disponibles dans son pays d'origine, et en faisant état de la situation actuelle en Albanie, Mme A... n'apporte pas d'éléments suffisants pour remettre en cause l'appréciation portée par le collège de médecins de l'OFII sur l'accessibilité effective aux soins requis. Dans ces conditions, en refusant de l'admettre au séjour, la préfète de la Loire n'a pas méconnu l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile.

5. En deuxième lieu, aux termes de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales : " 1. Toute personne a droit au respect de sa vie privée et familiale, de son domicile et de sa correspondance. (...) ".

6. Mme A..., dont la présence en France était récente à la date de l'arrêté en litige, réside avec son conjoint, lequel est en situation irrégulière depuis le 7 avril 2021, et ses deux enfants nés en 2012 et 2015. Elle n'est pas dépourvue d'attaches familiales dans son pays d'origine, où elle a résidé jusqu'à l'âge de trente-cinq ans, et elle ne justifie d'aucune insertion socio-professionnelle. Dans ces conditions, en refusant la délivrance d'un titre de séjour à Mme A..., la préfète de la Loire n'a pas porté à son droit au respect de sa vie privée et familiale une atteinte disproportionnée au regard des motifs de son refus et des buts poursuivis. Elle n'a donc pas méconnu les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales. Pour les mêmes motifs, elle n'a pas commis d'erreur manifeste dans l'appréciation des conséquences de cette décision sur la situation personnelle de la requérante.

Sur l'obligation de quitter le territoire français :

7. En premier lieu, il résulte de ce qui précède que le moyen tiré de l'illégalité, par voie d'exception, de la décision de refus de titre de séjour, soulevé à l'encontre de la décision portant obligation de quitter le territoire français, n'est pas fondé et doit, par suite, être écarté.

8. En second lieu, pour les mêmes motifs que ceux énoncés au point 6, les moyens tirés de la méconnaissance des stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales et de l'erreur manifeste d'appréciation ne peuvent qu'être écartés.

Sur la décision d'interdiction de retour sur le territoire français :

9. La requérante reprend en appel les moyens, déjà soulevés en première instance, tirés de l'insuffisante motivation de la décision en litige et de la méconnaissance des articles L. 612-8 et L. 612-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile. Il y a lieu d'écarter ces moyens par adoption des motifs retenus par le premier juge.

10. Il résulte de ce qui précède que Mme A... n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le magistrat désigné du tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande. Par voie de conséquence, ses conclusions aux fins d'injonction sous astreinte doivent également être rejetées.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de Mme A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à Mme B... A... et au ministre de l'intérieur.

Copie sera adressée à la préfète de la Loire.

Délibéré après l'audience du 11 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,

Mme Agathe Duguit-Larcher, présidente-assesseure,

Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 5 novembre 2024.

La présidente-rapporteure,

M. Mehl-Schouder La présidente-assesseure,

A. Duguit-Larcher

La greffière,

F. Prouteau

La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne et à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

N° 23LY01641 2


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 1ère chambre
Numéro d'arrêt : 23LY01641
Date de la décision : 05/11/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

335-01 Étrangers. - Séjour des étrangers.


Composition du Tribunal
Président : Mme MEHL-SCHOUDER
Rapporteur ?: Mme Monique MEHL-SCHOUDER
Rapporteur public ?: Mme DJEBIRI
Avocat(s) : SELARL AD JUSTITIAM

Origine de la décision
Date de l'import : 24/11/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-11-05;23ly01641 ?
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