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17/10/2024 | FRANCE | N°24LY00249

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 7ème chambre, 17 octobre 2024, 24LY00249


Vu la procédure suivante :



Procédure contentieuse antérieure



M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 20 octobre 2022 par laquelle la première présidente de la cour d'appel de Dijon et le procureur général de cette même cour ont refusé de reconnaitre sa maladie comme imputable au service.



Par un jugement n° 2200512, 2203030 du 14 décembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.



Procédure devant la cour



Par une requête enregistrée le 31 janv

ier 2024, M. B... A..., représenté par Me Suissa, demande à la cour :



1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il reje...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure

M. B... A... a demandé au tribunal administratif de Dijon d'annuler la décision du 20 octobre 2022 par laquelle la première présidente de la cour d'appel de Dijon et le procureur général de cette même cour ont refusé de reconnaitre sa maladie comme imputable au service.

Par un jugement n° 2200512, 2203030 du 14 décembre 2023, le tribunal a rejeté sa demande.

Procédure devant la cour

Par une requête enregistrée le 31 janvier 2024, M. B... A..., représenté par Me Suissa, demande à la cour :

1°) d'annuler ce jugement en tant qu'il rejette sa demande tendant à l'annulation de la décision du 20 octobre 2022 portant refus de reconnaissance de l'imputabilité de sa maladie au service ;

2°) d'annuler cette décision ;

3°) d'enjoindre au ministre de la justice de réexaminer sa situation dans un délai de deux mois à compter de la notification de l'arrêt à intervenir sous astreinte de 50 euros par jour de retard ;

4°) de mettre à la charge de l'État la somme de 2 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Il soutient que :

- la maladie qu'il présente ne peut être regardée comme détachable du service ;

- ainsi que l'ont conclu les différents experts médicaux, sa pathologie s'est déclenchée à la suite d'une affaire dont il avait la charge en tant qu'avocat général en 2007, à l'origine de traumatismes non résolus, son état s'étant aggravé après sa prise de fonction au tribunal judicaire de Dijon, du fait de la charge de travail, des conséquences de la pandémie de Covid-19, et du burn-out d'une collègue.

Par un mémoire enregistré le 15 avril 2024, le ministre de la justice conclut au rejet de la requête.

Il fait valoir que les moyens soulevés par M. A... ne sont pas fondés.

Par une ordonnance du 16 avril 2024, l'instruction a été close au 2 mai 2024.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu :

- le code général de la fonction publique ;

- l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature ;

- le code de justice administrative ;

Les parties ayant été régulièrement averties du jour de l'audience ;

Après avoir entendu au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Boffy, première conseillère ;

- et les conclusions de M. Rivière, rapporteur public ;

Considérant ce qui suit :

1. M. B... A... était premier vice-président du tribunal judiciaire de Dijon de 2018 à 2020. Il a fait l'objet d'une enquête pénale à la suite d'un signalement émis en octobre 2019 auprès de l'office de lutte contre la criminalité aux technologies de l'information et de la communication. Il a été mis en examen le 5 juin 2020. Saisi le 25 août 2020 par le ministre de la justice, le conseil supérieur de la magistrature, par une décision du 13 juillet 2021, s'est prononcé en faveur la révocation de M. A.... Par décret du Président de la République du 17 septembre 2021 il a été rayé des cadres de la magistrature. M. A... a été placé en arrêt de travail à compter du 7 juillet 2021 jusqu'au 31 mars 2022. Il a sollicité le 6 décembre 2021 l'imputabilité de sa pathologie au service. Il a été jugé le 18 février 2022 par le tribunal correctionnel de Besançon. Il a fait appel de ce jugement et la cour d'appel de Besançon l'a condamné à une peine de deux ans d'emprisonnement avec sursis. Le 20 octobre 2022 les chefs de juridiction de la cour d'appel de Dijon ont refusé de reconnaître l'imputabilité au service de son affection. M. A... a saisi le tribunal administratif de Dijon de cette décision. Par un jugement du 14 décembre 2023, dont M. A... relève appel en tant que ses conclusions à fin d'annulation de la décision du 20 octobre 2022 ont été rejetées, le tribunal n'a pas fait droit à sa demande.

2. Aux termes de l'article 67 de l'ordonnance du 22 décembre 1958 portant loi organique relative au statut de la magistrature : " Tout magistrat est placé dans l'une des positions suivantes : / 1° En activité ; / 2° En service détaché ; / 3° En disponibilité ; / 4° Sous les drapeaux ; / 5° En congé parental. (...) ". Aux termes de l'article 68 de cette ordonnance : " Les dispositions du statut général des fonctionnaires concernant les positions ci-dessus énumérées s'appliquent aux magistrats dans la mesure où elles ne sont pas contraires aux règles statutaires du corps judiciaire et sous réserve des dérogations ci-après. ". Aux termes de l'article L. 822-20 du code général de la fonction publique, qui a repris les dispositions de l'article 21 bis de la loi du 13 juillet 1983 portant droits et obligations des fonctionnaires : " Est présumée imputable au service toute maladie désignée par les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale et contractée dans l'exercice ou à l'occasion de l'exercice par le fonctionnaire de ses fonctions dans les conditions mentionnées à ce tableau. Si une ou plusieurs conditions tenant au délai de prise en charge, à la durée d'exposition ou à la liste limitative des travaux ne sont pas remplies, la maladie telle qu'elle est désignée par un tableau peut être reconnue imputable au service lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est directement causée par l'exercice des fonctions. Peut également être reconnue imputable au service une maladie non désignée dans les tableaux de maladies professionnelles mentionnés aux articles L. 461-1 et suivants du code de la sécurité sociale lorsque le fonctionnaire ou ses ayants droit établissent qu'elle est essentiellement et directement causée par l'exercice des fonctions et qu'elle entraîne une incapacité permanente à un taux déterminé et évalué dans les conditions prévues par décret en Conseil d'État. ".

3. Une maladie contractée par un fonctionnaire, ou son aggravation, doit être regardée comme imputable au service si elle présente un lien direct avec l'exercice des fonctions ou avec des conditions de travail de nature à susciter le développement de la maladie en cause, sauf à ce qu'un fait personnel de l'agent ou toute autre circonstance particulière conduisent à détacher la survenance ou l'aggravation de la maladie du service.

4. M. A... fait état d'un traumatisme lié à la prise en charge en 2007, en tant qu'avocat général, d'un dossier particulièrement difficile. Il soutient que ce traumatisme, qui aurait ensuite évolué pour s'aggraver en raison d'une surcharge de travail lors de sa prise de fonctions au tribunal judiciaire de Dijon, expliquerait les faits commis d'octobre 2019 à janvier 2020, à l'origine de sa révocation, et serait la cause de la pathologie dépressive dont il s'est trouvé affecté, qui a donné lieu à des arrêts de travail à compter du 7 juillet 2021.

5. Les arrêts de travail dont M. A... a bénéficié à partir de cette dernière date, qui ont révélé les troubles psychologiques dont il souffre, ont été délivrés postérieurement à sa mise en examen et aux poursuites disciplinaires et pénales dont il a fait l'objet. S'il est vrai que son intervention en 2007 comme avocat général s'est révélée particulièrement éprouvante, M. A..., dont les fonctions pouvaient l'exposer à des procès de cette nature, n'avait pas, avant le déclenchement de poursuites à son encontre, exprimé la moindre nécessité d'un suivi médical ni fait l'objet d'un tel suivi pour les troubles dont il se plaint, et qu'il attribue à ce procès. S'il ressort par ailleurs des pièces versées au dossier que les conditions d'exercice de ses fonctions au tribunal judiciaire de Dijon étaient marquées par une importante charge de travail dans un contexte de manque d'effectifs et de dialogue difficile avec la hiérarchie, il n'apparaît pas qu'il en serait résulté pour M. A..., qui ne justifie d'aucune prise en charge particulière rendue nécessaire par cette situation, une dégradation de son état de santé. Il n'apparaît pas, dans de telles circonstances, que le syndrome anxiodépressif présenté par M. A..., qui doit être regardé ici comme une pathologie détachable du service, aurait directement pour origine le procès de 2007.

6. Il résulte de ce qui précède que M. A... n'est pas fondé à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal a rejeté sa demande. Sa requête doit être rejetée en toutes ses conclusions.

DÉCIDE :

Article 1er : La requête de M. A... est rejetée.

Article 2 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A... et au garde des sceaux, ministre de la justice.

Copie en sera adressée à la cour d'appel de Dijon.

Délibéré après l'audience du 3 octobre 2024 à laquelle siégeaient :

M. Picard, président de chambre ;

Mme Duguit-Larcher, présidente assesseure ;

Mme Boffy, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe, le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

I. BoffyLe président,

V-M. Picard

La greffière,

A. Le Colleter

La République mande et ordonne au garde des sceaux, ministre de la justice en ce qui le concerne ou à tous commissaires de justice à ce requis en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

2

N° 24LY00249

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Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 7ème chambre
Numéro d'arrêt : 24LY00249
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Excès de pouvoir

Analyses

36-05-04-01 Fonctionnaires et agents publics. - Positions. - Congés. - Congés de maladie.


Composition du Tribunal
Président : M. PICARD
Rapporteur ?: Mme Irène BOFFY
Rapporteur public ?: M. RIVIERE
Avocat(s) : DSC AVOCATS

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;24ly00249 ?
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