Vu la procédure suivante :
Procédures contentieuses antérieures
M. et Mme A... et D... C... ont demandé au tribunal administratif de Grenoble, chacun en ce qui les concerne, d'annuler les arrêtés du 16 juin 2023 par lesquels le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, leur a fait obligation de quitter le territoire français dans un délai de trente jours et a fixé le pays de destination en cas d'exécution d'office de ces mesures d'éloignement.
Par un jugement nos 2305391-2305392 du 19 octobre 2023, le tribunal administratif de Grenoble a joint et rejeté ces demandes.
Procédure devant la cour
Par une requête et un mémoire, enregistrés les 17 novembre 2023 et 8 janvier 2024, M. et Mme C..., représentés par Me Combes, demandent à la cour :
1°) d'annuler ce jugement ;
2°) d'annuler ces arrêtés ;
3°) d'enjoindre au préfet de l'Isère, d'une part, de délivrer à chacun un titre de séjour dans un délai d'un mois à compter de l'arrêt à intervenir et, dans l'attente et dans un délai d'une semaine, une autorisation provisoire de séjour, sous astreinte de 100 euros par jour de retard et, d'autre part, de procéder à l'effacement de leur signalement sur le système d'information Schengen ;
4°) de mettre à la charge de l'Etat la somme de 1 200 euros à verser à leur conseil en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative et de l'article 37 de la loi du 10 juillet 1991.
Ils soutiennent que :
- les décisions de refus de titre de séjour méconnaissent l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- elles méconnaissent le 1 de l'article 3 de la convention internationale des droits de l'enfant ;
- les obligations de quitter le territoire français méconnaissent les stipulations de l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
La requête a été communiquée au préfet de l'Isère qui n'a pas produit d'observations.
M. et Mme C... ont été admis au bénéfice de l'aide juridictionnelle totale par une décision du 20 décembre 2023.
Vu :
- la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales ;
- la convention internationale des droits de l'enfant signée à New York le 26 janvier 1990 ;
- le code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile ;
- la loi n° 91-647 du 10 juillet 1991 ;
- le code de justice administrative ;
La présidente de la formation de jugement ayant dispensé le rapporteur public, sur sa proposition, de prononcer des conclusions à l'audience ;
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique le rapport B... Moya, rapporteur.
Considérant ce qui suit :
1. M. et Mme C..., ressortissants du Kosovo, sont entrés en France le 17 septembre 2021 avec leur fils né en 2019. Leurs demandes d'asile ont été rejetées par l'Office français de protection des réfugiés et apatrides le 28 février 2022 puis par la Cour nationale du droit d'asile le 3 juin 2022. Leur fille, née en France en 2021, a été victime d'un grave traumatisme crânien à la suite d'une chute. Ils ont sollicité la délivrance d'un titre de séjour en qualité de parent accompagnant d'enfant malade. Par deux arrêtés du 16 juin 2023, le préfet de l'Isère a refusé de leur délivrer un titre de séjour, les a obligés à quitter le territoire français dans un délai de 30 jours et a fixé le pays de renvoi. Ils relèvent appel du jugement du 19 octobre 2023 par lequel le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes tendant à l'annulation de ces arrêtés.
2. Aux termes de l'article L. 425-10 du code de l'entrée et du séjour des étrangers et du droit d'asile : " Les parents étrangers de l'étranger mineur qui remplit les conditions prévues à l'article L. 425-9, ou l'étranger titulaire d'un jugement lui ayant conféré l'exercice de l'autorité parentale sur ce mineur, se voient délivrer, sous réserve qu'ils justifient résider habituellement en France avec lui et subvenir à son entretien et à son éducation, une autorisation provisoire de séjour d'une durée maximale de six mois. La condition prévue à l'article L. 412-1 n'est pas opposable. Cette autorisation provisoire de séjour ouvre droit à l'exercice d'une activité professionnelle. / (...) / Elle est délivrée par l'autorité administrative, après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans les conditions prévues à l'article L. 425-9. ". Aux termes de l'article L. 425-9 du même code : " L'étranger, résidant habituellement en France, dont l'état de santé nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait avoir pour lui des conséquences d'une exceptionnelle gravité et qui, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont il est originaire, ne pourrait pas y bénéficier effectivement d'un traitement approprié, se voit délivrer une carte de séjour temporaire portant la mention " vie privée et familiale " d'une durée d'un an. (...). / La décision de délivrer cette carte de séjour est prise par l'autorité administrative après avis d'un collège de médecins du service médical de l'Office français de l'immigration et de l'intégration, dans des conditions définies par décret en Conseil d'Etat. (...). ".
3. Pour prendre les décisions de refus de titre de séjour contestées, le préfet de l'Isère s'est fondé, notamment, sur l'avis du 27 février 2023 du collège de médecins de l'office français de l'immigration et de l'intégration (OFII), lequel a estimé que si l'état de santé de la fille B... et Mme C... nécessite une prise en charge médicale dont le défaut pourrait entraîner pour elle des conséquences d'une exceptionnelle gravité, elle peut, eu égard à l'offre de soins et aux caractéristiques du système de santé dans le pays dont elle est originaire, y bénéficier effectivement d'un traitement approprié.
4. Pour contester cette appréciation, M. et Mme C... font valoir que leur fille souffre d'un grave traumatisme crânien, compliqué d'une hypertension intracrânienne sévère, avec hématome sous-dural, qui nécessite un suivi médical pluridisciplinaire régulier par un psychologue, un psychomotricien, un orthophoniste, un kinésithérapeute et un neurologue, pour une durée d'au moins deux ans. Ils produisent une attestation de l'hôpital général de la ville de Gjilan du 13 juillet 2023 et une attestation du service des cliniques universitaires du Kosovo du 17 juillet 2023, selon lesquelles les soins nécessités par leur fille ne sont pas disponibles dans ces établissements. Ils produisent également un article de presse qui indique que le service pédiatrique du centre clinique universitaire du Kosovo est surchargé. Toutefois, ces éléments sont insuffisants pour démontrer l'impossibilité de bénéficier au Kosovo d'un suivi médical adapté aux pathologies de leur fille. Si M. et Mme C... se prévalent de ce qu'un des médicaments qui est prescrit à leur fille pour son épilepsie n'est pas disponible sur le marché pharmaceutique au Kosovo ainsi qu'en atteste un pharmacien kosovar, le préfet de l'Isère a produit en première instance la fiche MedCOI concernant le Kosovo qui fait apparaître que ce médicament est disponible dans ce pays. Ils font également valoir qu'ils ont appris le 9 novembre 2023 que leur fille devrait être opérée d'une cranioplastie secondaire au traumatisme crânien. Toutefois, cette circonstance est postérieure aux arrêtés contestés et au demeurant ils ne produisent aucun élément à l'appui de cette allégation. Par suite, les éléments versés au dossier ne permettent pas de remettre en cause l'appréciation portée par le collège des médecins de l'OFII, que le préfet de l'Isère s'est approprié en prenant la décision contestée. Dans ces conditions, les requérants ne sont pas fondés à soutenir qu'en refusant les titres de séjour sollicités, le préfet de l'Isère aurait méconnu les dispositions précitées ou entaché sa décision d'une erreur d'appréciation des conséquences de ses décisions sur la situation de leur fille.
5. En deuxième lieu, comme indiqué au point 4, M. et Mme C... n'établissent pas que l'état de santé de leur fille nécessite qu'elle demeure sur le territoire français. Par suite, le moyen tiré de ce que le préfet de l'Isère a méconnu l'intérêt supérieur de cet enfant et les stipulations du 1 de l'article 3 de la convention internationale relative aux droits de l'enfant doit être écarté.
6. En dernier lieu, M et Mme C..., nés respectivement en 1984 et 1991, invoquent la scolarisation en France de leur fils, la fréquentation d'une crèche par leur fille et les circonstances que Mme C... participe à des ateliers linguistiques et était enceinte, à la date auxquelles les obligations de quitter le territoire français ont été prises, de leur troisième enfant, qui est né le 26 juillet 2023, Toutefois, compte tenu de la brièveté de leur séjour en France et de ce que, ainsi qu'il a été dit précédemment, il n'est pas établi que leur fille ne pourrait effectivement bénéficier de soins appropriés à son état de santé au Kosovo, le préfet de l'Isère n'a pas porté à leur droit au respect de leur vie privée et familiale une atteinte disproportionnée aux buts en vue desquels il a décidé leur éloignement et n'a donc pas méconnu l'article 8 de la convention européenne de sauvegarde des droits de l'homme et des libertés fondamentales.
7. Il résulte de ce qui précède que M. et Mme C... ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leurs demandes. Leur requête doit être rejetée, en toutes ses conclusions.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête B... et Mme C... est rejetée.
Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. et Mme A... et D... C... et au ministre de l'intérieur.
Copie en sera adressée au préfet de l'Isère.
Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024, à laquelle siégeaient :
Mme Michel, présidente de chambre,
Mme Vinet, présidente-assesseure,
M. Moya, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe, le 24 octobre 2024.
Le rapporteur,
P. Moya
La présidente,
C. Michel
La greffière,
F. Bossoutrot
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
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N° 23LY03547
kc