Vu la procédure suivante :
Procédure contentieuse antérieure :
L'office public de l'habitat Domanys a demandé au tribunal administratif de Dijon de condamner la SARL SIZ'-IX Architectes à lui verser la somme de 80 482,06 euros en réparation du préjudice que lui a causé la méconnaissance de l'obligation de conseil du maître d'œuvre.
La SARL SIZ'-IX Architectes a formé des conclusions d'appel en garantie dirigées contre la SAS GEBAT Constructions.
Par un jugement n° 1901195 du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a condamné la SARL SIZ'-IX Architectes à verser à l'office public de l'habitat Domanys la somme de 80 482,06 euros et a rejeté ses conclusions d'appel en garantie.
Procédure devant la cour avant cassation et renvoi :
Par une requête enregistrée le 31 juillet 2020, ensemble un mémoire complémentaire non communiqué enregistré le 19 octobre 2022, la SARL SIZ'-IX Architectes, représentée par la SELAS Larrieu et associés, demande à la cour :
1°) d'annuler le jugement n° 1901195 du 2 juin2020 du tribunal administratif de Dijon ;
2°) de rejeter les conclusions de l'office public de l'habitat Domanys ;
3°) subsidiairement, de faire droit à ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société GEBAT Constructions ;
4°) en tant que de besoin, de décider une expertise ;
5°) de mettre à la charge de l'office public de l'habitat Domanys une somme de 2 000 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
La société SIZ'-IX Architectes soutient que :
- seuls des défauts d'exécution ponctuels et isolés des sorties d'air ont été relevés, qui ne révèlent pas de manquement à son obligation de conseil ;
- au surplus, l'ampleur des travaux de reprise excède ce que les défauts d'exécution des sorties d'air impliquaient ;
- la buanderie ne peut être regardée comme une pièce devant être équipée d'une bouche d'extraction, cette obligation n'étant prévue par l'arrêté du 24 mars 1982 que pour les logements collectifs soit les seuls bâtiments D et E ;
- au surplus, la reprise des bouches d'extraction de tous les logements ne se justifiait pas au regard d'un seul manquement isolé ;
- il n'y a pas de manquement concernant l'accessibilité aux personnes handicapées en raison de la hauteur des poignées de fenêtres, compte tenu des dispositions de l'arrêté du 24 décembre 2015 ;
- au surplus, la reprise dans plusieurs logements du positionnement des poignées de fenêtres ne se justifiait pas au vu d'un seul manquement isolé ;
- la condamnation à hauteur de 80 482,06 euros prononcée par le tribunal ne se justifie donc pas ou doit subsidiairement être ramenée au montant de 4 555,66 euros ou au plus de 28 221,84 euros ;
- une expertise doit être diligentée pour évaluer les travaux réellement nécessaires ;
- elle est fondée à appeler en garantie, sur un fondement quasi-délictuel, la société GEBAT Constructions qui avait nécessairement connaissance des manquements et aurait dû attirer l'attention de la maîtrise d'œuvre.
Par un mémoire en défense enregistré le 28 septembre 2022, l'office public de l'habitat Domanys, représenté par la SCP Alain Levy et associés, conclut :
1°) au rejet de la requête ;
2°) à ce que la somme de 2 500 euros soit mise à la charge de la société SIZ'-IX Architectes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
L'office public de l'habitat Domanys soutient que :
- la maitrise d'œuvre a manqué à son devoir de conseil dans le cadre des opérations de réception ;
- il justifie du coût des travaux de reprise rendus nécessaires par les non-conformités ;
- les moyens invoqués par la société requérante ne sont pas fondés ;
- une expertise serait frustratoire.
Par un arrêt n° 20LY02143 du 2 février 2023, la cour a annulé le jugement et rejeté les conclusions de l'office public de l'habitat Domanys.
Par une décision n° 472699 du 22 décembre 2023, le Conseil d'Etat a cassé l'arrêt de la cour et lui a renvoyé l'affaire.
Procédure devant la cour après cassation et renvoi :
Par des mémoires complémentaires après renvoi enregistrés les 26 février et 27 mai 2024, l'office public de l'habitat Domanys, représenté par la SCP Tanguy Salaün, conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens, en portant à 3 000 euros la somme demandée sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.
Par un mémoire complémentaire après renvoi enregistré le 24 avril 2024, la SARL SIZ'-IX Architectes, représentée par la SELAS Larrieu et associés, conclut aux mêmes fins que précédemment par les mêmes moyens.
Par ordonnance du 27 février 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 29 avril 2024 à 16h30. Par ordonnance du 25 avril 2024, la clôture d'instruction a été reportée au 29 mai 2024 à 16h30.
Vu les autres pièces du dossier ;
Vu :
- le code de la construction et de l'habitation ;
- le code des marchés publics ;
- le décret n° 93-1268 du 29 novembre 1993 ;
- l'arrêté du 24 mars 1982 relatif à l'aération des logements ;
- l'arrêté du 24 décembre 2015 relatif à l'accessibilité aux personnes handicapées des bâtiments d'habitation collectifs et des maisons individuelles lors de leur construction et notamment ses articles 18 et 19 ;
- le code de justice administrative.
Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.
Ont été entendus au cours de l'audience publique :
- le rapport de M. Stillmunkes, président-assesseur ,
- et les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique.
Considérant ce qui suit :
1. L'office public de l'habitat (OPH) Domanys a confié la maîtrise d'œuvre de la construction d'un ensemble de quarante logements à Migennes (Yonne) à un groupement dont la société SIZ'-IX Architectes était le mandataire. La réception de l'ouvrage a été prononcée avec réserves par des décisions des 2 novembre et 18 décembre 2015 et les dernières réserves ont été levées par décision du 2 novembre 2016. A l'issue d'un contrôle du respect des règles de construction effectué le 12 juillet 2016, le directeur départemental des territoires de l'Yonne a mis en demeure l'OPH Domanys de mettre les logements en conformité aux normes portant sur leur aération et leur accessibilité aux personnes handicapées. Les travaux permettant de remédier à ces non-conformités ont été effectués par la société Gebat Constructions, titulaire du marché de travaux, entre le 4 avril et le 9 juin 2017. Par le jugement attaqué du 2 juin 2020, le tribunal administratif de Dijon a fait droit à la demande de l'OPH Domanys tendant à la condamnation de la société SIZ'-IX Architectes à lui verser la somme de 80 482,06 euros hors taxes correspondant au coût de ces travaux de reprise et a rejeté les conclusions d'appel en garantie dirigées par la société SIZ'-IX Architectes contre la société Gebat Constructions.
Sur les conclusions indemnitaires de l'OPH Domanys :
2. La responsabilité des maîtres d'œuvre pour manquement à leur devoir de conseil peut être engagée dès lors qu'ils se sont abstenus d'appeler l'attention du maître d'ouvrage sur des désordres affectant l'ouvrage et dont ils pouvaient avoir connaissance, en sorte que la personne publique soit mise à même de ne pas réceptionner l'ouvrage ou d'assortir la réception de réserves. Ce devoir de conseil implique que le maître d'œuvre signale au maître d'ouvrage toute non-conformité de l'ouvrage aux stipulations contractuelles, aux règles de l'art et aux normes qui lui sont applicables, afin que celui-ci puisse éventuellement ne pas prononcer la réception et décider des travaux nécessaires à la mise en conformité de l'ouvrage.
3. En premier lieu, il résulte de l'instruction que les services de la direction départementale des territoires de l'Yonne ont diligenté un contrôle des respects des règles de construction avant la mise en service des logements. Le rapport, achevé en septembre 2016, relève des non-conformités en ce qui concerne l'aération des logements et l'accessibilité aux personnes handicapées. Ce rapport expose que les non-conformités ont été identifiées dans le rapport sur la base de l'analyse détaillée d'un échantillon représentatif, de telle sorte que, contrairement à ce que soutient la société requérante, les manquements relevés ne peuvent être regardés comme ponctuels et isolés, le rapport précisant que ces non-conformités " sont à étendre à toutes les dispositions similaires existants sur l'opération ". Eu égard à la nature des normes ainsi méconnues ainsi qu'au caractère apparent des non-conformités en cause, la société requérante ne peut soutenir que ces non-conformités, qu'elle n'a pas signalées au maître d'ouvrage et qui n'ont fait l'objet d'aucune réserve, ne relevaient pas de son devoir de conseil, qui s'étend notamment aux prescriptions techniques en matière de construction relatives à l'aération des logements et à leur accessibilité aux personnes handicapées.
4. En deuxième lieu, aux termes de l'article 2 de l'arrêté susvisé du 24 mars 1982 : " Le système d'aération doit comporter : / (...) / - des sorties d'air dans les pièces de service, au moins dans les cuisines, les salles de bains ou de douches et les cabinets d'aisances, réalisées par les conduits verticaux à tirage naturel ou des dispositifs mécaniques. En installation collective de ventilation, si une pièce de service possède une sortie d'air mécanique, toutes les autres pièces de service doivent en posséder une (...) ". S'agissant de l'aération, la société requérante conteste uniquement l'obligation d'aérer les buanderies pour certains logements. Le rapport relève toutefois que le système d'aération retenu est de type hygroréglable, tant pour l'entrée que pour la sortie, de telle sorte que la buanderie, pièce de service qui contient une arrivée d'eau, doit en conséquence être regardée comme une salle d'eau. Ainsi, pour le bon fonctionnement d'ensemble du système d'aération, dont la présence était obligatoire dans le logement, la buanderie devait en l'espèce être munie d'une extraction d'air.
5. En troisième lieu, concernant l'accessibilité aux personnes handicapées, la société requérante conteste uniquement la non-conformité portant sur la hauteur des poignées de fenêtres. Elle ne peut toutefois utilement invoquer les dispositions de l'article 11 de l'arrêté susvisé du 24 décembre 2015 qui, conformément aux dispositions de ses articles 18 et 19, n'est pas applicable rationae temporis. Au demeurant, ainsi que le relève à bon droit Domanys, il résulte des photographies du rapport de contrôle précité que les poignées en litige ne sont pas situées au-dessus d'un mobilier ou équipement fixe au sens de l'article 11 de ce décret, la dérogation invoquée n'étant dès lors et en tout état de cause pas applicable.
6. En quatrième lieu, Domanys justifie, par la production de factures dont l'objet est détaillé et correspond aux non-conformités relevées, que la mise en conformité des logements sur les points pour lesquelles la maîtrise d'œuvre a manqué à son devoir de conseil a impliqué la réalisation de travaux pour un montant total de 80 482,06 euros HT.
7. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit utile de diligenter une expertise, que la SARL SIZ'-IX Architectes a engagé sa responsabilité à l'égard de l'office public de l'habitat Domanys à hauteur du montant total de 80 482,06 euros.
Sur les conclusions d'appel en garantie de la société SIZ'-IX Architectes :
8. Les manquements précités portent sur le devoir de conseil du maître d'œuvre, qui a omis d'attirer l'attention du maître d'ouvrage sur la mauvaise conception de l'ouvrage et le non-respect des règles générales de construction. En l'absence de tout manquement particulier établi, la SARL SIZ'-IX Architectes n'est donc pas fondée à demander à être garantie des condamnations qui viennent d'être exposées par la société GEBAT Constructions, qui est une société générale de construction qui a réalisé le programme de construction prévu.
9. Il résulte de tout ce qui précède que la société SIZ'-IX Architectes n'est pas fondée à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Dijon a fait droit aux conclusions indemnitaires de l'office public de l'habitat Domanys et a rejeté ses conclusions d'appel en garantie dirigées contre la société GEBAT Constructions.
Sur les frais de l'instance :
10. L'office public de l'habitat Domanys n'étant pas la partie perdante dans la présente instance, les conclusions formées à son encontre par la société SIZ'-IX Architectes sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative doivent être rejetées. En revanche, sur le même fondement et dans les circonstances de l'espèce, il y a lieu de mettre à la charge de la société SIZ'-IX Architectes une somme de 2 000 euros à verser à l'office public de l'habitat Domanys.
DECIDE :
Article 1er : La requête de la société SIZ'-IX Architectes est rejetée.
Article 2 : La somme de 2 000 euros, à verser à l'office public de l'habitat Domanys, est mise à la charge de la société SIZ'-IX Architectes sur le fondement de l'article L.761-1 du code de justice administrative.
Article 3 : Le surplus des conclusions des parties est rejeté.
Article 4 : Le présent arrêt sera notifié à la société SIZ'-IX Architectes, à l'office public de l'habitat Domanys et à la société GEBAT Constructions.
Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :
M. Pourny, président de chambre,
M. Stillmunkes, président assesseur,
M. Gros, premier conseiller.
Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.
Le rapporteur,
H. Stillmunkes
Le président,
F. Pourny
La greffière,
B. Berger
La République mande et ordonne à la ministre du logement et de la rénovation urbaine, en ce qui la concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.
Pour expédition,
La greffière,
2
N° 23LY03973