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17/10/2024 | FRANCE | N°23LY00287

France | France, Cour administrative d'appel de LYON, 6ème chambre, 17 octobre 2024, 23LY00287


Vu la procédure suivante :





Procédure contentieuse antérieure :



M. B... A..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de l'EURL Bei, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement la commune de Chambéry et la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " à lui verser une indemnité de 171 618 euros en réparation des préjudices subis à l'occasion des travaux publics effectués rue de la Gare à Chambéry.



Par un jugement n° 2103983 du 24 novembre 2022, le trib

unal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.





Procédure devant la cour :



Par ...

Vu la procédure suivante :

Procédure contentieuse antérieure :

M. B... A..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de l'EURL Bei, a demandé au tribunal administratif de Grenoble de condamner solidairement la commune de Chambéry et la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " à lui verser une indemnité de 171 618 euros en réparation des préjudices subis à l'occasion des travaux publics effectués rue de la Gare à Chambéry.

Par un jugement n° 2103983 du 24 novembre 2022, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté cette demande.

Procédure devant la cour :

Par une requête enregistrée le 20 janvier 2023, M. B... A..., agissant en son nom personnel et en qualité de représentant de l'EURL Bei, représentée par Me Vernier, demande à la cour :

1°) d'annuler le jugement n° 2103983 du 24 novembre 2022 du tribunal administratif de Grenoble ;

2°) de condamner la commune de Chambéry et la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " à lui verser une somme totale de 171 618 euros en réparation des préjudices subis à l'occasion des travaux publics effectués rue de la Gare à Chambéry ;

3°) de mettre à la charge de la commune de Chambéry une somme de 5 500 euros en application de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

Les requérants soutiennent que :

- les travaux publics réalisés rue de la gare à Chambéry ne sont pas conformes au projet initialement annoncé visant à la transformer en voie piétonne ; il s'agit désormais d'un axe de passage des bus avec une voie dédiée devant le commerce de boulangerie exploité par l'EURL Bei empêchant tout arrêt de la clientèle et des véhicules de livraison du fait de la suppression des possibilités de stationnement devant ce commerce ;

- il en est résulté une perte de clientèle entrainant une perte significative de chiffre d'affaires ;

- ces travaux sont en outre fondés sur une décision illégale, le plan de déplacement urbain annexé au plan local d'urbanisme ayant été annulé ;

- le préjudice commercial ainsi que la perte de valeur vénale du fonds de commerce qui résultent des travaux publics en cause revêtent un caractère anormal et spécial qui ouvre droit à indemnisation sur le fondement de la responsabilité sans faute.

Par un mémoire en défense enregistré le 5 avril 2023, la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " représentée par M° C..., conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'une somme de 2 500 euros soit mise à la charge de M. A... et de la société Bei sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La communauté d'agglomération soutient que :

- la baisse de chiffre d'affaires alléguée n'est pas établie par les pièces produites à l'instance ;

- les travaux ont consisté, dans le cadre de la construction de la nouvelle gare, à aménager les voies alentours et notamment la rue de la Gare et les quais de la Leysse ; l'ensemble des commerces riverains est concerné et le préjudice allégué ne revêt pas un caractère spécial ;

- l'accès à l'établissement a toujours été possible durant les travaux ; la circulation des véhicules et la circulation sur la piste cyclable ont été maintenues durant les travaux effectués rue de la Gare sur une période d'un mois, entre le 26 juillet et le 26 août 2016 ;

- il n'est pas démontré que la suppression de douze emplacements de stationnement, dont cinq destinés aux livraisons, aurait eu un impact sur la fréquentation de la boulangerie ; cette suppression a en outre été compensée par la mise à disposition de 100 places de parking à moins de deux minutes du commerce et a permis l'élargissement des trottoirs pour une meilleure circulation des piétons, favorable aux commerces ;

- en tout état de cause, le quantum de la demande indemnitaire n'est pas justifié.

Par un mémoire en défense enregistré le 2 juin 2023, la commune de Chambéry, représentée par M° D..., conclut au rejet de la requête et demande à ce qu'une somme de 3 000 euros soit mise à la charge de M. A... et de la société Bei sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative.

La commune soutient que :

- les conclusions dirigées à son encontre sont irrecevables dès lors que les travaux en cause ont été réalisés sous la maitrise d'ouvrage de la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " ;

- en tout état de cause, le caractère de spécialité du préjudice allégué n'est pas établi ;

- l'accès à l'établissement a toujours été possible durant les travaux ;

- la suppression des places de stationnement n'a pu avoir aucun impact sur l'activité de l'établissement et les aménagements réalisés ont favorisé la circulation des piétons et des cyclistes ;

- les préjudices allégués ne sont pas démontrés par les pièces produites à l'instance ;

- au surplus, les demandes indemnitaires sont excessives.

Par ordonnance du 10 juillet 2024, la clôture d'instruction a été fixée au 2 septembre 2024 à 16h30.

Vu les autres pièces du dossier ;

Vu le code de justice administrative.

Les parties ont été régulièrement averties du jour de l'audience.

Ont été entendus au cours de l'audience publique :

- le rapport de Mme Vergnaud, première conseillère,

- les conclusions de Mme Cottier, rapporteure publique,

- et les observations de Me Vernier, représentant M. A... et la société Bei et de Me D..., représentant la commune de Chambéry.

Considérant ce qui suit :

1. M. A... est le gérant et associé unique de l'EURL Bei qui exploite une boulangerie située 32 rue de la Gare à Chambéry. Il a présenté, par l'intermédiaire de son conseil, une demande indemnitaire à la commune de Chambéry à raison des préjudices qu'il estime subis par sa société du fait de la réalisation des travaux d'aménagement réalisés rue de la Gare. Cette demande a été rejetée par une décision conjointe de la commune de Chambéry et de la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " par une décision du 18 février 2020, confirmée par la communauté d'agglomération le 10 avril 2021. Par un jugement du 24 novembre 2022, dont M. A... et la société Bei interjettent appel, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande tendant à la condamnation de la commune de Chambéry et de la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " à les indemniser des préjudices commerciaux subis par l'EURL Bei.

Sur le principe de responsabilité sans faute pour dommage de travaux publics :

2. Il appartient au riverain d'une voie publique, qui entend obtenir réparation des dommages qu'il estime avoir subis à l'occasion d'une opération de travaux publics à l'égard de laquelle il a la qualité de tiers, d'établir, d'une part, le lien de causalité entre cette opération et les dommages invoqués et, d'autre part, le caractère anormal et spécial de son préjudice, les riverains des voies publiques étant tenus de supporter sans contrepartie les sujétions normales qui leur sont imposées dans un but d'intérêt général.

3. Pour rechercher la responsabilité de la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " et de la commune de Chambéry, les requérants se prévalent de la suppression des places de stationnement gratuit et des places de stationnement de livraison qui existaient au droit de leur commerce du fait de la réalisation des travaux d'aménagement de la rue de la Gare, en faisant valoir que ces travaux sont à l'origine d'une perte de clientèle et, par suite, d'une baisse conséquente du chiffre d'affaires de la société Bei depuis 2017, ainsi que de difficultés de livraison des matières premières nécessaires au fonctionnement de ce commerce.

4. Il résulte de l'instruction, et n'est pas contesté, que les travaux réalisés rue de la Gare, où est situé le commerce exploité par la société Bei, ont consisté, dans le cadre de la construction de la nouvelle gare et des travaux de réaménagement du quartier, à aménager dans cette rue une voie de circulation réservée aux bus urbains et ont été réalisés sur une période d'un mois, entre le 26 juillet et le 26 août 2016. Les collectivités concernées font valoir, sans être utilement contredites, que l'accès à l'établissement a toujours été possible durant les travaux, la circulation des véhicules rue de la Gare ayant été maintenue pendant la durée des travaux dans les deux sens et la piste cyclable étant restée ouverte. S'il est constant que l'aménagement rue de la Gare d'une voie réservée à la circulation des bus urbains a entrainé la suppression des places de stationnement " minutes " et de livraison situées à proximité immédiate du commerce de boulangerie, il n'est pas sérieusement contesté que cette suppression a été compensée par la mise à disposition de 100 places de parking à moins de deux minutes du commerce et qu'il existe un parking public situé à quelques dizaines de mètres de l'établissement. En outre le gérant de la société Bei ne produit aucun élément permettant d'apprécier l'ampleur ou l'impact de ces travaux sur la fréquentation du commerce ou son activité, notamment sur les difficultés de livraison alléguées. Par ailleurs, il n'est pas contesté que la circulation des piétons a été favorisée par l'élargissement des trottoirs, ce qui constitue une circonstance favorable à la fréquentation d'un commerce de proximité situé en centre-ville.

5. Par ailleurs, les tableaux mentionnant l'évolution du chiffre d'affaires de la société Bei de l'année 2015 à l'année 2019 et des rapports d'activité établis par son gérant pour les exercices 2013 à 2019, au demeurant non signés, ne sont pas, pas eux seuls et en l'absence de production de toutes pièces comptables ou de liasses fiscales, de nature à justifier les pertes de chiffres d'affaires alléguées depuis 2017.

6. Dans ces circonstances, il n'est pas démontré que les travaux en cause ont pu avoir une incidence sur l'activité du commerce de boulangerie exploité par la société Bei ou sur la valeur de son fonds de commerce.

Sur la responsabilité pour faute :

7. En premier lieu, si les requérants font valoir qu'antérieurement à 2014, le plan de développement urbain prévoyait la requalification de l'axe de la Leysse avec notamment le passage de la rue de la gare en zone piétonnière alors qu'à l'issue des travaux, la rue de la gare est devenue un axe de passage des bus avec une voie dédiée, le choix des collectivité concernées de modifier ce projet n'est pas, en lui-même, constitutif d'une faute.

8. En second lieu, la circonstance que la délibération n°30 RD du 24 mars 2016 par laquelle le bureau de la communauté d'agglomération Chambéry métropole a décidé d'approuver les grandes orientations du projet de réorganisation des mobilités et des déplacements sur le territoire de Chambéry métropole et la réalisation de travaux d'aménagements et de mise en accessibilité pour le fonctionnement du réseau de transports en commun, et notamment les travaux devant être exécutés rue de la Gare, ait été annulé pour incompétence par un jugement du tribunal administratif de Grenoble en date du 13 juillet 2016 devenu définitif, n'est pas de nature à ouvrir un droit à indemnisation à la société Bei dès lors que l'illégalité de cette décision ne saurait être regardée comme présentant un lien de causalité direct et certain avec les préjudices allégués. En outre, il résulte de l'instruction que les travaux en cause ont été approuvés par une nouvelle délibération du Conseil communautaire de la communauté d'agglomération du 13 juillet 2016 et que, par une convention conclue le 25 juillet 2016, la commune de Chambéry a procédé au transfert de la maitrise d'ouvrage des travaux concernant notamment le réaménagement de la rue de la Gare au profit de la communauté d'agglomération " Grand Chambéry ".

9. Il résulte de ce qui précède, sans qu'il soit besoin de statuer sur la recevabilité des conclusions dirigées contre la commune de Chambéry, que les requérants ne sont pas fondés à soutenir que c'est à tort que, par le jugement attaqué, le tribunal administratif de Grenoble a rejeté leur demande.

Sur les frais de l'instance :

10. Les requérants étant parties perdantes dans la présente instance, leurs conclusions présentées sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative ne peuvent qu'être rejetées. Dans les circonstances de l'espèce, il n'y a pas lieu de faire droit aux conclusions présentées par la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " et la commune de Chambéry sur le même fondement.

DECIDE :

Article 1er : La requête de M. A... et de la société Bei est rejetée.

Article 2 : Les conclusions présentées pour la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " et la commune de Chambéry sur le fondement de l'article L. 761-1 du code de justice administrative sont rejetées.

Article 3 : Le présent arrêt sera notifié à M. B... A..., à la société Bei, à la communauté d'agglomération " Grand Chambéry " et à la commune de Chambéry.

Délibéré après l'audience du 30 septembre 2024, à laquelle siégeaient :

M. Pourny, président de chambre,

M. Stillmunkes, président assesseur,

Mme Vergnaud, première conseillère.

Rendu public par mise à disposition au greffe le 17 octobre 2024.

La rapporteure,

E. Vergnaud

Le président,

F. Pourny

La greffière,

B. Berger

La République mande et ordonne au préfet de la Savoie, en ce qui le concerne, ou à tous commissaires de justice à ce requis, en ce qui concerne les voies de droit commun contre les parties privées, de pourvoir à l'exécution de la présente décision.

Pour expédition,

La greffière,

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N° 23LY00287


Synthèse
Tribunal : Cour administrative d'appel de LYON
Formation : 6ème chambre
Numéro d'arrêt : 23LY00287
Date de la décision : 17/10/2024
Type de recours : Plein contentieux

Analyses

67-03-04-01 Travaux publics. - Différentes catégories de dommages. - Dommages créés par l'exécution des travaux publics. - Travaux publics de voirie.


Composition du Tribunal
Président : M. POURNY
Rapporteur ?: Mme Edwige VERGNAUD
Rapporteur public ?: Mme COTTIER
Avocat(s) : LAURENT

Origine de la décision
Date de l'import : 27/10/2024
Fonds documentaire ?: Legifrance
Identifiant URN:LEX : urn:lex;fr;cour.administrative.appel;arret;2024-10-17;23ly00287 ?
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