Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure
La SARL B... A... a demandé au tribunal administratif de Lyon de condamner la commune de Saint-Galmier à lui verser la somme de 12 222,28 euros et à verser à M. A... et Mme B... celle de 10 000 euros, assorties des intérêts au taux légal, en réparation des préjudices subis.
Par un jugement n° 2001228 du 1er février 2022, le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Procédure devant la cour
Par une requête enregistrée le 1er avril 2022, et un mémoire enregistré le 1er juillet 2024 et non communiqué, la SARL B... A..., représentée par Me Thiry, demande à la cour :
1°) d'annuler ce jugement du 1er février 2022 ;
2°) de condamner la commune de Saint-Galmier à lui verser la somme totale de 22 220,43 euros ;
3°) de mettre à la charge de la commune de Saint-Galmier le versement de la somme de 3 000 euros au titre de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ainsi que les entiers dépens.
Elle soutient que :
- la responsabilité pour faute de la commune de Saint-Galmier est engagée, en raison, d'une part, du non-respect de l'engagement pris de ne plus opposer de sursis à statuer à la déclaration préalable de travaux déposée par la société Lyonnaise de banque et, d'autre part, de l'illégalité de la décision de sursis à statuer du 8 janvier 2019, sans qu'ait d'incidence, à cet égard, la circonstance qu'elle ait ultérieurement été retirée ;
- les fautes commises par la commune de Saint-Galmier, qui ont entraîné un retard dans le déroulement de la cession du droit au bail et un gel de la situation pendant plusieurs mois, sont à l'origine directe des préjudices subis par la SARL ;
- les préjudices subis par la SARL B... A... s'élèvent à 12 220,43 euros et son préjudice moral s'élève à 10 000 euros.
Par un mémoire enregistré le 8 juillet 2022, la commune de Saint-Galmier, représentée par Me Cavrois, conclut au rejet de la requête et à ce que soit mis à la charge de la SARL B... A... le versement de la somme de 3 000 euros sur le fondement des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Elle soutient que :
- la requête d'appel est irrecevable dès lors qu'aucune demande de condamnation de la commune n'est formulée ;
- la commune n'a commis aucune faute quant à une prétendue promesse non tenue ; si la commune a indiqué, à la suite d'un conseil d'adjoints du 23 octobre 2018, " revoir sa position ", elle ne s'est nullement engagée à délivrer une autorisation d'urbanisme, laquelle n'avait d'ailleurs pas encore été sollicitée ;
- les préjudices invoqués par la société requérante ne présentent pas de lien direct et certain avec l'information délivrée les 23 et 26 octobre 2018 ; ils résultent, au contraire, exclusivement de sa propre imprudence, consistant à avoir organisé la fermeture de son magasin, alors que le compromis de vente, à défaut d'avoir été prorogé, encourrait, de façon certaine, la caducité au 30 décembre 2018, en l'absence de réalisation des conditions suspensives ; ils ne sont pas justifiés ;
- la commune n'a commis aucune faute en édictant le sursis à statuer du 8 janvier 2019, dès lors que les conditions tenant à sa légalité étaient remplies conformément aux exigences de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme ; en tout état de cause, il n'existe aucun lien de causalité entre la prétendue illégalité de l'arrêté du 8 janvier 2019 et les préjudices invoqués ; cet arrêté est, au demeurant, postérieur à la caducité du compromis de vente.
Par ordonnance du 29 mai 2024, la clôture de l'instruction a été fixée au 1er juillet 2024.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de l'urbanisme ;
- le code de justice administrative.
Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;
Après avoir entendu au cours de l'audience publique :
- le rapport de Mme Mauclair, présidente assesseure ;
- les conclusions de Mme Djebiri, rapporteure publique ;
- les observations de Me Thiry, représentant la SARL B... A... et Me Guerin, représentant la commune de Saint-Galmier.
Considérant ce qui suit :
1. La SARL B... A..., qui intervient aux droits de la SCI B... A..., relève appel du jugement du 1er février 2022 par lequel le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande tendant à la condamnation de la commune de Saint-Galmier à réparer les préjudices qu'elle estime avoir subis en raison des fautes qu'aurait commises la commune.
Sur la responsabilité de la commune de Saint-Galmier :
En ce qui concerne la faute qui résulterait de l'engagement de délivrer l'autorisation d'urbanisme nécessaire à la réalisation de la cession du droit au bail :
2. La société B... A..., qui exploitait un magasin sous l'enseigne Vival situé 7 place de la Devise à Saint-Galmier, a conclu le 13 juin 2018 avec la société Lyonnaise de Banque un compromis de cession du droit au bail concernant ce local, en vue de sa transformation en une agence bancaire. Par un arrêté du 27 juillet 2018, devenu définitif, le maire de la commune de Saint-Galmier a opposé un sursis à statuer à la déclaration préalable déposée par cette société en vue de la réfection de la devanture. A la suite du conseil d'adjoints qui s'est tenu le 23 octobre 2018, une adjointe au maire de Saint-Galmier a, par courrier électronique du 26 octobre 2018, informé M. A..., co-gérant de la SARL B... A..., de ce que " la commune renonce au sursis à statuer mis sur le projet d'aménagement du CIC sur le local Vival ", ce que le maire de la commune lui a confirmé par un SMS ajoutant que " plus rien ne s'oppose à la transaction du droit au bail entre vous et le CIC ". La société Lyonnaise de Banque a alors déposé une nouvelle déclaration préalable, le 26 novembre 2018, dont le délai d'instruction a été porté à deux mois. Néanmoins, par un courrier du 5 décembre 2018, faisant suite à un nouveau conseil d'adjoints du 4 décembre 2018, le maire de la commune de Saint-Galmier a informé les sociétés B... A... et Lyonnaise de Banque que la commune proposait d'acquérir le droit au bail au prix de 30 000 euros et que si la société Lyonnaise de Banque maintenait son offre à 60 000 euros, une décision de sursis à statuer serait opposée à sa déclaration préalable déposée le 26 novembre 2018. Par un arrêté du 8 janvier 2019, le maire de la commune de Saint-Galmier a opposé un sursis à statuer à la déclaration préalable déposée par la société Lyonnaise de Banque le 26 novembre 2018, qu'il a ensuite retiré le 4 avril 2019 pour édicter une décision de non opposition. La société Lyonnaise de Banque ayant abandonné son projet, le droit au bail a finalement été cédé à la société GG Investissement le 6 juin 2019.
3. La société requérante soutient, au regard des éléments rappelés au point précédent, résultant du courriel du 26 octobre 2018 et du SMS du maire de la commune, que la commune de Saint-Galmier s'est formellement et précisément engagée à délivrer à la société Lyonnaise de Banque l'autorisation d'urbanisme nécessaire à la réalisation de la cession du droit au bail et qu'elle est ensuite revenue, dès le 5 décembre 2018, sur son engagement pris le 26 octobre 2018.
4. La société requérante soutient également qu'en raison de l'engagement du maire de Saint-Galmier de ne pas recourir au sursis à statuer, elle a organisé sa cessation d'activité au 31 décembre 2018 et que, en l'absence de la cessation de son droit au bail à cette date, elle a subi des préjudices financiers et moral. Pour justifier de la cessation de son activité, la SARL B... A... produit, pour la première fois en appel, un courrier du 7 décembre 2018, postérieur à la date à laquelle le maire de la commune de Saint-Galmier est revenu sur son engagement le 5 décembre 2018, qu'elle aurait adressé en recommandé à la Direction régionale des entreprises, de la concurrence, de la consommation, du travail et de l'emploi (DIRECCTE) dont l'objet porte sur l'homologation de la rupture conventionnelle du contrat de travail de l'un de ses deux employés, ce dernier document n'étant au demeurant pas produit, ainsi que le formulaire CERFA de rupture conventionnelle d'un contrat de travail à durée indéterminée concernant son second salarié, lequel n'est quant à lui signé par aucune des parties. Par ailleurs, les deux carnets de commande qu'elle produit établissent qu'elle a continué à être approvisionnée en décembre 2018, seul celui de janvier 2019 ne faisant apparaître aucune activité. Il ne résulte d'aucune de ces pièces que la SARL B... A... aurait organisé sa cessation d'activité en raison de l'engagement du maire de la commune de Saint-Galmier à délivrer à la société Lyonnaise de Banque l'autorisation d'urbanisme nécessaire à la réalisation de la cession du droit au bail, pris le 26 octobre 2018 et sur lequel il était revenu dès le 5 décembre 2018. Par ailleurs, il ne résulte pas davantage de l'instruction que le compromis de vente du bail au 31 décembre 2018, lequel comportait, outre la condition relative à l'obtention des autorisations d'urbanisme nécessaires à l'activité de la société Lyonnaise de Banque, différentes autres conditions suspensives, aurait été réalisé, d'autant que la société Lyonnaise de Banque n'a déposé que le 26 novembre 2018 une nouvelle demande préalable, dont le délai d'instruction a été porté à deux mois. Dans ces conditions, et en tout état de cause, il ne résulte pas de l'instruction qu'un lien de causalité direct soit avéré entre la faute alléguée tirée de ce que la commune a pris un engagement sur lequel elle est revenue et les préjudices financiers et moral dont se prévaut la société B... A....
En ce qui concerne l'illégalité fautive de la décision de sursis à statuer du 8 janvier 2019 :
5. Aux termes de l'article L. 153-11 du code de l'urbanisme : " L'autorité compétente mentionnée à l'article L. 153-8 prescrit l'élaboration du plan local d'urbanisme et précise les objectifs poursuivis et les modalités de concertation, conformément à l'article L. 103-3. / La délibération prise en application de l'alinéa précédent est notifiée aux personnes publiques associées mentionnées aux articles L. 132-7 et L. 132-9. / L'autorité compétente peut décider de surseoir à statuer, dans les conditions et délai prévus à l'article L. 424-1, sur les demandes d'autorisation concernant des constructions, installations ou opérations qui seraient de nature à compromettre ou à rendre plus onéreuse l'exécution du futur plan dès lors qu'a eu lieu le débat sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durable ".
6. Pour opposer un sursis à statuer sur la déclaration préalable déposée le 26 novembre 2018 par le CIC - Lyonnaise de Banque en vue de la réfection de la devanture du local, le maire de la commune de Saint-Galmier a estimé que le projet compromettait les objectifs communaux fixés dans le cadre de la révision du plan local d'urbanisme (PLU).
7. En premier lieu, si l'arrêté attaqué vise à tort les dispositions de l'article L. 123-6 du code de l'urbanisme, et non celles de l'article L. 153-11 du même code qui les ont reprises, cette erreur dans les visas est sans incidence sur sa légalité. Cependant, en se bornant à indiquer que " le projet ne doit pas compromettre les objectifs communaux " tels que fixés dans le cadre de la révision du PLU, sans préciser le ou les objectif(s) de la commune que le projet en litige serait de nature à compromettre et en s'abstenant ainsi de préciser les éléments de fait qui sont à la base de sa décision, le maire de Saint-Galmier n'a pas satisfait aux exigences des dispositions des articles L. 424-3 et R. 424-5 du code de l'urbanisme.
8. En second lieu, le conseil municipal de la commune de Saint-Galmier a, par délibération du 10 décembre 2015, prescrit la révision de son PLU et a délibéré sur les orientations générales du projet d'aménagement et de développement durables (PADD) dans sa séance du 15 décembre 2016. Le projet de PLU a ensuite été arrêté par délibération du conseil métropolitain de Saint-Etienne Métropole du 8 février 2018, désormais compétent en matière de " plan local d'urbanisme et documents d'urbanisme en tenant lieu " et l'enquête publique s'est tenue du 8 octobre 2018 au 8 novembre suivant. Dans ces conditions, le PLU avait, à la date du sursis à statuer du 8 janvier 2019, un état d'avancement suffisant.
9. Toutefois, si le maintien du commerce de proximité en centre-ville correspond à l'un des objectifs communaux définis par la révision du PLU, le projet en litige, qui aura uniquement pour effet de modifier l'activité s'exerçant dans le local, un commerce où s'effectue l'accueil d'une clientèle s'implantant dans un local auparavant occupé par un commerce de détail, n'est pas de nature à compromettre l'exécution du futur PLU dès lors qu'il n'entraîne aucune modification du zonage du PLU et que l'activité bancaire n'est pas interdite en centre-ville. Par suite, dès lors que les conditions permettant d'opposer un sursis à statuer n'étaient pas réunies, l'arrêté du 8 janvier 2019 est entaché d'une illégalité fautive de nature à engager la responsabilité de la commune.
10. La société B... A... sollicite, au titre de la responsabilité de la commune de Saint-Galmier, l'indemnisation des préjudices résultant de la non-restitution de la garantie de dépôt au 1er janvier 2019, de la non-réalisation de la cession du bail au 31 décembre 2018, du paiement des loyers de son local, des frais mensuels de fonctionnement et de frais bancaires, ainsi que de son préjudice moral. Il résulte cependant de l'instruction que les gérants de la SARL B... A..., qui souhaitaient arrêter leur activité, ont conclu un compromis de cession de droit au bail commercial le 13 juin 2018 avec la société Lyonnaise de Banque, lequel stipulait que la signature de l'acte authentique devait avoir lieu au plus tard le 30 décembre 2018. Ce compromis comportait, outre une condition suspensive relative à l'obtention, par le cessionnaire, de toutes autorisations administratives nécessaires à l'exercice de son activité, diverses autres conditions suspensives dont il n'est pas établi qu'elles auraient été réalisées pour permettre la réitération authentique de l'acte à la date du 30 décembre 2018 si la société Lyonnaise de Banque avait par ailleurs disposé des autorisations administratives et d'urbanisme nécessaires à l'exercice de son activité. Les préjudices dont la société appelante sollicite la réparation résultent ainsi tous de l'absence de cession du droit au bail à cette date. Par suite, l'intervention illégale de l'arrêté du 8 janvier 2019 par lequel le maire de Saint-Galmier a opposé un sursis à statuer sur la déclaration préalable déposée le 26 novembre 2018 par le CIC - Lyonnaise de Banque ne présente aucun lien de causalité direct et certain avec les préjudices, au demeurant insuffisamment justifiés, invoqués par la société B... A..., lesquels sont la conséquence directe de son choix de conclure un compromis de cession de droit au bail dont l'issue n'était pas certaine.
11. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de se prononcer sur la fin de non-recevoir soulevée par la commune de Saint-Galmier ainsi que sur la recevabilité des conclusions tendant à ce que celle-ci soit condamnée à réparer le préjudice moral de la société requérante, que la SARL B... A... n'est pas fondée à se plaindre que le tribunal administratif de Lyon a rejeté sa demande.
Sur les frais liés au litige :
12. Les dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative font obstacle à ce que soit mise à la charge de la commune de Saint-Galmier, qui n'est pas la partie perdante dans la présente instance, la somme que la société B... A... demande au titre de ses frais d'instance. Ses conclusions présentées sur le fondement de l'article R. 761-1 du même code doivent également être rejetées, aucun frais de cette nature n'ayant été engagé.
13. Il n'y a pas lieu, dans les circonstances de l'espèce, de mettre à la charge de la SARL B... A... la somme demandée par la commune de Saint-Galmier au même titre.
DÉCIDE :
Article 1er : La requête de la SARL B... et A... est rejetée.
Article 2 : Les conclusions présentées par la commune de Saint-Galmier au titre des dispositions de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.
Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à la SARL B... A... et à la commune de Saint-Galmier.
Délibéré après l'audience du 1er octobre 2024 à laquelle siégeaient :
Mme Monique Mehl-Schouder, présidente de chambre,
Mme Anne-Gaëlle Mauclair, présidente assesseure,
Mme Gabrielle Maubon, première conseillère.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 22 octobre 2024.
La rapporteure,
A.-G. Mauclair La présidente,
M. C...
La greffière,
F. Prouteau
La République mande et ordonne au ministre de l'intérieur et à la ministre de la transition écologique, de l'énergie, du climat et de la prévention des risques en ce qui les concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
N° 22LY01040 2